Diane

Échapper à la surveillance de Henri n'a pas été chose facile. Le vieux Chasseur est venu me voir pour me poser tout un tas de questions sur mon adaptation à la vie de Chasseur, sur l'entrainement intensif... Je sais que c'est très gentil de sa part de s'inquiéter pour moi mais il a beaucoup compliqué mon évasion. 

Bien que normalement tout Chasseur peut circuler comme bon lui semble entre le château et Venator, mon père a insisté auprès de l'ordre des Chasseurs que je ne sorte pas de l'enceinte protégée. Je suis donc en quelque sorte prisonnière dans ce château. Je trouve cette mesure extrêmement dure. Je sais que mes parents font ça pour ma sécurité mais j'ai vraiment envie de changer d'air là ! Et puis qu'est-ce que je risque ? Ma magie ne s'est plus réveillée en pressentant un danger depuis que je suis ici. Cette traîtresse vampire a dû laisser tomber. 

Après avoir fait mon sac et avoir réussi à échapper aux questions de Henri, je rejoins Héloïse sur le parking du château. Celle-ci est adossée à sa voiture, une petite Clio rouge et semble agacée. 

- Tu en as mit du temps !

- Désolée, Henri voulait me parler.

- Pourquoi ? Il sait que tu pars ? Si il est au courant, on est mal !

- Non, non c'est bon j'ai réussi à me débarrasser de lui sans éveiller de soupçons. 

- Et bien, jamais je n'aurais pensé que tu puisses mentir ! Se moque-t-elle.

- Bon on y va à cette fête ? 

Elle hoche la tête puis désigne le coffre de sa voiture. Sérieusement ? Je dois vraiment aller la dedans ?

- Dépêche-toi si tu ne veux pas te faire chopper !

Avec un soupir de résignation je monte dans le coffre, mon sac avec moi. Héloïse referme le coffre et une minute plus tard je sens la voiture avancer. 

Je suis à l'étroit là-dedans. Mes pieds sont recroquevillés contre ma poitrine. Je peine à respirer, l'air se fait rare. Il fait tout noir ici et j'ai peur de faire une crise de claustrophobie. Je ne vais pas pouvoir rester comme ça trop longtemps. 

Je sens la voiture ralentir devant la patrouille de contrôle. Fort heureusement elle ne vérifie que l'identité de la Chasseuse et ne fouille pas la voiture. Les Chasseurs sont laxistes pour les voitures sortantes, en revanche je n'aurais pas cette chance au retour. Les voitures sont fouillées et un radar permet de détecter toute intrusion ou objet bizarre. Les Chasseurs ne veulent prendre aucun risque, après tout il s'agit de leur QG. Mais si je me fais prendre au retour ce n'est pas trop grave. Oui je serais punie mais au moins j'aurais eu une super soirée !

Nous passons donc sans problème le portail du château. Quelques minutes plus tard, la voiture s'arrête. J'entends des pas se rapprocher avant que le lumière ne jaillisse. Je cligne des yeux, incapable de voir quelque chose tant la lumière du jour m'agresse. La silhouette d'Héloïse finie par apparaître devant moi. 

- Tu comptes rester ici ou tu veux venir devant avec moi ?

Je m'empresse de sortir du coffre et monte à l'avant de la voiture. Héloïse s'assoie à coté de moi et démarre. 

Le voyage se fait en silence au début. Je n'ose pas engager la conversation, il faut dire que la Chasseuse m'intimide quelque peu. Au bout d'un moment elle fini par me parler. Finalement nous parlons pendant les deux heures du voyage. 

J'en apprends énormément sur elle. Elle est vraiment différente de ce à quoi je m'attendais. Même si elle est un peu brusque dans sa manière d'être et de parler, c'est une fille au grand cœur. Je découvre avec surprise qu'elle est plus âgée que moi. En effet, la Chasseuse a 23 ans. Pourtant, sa petite taille svelte et son regard d'ambre innocent lui donnent un air plus enfantin. Comme quoi il ne faut pas se fier aux apparence. 

Elle m'apprend aussi qu'elle est orpheline, sa mère était une Chasseuse et son père un humain. Lorsque son père est décédé d'une suite d'un cancer, sa mère a enchaîner mission sur mission avant de se faire tuer, laissant sa fille de 13 ans seule. Héloïse a ensuite emménager au château et y a découvert une nouvelle famille.

- Nous n'avons jamais été proches de toute façon avec ma mère. Je m'entendais beaucoup mieux avec mon père. Je ne lui en veux pas de s'être totalement adonné au travail quand il est mort, il était tout son monde. Et puis, au château j'ai rencontré des gens fabuleux qui suffisent à me rendre heureuse. 

- Je comprends. 

Je ne sais pas trop quoi dire. J'ai eu une enfance très heureuse, mes parents m'ont toujours donné énormément d'amour. Je décide alors de lui parler à mon tour de mes problèmes. Je lui raconte comment je me suis toujours sentie en décalé par rapport aux autres sorcières et surtout par rapport à ma mère, je lui parle de mes sentiments d'insécurité, de mon manque de confiance en moi qui me ronge, de mes crises de paniques qui surviennent quand mon sentiment d'inutilité prend le dessus, de mon manque d'estime en moi et de mes dépressions.  

Elle m'écoute en silence, sans m'interrompre. 

- Moi je ne pense pas que tu sois quelqu'un de faible, fini-t-elle par dire, tu as le courage de continuer d'avancer, tu n'as pas abandonné le programme d'entrainement alors que tu essuyais coup après coup. Tu as même progressé bien plus vite que la moyenne ! Peut-être que tu es moins bonne que d'autres sorcières mais tu as d'autres capacités exceptionnelles ! Nom d'un loup, tu as bien failli m'embrocher avec une flèche alors que tu ne t'étais jamais entraîné avant !

Elle me sert une mimique faussement catastrophée qui me fait pouffer de rire. Elle a réussi à me faire sentir mieux, pourtant ce n'est pas chose facile ! 

Contre toute attente nous finissons par sympathiser. Et je lui pardonne la violence de notre première rencontre. 

Les paysages se succèdent. Je retrouve la forêt de pins encerclant Venator puis les terres arides du centre d'Aliumnos. Après avoir quitté le joyeux tumulte de la ville, nous avons pris une route menant à Benevento. Pendant une seconde j'ai hésité à demander à Héloïse de m'y conduire. J'avais très envie de revoir Marianne et Rakael. Mais ma mère aurait été immédiatement au courant et adieu la soirée ! 

Le soleil est bas dans le ciel lorsque nous arrivons près de la mer. Nous nous engageons alors dans un chemin de terre boueux qui débouche dix minutes plus tard sur une très belle plage. Le lagon est d'un bleu cristallin et scintille sous le coucher du soleil. On repère très vite un petit groupe de jeunes faisant les idiots sur la plage. Nous nous empressons de les rejoindre. 

- Héloïse ! Diane !

S'écrit Théophile en courant vers nous.

- C'est super que tu ais pu venir Diane ! Continue-t-il en nous prenant chacune par les épaules. 

Je rigole face à son enthousiasme, ça va être une très bonne soirée !

Quand on arrive devant le groupe, Lucas, Antoine et sa copine qui se présente sous le nom de Cloé nous font la bise. Antoine est en train d'allumer un feu de joie. Je vois plusieurs bouteilles de bière entreposées sur le sable fin. Je remarque qu'ils ont tous avec eux leur cape noire symbole de leur appartenance à l'ordre des Chasseurs. Je me demande si ils ont aussi pris des armes. Moi je ne suis partie sans rien, serais-je imprudente ? Mais n'appartenant pas à l'ordre, je ne suis pas sûre d'avoir le droit de posséder une arme de Chasseur. 

Quelque chose m'étonne. Cette plage est incroyable, elle est magnifique et pourtant, nous sommes seuls. 

- Comme se fait-il qu'il n'y ait personne d'autre ici ?

Tous les Chasseurs se regardent, le sourire en coin. 

- As-tu déjà entendu parlé de la "plage sanguinolente" ? Demande Cloé d'un air mystérieux.

Je fais signe que non. Théophile s'empresse de me donner des détails.

- Cette plage est surnommée "la plage sanguinolente" à cause d'une légende. Il paraîtrait qu'il y a de ça des centaines d'années, un groupe d'humains étaient venus faire la fête ici. Des vampires les ont sauvagement attaqué et n'ont laissé aucun survivant. C'était un tel bain de sang que même l'eau de la mer était devenue rouge. On raconte que depuis ce jour le groupe d'adolescents massacrés hante ces lieux. C'est pourquoi aucun humain ne vient jamais ici. 

Tout le monde éclate de rire devant l'air dramatique de Théo. Mais moi, cette histoire me fait froid dans le dos, j'ai comme un mauvais pressentiment.