Chapitre 14

Diane

Je dépose ma dernière paire de chaussettes dans mon armoire puis m'assois sur mon lit en soupirant. Je jette un regard circulaire à ma chambre. J'y ai mis un petit bizarre en défaisant mes valises mais je finirai de ranger plus tard. Pour le moment je veux retrouver mon père. Après avoir pris une douche et enfiler des vêtements confortables je sors de ma chambre. Je me retrouve dans un long couloir et je réalise que je n'ai aucune idée de où nous sommes arrivés tout à l'heure. Au hasard j'emprunte le couloir par la droite.

Je marche depuis une dizaine de minutes déjà et je ne reconnais toujours rien. Ahhhh, j'aurais dû plus prêter attention tout à l'heure. Je décide de faire demi tour mais deux couloirs et un escalier me font face. Impossible de me repérer. Non mais c'est quoi ce labyrinthe ! Je décide de prendre l'un des couloirs et après quinze minutes je me rends compte que je tourne en rond.
Je peste intérieurement. Comment papa a pu me laisser toute seule ici, il sait très bien que je n'ai aucun sens de l'orientation. J'en ai marre de ce château de l'enfer, je veux rentrer chez moi.

J'entends soudain du bruit devant moi. Je me dirige donc vers un escalier en colimaçon enfoncé dans une tour. Ici il fait très sombre, il n'y a aucune fenêtre, seuls quelques torches éclairent la petite tour. En suivant le bruit, je descends les escaliers. Le bruit résonne plus distinctement à mesure que je descends. Les escaliers me mènent à une grande salle haut de plafond. Devant moi deux capes noirs volent autour de deux hommes s'entraînant à l'épée. Le tintement des épées qui s'entrechoquent résonne dans la grande salle. Les deux Chasseurs se combattent avec force en virevoltant en une danse folle. Leurs lourdes capuches noires me cachent leur visage.

Je n'avais jamais vu des Chasseurs combattre avant et je dois avouer que la force avec laquelle ils assènent leurs coups m'impressionne. Ils vont tellement vite que j'ai dû mal à suivre leurs mouvements. Je suis hypnotisée par leur danse endiablée.

Soudain je croise le regard de l'un d'eux. Je vois de la surprise dans les yeux noisette du Chasseur. Le second profite de ce moment d'inattention pour frapper. Le Chasseur n'a pas le temps de parer le mouvement de son adversaire et tombe au sol. L'autre s'empresse de le désarmer et de pointer son épée sur la gorge de celui qui est au sol. La capuche de ce dernier glisse et le visage d'un jeune homme se révèle. Je lui donnerai la vingtaine, il a des cheveux bruns ébouriffés qui tombent sur son front large. Il est plutôt fin et même s'il n'est pas particulièrement beau il possède un certain charme. Il a un nez droit et une bouche mince. Il semble mécontent à en juger ses yeux noisette foudroyant son adversaire. 

- Toujours être concentré, assène le gagnant en enlevant sa capuche.

L'homme parait plus âgé, peut être la trentaine. Sans être beau, il dégage une telle puissance qu'il inspire le respect. Sa carrure est impressionnante. Il semble extrêmement stricte.

Il se recule et laisse le deuxième Chasseur se redresser et ramasser son épée. Puis tous deux se tournent vers moi.

- Qui es-tu ? Gronde le plus âgé.

Sa voix est dure et exigeante. Il me fait sérieusement peur celui-là.

- D...Diane Selm, euh, Diane Arcanus, bégayé-je.

Lorsqu'ils entendent le nom de mon père, les deux hommes se détendent immédiatement. Le plus âgé ne me regarde plus d'un air sévère mais désormais avec sympathie. Le plus jeune a l'air impressionné par mon nom.

- C'est vrai, s'exclame le premier Chasseur, Henri m'avait parlé de ta venue. Mais que fais-tu ici dans la salle d'entraînement ? Tu ne devrais pas être avec lui ?

- Si, réponds-je timidement. Mais je me suis perdue en voulant le retrouver au petit salon.

J'entends un petit rire provenant du second Chasseur ce qui me fait rougir de honte.

- Effectivement, tu n'y es pas du tout, réplique le plus âgé amusé. Théophile va t'accompagner.

Le dénommé Théophile acquiesce et range l'épée qu'il tenait toujours dans sa main sur une étagère prévue à cet effet.

- Tu viens ? Me demande-t-il puisque je ne bougeait toujours pas.

Je hoche simplement la tête. Je suis gênée qu'il se dérange pour moi. J'aurai préféré tenter de retrouver mon chemin par moi-même au lieu de me retrouver dans cette situation. Je suis vraiment nulle en terme de sociabilité. Je ne sais jamais quoi dire pour engager une conversation. Heureusement pour moi, c'est lui qui s'en charge.

- Alors comme ça tu es la fille du Traqueur ?

- Oui...

Je ne sais pas quoi rajouter. Ma gêne est à son comble lorsqu'il tente d'engager à nouveau la conversation.

- Quelle chance ! Ton père est mon héros ! Mes parents me racontent ses exploits depuis que je suis tout petit.

- Ah bon !

Mon dieu, je suis vraiment nulle. Il faut absolument que je trouve quelque chose à dire.

- Et toi ? Tu vis ici ? Lui demandé-je.

- Et bien, mes parents ont une maison dans Venator mais depuis que j'ai commencé l'entraînement intensif des Chasseurs je dors ici la semaine et rentre chez moi le week-end.

- L'entraînement intensif ? Qu'est-ce que c'est ?

- Tous les Chasseurs commencent leur entraînement très tôt, vers 7, 8 ans généralement. Et à partir de 15 ans on peut être sélectionné pour l'entraînement intensif qui forme les meilleurs Chasseurs. Comme l'entraînement prend tout mon temps c'est plus simple de rester au château.

Je suis impressionnée. Il n'a pourtant pas l'air particulièrement fort mais je sais qu'il ne faut pas se fier aux apparences.

Théophile nous emmène d'un pas sûr au travers du dédale formé par les couloirs interminables du château.
Il ralentie le pas lorsque nous arrivons dans une coupole richement décoré. Les murs sont peints en rouge tandis que l'intérieur de la coupole présente une couleur or. Une large porte à double battant se dresse au milieu de la pièce. De chaque côté de la porte des tableaux représentant des portraits de Chasseurs se succèdent.

- Voici la salle du Conseil, la salle la plus importante du château, m'explique mon guide en désignant la porte, c'est ici que sont prises les décisions les plus importantes, les départs en mission, etc...

Je hoche la tête en signe de compréhension. Théophile reprend sa route et je m'apprête à le suivre lorsque mon regard est attiré par l'un des tableaux décorant la pièce. Il est assez éloigné de la salle du conseil, presque à son opposé vers la fenêtre éclairant la coupole. Je m'y approche et y vois un Chasseur entouré de sa cape noire, une longue épée argentée dans sa main. Je reconnais immédiatement les traits de mon père.

- Il a vraiment fier allure sur ce portrait, déclare Théophile dans mon dos me faisant sursauter.

Je ne l'avais pas entendu s'approcher de moi.

- Allons-y, sinon Henri va t'attendre.

Je hoche une nouvelle fois la tête puis le suis après avoir jeter un dernier coup d'œil au portrait de mon père.
Nous reprenons notre marche dans les couloirs du château. Théophile tente encore de me parler mais fini par arrêter voyant que je ne continuai pas la conversation. C'est en silence que nous atteignons le petit salon. Je suis vraiment heureuse d'y arriver et de ne plus subir ce malaise. Le Chasseur toque doucement sur le panneau de la porte et entre. Je le suis a l'intérieur et trouve mon père et Henri assis autour d'une tasse de thé.

- Bonjour Henri, salue Théophile, bonjour Tristan c'est un immense honneur pour moi de rencontrer le Traqueur !

A cet instant il ressemble à ces groupies qui veulent absolument avoir un autographe de leur acteur préféré. Cela fait rire mon père qui se lève pour lui serrer la main.

- Et bien ça fait plaisir d'entendre ça ! Diane qu'est-ce que tu faisais ?

- Je me suis perdue, avoué-je me sentant rougir de nouveau.

- C'est vrai que tu as un très mauvais sens de l'orientation, me charrie mon père ce qui a pour résultat de me rendre encore plus cramoisie.

- Asseyez-vous mes enfants, nous invite Henri en désignant les fauteuils Louis XVI entourant la table basse. Tu as du temps Théo?

Le jeune Chasseur acquiesce et s'installe sur l'un des fauteuils puis sert deux tasses de thé. Il m'en tend une que j'attrape en murmurant un "merci" avant de m'asseoir sur le fauteuil voisin.

- Je vois que tu as déjà fais connaissance avec Théophile, reprend le vieux Chasseur. Tu verras qu'ici tout le monde est gentil et tu te sentiras vite chez toi.

J'ai envie de lâcher un "ça m'étonnerait" mais je n'ose pas. Je me contente de boire une gorgée de thé. Aïe, il est trop chaud, je me suis brûlé la langue.

Henri part alors dans un monologue où il explique la vie au Château, faisant des louanges au mode de vie des Chasseurs. Moi je ne pense qu'à ma forêt si verdoyante.

Je sens soudainement un petit coup dans mon tibia. Je relève la tête vers mon père qui le fait les gros yeux. Oups il a remarqué que je n'écoutais rien. Je le concentre donc pour tenter de reprendre le fil de la présentation.

- Recevoir une sorcière à Venator est donc une première. Tu pourras t'entraîner sur tes sorts dans une partie de la foret que je te montrerai. Essaie de ne pas sortir de ce périmètre, les Chasseurs n'ont pas l'habitude de croiser des sorcières en pleine activité. Tu pourras aussi assister aux entraînements des Chasseurs si tu le souhaites. Je pense sincèrement que c'est important que les différentes créatures apprennent à se côtoyer et en découvrent plus les unes sur les autres. 

Henri semble avoir fini de parler, alors je hoche la tête pour signifier que j'ai compris. 

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