Chapitre 4
En tant que guérisseuse, je n'ai jamais été sur un champ de bataille. Lorsque j'arrive, le combat est en général terminé et il ne reste que du sang et quelques membres et cadavres pour témoigner de ce qu'il s'est passé plus tôt. Mais être ici, en plein milieu de deux meutes qui se battent avec acharnement, c'est nouveau pour moi. Tous ces animaux qui se jettent les uns sur les autres, crocs et griffes tout dehors.
C'est extrêmement violent.
Le nombre lynx étant supérieur à celui des loups, les métamorphes de la meute Sombre doivent se battre contre plusieurs félins en même temps. Malgré cette injustice, les loups noirs s'en sortent pour la plupart aisément. Mais, après avoir mis un canidé à terre, un gros chat se tourne dans ma direction, me fixe et se met à foncer. Les paumes en avant, j'hésite à utiliser ma magie. J'hésite trop, et quand le lynx arrive à ma hauteur, il est presque trop tard. Le félin lève la patte. Mais avant qu'il ne réussisse à m'atteindre, un autre chat, beaucoup beaucoup plus petit, saute sur le haut de son dos. Les griffes plantées dans la chair de l'autre afin de ne pas tomber, l'ocelot chevauche le lynx et réussis à lui crever un oeil avant de filer à toute allure.
-Merci, Hasna. je m'écrie à l'attention de la petite chatte qui file grimper le long d'un tronc d'arbre.
Devant moi, mon assaillant secoue la tête en poussant des rugissements. Il tangue légèrement sur ses pattes. Puis il finit par reprendre constance, prêt à charger sur sa cible, en l'occurence, moi.
Allez, mini-Thor, tu ne vas tout de même pas te faire dévorer par un gros chat sans te défendre tout simplement pour ne pas attirer une mauvaise réputation à ta famille !
Je me prépare à infliger une douloureuse décharge éléctrique à mon adversaire, quand un fracas retentit non-loin de nous. Je n'ai pas le temps de me retourner vers l'origine du bruit - bien que je n'aurai pas baissé la garde devant le lynx - qu'un énorme loup noir vient s'interposer entre nous. Féroce, il se jette sur le félin et lui arrache la gorge d'un brusque coup de crocs. Le lynx, gravement blessé, recule en geignant. Le gros loup pousse un hurlement et j'arrive à appercevoir deux billes rouges entre cette touffe de poils ébènes.
L'Alpha de la meute Sombre a réussi à défoncer les murs de sa prison.
Pas très loin, le plus plus gros des chats pousse un rugissement afin de déclarer son replie. Kreagar reprend forme humaine, nu comme au jour de sa naissance.
-L'Alpha et sa meute ne seront pas toujours là pour te protéger, Alethea. Un jour, je finirai par te mettre la main dessus, et ce jour-là tu mourras.
Après sa menace lancée, il se retourne et quitte le territoire accompagné des autres lynx.
C'est déjà fini ?
Rassurée, je m'approche du gros loup noir, assis sur son popotin, la langue qui pend sur le côté de sa gueule. Pas le moin du monde appeurée par l'Alpha aux yeux rouges, bien qu'il m'a déjà fait mal, je pose ma main sur le sommet de son crâne et le caresse doucement.
-Merci.
Grâce à son intervention, la bataille a fini, je suis intacte et je n'ai même pas eu à me servir de ma magie.
Le loup colle sa tête contre ma main afin d'apprécier un peu plus mes caresses. Drickes arrive vers nous, rassuré et entièrement nu.
-Alpha ! s'exclame t-il joyeusement en se rapprochant.
Mais Tobia pousse un aboiement à l'encontre de son bêta, l'avertissant de ne pas approcher. Le sourire de Drickes disparait.
-Rien n'a changé. constate t-il.
Je continue de passer mes doigts dans le poil doux du loup qui se met à secouer la queue de contentement. Drickes penche la tête sur le côté.
-Comment fais-tu pour qu'il soit si tranquille ? En tant normal, le loup de Tobia s'en serait déjà pris à tous ceux qu'il aurait croisé.
J'hausse les épaules. C'est la stricte vérité, je ne sais absolument pas pourquoi il est si câlin près de moi alors que tout à l'heure il était prêt à manger du chat.
-Reste avec nous. m'intime le bêta, désespéré.
-Quoi ? Mais je ne peux pas ! J'ai une affaire familiale à faire tourner. Ça fait déjà bien trop longtemps que je suis ici. je m'excuse en me retournant, prête à retrouver ma voiture, mon ocelot, et bientôt, mon chez-moi.
Mais Drickes semble être têtu comme une mule. Il tente de s'approcher pour me retenir mais, comme tout à l'heure, le loup se met à aboyer furieusement contre le bêta et se met à grogner. Alors Drickes se ravise.
-Écoute, Alethea, ça fait des mois que notre meute est sans Alpha. Tobia reste enfermé là haut, son loup constament au contrôle, il ne nous adresse même presque pas la parole, et quand il le fait c'est pour se jeter sur nous. J'ai gardé espoir, et j'ai eu raison. Pour une raison que j'ignore, il semble beaucoup plus calme à tes côtés. C'est le signe qu'il a des chances de revenir comme avant ! Ne nous laisse pas tomber alors que tu as réussis à faire en si peu de temps ce que nous essayons de faire depuis si longtemps. il se met à me supplier.
-J'ai envie de vous aider, vraiment. Mais je ne peux pas.
Ce serait une perte de temps. Je ne sais pas soigner des cas psychiques, je crois même qu'aucun guérisseur ne le peut. De plus, mes parents m'en voudront salement de " prendre des petites vacances " ici, sur le territoire d'un de leur client.
Je continue d'avancer et Drickes ne me retient plus. Il a compris que cela ne sert à rien d'insister. J'espère qu'il comprendra aussi que son Alpha est un cas désespéré, et qu'il est grand temps qu'il prenne sa place avant que ça ne cause leur perte. J'ouvre la portière arrière de ma voiture afin de laisser entrer Hasna qui patiente sur le toît du véhicule. Mais avant que celle-ci n'entre à l'intérieur, le gros loup noir se met à entrer à sa place et s'installe confortablement sur la banquette arrière, la langue toujours pendante hors de sa gueule.
-Mais, descend ! je m'exclame à l'attention du loup qui ne bouge pas d'un poil.
Il m'observe de ses deux billes rouges, la tête haute.
Sale cabot.
J'essaie de l'attraper afin de le tirer hors de la voiture, mais impossible. Il est trop lourd, trop fort. Derrière-nous, j'entends le rire de quelques loups de la meute. Je soupire, vaincue. Je n'ai pas le choix, je ne peux pas l'emmener avec moi, c'est l'Alpha, aucun loup ici ne me laissera faire - et puis je n'ai pas vraiment envie de l'emmener avec moi.
-J'ai l'impression qu'il ne veut plus te lâcher. s'amuse Drickes non-loin.
Je me retourne agacée et le fusille du regard.
-Tu ne peux donc pas le garder avec toi ?
-Si je m'approche, il me bouffe. il hausse les épaules, pas le moins du monde ennuyé par le comportement déraisonnable de son Alpha.
Je soupire et me tourne vers le loup, toujours installé à l'arrière de ma voiture.
-Tu peux descendre, euh, Tobia. Je ne pars pas. je soupire en m'avouant vaincue.
Je reporte mon attention sur le bêta alors que le métamorphe aux yeux rouges descend fièrement du véhicule.
-Puisque vous insistez. je rajoute, de mauvaise foi.
Faux, je serais déjà loin si l'énorme loup noir n'avait pas fait l'idiot.
-Mais ce ne sera pas gratuit. j'exige, peu fière de moi.
-Bien-sûr. il hôche la tête.
Il va pour s'approcher de moi, mais se ravise sous le regard glacial du loup à mes côtés.
C'est injuste, c'est leur Alpha, pourquoi est-ce qu'il ne leur colle pas aux basques à eux ?
Pour la seconde fois dans la journée, Drickes pose un genoux à terre et baisse la tête en signe de respect.
-Accepte de nous aider, et nous t'offrirons notre éternelle protection.
J'écarquille les yeux, étonnée par une telle proposition. Je m'attendais à une somme d'argent assez importante, ou des pierres précieuses, des reliques, mais certainement pas à ça.
Une protection éternelle.
Je viens de découvrir aujourd'hui qu'il existe des gens qui veulent ma mort. J'ai beau posséder un don assez puissant, ce ne sera pas assez contre une meute entière. Avoir la protection de la meute Sombre signifie que je pourrais obtenir leur aide à chaque fois que je serais menacée.
C'est... vraiment intéressant.
J'habite seule dans une maison, je n'ai aucun ami, les seuls personnes que je côtoie réellement sont ma famille, et ils sont tous à des kilomètres et des kilomètres de moi. Avoir l'aide de métamorphes pour maîtriser mes possibles adversaires est une idée qui me plait beaucoup.
-J'accepte.
Maintenant il faut que j'explique ça à mes parents...
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