10. Mon devoir après tout
Tapis parcourait anxieusement le ciel quand il vit Nobu lui faire de grands signes avec ses bras maigrichons au beau milieu du désert d'Arabie. Il se précipita vers lui. Il s'était échappé de la surveillance de Rafar (qui ignorait son existence, un bon point pour lui) et avait foncé au secours d'Alijah et du singe ! Nobu s'agitait, seul, désespéré, les larmes au bord des yeux. Quand la carpette le rejoignit, il se mit à creuser et et le pressa de l'imiter. Avec ses pompons, le tapis magique dégagea le sol sablonneux jusqu'à ce qu'il aperçoive une masse de cheveux châtains foncés. Nobu la saisit et la tira de toutes ses forces tandis que Tapis continua à débarrasser l'amas de sable dans lequel était coincée leur amie. Quand Alijah fut sortie de là, les pleurs de Nobu redoublèrent. Elle était inerte. Tapis se mit à éventer la jeune femme pour lui retirer la poussière du visage. L'animal lui secoua la tête et lui donna des tapes sur les joues. Pendant plusieurs minutes, rien ne se passa. Puis les yeux et la bouche d'Alijah s'ouvrirent grands et elle se redressa sur ses bras en prenant une grande inspiration bruyante. Elle était en vie ! Encore ! Elle était coriace ! Rien ne pouvait la mettre à terre. J'adorais ça. C'était la moindre des choses pour devenir la plus grande des sultanes !
Ses compagnons sautillèrent de joie. Alijah toussa, se releva maladroitement, dépoussiéra son hideux sarouel en le secouant et jeta un œil aux alentours. Rafar l'avait envoyée au fin fond du désert. Littéralement. Elle était persuadée de ne plus être en Arabie. Elle regarda tour à tour le singe et le tapis. Ils ignoraient quoi faire. Alijah soupira tristement.
- Tout est de ma faute, reconnut-elle. J'aurais du libérer le génie tant qu'il en était encore temps...
Nobu hocha la tête. Tapis eut la décence de regarder le sol. Alijah réfléchit. Retourner au palais était suicidaire. Mais que pouvait-elle faire d'autre ? De toute façon, elle ne connaissait pas l'abandon !
- Il faut y retourner ! Je vais tout réparer.
Tapis, revigoré, remua et se présenta aux pieds d'Alijah, qui sauta dessus, direction le palais !
. . . . .
Au palais royal, c'était l'enfer ! Fort de ses nouveaux pouvoirs, Rafar avait transformé sa nouvelle résidence à sa guise, fait enfermer le vieux sultan au cachot et pris le contrôle d'Abraca ! Le parjure était affalé sur le trône hautement rembourré de coussins de soie rouge. Le prince Jazmin était assis en bas des marches, une cheville entravée par une chaîne reliée à un boulet. Moi, j'étais de l'autre côté, dans la même posture, et je n'osais pas le regarder. J'avais (de nouveau) trop honte que ce que mes pouvoirs (tombés entre les mains d'une fort mauvaise personne, oui, mais mes pouvoirs quand même) avaient fait. Rafar tapotait l'accoudoir du trône du bout de ses longs doigts de rapace. Il avait réussi. Enfin. Son plan d'accéder au pouvoir s'était on-ne-peut-mieux dérouler. Après des années de galère, il y était parvenu en tour de main, en une phrase, un vœu. Mais maintenant qu'il avait tout ce dont il avait toujours rêvé, il ne savait que faire. Il avait la capacité de tout réaliser, par sa propre magie ou par son dernier souhait.
Voilà bien le pire défaut de l'être humain : il en veut toujours plus. Même lorsque ses rêves les plus fous sont réalisés. Éternel insatisfait.
Il décida de narguer son ennemi. Il fit apparaître dans sa main une coupe en cristal.
- Prince ! J'ai soif !
Un collier de fer apparut autour du cou de l'héritier auquel était attachée une chaîne dont Rafar en tenait l'extrémité. Un plateau sur lequel reposait une carafe pleine de vin apparut entre ses mains et il n'eut pas d'autre choix que de l'apporter au traître. Ce dernier lui exhiba sa coupe. Jazmin la lui remplit sans un mot.
- Que sa Majesté Oriam est longue à revenir, vous ne trouvez pas ?
Jazmin ne répondit pas.
- Combien allez-vous lui faire d'héritiers ?
Il fit tournoyer le liquide rougeâtre dans sa coupe.
- Que va-t-il vous manquer le plus ici, Prince ? Suis-je bête, vous n'avez jamais rien vu d'autre que les quatre murs de votre chambre, vous n'allez pas être tant dépaysé...
Il goûta son vin, j'étais ravi qu'il se taise quelques secondes. Jazmin affrontait son regard, sans répondre, digne.
- Remarquez, si vous me le demandez très gentiment, je peux peut-être envisager de vous garder ici, non loin de votre père, près de moi, et nous débarrasser de cette reine une bonne fois pour toutes. À condition de vous taire à jamais...
Le prince demeura stoïque et je ne sus jamais s'il réfléchit à cette proposition.
- Pauvre reine qui vous attend depuis tant d'années, je ne peux lui faire ça...
Il but une nouvelle gorgée en fixant le prince, guettant une réaction.
- Vous savez ce qu'on raconte ; il suffit de s'allonger sur le dos et de fermer les yeux, elle fera le reste.
Les poings du prince se resserrèrent et les miens me démangeaient. Mais nos positions nous rendaient pathétiquement impuissants.
- Ne vous en faites pas. Je peux même vous rendre un service et vous faire cadeau de mon dernier vœu !
Je me retournai, mi-inquiet de son esprit diabolique, mi-heureux de me défaire de son emprise !
- Génie ? Quand la reine Oriam franchira nos portes... Fais tomber le prince Jazmin éperdument amoureux d'elle !
Ma mâchoire se décrocha ! Le concerné tressaillit et lâcha le plateau et la carafe de stupeur. Tout éclata en mille morceaux. L'ancien vizir souriait. J'intervins, en bafouillant :
- Je... C'est-à-dire, euh, Maître, c'est... Il... Vous... Cela m'est impossible...
- Vous ne vous débarrasserez pas de moi comme ça ! lâcha, enfin, Jazmin.
Sa voix sonna comme une menace et Rafar sourit.
- C'est pour vous rendre service. Vous oublierez plus aisément la princesse pour qui vous vous êtes bêtement amouraché.
- Je ne suis pas tombé amoureux d'une princesse. Je suis tombé amoureux d'une personne.
J'ai rougi.
- D'une souillon.
C'est alors que Jazmin arracha la coupe de vin des mains du vizir et lui jeta le contenu au visage. Je fus choqué. Rafar également.
- Qui êtes-vous pour vous permettre d'émettre le moindre jugement sur elle ?
C'est ainsi que je sus qu'il avait pardonné Alijah et ses mensonges.
- Je suis le sultan !! s'énerva l'ancien vizir.
- Le peuple se soulèvera contre un souverain tel que vous ! Votre folie vous fait courir à votre perte !
- Taisez-vous !
Il se leva et poussa sans ménagement le prince au bas des marches.
- Ces mécréants m'obéiront ou ils en subiront les conséquences ! Leurs vies m'appartiennent ! Je suis le plus fort ! J'ai tous les pouvoirs !
- Vous n'êtes qu'un infâme traître et vous le resterez toujours !
Jazmin n'avait pas la répartie de mon Alijah, mais je l'appréciais quand même. Mon maître fulminait.
- Je me languis de vous savoir enfermé dans un harem, comme la sorte de trophée que vous avez toujours été !
- Vous vous repentirez de vos actes !
- Silence !! hurla-t-il rageusement, en brandissant sa baguette vers la gorge du prince.
Il voulut rétorquer, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Il essayait de crier, rien. Il était muet.
Confus, il porta ses mains à son cou et dévisagea le traître. Celui-ci se rassit, satisfait de son sort.
- Voilà qui est mieux. C'est moi qui donne les ordres maintenant, mon beau ! Et je crois que je vais adorer vivre ainsi !
- Ne t'installe pas trop confortablement, Rafar !! clama soudainement une voix.
Une voix que j'aurais reconnu entre mille ! Venant des cieux, traversant la salle à bord de Tapis, Alijah faisait son grand retour ! Je ne pus m'empêcher de pousser un cri de joie, tandis que Jazmin souriait et que Rafar demeurait bouche bée ! Avant qu'il n'eut le temps de réagir, Ali' se jeta de tout son poids sur lui et le renversa. Elle se mit à califourchon sur lui et tenta de lui arracher sa stupide baguette.
- La lampe ! cria-t-elle à ses compagnons.
Oui, la lampe ! J'indiquai à Tapis où elle se trouvait : sur un accoudoir du trône. Tout le monde réagit. Le singe fut le premier dessus. Fou de colère, Rafar expédia Alijah loin de lui d'un coup de pied dans l'abdomen, se redressa et essaya de viser Nobu avec ses sortilèges. L'abrutie de bête s'enfuit en galopant partout et en poussant des cris de frayeur. Sauf qu'incapable de prononcer un mot, il ne pouvait rien faire avec la lampe ! Rafar, à ses trousses, créa des sabres et les envoya droit vers Nobu ! En hurlant, il évita maladroitement les lames qui se plantaient là où il se tenait une demie-seconde avant. Pris de panique, il lança la lampe au prince, dans l'espoir que celui-ci fasse le vœu de nous débarrasser de l'ennemi... Alors que ce dernier ne pouvait dire une parole ! Stupide animal, deux neurones dans la caboche, irrécupérable ! (oui, je l'engueule alors qu'il n'avait aucun moyen de le savoir)
A peine eut-il l'objet magique entre les mains que Rafar le saisit à la gorge et le plaqua violemment contre une colonne de marbre. Jazmin agrippa le poignet du traître et tenta de se dégager de sa poigne de fer. Ce dernier saisit la lampe et le fusilla du regard.
- Savez-vous, Altesse, pourquoi est-ce vous que j'ai épargné ? révéla-t-il, les dents serrées. Pourquoi me suis-je encombré d'un seul héritier ? Non pas parce que vous étiez le petit préféré ou parce que cette truie d'Oriam vous désirait depuis l'enfance, non ! Je vous ai gardé en vie car vous étiez le plus apte à tenir vos devoirs ! Vos frères et votre sœur étaient méfiants, ils réfléchissaient trop et m'assommaient de questions futiles !
Jazmin écarquilla les yeux ; le vizir revendiquait l'assassinat de sa famille ! Il poussa le prince en arrière et l'entraîna vers la fenêtre, sans jamais desserrer ses infâmes doigts du délicat cou du prince.
- Les faire disparaître m'a permis de préparer mon plan à mon rythme. Conserver un hériter du trône éloignait les soupçons à mon égard. Tout était calculé. Vous, vous étiez plus jeune, plus malléable, il a été aisé de vous tenir sous mon joug, tant que vous me serviez de moyen de pression ! J'avais besoin d'un seul membre de la famille royale pour contrôler votre manipulable de père ! Mais vous vous êtes amusé à me résister, à vous imposer... À bien y penser, vous pouvez être fier... Mais je suis déçu !
Sur ce, sans autre forme de procès, il fit basculer le prince par-dessus le balcon !
Tapis le réceptionna in extremis !
Au même instant, Rafar esquiva un coup de sabre de la part d'Alijah, qui avait foncé sur lui après avoir ramassé une arme au sol. Je vous jure qu'elle l'aurait décapité s'il n'avait pas bougé ! Il s'éloigna en ricanant. Tapis ramena Jazmin auprès d'Ali'. Ils étaient à présent une voleuse des rues, un prince et une carpette contre le plus grand sorcier de l'univers qui m'avait dans son camp.
Nous étions foutus.
Mais qui ne tente rien n'a rien.
Rafar s'apprêta à lever sa baguette pour en finir... Le sol trembla... Et notre sauveur, Nobu, lui sauta dessus et lui mordit sauvagement le bras, lui piqua la lampe pendant qu'il hurlait de douleur et repartit illico se balancer aux moulures du haut plafond de la salle. Tapis vint à sa rescousse et mit précipitamment le sapajou sur son dos. Ils étaient parés à filer, quand Rafar pointa sa baguette vers eux et les transforma : Tapis en bobine de fil et Nobu en ridicule jouet mécanique. Ils tombèrent avec ma lampe. Rafar la ramassa. Jazmin bondit et tenta de lui arracher sa baguette. Le sorcier le fit défier la gravité et l'envoya se cogner dans le mur de l'autre côté de la salle ! Puis il changea sa baguette en épée et défia Alijah avec.
- Vas-y, Ali', découpe-le !! criai-je, sans réfléchir. J'suis avec toi ! A, L, I, J...
Le regard noir que me lança mon maître me fit épeler ''r, a, f, a, r, t, o, c, a, r, d, p, i, r, e, c, a,u, c, h, e, m, a, r''. Les deux adversaires se faisaient face, leur arme brandit devant eux. Il était évident qu'Alijah n'avait aucune chance de gagner un duel pareil ; elle n'avait jamais combattu au sabre et notre ennemi était un fin escrimeur (ça, c'est une autre histoire).
- Prêt à m'affronter, vieux serpent ?! provoqua-t-elle, je ne sais pourquoi.
- Ha, je suis un serpent ? Peut-être aimerais-tu voir quel serpent je peux être, ha ha ha !
Il rit aux éclats, sa langue se fendit en deux, ses yeux s'agrandirent et ses pupilles devinrent horizontales. Il se changea en un gigantesque cobra rouge et noir d'une trentaine de mètres de long. Ravi de sa transformation, il lança quelques attaques vers Alijah. Celle-ci réussit tout de même à lui couper un croc, mais elle ne put rien contre le corps entier du reptile qui s'enroula autour d'elle et la serra jusqu'à l'étouffement. Il éclata d'un rire machiavélique et son sifflement résonnait atrocement :
- Pauvre folle ! Tu pensais que tu pouvais défaire l'homme plus puissant de la Terre !?
Les bras emprisonnés contre le corps, Alijah me semblait perdue.
- Sans le génie, gamine, tu n'es rien !
- Le génie...
Alijah m'aperçut. Je me rongeai les ongles d'angoisse en retenant difficilement mes larmes. Pourtant, son visage s'éclaira, frappée par une idée !
- Le génie ! Le génie a plus de pouvoirs que tu n'en auras jamais !
Mouais, ça se discutait...
- Quoi ?
- Il t'a donné ton pouvoir ! Il peut le reprendre !
Pourquoi ne pas me laisser en dehors de cet affrontement perdu d'avance ?
- Ali', qu'est-ce que tu fais ? Pourquoi tu me mets là-dedans ?
- Regarde la vérité en face : tu n'es que le deuxième plus fort !
Rafar encaissa, en grognant :
- Tu as raison... Son pouvoir dépasse le mien... Plus pour longtemps !
Je flippai. L'immonde tête de serpent rampa vers moi, langue sortie.
- Hé hé, la petite est cinglée... le rassurai-je. Elle doit être sonnée, elle a du être tapée un peu fort...
- Esclave !! rugit-il. J'ai fait mon dernier souhait ! Je souhaite être le plus puissant des génies !!
Hein ?! C'était ça le ''plan'' d'Alijah pour nous débarrasser de lui ? Le rendre plus fort que moi ?
- Bien, vos désirs sont des ordres... soupirai-je. Super, Ali'... maugréai-je.
Je n'eus pas d'autres choix qu'obéir et exauçai le vœu sans la moindre volonté, les yeux fermés. Des éclairs jaillirent du reptile, qui se déforma pour se transformer en grand (et laid) génie rougeâtre. De la fumée sortait de ses doigts. Il se sentait au meilleur de sa forme !
- Mon pouvoir... Est le pouvoir absolu !!
Il devint encore plus grand et une tornade sembla passer dans la salle, tandis qu'il s'exerçait à créer des boules d'énergie entre ses mains, en éclatant d'un rire démoniaque. Je ne savais plus où me mettre.
- Le monde est à moi ! Sous mon contrôle !!
- Pas si vite, Rafar ! hurla Alijah, pour contrer le vacarme de sa transformation. Tu n'oublies pas quelque chose ??
Il baissa dédaigneusement les yeux vers elle.
- Tu voulais être un génie, tu l'es !
C'est là que des bracelets dorés semblables aux miens apparurent aux poignets du traître. Les chaînes du Génie de la lampe ! Je retins un cri de victoire quand je compris le plan de la meilleure maîtresse du monde !!
- Avec tout ce qui va avec ! ajouta-t-elle en brandissant une lampe noire, qui aspira son propriétaire !
Il hurla un terrible et long «Non !!» qui me cassa les oreilles. Il tenta vainement de jeter des sorts par-ci, par-là, inutile : un génie doit être sous le contrôle d'un maître pour user de ses pouvoirs !
- Tu as tous les pouvoirs de l'univers...
Un ultime cri résonna avant que Rafar ne soit enfermé dans sa lampe.
- ... Enfermé dans une toute toute petite lampe !
- Ali'... Tu es un génie !! articulai-je, estomaqué.
Quel compliment, n'est-ce pas ? Euphorique, ma maîtresse retrouvée, je tapai dans mes mains pour effacer toute trace de cette fâcheuse mésaventure. Les fils de la bobine de Tapis le reconstituèrent, Nobu redevint l'agaçant être vivant qu'il était et ils se firent un câlin. Naya vint joyeusement se frotter à eux, avant de reprendre sa taille initiale. Je lançai un ultime éclair de magie dans le ciel et tout au palais redevint comme avant ! Tout s'éclaira comme un jour nouveau.
On entendit vaguement Rafar jurer de l'intérieur de sa lampe. Ali' et moi échangeâmes un sourire.
- Tu permets ?
Je n'attendis pas de réponse, pris la lampe, m'approchai du balcon et préparai mon lancer.
- Dix mille ans dans la Caverne aux Merveilles devrait le détendre !
Je lâchai la lampe et y mit un bon coup de pied qui l'envoya loin, fort loin, à l'horizon, au plein milieu du désert. Nous avions gagné !
- Alijah ?
C'est le premier mot que prononça le prince en retrouvant sa voix. Il s'approcha d'Alijah et leurs mains se joignirent naturellement.
- Jazmin, je suis désolée de t'avoir menti sur le fait d'être une princesse.
- Je sais pourquoi tu l'as fait...
Plus loin, Tapis regardait Nobu faire des massages sur le crâne de la tigresse royale.
- Eh bien... J'imagine... Que cela est...Un adieu...
J'observai le couple qui se séparait pour son plus grand malheur.
- Cette loi... Ce n'est pas juste. Je t'aime !
Alijah esquissa un sourire sincère. Elle ignorait si ces mots lui faisaient du bien ou du mal. Moi, ils me brisèrent. J'avais la larme à l'œil. Ils étaient faits l'un pour l'autre. Ils ne pouvaient pas se quitter. Il n'y avait qu'une seule solution pour que cela n'arrive jamais. Je pris sur moi et m'approchai d'eux :
- Hum... Ali', hé, tu sais, y a pas de problème... Il te reste un souhait. Dis juste un mot et tu redeviens princesse !
- Mais Génie, qu'en est-il de ta liberté ?
- Pff, ce n'est qu'une éternité de servitude, hé hé. (j'essayais d'être crédible) Ça, vous, c'est l'amour...
Je mis mes mains sur les leurs, les yeux toujours embués.
- Tu ne trouveras pas un garçon comme lui même en un million d'années. Crois-moi, je sais, j'ai cherché...
Alijah sembla hésiter. Elle colla son front à celui de son aimé.
- Jazmin, je t'aime vraiment. Mais je dois arrêter de prétendre être quelqu'un que je ne suis pas.
Il eut la bonté de lui dire qu'il comprenait. Alijah se tourna vers moi et formula :
- Génie, je souhaite ta liberté.
- Alla Dounia le retour, c'est parti mon... Quoi !?
Elle l'avait dit !
- Génie... Tu es libre!
Souhait numéro trois : fait !
Ma lampe s'éleva et perdit de son éclat. Les rafales d'un vent pailleté me tourna autour. Mes bracelets s'effritèrent avant de glisser le long de mes bras comme du sable et de disparaître en tombant. La lampe, dénuée de magie, tomba par terre. Libre. J'étais libre. Mon souffle se coupa.
- Je suis libre... Je suis libre... répétai-je.
Je n'y croyais pas.
- Vite, vite, frotte la lampe ! Souhaite quelque chose, n'importe quoi, une île ! Demande une île !!
- Euh, je souhaite une île...
- Même pas en rêve !! Ha ! Ha ha ha ! C'est trop bien !!
Je fis éclater un feu d'artifices multicolore dans toute la salle ! Vive la liberté !! Je partis en volant à la vitesse de la lumière pour aller enlacer la carpette, le gros chat et mon singe préféré !
- Je suis libre !! Je suis libre comme l'air ! Je pars ! Je vais voir le monde et...
J'avais à peine fait apparaître un chapeau de paille pour partir en voyage que je croisai le regard d'Ali'.
Ma chère Ali'...
- Génie, tu... Tu vas me manquer. me dit-elle, émue.
- Moi aussi Ali'. Peu importe ce que les gens disent ; tu seras toujours une princesse pour moi.
Je la pris dans mes bras et la serra fort. Qu'est-ce que je l'aimais. Du coin de l'œil, je vis Jazmin nous regarder tendrement. Je lui tendis un bouquet de jasmins qu'il accepta avec un léger sourire. Comme c'était triste de se quitter... Le sultan débarqua bruyamment avec sa garde à ce moment-là.
- Jazmin ! Mon enfant !
Le père et le fils se prirent dans les bras.
- Tu vas bien ? Oh, que de malheurs nous a apporté ce sinistre personnage !
- Père, je suis si heureux de vous revoir.
- Moi aussi, mon fils... Qu'est-ce qu'ils'est passé ? Nous sommes débarrassés des parjures ?
Jazmin vit Alijah partir sans se retourner. Il tendit la main vers elle mais... Trop tard. Il ne pouvait rien faire pour la retenir. Tout était redevenu comme avant. Il se laissa tomber sur les marches menant au trône.
- Jazmin, est-ce que ça va ?
- Non, Père.
Naya vint coucher sa tête sur les genoux de son maître.
- C'est cette prin... Cette fille, n'est-ce pas ?
L'héritier hocha la tête en tripotant les pétales de son bouquet de fleurs immaculées. Son père s'assit à côté de lui. Un domestique apparut en courant, essoufflé :
- Majesté !! Les gardes extérieurs ont aperçu la reine Oriam s'approcher des portes de la cité !
- Renvoyez-la sur-le-champ !! explosa-t-il, à cette annonce. Que cette traîtresse ne remette jamais les pieds par ici ou elle subira tout le courroux d'Arabie !!
Il avait hurlé si fort que le brave type disparut immédiatement par où il était venu pour exécuter l'ordre. Même Naya s'était étonnée de ce soudain emportement.
- Mon fils n'épousera pas une personne qu'il n'aime pas ! C'est décidé !
Comme si cela suffisait.
- Merci, Père. Mais je doute qu'il y ait un jour une autre... Brave et pure... Qui compte autant... Avec un cœur pareil...
Il avait le regard triste. Ce même regard que le sultan lui connaissait bien, hélas, depuis tant d'années.
- Mon petit... Tu sais que... Enfin...
- Vous n'y êtes pour rien. Ce n'est que la loi...
Sa voix se brisa. Le sultan fit chauffer ses méninges quelques instants et se redressa d'un air décidé !
- Après tout... Cette jeune femme nous a suffisamment prouvé sa valeur ! C'est vrai ! Le problème n'est autre que cette loi ! Et que fait un roi face à une loi qui ne lui convient pas ?
Le visage du prince s'illumina.
. . . . .
Alijah était sortie de l'enceinte du palais, sous quelques regards ahuris qui se demandaient par quel moyen une pauvresse comme elle y était entrée. Elle marcha droit devant elle, sans se retourner, Nobu à ses côtés. Elle avait apprécié l'aventure qu'elle avait vécu ces derniers jours. À présent, maintenant qu'elle avait fait ce qui lui semblait juste, le rêve était terminé et il fallait revenir à la réalité, rentrer chez elle. Autour d'elle, tout le monde s'activait pour installer le traditionnel marché.
- Peuple d'Abraca ! tonna la voix du sultan.
Toutes les têtes se levèrent, Alijah se retourna. Le sultan s'était, en un temps record, rendu présentable pour se montrer sur son balcon, afin d'être bien vu et entendu de tous !
- Moi, Sultan, prends une grande et irrévocable décision ! Je décrète qu'à partir de ce jour, le prince épousera celle qu'il estimera digne de lui et...
- Elle !
Jazmin ouvrit en grand les portes et courut à l'extérieur, en direction d'Alijah, avant que sa garde ne puisse réagir. Sous les yeux de tous, il se précipita vers la jeune femme, heureux comme un roi, la prit par les hanches, la souleva et la fit tourner. Les yeux plongés dans les siens, il la reposa lentement, mais la tint toujours chèrement dans ses bras.
- Je te choisis toi, Alijah.
Elle entoura ses bras autour du cou du prince. De son prince.
- Appelle-moi Ali'.
Ils s'embrassèrent sous les ovations du peuple.
«... Vers les horizons du bonheur... »
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