5. La magie des nuits d'Orient
C'est cette nuit d'Orient que notre aventure a véritablement commencé.
Alijah descendit prudemment le long escalier qui menait au fond des entrailles du désert. Les marches étaient faites de sable froid. Tout était silencieux autour d'elle. Seul Nobu claquait des dents, effrayé par cette nouvelle péripétie, ce nouvel événement. Il avait faim, il était fatigué (de quoi ? Aucune idée), il voulait rentrer chez lui. Il n'avait rien demandé et se retrouvait dans un pétrin inconnu à cause de son amie ! Non, à cause d'un prince rencontré au marché plus tôt dans la journée ! Il souhaitait qu'elle fasse demi-tour... Quoique, la récompense, le trésor évoqué par le vieillard, semblait très alléchante... Finalement, si c'était pour devenir riche, ça valait le coup de se mettre en danger ! Il espérait d'un coup qu'Ali' accélère le pas : plus vite elle accomplirait sa mission, plus vite ils remonteraient à la surface ! Il resta caché, accroché à la longue chevelure de son amie et regardait de temps en temps au-dessus de son épaule pour vérifier leur avancée. Quand ils atteignirent la fin de l'escalier, ils n'eurent pas d'autre possibilité de chemin à suivre qu'un tunnel au bout duquel brillait une nouvelle entrée. Alijah suivit la lumière, lentement, attentive au moindre bruit. Quand elle arriva au bout, elle marqua un temps. Ses yeux brillaient. Étonné de l'immobilité de son amie, Nobu jeta un coup d'œil devant eux. Et fut ébloui !
Une véritable gigantesque salle de trésors se trouvait là ! Des montagnes de pièces d'or, des coffres débordant de bijoux, des pierres précieuses, que de merveilles étincelantes, produisant plus d'éclat dans cette grotte que le soleil en plein jour.
- Ça alors... Nobu, regarde : rien qu'une poignée de ce trésor me rendrait plus riche qu'une sultane !
Le singe salivait ! Il se précipita vers l'or et prépara un plongeon, quand Alijah lui cria :
- Nobu, arrête !!
Les patte brandies vers un petit miroir en nacre, Nobu ne fit plus un geste, retenu par la sévérité de la voix de son amie.
- Qu'a dit l'homme ? Ne touche à rien du tout ! Il faut trouver cette lampe...
Obsédée par sa mission, Alijah ne pensa pas à toucher à une seule pièce de ce trésor. Elle ne s'étonna pas du fait qu'on lui ait ordonné de simplement lui ramener un banal objet, pour la ''rendre riche'', plutôt qu'un des nombreux coffres remplis de joyaux présents ici. Elle traversa l'immense pièce dorée, en jetant des regards à Nobu qui avançait juste derrière elle, assez agacé de ne pouvoir prendre quelques pierreries pour les exhiber devant les mendiants et les soldats d'Abraca. Alors que notre héroïne se demandait où pouvait être cachée une lampe, son animal vint lui tirer le bas de son sarouel.
- Non, Nobu, on ne touche à rien.
Mais il s'agitait, paniqué, et lui désignait un grand tapis bleu roulé, debout, appuyé sur des jarres en porcelaine. Ali' haussa un sourcil :
- Oui, tout est beau, mais nous devons nous concentrer un peu.
Elle reprit son chemin. Elle était véritablement dans un labyrinthe de tas de pièces ! Allait-elle retrouver son chemin ? Pourquoi toutes ces richesses étaient-elles cachées ici et pas dans des cales de bateaux de pirates ? Nobu la surprit en montant subitement sur son crâne et en poussant d'insupportables cris !
- Nobu ! Enfin, calme-toi ! Qu'est-ce qu'il t'arrive ?!
Le macaque s'excitait, tremblait, la patte pointée de nouveau vers le tapis... Déroulé. Il avait des motifs violets et dorés et des pompons à ses quatre coins. Alijah resta un instant immobile, pensive. Puis elle fit rapidement quelques pas et se retourna : le tapis s'était levé et l'avait suivi ! Démasqué, le tapis freina et se cacha derrière une armure argentée ! Alors que Nobu était au bord de la crise cardiaque, Alijah éclata de rire !
- Un tapis volant ! Quelle merveille ! Ça existe vraiment ?! Ha ha !
Étonné par cette réaction, Tapis (car c'est ainsi que fût nommé le tapis) sortit lentement de sa cachette et détailla l'humaine. Rien que le son de son rire enfantin lui fit tout de suite l'adorer. Celle-ci lui faisait signe d'approcher :
- Viens.. N'aie pas peur... Nous ne te ferons aucun mal...
Tapis était privé de la parole, mais il était doué d'une forte intelligence et ses mouvements faisaient de lui une créature unique en son genre ! (je l'adorais !!) Il flotta dans les airs et avança vers Alijah. Fascinée, elle caressa sa surface. Il quémanda des gratouilles, comme un chiot ! C'est ainsi qu'ils firent connaissance.
- Tu peux peut-être nous aider : nous cherchons une lampe. Sais-tu où elle est ?
La partie devant de Tapis s'abaissa et remonta vivement, comme un humain qui hoche la tête. Puis, trop heureux d'avoir de la compagnie et de rendre service, il s'élança à travers les montagnes de pièces. Alijah le suivit sans hésiter.
Ils s'enfoncèrent plus profondément dans la caverne et s'éloignèrent de la brillance de la pièce aux trésors. Ils suivirent un nouveau long couloir, dont l'entrée était un vieux temple aux colonnes couvertes de lierre séché. Ils arrivèrent sur un vaste terrain vide sombre comme la nuit. Il y avait un grand lac d'eau claire parfaitement cylindrique mais pas plus profond qu'une flaque. C'est là, qu'en haut d'un grand rocher planté au milieu, qu'Alijah perçut l'objet convoité. Il était mystérieusement éclairé par un rayon argenté semblant provenir du haut à peine perceptible de la caverne (non mais je vous jure, qui eu l'idéede planquer cette lampe ici !? (je ne vous dirai rien)). Alijah fit une caresse de reconnaissance au tapis, dit à ses deux compères de l'attendre, prévint Nobu de ne pas bouger d'un poil et s'avança. Arrivée au pied du rocher, elle distingua des échelons gravés dedans menant jusqu'en haut. Elle inspira un grand coup, tressa grossièrement ses longs cheveux pour ne pas être gênée durant sa montée et commença l'escalade.
Il régnait un silence angoissant au fin fond de cette grotte souterraine, à tel point qu'Alijah était certaine d'entendre son sang circuler dans son corps. En se hissant toujours plus haut, elle pensait au prince pour se donner du courage. Elle retint un sourire en imaginant le revoir bientôt. La fortune qui se trouvait en ces lieux était pareille à celle promise par le vieillard si elle réussissait sa mission. Iront-ils se servir dedans après avoir récupéré cette lampe ? Était-elle la clé ? Ou valait-elle tout l'or du monde ? Elle vida toutes ces questions de sa tête une fois parvenue à hauteur de la lampe. Elle jeta un coup d'œil autour d'elle pour vérifier que c'était bien sans danger, attrapa du bout des doigts la lampe et la souleva. Tout était tranquille. Alijah examina l'objet entre ses mains : il s'agissait vraiment d'une classique lampe à huile en bronze. Tout ce chemin pour ça. Elle sourit de sa victoire. Elle se retourna et montra sa réussite. Le tapis ondula pour la célébrer. Pas peu fière, Ali' fit balancer la lampe par la hanse au bout de son index. Puis un détail l'affola : il n'y avait personne à côté du tapis (pour danser avec lui !) !
- Où est Nobu ?
Le tapis sursauta et regarda partout, en vain ! Alijah, la lampe plaquée sur sa poitrine, dévala les échelons de pierre en quatrième vitesse, lorsque la voix de la tête de tigre en sable gronda :
- Infidèles ! Vous avez touché au trésor interdit !
La sévère voix résonnait et semblait venir de partout. Alijah frissonna.
- Jamais plus vous ne reverrez la lumière du soleil !
C'est alors que toute la caverne se mit à trembler ! Elle se refermait ! Le halo de lumière disparut ! Alijah reprit sa course, trébucha et, avant qu'elle ne s'étale de tout son long, tomba sur le tapis, venu se glisser sous elle devant une telle situation. Puis ils firent demi-tour le plus vite possible !
- Nobu !! appela Alijah. Nobu, où es-tu ??
Ils revinrent en trombe dans la salle des trésors et slalomèrent entre les grands tas de pièces sans les toucher, à la recherche du singe ! Ce dernier, qui avait également entendu la voix et qui était évidemment responsable de tout ça, était recroquevillé, des diamants pleins les pattes et une couronne sur la tête ! Il poussa de grands cris terrorisés en apercevant son amie voler à sa rescousse.
- Nobu ! Vite !
Le singe bondit sur Alijah quand le tapis arriva à sa hauteur ! L'ingrat osa geindre dans ses bras, alors que tout était sa faute ! Il n'avait pas résisté à l'envie de plonger, pour une fois dans sa (misérable) vie, dans une montagne de pièces d'or. Le tapis se rua dans le couloir pour rejoindre la sortie tandis qu'une ombre sembla passer sur les trésors, effaçant leur brillance. Le couloir rétrécissait alors que le tapis progressait dans sa course, vivement encouragé par ses amis. Mais, au seuil, les murs se refermèrent d'un seul coup, enfermant les trésors et coinçant le derrière du tapis ! Si brutalement stoppé dans sa course, il éjecta sans prévenir ses passagers dans l'escalier de sable.
Alors qu'Alijah se retourna pour lui adresser un dernier regard, les dernières marches commencèrent à se désintégrer, comme un vulgaire château de sable sur la menace d'un vent violent ! Alijah cria, se remit sur pieds, attrapa la lampe qui lui avait échappé, la fourra dans sa poche et grimpa l'escalier quatre à quatre. À chaque pas, elle entendait comme des coups de tonnerre, la grotte s'obscurcissait et elle sentait l'escalier se dissoudre derrière elle ! Elle donna tout ce qu'elle put, trébucha plusieurs fois, mais, aux dernières mètres, touts'effondra ! Grâce à son élan, elle tomba le long de la caverne et parvint à se rattraper à la paroi rocheuse. Elle escalada alors difficilement le mur jusqu'à la sortie, alors qu'elle n'y voyait pratiquement plus rien.
À l'extérieur, une tempête menaçait. Le vieillard (Rafar, donc) s'impatientait : la tête de tigre devant lui mouvait et sa gueule était prête à se refermer. Il maudit la fille d'avoir désobéi et provoqué la colère du désert. Il s'approcha de l'ouverture dans la dune et aperçut Alijah grimper à sa rencontre. Il poussa un cri de joie. Alijah le vit :
- Aide-moi !
Nobu monta sur le crâne de son amie et fit de grands signes au vieillard pour qu'il se dépêche. Ce dernier tendit la main et ordonna :
- Donne-moi la lampe !!
- Je vais lâcher prise !
- Envoie-moi d'abord la lampe !!
Alijah se suspendit à une main pour saisir la lampe dans sa poche et se hissa aussi haut qu'elle put pour la lui passer. Nobu vint s'accrocher à son poignet avec sa queue, attrapa la lampe et se dressa de toute sa hauteur pour la tendre plus haut. Le vieillard retrouva miraculeusement toute sa jeunesse et se pencha bien assez pour saisir l'objet tant convoité ! Il se redressa et éclata d'un rire démoniaque ! Il avait emporté le singe, fermement accroché à la lampe, et le dégagea d'une secousse ! Enfin ! Il l'avait !
- OUI !!! Ha ha ha ha !! La lampe !!
Un éclair illumina le ciel. Rafar crocha précieusement sa convoitise à sa ceinture et, son euphorie passée, retourna à notre héroïne, qui peinait à s'extraire des ténèbres de la caverne. En ricanant, il s'approcha d'elle, la saisit par la natte et la soutint ainsi au-dessus du vide !
- Qu'est-ce que tu fais ?!
- Je te donne ta récompense... souffla-t-il. Hé hé, ton éternelle et irrévocable récompense ! La liberté... Par la mort, hé hé hé !!
Sur ce, il sortit un yatagan immaculé de ses haillons et le brandit, paré à le planter dans la gorge sans défense de sa victime ! Alijah n'eut pas le temps de réagir : Nobu s'était jeté sur la menace et lui avait mordu le bras ! Sous la douleur, Rafar relâcha Ali', qui tomba dans le gouffre en lâchant un cri aigu. Il chopa le macaque par la queue et le jeta sans hésiter à la suite de la jeune femme !
Ali' dégringola le long de la falaise, si près de la paroi qu'elle s'y cogna la tête et s'assomma. Son corps continua de tomber. Tapis, à force de tirer, parvint à s'extirper du piège et vola à son secours. Il la réceptionna mais, épuisé, ne fit que ralentir la chute au lieu de l'arrêter. Puis Nobu s'écrasa à son tour sur la carpette et tous les trois atterrirent sans douceur sur les petites dunes de sable qui avaient formées les marches. Puis tout devint noir.
Le visage du tigre fondit et se renfonça dans le sable. L'entrée de la caverne n'était plus. Les entrailles du désert s'étaient refermées.
Rafar, qui s'était éloigné avant d'être à son tour enterré dans le sable, observa le sol, puis les alentours. Rien. Comme s'il ne s'était rien passé. Tout était redevenu calme. Parfaitement calme. Une nuit d'Arabie ordinaire. Il se remit de ses émotions et se débarrassa de son ridicule accoutrement. Il gloussait :
- Elle est à moi... Elle est tout à moi ! Le pouvoir...
Il tâta sa ceinture, perplexe. Il n'y sentait rien.
- Où est-elle ?!
Il enleva et secoua sa ceinture, fouilla tous ses vêtements, tourna sur lui-même... La lampe avait disparu ! Et son regard s'arrêta sur le sable à ses pieds.
- NON !!!
. . . . .
- Jazmin ? Je peux entrer ?
Le sultan n'allait jamais dans les appartements de son fils. Il ne lui rendait jamais visite, ni ne le dérangeait. Pourtant, ce soir-là, il dit aux gardes de s'éloigner et de lui ouvrir les portes de la chambre de son dernier fils. Sa fugue l'avait terriblement inquiété toute la journée et quand il était rentré, il n'avait parlé à personne, ne s'était point expliqué, il était retourné dans sa chambre sans avaler la moindre nourriture... Le sultan ignorait quoi faire. Il n'avait jamais été proche de son fils. Il le regrettait... Depuis la mort des leurs, il l'avait entouré de gardes, de précepteurs et d'une féroce tigresse, et laissé à ses obligations tandis qu'il vaquait aux siennes... Il n'avait pas été un père attentif et s'en voulait maintenant. Sa disparition le lui avait fait comprendre. Mieux vaut tard que jamais. Il se sentait responsable de trop de choses... Il avait si peur de le perdre lui aussi qu'il le gardait enfermé jusqu'à son mariage. C'était si difficile pour lui de le regarder et de ne pas voir en lui son épouse, ses fils et sa fille perdus...
- Jazmin ? Mon petit prince ?
Il n'avait pas utilisé ce surnom depuis des années. Il avança dans la chambre, plongée dans la pénombre, jusqu'au lit. Impeccablement fait.
- Jazmin ?
- Je suis là... fit une voix étranglée.
Le sultan se tourna vers la fenêtre : de l'autre côté du balcon, face aux fenêtres ouvertes, le prince était allongé sur un divan. Ses yeux brillaient en direction de la lune. Naya le recouvrait, son corps sur ses jambes et sa tête sur son ventre. Elle le veillait. Le souverain vint vers eux et passa tendrement sa main dans les doux cheveux de son héritier. Ce dernier ne bougea pas d'un cil.
- Jazmin, mon chéri...
Il fit le tour du divan et alla s'asseoir sur le bord. Son fils avait l'air complètement effondré.
- Qu'y a-t-il ?
Le prince ne s'était jamais confié à son père. Il n'en avait jamais eu l'occasion, ils étaient tous deux toujours trop occupés pour se parler. La sultane était plus douée pour comprendre et partager les sentiments, mais depuis qu'elle n'était plus là... Jazmin avait toujours ressenti un vide en lui et une inconnue l'avait comblé en une après-midi... Mais à présent ce vide était devenu un gouffre. À cause de... Il renifla et se redressa. Son père l'aida, pour se rapprocher et l'inciter à lui parler de ce qu'il n'allait pas. Jazmin inspira un grand coup et révéla :
- C'est Rafar... Il a fait quelque chose d'horrible...
Le visage de sa sauveuse lui revint en mémoire et il éclata en sanglots dans les bras de son père.
. . . . .
Loin du palais, dans les profondeurs du désert, allongée sur le tapis, gisait Alijah, à demie recouverte de sable. Son compagnon à poils couina en la voyant dans cet état, puis vint lui donner de petites tapes sur la pommette et lui secouer légèrement l'épaule. Il était terriblement déçu de ne plus avoir accès à la salle des trésors et d'être enfermé dans un grand trou vide. Alijah ouvrit un œil, toussa et porta sa main à sa tête en grimaçant. La sentant remuer, le tapis se releva et inspecta les environs : ils étaient coincés ! Alijah s'assit en se massant et leva les yeux. Ils étaient à des centaines de mètres du plafond. Elle fronça les sourcils et jura :
- Ah, le traître ! Fils de chacal !!
Nobu l'imita et cracha sur le sable comme s'il s'agissait du visage de l'homme qui les avait mis dans ce pétrin ! Son amie souffla, défaite :
- Eh bien, nous voilà dans de beaux draps. Lui est sûrement très loin d'ici avec sa lampe...
Nobu gloussa. Les autres se tournèrent vers lui. Le singe sourit puis... Sortit la lampe évoquée de nulle part !
- Ha ha, petit voleur ! Je vois que l'élève surpasse le maître ! félicita la jeune femme.
Elle prit la lampe, la soupesa et la montra à ses amis.
- Tout ça pour une simple lampe, c'est une blague ? Pourquoi la voulait-il à ce point ? Hé, je crois qu'il y a une inscription dessus, mais... Je n'arrive pas bien à...
Adorable ; elle ne savait pas lire mais voulait essayer. Elle frotta la lampe.
Si tôt qu'elle fit cela, la lampe bougea dans sa main et s'illumina ! Un feu d'artifice jaillit de son bec et alla ricocher sur les parois de la caverne. Effrayés, l'animal et la carpette allèrent se planquer, tandis qu'Ali' se redressa de stupeur, n'osant pas lâcher la lampe qui ne cessait de vibrer et d'envoyer des jets de couleurs. Une épaisse fumée finit par en sortir, dans une pluie d'étincelles et un concert de clochettes, et s'éleva, révélant (et réveillant !) une nouvelle créature !
Et c'est là.
Qu'enfin.
J'apparus !
Mon étirement provoqua un craquement de nuque qui m'arracha un petit cri. Dix millénaires, ça vous flanque un de ces torticolis ! Endormi depuis tant d'années, je n'en avais pas oublié mes manières : je me baissai vers celle qui m'avait réveillé et la détaillai : elle avait les yeux écarquillés de surprise et la bouche grande ouverte !
- Bon sang, que c'est bon de prendre un peu l'air ! Bonjour, bonsoir à tous, comment s'appelle notre élue ?
Elle mit quelques instants à comprendre que je m'adressai à elle.
- A-Alijah...
- Alijah ! Merveilleux, Alijah !J'peux t'appeler Al' ? Ou Ja-jah ? Ou Ali' ?
C'est de là d'où venait son surnom.
- À moins que tu ne préfères Maître, Maîtresse, comme tout le monde ?! Et le singe, comment il s'appelle ?
Nobu venait discrètement de se faufiler derrière le mollet d'Ali'. Mais je l'ignorai tout de suite après avoir aperçu...
- Oh, le tapis !! Comment ça va ? T'as l'air en forme, wouah wouah wouah, regardez-moi ça, pas un grain de poussière et pas un seul fil d'effiloché ! T'es sublime !
La carpette, que je n'avais pas vu depuis que nous avions été enfermés ici il y a des siècles, vint me faire la fête comme un bon animal de compagnie !
- Tu la connais ? Tu le connais ? Vous vous connaissez ? Ha, la super équipe qu'on va faire !
J'étais très très en forme. J'examinai de nouveau Ali'.
- Tu es un peu plus grande que mon dernier maître, mais il était plus vieux, il était tassé !
- Ton... Maître ??
- Oui, oui. Et moi, je te conviens ? Mon physique te plaît ? Je peux me faire femme...
Je me transformai en femme ! En femme pirate, puis en reine, puis en soldate, puis en soubrette !
- ... Ou en animal, mais t'en as déjà un ! Quoique, je peux être bien mieux que ce primate. C'est toi qui décides ! Comme tu veux, comme tu le souhaites, Maître Ali' !
- Attends, attends, attends ! Je suis... Ton maître ?
- C'est qu'elle apprend vite, championne !!
Je pensai être tombé sur une flèche... Je me trompai. Mais, vous savez, qu'importe le maître, je lui devais respect et flatteries !
- Je suis à ton service, que veux-tu souhaiter ? Je sais tout faire, rendre plus fort, plus beau, plus malin, plus riche, je peux te donner tout ce que tu veux car je suis...
Au fil de ma présentation, je me transformai successivement, grâce à mon incroyable magie, en champion de boxe, en conquistador richement vêtu, en scientifique...
- ... Le Génie de la lampe !!
Comme personne ne daigna de le faire, ce furent mes propres applaudissements qu'on entendit résonner. Je repris ma forme originelle et attendit que ça monte au cerveau de mon nouveau maître avec un grand sourire.
- ... Pardon ?
- Le Génie de la lampe ! La lampe magique ! La lampe que tu as frotté ! Tu m'as appelé, tu es mon maître ! Tu ne sais pas ce qu'est un génie ?
- Ça... Exauce les souhaits ?
- Encore gagné ! Trois, pour être précis ! Et pas un de plus ! Trois : un, deux, trois ! One, two, three ! Uno, dos, tres ! Ni repris, ni échangés, ni remboursés !
- ... Mince, je me suis sûrement fait plus mal que je ne le pensais...
- Tu as mal quelque part, que puis-je pour toi, pour t'apaiser, te faire du bien ?
- Je dois rêver...
- Non, non, non... Installe-toi et laisse-moi te réexpliquer ! Je ne pense pas que tu aies vraiment pigé ce que j'ai à t'offrir ! Le Génie de la lampe va éclairer ta lanterne !
En un claquement de doigts, je fis apparaître un petit salon de thé, poussai Ali' dans un sofa et Nobu dans un coussin et fis mine d'utiliser ma lampe comme théière, d'où sortit une pluie de paillettes.
- Ali Baba avait quarante voleurs, Shéhérazade mille et une histoires de cœur et, toi, t'es plus forte car tu possèdes un truc qui qui vaut de l'or ! Tu as juste à frotter ma lampe et moi j'arrive et dis "Maîtresse Ali', je vous offre aujourd'hui" et tu choisis la suite ! Un dessert ?
Des éclairages et un banquet apparurent avec une multitude de gâteaux et de fruits frais ! Nobu se jeta dessus !
- C'est un plaisir de vous servir, Seigneur, je suis à votre service, ordonnez ! Je peux vous offrir de tout car je suis votre meilleur ami !
Je m'emballai un peu, mais j'étais si excité de démontrer toute l'étendue de mes pouvoirs ! Un orchestre apparut et joua un morceau pour accompagner mes explications (et mon show !) ! Je redonnai ma lampe à Alijah, ébahie.
- Je suis un génie ! Un grand magicien !
Je me changeai en magicien avec une grande cape et un chapeau haut-de-forme que j'ôtai.
- Mon tour favori ? Le coup du lapin !!
Une famille entière de lapins sortit du chapeau et partit gambader partout dans la cave.
- Je peux aussi...
Un groupe de séduisants danseurs apparut derrière Alijah et la firent danser. Maladroite, elle se laissa guider, avant de se rendre compte qu'elle portait une énorme robe de ma création et de lourds bijoux étincelants sur chaque membre ! Elle n'en revenait toujours pas !
- Remonte ta mâchoire ! T'as l'œil hagard ! J'ai le pouvoir d'exaucer tes prières ! Je suis garanti diplômé, certifié, tu as un génie comme chargé d'affaires !
Des montagnes d'or, encore plus brillantes que celles de la salle aux trésors, apparurent.
- Je t'appuierai, te soutiendrai ! Quel est ton vœu, dis-moi quel est ton souhait ? T'as déjà fait ta liste, ok, banco ! Je suis ton génie, je suis ton ami, je suis ton meilleur ami !
Tout éclata en feux d'artifices et disparut ! Comme c'était bon d'enfin se défouler !!
- Alors, ce sera quoi en premier, Maître ? demandai-je en examinant mes ongles.
- Pour de vrai ? J'ai droit à trois souhaits et je peux te demander n'importe quoi ?
- Oui, Maître ! Enfin, oui, quasiment ! Il y a quelques interdictions, des règles, des choses et d'autres...
- C'est-à-dire ?
- Règle numéro une : je ne peux assassiner personne ! Règle numéro deux : je ne peux malheureusement pas obliger les gens à tomber amoureux ! Règle numéro trois : je ne ressuscite pas les morts ! Voilà, trois règles ; on ne joue ni avec la vie, les sentiments et la mort d'autrui ! Mais à part ça, tout ce que tu veux !
Après avoir enchaîné mes tirades et mes numéros, je m'affalai sur un nuage conçu par moi, en attendant le premier vœu de mon maître. Enfin, de ma maîtresse. Elle parut réfléchir... Puis elle échangea un regard avec le singe.
- Un génie... Tu as vu ça, Nobu ? Que de paroles mais aucun pouvoir ! Et cette histoire de souhaits !? Tu parles, je suis sûre qu'il est autant coincé que nous au fond de cette cave ! C'est pas lui qui nous aiderait à y sortir ! Il ne peut même pas ramener les morts à la vie ! Tant pis, nous allons devoir trouver une sortie nous-mêmes...
J'entendis le singe siffloter et c'est ça, je crois, qui m'agaça le plus !
- Hum, hum, excuse-moi, tu peux répéter !? interrompais-je. Non mais tu m'as bien regardé ?! T'as vu mon show !? Tu as frotté ma lampe, tu m'as réveillé, appelé ici et tu veux partir maintenant que je suis là ?! Je ne crois pas, non ! Tu as trois souhaits à exaucer, alors on y va !!
Je m'énervai tant que je sautai à pieds joints dans son piège ! J'installai tout le monde sur le tapis en un éclair, je pris les commandes et en un tour de main, alors que les lueurs de l'aube fendaient l'horizon, nous étions dehors !
Notre aventure commençait !
«... Tout ce qui te chante, tu peux l'avoir en frottant cette lampe...»
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