4. Un jour, je prendrai un nom de plume


   C'était un beau jour de marché.

Des étalages, par centaines, s'étaient installés dans toute la cité, le long des rues. Toutes les tablées présentaient des mets, des curiosités, des petits animaux, tous les citoyens se pressaient autour. Rien d'inhabituel pour Alijah, qui déambulait parmi la foule, Nobu perché sur son épaule. Il regardait les brioches et les épices présentes avec des yeux brillants. Alijah lui intimait le calme par des petites tapes sur les pattes. Ils étaient juste ici pour déjeuner, rien d'autre. Ils firent un petit tour ; Nobu alla agacer un marchand pour détourner son attention, afin que sa complice chipe une miche de pain. L'opération accomplie avec grand succès, ils s'éloignèrent malicieusement des groupes de clients pour aller s'installer sur le bord d'une grande fontaine publique. Assise, Alijah partagea le pain en deux parts égales, en donna une à Nobu, et commença à manger l'autre. Le sapajou mâcha bruyamment la bouche ouverte en scrutant les passants, paré, comme toujours, à jouer un mauvais tour au premier qui exhiberait un sou devant lui. Alijah soupira d'aise en finissant son croûton ; elle n'aurait rien à voler avant le sur-lendemain, elle était rassasiée. Elle se rinça les mains dans l'eau claire de la fontaine et se mouilla la nuque et le front, pour se préparer à la chaleur du jour.

Quand elle releva la tête, elle aperçut un jeune homme avancer prudemment de l'autre côté, à la haute silhouette dissimulée sous une large cape sombre. Elle fut attirée par ses beaux yeux clairs, soulignés par d'épais sourcils bruns parfaitement dessinés, que sa peau ébène faisait ressortir. Elle ne l'avait jamais vu à Abraca. Elle en était sûre ; elle passait sa vie dehors, croisait toujours les mêmes têtes, se faufilait partout... Il était peut-être de passage. Elle le suivit du regard, incapable de se concentrer sur autre chose pour le moment. Il observait le marché et sa foule, fasciné. Puis il inspira un grand coup avant de se fondre dans la masse. Sans parvenir à se contrôler, elle se leva et partit à sa suite, aussi discrète qu'une salamandre hypnotisée.

Le jeune homme, qui n'était autre que le prince Jazmin, déambula parmi les étalages du grand marché, avec une lenteur qui agaça ceux derrière lui. Il fut bousculé, doublé, poussé, accosté... Chaque fois, il renfonçait un peu sa tête dans ses épaules, replaçait sa capuche, de peur d'être reconnu. Il craignait que des gardes ne soient dépêchés sur place, lancés à sa recherche. Il avait quitté le palais juste avant l'aube, il ignorait à quel moment sa disparition s'était faite remarquer mais il se doutait qu'il n'avait pas beaucoup d'avance. Qu'on lui laisse un jour, quelques heures de répit ! C'était tout ce qu'il souhaitait. Il était un peu navré de ne pas avoir laissé de mot pour son père, mais que lui aurait-il écrit ? ''Je pars, merci pour tout, à la revoyure'' ? Il ne se sentait plus chez lui au palais, il était toujours seul, attendant d'être marié. Cela ne lui convenait plus. Il était ignorant du monde de dehors. Il voulait découvrir le monde, rencontrer des gens, leur parler, apprendre d'eux, s'ouvrir aux autres, faire tout ce qu'il lui était impossible de comprendre seulement en lisant des essais philosophiques. Rien qu'un jour ! Une seule petite journée ! Et cela devait commencer par l'exploration de sa cité ! Il était si petit la dernière fois qu'il avait traversé Abraca, il ne s'en souvenait guère ! La couleur des bâtiments, la poussière des allées, les cris, les rires, les odeurs, les divertissements, la vie, la liberté ! Ne plus être enfermé lui procura un si grand bien qu'il se détendit. Il se rendit compte qu'il avait rêvé de ce moment toute sa vie. S'il se faisait arrêter, il dirait que sa fugue n'était qu'une promenade pour mieux s'enrichir de la culture de son peuple, comme tout bon futur sultan ! Il ne voulait plus observer le monde que par sa fenêtre.

Mais si tout n'était pas comme il l'avait rêvé...

- Meilleurs prix, meilleurs prix !

- Dattes, dattes, qui veut de belles bonnes dattes toutes sucrées ?!

- Approchez, vous ne trouverez pas mieux de toute l'Arabie !

- Tâtez cette belle étoffe, faites un joli cadeau !!

- Poisson frais !

Tous les marchands ciraient pour attirer les clients. L'héritier observa les étals et remarqua un petit garçon se hisser misérablement sur la pointe des pieds pour tenter d'attraper une figue dans un gros panier posé hors de portée. L'enfant était maigre, sale, nus pieds, personne ne faisait attention à lui. Le cœur du prince se serra à sa vue et se précipita pour l'aider. Il se baissa à sa taille. L'enfant avait les yeux rouges d'avoir trop pleuré et les joues creuses.

- Bonjour, petit seigneur. Vous devez avoir faim...

Le petit garçon hocha la tête. Jazmin se redressa, prit entre ses mains quelques belles figues bien mûres et les tendit au petit mendiant.

- Voilà pour vous.

Celui-ci écarquilla les yeux, attrapa les fruits, remercia son bienfaiteur d'un sourire édenté et partit sans demander son reste. Jazmin le regarda disparaître dans la foule. Combien d'enfants, à Abraca, se trouvaient dans cette pauvre situation ? Comment était-ce possible ? Comment était-ce tolérable ? Personne ne devait souffrir de la faim, il ne l'accepterait pas ! Pas son peuple ! Il réfléchit à cet inattendu problème en se relevant... Quand il fut brutalement saisi par le col et tiré devant un énorme marchand !

- J'espère que tu as de quoi payer !!

- Je... Payer... bafouilla-t-il, confus.

- Je déteste les voleurs !!

- Je... Cet enfant avait faim, pardonnez-moi, je ne pensais pas à mal...

- Je me fous des mômes, tu ne t'en tireras pas avec !

- Je suis désolé, je n'ai pas d'argent sur moi. Je vous ferai parvenir un dédommagement. Allez donc au palais et demandez le sultan de ma part, il pourra...

- Le sultan ?! On me l'avait jamais faite, celle-là !! 'Me fais pas rire, pouilleux !

- Je ne...

- Tu sais c'que je fais aux gueux de ton genre ?!

Il le souleva de terre, le fit passer par-dessus ses marchandises et le plaqua contre le mur ! Le prince retint un cri.

- J'vais aller dire au sultan qu'on me vole, ha ha, que ferait-il ? Rien, c'est un incapable !!

- Je vous interdis d'insulter le sultan !

- Je déteste les voleurs et encore plus les menteurs ! Tu vas servir d'exemple !

Sur ce, il sortit une janbiya étincelante de sa veste et l'approcha de la jolie gorge du prince. Mais il se figea. Dans l'agitation, il avait secoué sa victime et vu briller les perles de nacre qu'il portait en boucles d'oreilles... Il sourit diaboliquement.

- On peut peut-être s'arranger...

Il caressa le bijou du bout de sa lame.

- Où t'as volé ça ?

- Je...

- Écoute, je te propose un marché : laisse-moi ça et je ne te couperai qu'une oreille !

- Vous plaisantez ?! Jamais de la vie, laissez-moi partir !

Il tenta de se débattre mais le colosse avait une poigne de fer !

- J'ai changé d'avis, j'vais t'couper les deux !

- Non, arrêtez... implora-t-il, inutilement.

Il lui arracha sa capuche. Le prince, terrifié, n'osait plus bouger. Il avait aussi peur d'être reconnu que de ce qui lui arrivait. Le marchand le plaqua sur son étal et appuya sa grosse main sur son visage pour l'empêcher de bouger. Puis il leva son arme. Jazmin ferma les yeux et les poings.

- Tout doux, tout doux ! fit gaiement une voix féminine.

Jazmin ouvrit les yeux et découvrit une femme accroupie sur la table en bois. Alijah. D'une main, elle retenait l'épais poignet détenant le poignard, et de l'autre, elle invitait l'héritier à se relever. Puis elle bondit de l'autre côté pour se mettre entre les deux hommes.

- Où étais-tu, je te cherchais partout ! dit-elle très fort, à l'attention de Jazmin. Je te quitte des yeux une seconde et tu t'attires des ennuis !

Elle soupira exagérément. Jazmin la détailla, ébahi. Était-ce à lui que s'adressait cette inconnue ? Mais il ne la connaissait point ! Qui était-elle, pourquoi agissait-elle ainsi ? Tiré d'affaire, il remit précipitamment sa capuche et épousseta sa cape.

- Tu le connais ? demanda le marchand à notre héroïne.

- C'est mon cousin. Ne t'en fais pas, nous partons !

Elle mit son bras sous celui du prince et commença à s'éloigner.

- Hep hep hep !! s'écria le marchand en l'arrêtant par l'épaule. T'as de la famille, toi, maintenant !? Je ne l'ai jamais vu ! Regarde ses bijoux ! Il prétend connaître le sultan !

Elle éclata de rire quelques secondes pour préparer son improvisation. Jazmin la dévisagea.

- Hé hé, comment peux-tu croire des sottises pareilles, je te croyais plus malin ! Le sultan, n'importe quoi, il... Il vient de l'Est et chez lui, ''sultan'' signifie... Singe !

Tous les regards se tournèrent vers Nobu, appuyé contre le panier de figues. Il avait les joues énormes, pleines de fruits !

- Excuse-le, il n'a pas la même intelligence que nous !

- Je ne vous... commença Jazmin.

- Désolée pour le dérangement, au revoir !

- Pas si vite ! Il me doit de l'argent !

- Oh... Bien sûr, bien sûr, dis-moi tout, ton prix sera le mien !

- Il...

Il se tut en voyant la bourse tendue par Alijah.

- Prends tout, ça me fait plaisir ! Et oublions ce petit incident ! Tu te fais de la très mauvaise publicité avec ton sale caractère !

Elle lui lança la bourse, prit la main de l'héritier, appela Nobu et partit d'un pas rapide. En ricanant, le marchand soupesa la bourse et écouta l'entrechoquement des pièces d'or dedans.

Jazmin se retourna plusieurs fois pendant leur marche, abasourdi par ce qu'il venait de se passer.

- Mademoiselle, qu'avez-vous fait ?

- Je t'ai sauvé la mise !

- Cette brute aurait pu vous blesser et vous, vous lui donnez tout votre argent !

- Ne t'en fais pas...

Le marchand rangea sa janbiya et alla accrocher sa nouvelle bourse à côté de son habituelle...

- Cette bourse était la sienne !

... Quand il constata sa disparition ! Il tâta ses vêtements avant de regarder la bourse. Sa bourse ! Depuis le début !

- Hé ! Arrêtez-les !!

- Là, il faut courir !

Elle resserra sa prise et accéléra ! Le prince n'eut pas d'autre choix que de suivre ! Derrière eux, le marchand leur courrait après, suivi par quelques collègues !

- Voleurs ! Revenez ! J'vous aurais !!

Alijah entraîna son nouveau compagnon à travers les ruelles d'Abraca. Elle en connaissait tous les recoins comme sa poche et ils distancèrent aisément leurs poursuivants. Jazmin, peu habitué à l'effort physique, fatigua rapidement.

- Attendez, il... Trouvons des gardes ! Nous leur expliquerons et trouverons quelque arrangement...

- Tu rêves !

Ils arrivèrent au pied d'une grande échelle en bois et Alijah le pressa d'y monter. Mais arrivé au milieu, il s'arrêta, à bout de souffle.

- Grimpe ! l'encouragea-t-elle.

- Je... Un instant, s'il vous plaît...

Il haletait, incapable de regarder en bas. Dans quel pétrin s'était-il fourré ? Alijah jeta un regard en arrière : les poursuivants étaient toujours à leurs trousses ! Sans réfléchir, la jeune femme décolla l'échelle du mur sur lequel elle était appuyée, la plaça sur la route, sauta sur la seconde marche et entreprit de continuer leur fuite en déplaçant l'échelle d'un pied sur l'autre, avançant comme sur des échasses avec une vitesse impressionnante ! Le prince laissa échapper un cri et se cramponna aux barreaux !

- Écartez-vous !! criait Ali' aux passants.

Tous se poussèrent et laissèrent l'échelle se faufiler ! Nobu poussa des grands cris pour les effrayer et les faire dégager plus vite. Son amie maîtrisait parfaitement leur ''véhicule'' : l'échelle mouvait comme un manchot ! Perché en haut, Jazmin vit des personnes les observer bizarrement depuis leurs fenêtres. Il les survolait tous ! Du haut d'une échelle ! Déguisé en vagabond ! Lui, qui n'était jamais monté à un rideau ! Lui qui voulait justement voir la cité autrement que depuis sa fenêtre ! Il pouffa. Puis, sans parvenir à se retenir, il éclata de rire ! La situation était vraiment trop inimaginable ! Il s'amusait ! Vraiment ! Alijah les fit passer par une étroite ruelle, que l'échelle traversa, sans encombre, en sautillant. Mais les gardes, musclés et lourdement vêtus, restèrent coincés entre les murs, se bousculant dans le petit espace. Ils regardèrent pitoyablement leur cible s'échapper...

Alors qu'il allait quémander d'aller plus vite, Jazmin sentit l'échelle basculer en avant. Il s'écrasa dans une botte de paille fraîche. À peine s'en extirpa-t-il que sa sauveuse lui reprit la main et l'emmena.

- Suis-moi !

Euphorique, il se laissa guider.



Son fou rire dura de longues minutes et bannit sa fatigue. Alijah l'avait lâché, mais il la suivait toujours. Ils s'éloignaient des rues habitées et animées pour se rendre de l'autre côté de la ville, en empruntant de petits chemins pour ne pas se faire attraper. Le ciel rougissait : ils avaient passé la journée à marcher.

- Vraiment, Mademoiselle, ha... articula le prince. Vous allez avoir de gros ennuis !

Elle haussa les épaules.

- J'ai l'habitude. Et puis, on a des ennuis que lorsqu'on se fait prendre !

Il apprécia la répartie.  

- Mademoiselle ?

Ils s'arrêtèrent.

- Je réalise que j'ai omis de vous remercier tout à l'heure. Sans vous, je ne sais pas ce qui me serait arrivé. Je vous en serai éternellement reconnaissant.

Il s'inclina. Silence. Alijah et Nobu échangèrent un regard entre eux.

- Il n'y a pas de quoi, n'importe qui l'aurait fait. assura-t-elle.

Ne sachant quoi ajouter, ils se regardèrent dans les yeux.

- Tu n'as pas l'air de connaître la ville. Tu as un endroit où aller ?

Il baissa les yeux et secoua la tête.

- Veux-tu venir chez nous ? Nous ne sommes plus très loin.

Le ''nous'' la désignait avec l'abruti de singe, qui fronça les sourcils à cette proposition. Le prince sourit.

- Avec plaisir.

- Viens. C'est par ici.

- Merci. C'est très gentil.

Ils poursuivirent leur marche.


. .  .  . .


- Et... Tu vis... Vous vivez seuls ?

- Oui, rien que Nobu et moi.

- Depuis longtemps ?

- Depuis... Toujours, je crois. Attention à la tête.

Il appréciait sa façon de veiller à sa sécurité. Et elle appréciait sa manie de toujours vouloir lui désencombrer le chemin, à lui donner galamment la main pour enjamber même le plus petit des obstacles. Ils montèrent un escalier en colimaçon aux marches fissurées et atteignirent le dernier étage.

- Bienvenue. lui dit Alijah en écartant la grande planche et le rideau qui lui servaient de porte d'entrée.

Jazmin pénétra dans la mansarde au toit troué et sourit.

- Fais comme chez toi.

Il réajusta sa cape et la lissa avec ses mains. Nobu loucha sur les riches babouches portés par leur invité, qu'il vit en entrant à son tour. Jazmin promena son regard partout. C'était modeste. Ça lui plaisait.

- C'est charmant. assura-t-il.

- Ce n'est pas grand chose... Mais la vue est fabuleuse !

Pour impressionner son hôte, elle ouvrit un rideau et montra la vue imprenable sur... Le palais royal. Jazmin pâlit.

- Splendide, tu ne trouves pas...

- Merveilleux... souffla-t-il, désappointé.

Il avait donc fait tout ce chemin pour revoir l'endroit d'où il s'était échappé. Était-ce cette cage dorée qui le poursuivait ? Un signe pour qu'il se souvienne des devoirs de sa naissance ? Une pointe de culpabilité le traversa. Il n'en voulut pas. Il détourna les yeux et s'assit sur le rebord de la fenêtre, dos au palais. Alijah continuait de s'extasier de sa vue.

- J'aimerais bien y vivre ! Imagine : avoir des servants, des valets, plein d'or...

- Fabuleux... Des gens qui te disent quoi faire, où aller, à qui parler, comment te vêtir, que manger, à quelle heure...

- Ce serait toujours mieux qu'ici, à voler de la nourriture et à échapper aux gardes à longueur de journée...

- ... Tu n'es pas libre de faire tes propres choix... Tu es juste...

- ... Parfois, on a l'impression d'être...

- ... Prisonnier !

Ils avaient prononcé ce dernier mot en même temps. Ils se dévisagèrent. C'était la première fois qu'ils rencontraient quelqu'un capable de les comprendre. Un parfait inconnu, qui plus est. Cela les soulagea. Ils se sourirent. Elle alla prendre deux petites pommes dans un bol en faïence fendu, en frotta une sur son épaule pour la dépoussiérer et la tendit à son invité.

- C'était ta première fois au marché d'Abraca ?

- Cela se voyait tant que ça ? pouffa-t-il, en acceptant le fruit.

- Facile à deviner ; tu ne peux que te démarquer...

Elle avait sorti ça sans réfléchir, avec son habituelle sincérité. Jazmin leva les yeux au ciel mais sourit. Il n'était pas du genre à être flatté par les compliments ; il en avait reçu des tonnes auprès de riches princesses et cela lui passait désormais au-dessus. Mais la manière dont cette fille des rues lui avait dit ça lui plaisait ; il savait qu'elle n'avait aucune arrière pensée, puisqu'elle ignorait qui il était. Le singe poussa un si fort soupir qu'Alijah se reprit :

- Enfin, je veux dire, tu n'as pas l'air de connaître les habitudes, ni les dangers, du coin.

- Abraca est si dangereuse ?

- Disons que les gens chargés de la sécurité n'ont jamais l'air très fidèles à cette fonction...

- Oh...

Elle allait croquer dans sa pomme quand le prince lui fit signe de la lui donner. Elle la lui céda. Il prit un coin de sa manche propre et la nettoya minutieusement avec avant de la lui rendre. Elle lui sourit en remerciement et attaqua son dîner. Il se demanda un instant si son sourire ne se décollait jamais de son visage... Alors qu'Alijah avait dévoré plus de la moitié de sa pomme, Jazmin détaillait la sienne avec gourmandise : il allait ingurgiter un aliment sans que personne n'y goûte avant lui ! Depuis combien de temps cela ne lui était-il pas arrivé ? Pas de goûteur, pas de garde, personne pour lui dire manger plus ou moins vite, pour lui interdire de courir, de traîner, de pleurer... Il ferma les yeux, inspira un grand coup et croqua dans sa pomme. Elle avait un goût de liberté. Il se retint de rire aux éclats. Il se sentait si bien ici ! Il jeta un regard vers sa sauveuse ; celle-ci venait de terminer son repas et en envoyait le trognon dans une vieille jarre en terre cuite. Puis, estimant sa journée terminée, elle dénoua sa longue tresse en épis. Jazmin ne loupa pas une miette de ce spectacle : les cheveux, ondulés, emmêlés et secs, remontaient en volume sur les épaules de la jeune femme et le coucher de soleil derrière eux leur donnait des reflets dorés. Une véritable crinière de lion ! Puis ces deux-là se regardèrent une énième fois dans les yeux. Ils ignorèrent ce qu'il se produisit à cet instant : un coup de foudre.

- Sinon... D'où viens-tu ? relança Alijah.

- Aucune importance ; je me suis enfui et je n'y retournerai pas !

- Vraiment ? Pourquoi ?

- Mon père veut me forcer à me marier.

- Oh... C'est terrible...

Alijah connaissait des histoires de mariages arrangés ou forcés et elle était ravie de ne point avoir de famille pour ne pas avoir à subir ça.

- Hé, Nobu !

La saloperie de singe s'était faufilé en douce à côté du prince et venait d'essayer de lui chiper sa boucle d'oreille ! Pris en flagrant délit, la bête fila se planquer en hauteur en criant.

- Tu lui parles et il te comprend ?

- Oui. Nobu, descends, viens demander pardon !

Le primate râla.

- Ce n'est pas grave, assura Jazmin.

Leur relation lui rappelait la sienne avec sa chère tigresse. Elle lui manquait... Nobu continuait à pousser de grands cris, l'air énervé.

- Que dit-il ?

- Euh...

Que des injures. Alors Ali' improvisa :

- Il dit que... Que c'est très injuste pour toi ! Que tu mériterais de vivre ta vie comme tu le souhaites !

La grimace de Nobu faisait comprendre que ce n'était pas du tout ce qu'il racontait.

- Vraiment ? Il est gentil. Mais, hélas, c'est une histoire de... Tradition.

- Et alors, les temps changent !

À ce moment-là, Jazmin se surprit à tout aimer autour de lui : la compagnie de cette femme, sa répartie, sa joie, sa dignité malgré sa pauvreté... Il était tant à l'aise qu'il se permit de pencher la tête et de la poser doucement sur l'épaule d'Alijah. Nobu explosa !

- Que dit encore Nobu de moi ? redemanda-t-il, bien qu'un tantinet indifférent à l'avis d'un si petit mammifère.

- Eh bien, il dit... Qu'il voudrait bien t'aider, et...

Alijah sentit son cœur battre plus vite que jamais auparavant.

- ... Il trouve que tu as de très beaux yeux... Plus chatoyants que toutes les pierres précieuses du monde...

- Comme il est mignon. Il n'a pas pu voir toutes les pierres précieuses du monde. pouffa-t-il. Le voudrais-tu ?

- Voir les pierres ou voir le monde ?

Le prince cogita sur la question.

- Ça dépendrait si tu m'accompagnais...

Elle posa naturellement sa tête sur la sienne.

- Oui, je viendrais voir le monde avec toi. chuchota Jazmin dans un souffle.

Ils se redressèrent et se contemplèrent. Leurs yeux brillaient. Tout semblait s'effacer autour d'eux. Ou plutôt, plus rien ne comptait à leurs yeux. Ils étaient pareils à deux faces d'une même pièce qui se voyaient pour la première fois. Leurs lèvres se rapprochèrent comme de lents aimants... Quand une énorme voix retentit dans la mansarde :

- Te voilà !!

Ils sursautèrent : dans l'embrasure de la porte, trois gardes sortaient leurs sabres !

- C'est moi qu'ils recherchent !! crièrent Alijah et Jazmin en même temps, en se relevant en vitesse.

Alijah bondit sur le rebord de sa fenêtre et chercha un moyen de s'enfuir.

- Mon père doit les envoyer ! fit le prince, paniqué.

- Tu as confiance en moi ? entendit-il.

Il se retourna : sa sauveuse lui tendait la main.

- Tu as confiance en moi ? pressa-t-elle.

- ... Oui !

Chacun agrippa le poignet de l'autre. Nobu se suspendit aux cheveux de son amie.

- Alors saute !

Sans attendre, ils se jetèrent dans le vide en criant ! Alijah stoppa leur chute en s'accrochant à un rideau qui pendait d'une fenêtre plus bas, mais il se déchira et les envoya tout droit dans un chariot qui transportait des sacs remplis de grains. Ils se cognèrent dedans, les sacs s'ouvrirent et tout le monde tomba du chariot ! Alijah et Jazmin pataugèrent difficilement dans les graines, glissèrent, se relevèrent et reprirent leur fuite, main dans la main.

- Cours !

Mais à un tournant, ils tombèrent nez-à-nez avec Hakim, le chef principal de la garde d'Abraca ! Ils ne se connaissaient que trop bien... Et ne s'aimaient pas ! Celui-ci chopa notre héroïne par la gorge.

- Comme on se retrouve, petite hyène !!

Elle lui mit deux doigts dans l'œil sans hésiter. Il la relâcha pour brailler de douleur.

- Vite, par là !

Les deux tourtereaux filèrent à nouveau, mais se retrouvèrent cernés par une horde de gardes ! Ils étaient piégés. Alijah fut attrapée par les cheveux et lancer vers deux hommes qui lui bloquèrent les bras. Nobu mordit l'un d'eux mais un troisième vint prendre le sapajou et l'envoya valser dans des ordures !

- Enfin on te tient !! ricana le chef.

Alijah se débattit comme un beau diable. Rassemblant tout son courage, Jazmin donna des coups dans le bras du chef.

- Cessez immédiatement ! Ne la touchez pas ! Ne la brutalisez pas !

Hakim dégagea le gêneur d'une violente gifle d'un revers de la main ! L'héritier s'effondra de tout son long par terre. Alijah redoubla d'énergie pour leur échapper, mais ils y mirent toutes leurs forces pour l'immobiliser !

- Allez, on l'emmène !

Jazmin porta sa main à sa joue brûlante : jamais personne n'avait levé la main sur lui. Mais c'était le cadet de ses soucis ! Il voyait sa nouvelle amie en fâcheuse posture et une colère inconnue monta en lui. Il se releva et fit de nouveau face à Hakim.

- Relâchez-la ! clama-t-il.

Hakim lui accorda un bref regard. Jazmin ôta sa capuche et se dévoila :

- Ordre du prince !

Son aura royale eut l'effet d'un ouragan ! Le chef, ainsi que toute sa garde, se mit à bafouiller, en sueur !

- P-p-prin-Prince Jazmin !!??

Il mit immédiatement un genou à terre. Les autres l'imitèrent et forcèrent Alijah à se mettre complètement face contre terre. Cette dernière, chamboulée, releva la tête et détailla Jazmin.

- Le prince ?!

La mâchoire de Nobu se décrocha. Hakim se releva, bien droit devant son seigneur, mais n'osait le regarder dans les yeux.

- Que, que, que faites-vous hors du palais ? Et, et.... Et avec cette... Scélérate ?!

- Ce ne sont pas vos affaires !

Personne n'avait jamais entendu le prince élever la voix. Pourtant, il bomba le torse et commanda le plus sérieusement du monde :

- Faites ce que je vous dis : relâchez-la !

- Je... Mille excuses, votre Altesse, je voudrais bien, seulement... Cet ordre vient de Rafar. Nous ne recevons d'ordres que du vizir... Vous devriez voir ça avec lui...

Sur ce, il s'inclina et s'éloigna. Ses collègues le suivirent, en emmenant leur prisonnière. La révélation de l'identité de l'homme avec qui elle avait passé la journée la perturbait trop pour qu'elle ne pensât à se défendre. Impuissant, Jazmin serra les poings :

- Croyez-moi, je le ferai...


. .  .  . . 


- Rafar !!

Le prince Jazmin, débarrassé de sa cape mais le visage poussiéreux, déboula dans le palais avec un pas décidé.

- Prince ? Que puis-je pour vous ?

Il s'inclina respectueusement. Jazmin lui fit face, l'air mécontent.

- Les gardes viennent d'arrêter une fille en ville sur votre ordre !

Le vizir ne chercha pas à comprendre s'il s'agissait là d'une question ou d'une affirmation.

- Votre père m'a chargé de garder la paix sur Abraca, telle est ma mission, et... Qu'avez-vous là, votre Altesse ?

Il approcha ses longs doigts vers la joue rougie du prince. Remonté, il ne se laissa pas effleurer.

- Parlons de la manière dont vous faites régner la paix par vos hommes plus tard ! Je veux connaître la raison de cette arrestation !

- Cette fille était une criminelle.

- Et quel était son crime ?

- Cette voleuse a enlevé le prince, voyons.

- Personne ne m'a enlevé, je me suis enfui !

Rafar feignit la stupeur.

- Oh... Terriblement bouleversant... Si j'avais su... Ciel, quelle erreur... Hélas, je ne peux plus rien...

- Que voulez-vous dire ?

- Malheureusement, la sentence de cette fille a déjà été exécutée...

- Quelle sentence ?

- La mort.

Le prince joignit son poing sur ses lèvres pour couvrir son cri d'effroi.

- Par décapitation. ajouta le vizir.

Jazmin recula de quelques pas, accablé. C'était impossible... Il dut se cramponner aux tapisseries pour ne pas s'effondrer. Il voulait la sauver, comme elle l'avait fait pour lui, et lui l'avait condamnée ! Il ne la reverrait jamais. Elle n'était plus. Il se mit à trembler malgré lui.

- Je suis extrêmement navré, Prince...

- Comment avez-vous pu ?

Les larmes aux yeux, l'héritier partit en courant. Rafar sourit : la seconde phase de son plan pouvait commencer...


. .  .  . .


Dans le plus bas niveau de la prison d'Abraca, les rats se faisaient plus nombreux que les prisonniers. Mais il y en avait tout de même une : Alijah, bel et bien vivante, avait une cheville enchaînée à un boulet. Elle avait vécu pas mal de mésaventures dans sa vie de voleuse, mais elle avait toujours évité la case prison de peu. Jusqu'ici. Seule, sans eau ni nourriture, son destin entre les mains de quelques inconnus. Elle était en fort mauvaise posture pourtant, elle ne pensait qu'à une seule chose : à l'homme qu'elle avait rencontré dans la journée.

- Je n'arrive pas à y croire... C'était le prince ! Il a du me trouver tellement stupide !

Elle soupira. Comment avait-elle osé l'approcher, elle, la fille des rues ? Comment avait-elle pu croire que ce qu'elle ressentit pour la première fois de sa vie était réciproque avec ce membre de la noblesse ? Première rencontre intéressante, premier sentiment amoureux, premier passage en prison... Beaucoup de premières expériences en un jour. Était-ce le signe qu'elle allait mourir avant minuit ? Un cri de singe la sortit de ses pensées. Elle leva la tête : à une dizaine de mètres du sol, par l'unique lucarne de cette tour souterraine, son compagnon à poils lui faisait signe !

- Nobu !

Le sapajou bondit sur les murs et alla se mettre devant elle.

- Aide moi à sortir d'ici.

À peine se redressa-t-elle pour lui montrer sa cheville entravée, que le singe poussa des cris mécontents : il lui reprochait d'avoir attiré le malheur sur eux en invitant le prince chez eux !

- Il avait des ennuis. défendit-elle.

Nobu cracha par terre et lui montra un vieux gros clou rouillé. Il entreprit de l'enfoncer dans la serrure du cadenas de la chaîne pour la forcer.

- Oui, j'aurais du m'en douter ; un garçon si beau, si digne... Ne t'en fais pas, Nobu, je ne le reverrai plus. Je suis une scélérate, une vaurien, souviens-toi.

Le petit singe leva les yeux au ciel : en effet, sa seule qualité était de reconnaître toutes celles de son amie.

- Nous allons tous reprendre notre vie comme avant, comme s'il ne s'était rien passé. Il va épouser une princesse...

Le cadenas céda et Nobu sautilla de joie. Mais Alijah, plongée dans ses tourments, se laissa retomber en tailleur sur le sol, coudes sur les genoux et mains sous le menton.

- Il mérite une princesse... Quelle imbécile je fais...

- L'imbécile est celle qui abandonne ! siffla une voix dans le cachot !

Surpris, Nobu se planqua derrière Alijah ! Celle-ci tourna la tête dans tous les sens, à la recherche de cette inquiétante voix. Elle plissa les yeux vers le fond tout sombre de la pièce : un vieillard décharné, drapé d'une toge démodée, sortit péniblement de l'ombre, appuyé sur une canne tordue. Nobu grimaça de dégoût. Pas un instant ils ne s'étaient doutés que quelqu'un d'autre logeait ici.

- Qui êtes-vous ? demanda prudemment Ali'.

Le vieillard s'approcha en boitant.

- Juste un autre prisonnier de ces murs...

En vérité, c'était Rafar déguisé ! Maître de la manipulation, de sortilèges, de la tromperie, il était en plus un as du déguisement et un maître du jeu ! (ce type avait complètement raté sa vocation !) Il s'était grimé en fossile et faufilé dans le cachot afin d'aborder Alijah comme il le fallait.

- ... Mais, ensemble, nous pouvons devenir plus que ça... continua-t-il. Nous pouvons devenir et accomplir tout ce que nous souhaitons...

- Mmh ? Oui ?

- Il existe une caverne... La caverne aux merveilles ! Pleine de trésors, plus remplie que toutes les caves de tous les rois du monde ! Avec plus d'or que personne n'en a jamais rêvé ! Regarde, gamine, ce qu'on peut y trouver...

Il sortit de sa manche une poignée de rubis étincelants et la lui présenta. Nobu roucoula !

- Assez de richesses pour impressionner le prince dont tu parles...

- Mais la loi dit que seule une princesse peut...

- Ho ho, tu t'intéresses à ce que disent les lois, toi ? Ne sais-tu pas que les hommes font la loi et que l'or fait ces hommes ? Hé hé... Je te parle d'un trésor que même le sultan ne possède pas !

- Et pourquoi partagerais-tu cet incroyable trésor avec moi ? Tu ne me connais pas...

- Nous avons besoin l'un de l'autre ! Je suis certain que c'est le destin qui t'envoie : je ne suis qu'un vieil homme, il me faut de jeunes et solides jambes pour aller récupérer ce trésor ! Je serai le cerveau et toi la force.

Il pensait parfaitement ses derniers mots.

- Et, ensemble, nous serons libres !

- Il y a un problème : c'est dehors. Et nous sommes enfermés.

- Depuis le temps que je croupis ici, je connais un passage pour nous emmener hors de la cité ! Ensuite, je te guiderai jusqu'à la caverne et, avant l'aube, le trésor sera à nous ! Il y en a bien assez pour deux...

Il désigna une pierre dans le mur, qui tomba lorsqu'il la tapa du bout de sa canne. Cela découvrit un passage. Il lui sourit de toutes ses dents.

- Alors... Marché conclu ?

Alijah et Nobu se consultèrent du regard. Qu'avaient-ils à perdre ? Alors ils suivirent le vizir déguisé...


Ils sortirent par une porte cachée dans le mur autour d'Abraca. Ils étaient à l'extérieur. Un dromadaire les attendait. Rien d'autre aux alentours. Il faisait nuit noire. Alijah jeta un dernier regard vers la cité où elle avait toujours vécue, sûre qu'elle y reviendrait avec un changement en elle. Puis elle suivit l'étrange vieillard dans une marche à travers le désert.


 . .  .  .  . .


Accompagné par sa fidèle tigresse, à qui il avait beaucoup manqué, Jazmin marchait, hagard, dans les jardins royaux. Il avait les yeux rouges. Il avait posé sur ses épaules un long châle en laine zébré. Mais ce n'était pas de la chaleur de ce vêtement dont il avait besoin. Il avait besoin de chaleur humaine. Comme il en avait toujours manqué. Il voulait la jeune femme rencontrée au marché. Celle qui l'avait sauvé, sans le connaître, et à qui il n'avait pu rendre la pareille. Il aurait voulu s'excuser, la remercier, la présenter à son père, la faire entrer au palais, la prendre pour dame de compagnie ou pour... Plus. Elle avait été plus qu'une amie pour lui, même pour quelques heures ! Comment avaient-ils pu la tuer ? La faire disparaître, une être si gaie, si charitable... La meilleure personne qu'il avait connu depuis son enfermement au palais ! Depuis que ses frères et sa sœur avaient rejoint les demeures éternelles, il n'avait pas eu la moindre personne à qui se confier. Et, maintenant, il n'en aurait plus jamais. Qui pourrait remplacer pareille femme ? On lui avait présenté les plus grandes, puissantes et riches femmes du continent et c'était une fille des rues qui lui avait fait le plus d'effet ! Était-il donc condamné à perdre tous ceux qu'il aimait ? Il s'assit au bord de la fontaine, désespéré. La lune s'y reflétait.

- Tout est de ma faute, Naya...

Il entoura l'épais cou poilu de l'animale de ses bras et éclata en sanglots. Naya couina et lui rendit son étreinte avec ses pattes. Entre ses pleurs, il confia son plus grand regret :

- Je ne connaissais même pas son nom...


. .  .  .  .  . .


Alijah n'en croyait pas ses yeux : devant elle, une immense tête de tigre s'éleva d'une dune de sable et ouvrit deux yeux de la même couleur que la lune.

- Qui ose troubler mon sommeil ? gronda une voix.

Cette grosse voix venait de cette tête mouvante. Pourtant, aucune lèvre ne se dessinait dans le sable.

- Je... C'est moi... Alijah !

Les yeux de lune se plissèrent, pour l'examiner.

- ... Mon cœur à la valeur d'un diamant pur...

Alijah ne comprenait rien et serrait les poings, de peur.

- Ne touche à rien d'autre que la lampe !

Puis la gueule du tigre s'ouvrit, dévoilant des crocs de sable de la taille d'un adulte et un escalier descendant dans les entrailles du désert. L'intérieur était aussi lumineux que le soleil. Un air brûlant s'échappa et passa à travers la jeune femme. Sur son épaule, Nobu commençait à paniquer.

- Rappelle-toi, gamine !! intervint le vieillard derrière elle. Juste la lampe ! Rapporte-la moi ! Et après, tu auras ta récompense !

Alijah respira à fond et caressa son singe tremblant pour le calmer.

- Allons-y, Nobu.

Elle s'approcha de la gueule grande ouverte, eut une dernière pensée pour le prince et posa son pied sur la première marche.



«... Fatal est l'amour...»




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