Chapitre 2
J'ai mal au crâne, très mal. Mon corps est entièrement courbaturé, un seul mouvement et je sais que j'ai très mal dormi dans mon lit. J'hésite. Finalement, je crois bien que la chose sur laquelle je suis allongée est beaucoup trop dur pour être mon lit. J'ouvre alors péniblement mes yeux et rencontre une moquette bordeau qui, bien que moelleuse, est loin d'être assez confortable pour coucher quelqu'un dessus. De toute évidence, je ne suis pas chez moi. Je ne suis pas très fan des nuances de rouge, cette couleur bien trop associée au sang à mon goût. Allongée sur le flan, j'apperçois une porte en acier qui m'a l'air d'être vraiment très très lourde.
M'a-t-on enfermée ?
Alors que je tente de basculer sur mon dos, les souvenirs de tout à l'heure se rappellent à moi. Ce loup qui m'a attaquée...
Ils ne savent vraiment pas faire preuve d'amabilité dans cette meute.
Je sursaute brusquement en tombant nez-à-nez avec le métamorphe qui m'a agressée, sous sa forme humaine et habillé. Je ne sais pas si je me sens soulagée de ce dernier détail, ou si justement je suis un peu déçue de ne pas avoir eu le droit à ce spectacle qui doit sans doute être un régale pour les yeux.
Il faut dire qu'il est plutôt bien foutu.
L'homme possède une magnifique crinière noire bien fournie et décoiffée, un nez aquilin d'une taille respectable, et une bouche rosée et terriblement attirante. Je ne vois que son visage tant il est proche de moi, et ne peux donc voir son corps, mais je sais par avance, puisqu'il est un métamorphe loup, qu'il a des abdos en béton et qu'il doit être vraiment très grand, au moins deux têtes de plus que moi - ce qui n'est pas un grand exploit ( grand, haha, quel excellent jeu de mots ! ) étant donné que je suis vraiment une femme minuscule.
Durs et froids comme un morceau de glace, les yeux écarlates du loup m'observent. Ses bras, de part et d'autre de mes épaules, m'encadrent et m'empêchent de m'échapper de son emprise, bien que je ne sois trop hypnotisée par ces iris rouges qui me sondent.
Des yeux rouges.
Le loup a le contrôle sur l'humain alors même qu'il en a pris la forme.
Ce n'est pas rassurant.
Je me râcle la gorge, me forçant à ne pas paniquer.
-Euh, salut. je tente en espérant que le son de ma voix ne le pousse pas à m'arracher la tête. Un problème ?
L'homme aux yeux rouges penche la tête sur le côté, et se met à grogner.
-Tu es entrée sur mon territoire.
-J'y ai été invitée. je me défends, outrée.
Soudain, il se met à sourire, un sourire radieux alors que ses yeux rougeoyants pétillent de joie.
-Tu es à croquer.
Le sang quitte mon visage. Intérieurement, je prie pour qu'il ait employé ces mots dans un sens figuré. Sans que je ne m'y attende, il enfouie sa tête dans mon cou et se met à renifler sans grande discrétion.
-Moi, à croquer ? C'est ridicule, voyons. Tout le monde sait que les guérisseurs ont un sang presque aussi immonde que celui des vampires. je commence à lui mentir, trop à l'aise sur ce terrain là pour - je l'espère du moins - qu'un battement de coeur ne me dénonce à son ouïe bien trop développé à mon goût.
J'essaie de garder un faux-semblant de calme, mais la pointe de ses canines qui commencent à caresser l'épiderme de mon épaule me fait perdre mon sang-froid. La magie se libére d'elle-même et une puissante décharge éléctrique envoie valser mon agresseur contre le mur au fond de la pièce.
Oups.
Le corps du loup rencontre le bois de la tête de lit qui se fracasse sous le choc. Remis de sa surprise, il se met à grogner férocement contre moi.
J'ai grand intérêt à vite filer.
Je me lève rapidement et fonce vers la porte de métal, manquant de chuter dans ma précipitation. Mais lorsque j'arrive devant celle-ci, je ne vois aucune poignée. Il m'a enfermée avec lui. Je panique. J'entends derrière-moi les pas du loup féroce se rapprocher. Je me retourne, les paumes en avant.
-Ne t'approche pas si tu ne veux pas que je recommence ! je le préviens, feignant un air menaçant.
De minuscules éclairs se mettent à danser sur mes doigts, l'avertissant. En tant que guérisseuse, je ne suis pas censée posséder des pouvoirs qui puissent infliger le mal. Heureusement pour moi, mon père est hybride, si l'on veut ; mon grand-père était un guérisseur tandis que ma grand-mère, elle, est une élémentaire, une femme capable de contrôler un ou plusieurs éléments. La plupart des enfants Lalwen ont eux-aussi hérité de ce sang hybride incroyable, pas tous malheureusement. Moi, j'en fais partie. Et pour l'instant, le seul élément de la nature que je sais contrôler, c'est la foudre.
Oh, je suis un mini-Thor en fait.
Face à moi, à plusieurs mètres, l'homme-loup se met à grogner, mécontent. Puis il finit par s'avouer vaincu et s'asseoit sur le bord du lit, les yeux toujours rivés sur moi. Presque sûre qu'il ne va pas me sauter à la gorge, je laisse mon dos glisser contre l'acier et m'asseois à même le sol. Tous les deux nous regardons en chien de faïence pendant ce qui me semble des heures avant que l'un de nous d'eux ne finissent par bouger - lui, en l'occurence. Son regard s'est détourné de moi, et s'est posé plus haut, sur la porte. Puis il a commencé à grogner. Et il s'est levé, alarmé.
-Il faut que je te caches ! s'exclame t-il, pressé.
Me cacher ? Pour quoi faire ?
Trop occupée à tenter de comprendre, je ne le vois pas venir vers moi, m'attraper le bras sans délicatesse et me forcer à me lever. Son regard parcourt la chambre entière à la recherche de je-ne-sais-quoi.
-Suis moi.
Il me traine vers une deuxième pièce dont la porte est grande ouverte et qui mène à une salle d'eau d'une taille plus que raisonnable. Grognant constament, il me lâche le bras et s'approche d'un placard blanc accroché au-dessus du lavabo. Il le retire et je découvre une fenêtre cachée juste derrière.
Pourquoi cacher une fenêtre dans la salle de bain ?
En y réfléchissant bien, c'est la seule fenêtre que je vois dans les deux pièces. Le métamorphe l'ouvre grand ouverte et me fait signe de passer à travers.
-Qu'est-ce que tu fais au juste ? je le questionne, détestant être dans le flou.
-Je veux te garder avec moi. Ce qui ne va pas être compliqué avec ta petite taille. il sourie. Mais s'il te voit ici, il va t'emmener.
Je penche la tête sur le côté, un sourcil haussé.
Qui va m'emmener ? Et comment ça me garder avec lui ?! Je ne suis pas un putain d'animal domestique !
-Grimpe. Tu resteras sur le toit jusqu'à ce qu'il reparte, et ensuite je reviendrai t'ouvrir. Vite ! m'explique t-il, pressant.
Alarmée par son comportement, j'escalade le lavabo sans réfléchir, et dans une posture des plus humiliantes, le ventre posé sur le bord du lavabo et les pattes en l'air, cherche à poser un genoux sur le rebord.
Si seulement il existait un moyen de grandir.
Lorsque je parviens à escalader le lavabo, je monte sur le rebord de la fenêtre et découvre un large toit aux tuiles bleus. Je passe à travers et manque de glisser une fois sur les tuiles.
Ouais, il va falloir que je fasse attention si je ne veux pas finir en tapas en bas du bâtiment.
-Je vais devoir rester là longtemps ?
Mais c'est trop tard, le loup a déjà refermé la fenêtre et a raccroché le placard blanc.
Qu'il est rapide.
N'ayant pas d'autres choix que de rester près de la fenêtre à attendre, je m'asseois le plus confortablement possible et patiente. L'air est glacial et les gros nuages gris-noirs au-dessus de ma tête menacent de se déverser sur moi.
Ça craint la Normandie.
Au loin, aggripée à la branche d'un arbre nu, un petit chat sauvage m'observe.
-Salut, Hasna.
Celle-ci tourne la tête et pousse un miaulement. Puis elle se détourne et retourne se balancer de branche en branche.
Lâcheuse.
-Il y a une odeur bizarre ici. se met à résonner une voix étrangement familière.
Je regarde tout autour de moi à la recherche du propriétaire de ce son étouffé jusqu'à ce que je comprenne que l'homme est à l'intérieur, avec le loup, et que j'arrive à entendre leur voix malgré le verre. Je cherche dans ma mémoire à qui peut bien appartenir cette voix si calme, si posé.
Je l'ai déjà entendu, j'en suis certaine.
Un grognement retentit, que je reconnais comme appartenant à l'homme-loup aux yeux rouges - il ne fait que grogner, ça ne peut être que lui. La voix résonne encore une fois. Je ne comprends pas ce qu'elle dit, mais je commence à toucher quelque chose du doigt - au sens figuré seulement.
-C'est... Drickes ? je me demande à moi-même, reconnaissant un peu la voix du bêta de la meute Sombre bien qu'elle soit étouffée.
Ce qui n'est pas étonnant. Malgré le fait que je suis tombée dans l'inconscience, je suis toujours sur le territoire de la meute de loups, dans le cas contraire, Hasna ne serait pas dans les parages. Heureuse de trouver enfin un allié, je me mets à tambouriner contre la fenêtre en hurlant le nom du bêta.
-Qu'est-ce que...
Le placard se dégage enfin de devant la vitre et me permet de croiser le regard inquiet du second. Il ouvre la fenêtre et j'entre en vitesse.
-Drickes, je suis contente de vous voir ! je m'exclame en résistant à l'envie de le prendre dans mes bras.
Celui-ci me regarde, furieux, et explose.
-Mais qu'est-ce que vous faites encore ici ?! m'hurle t-il après.
-Eh bien, j'étais en train de m'en aller, quand votre loup m'a sautée dessus et m'a enfermée ici. je m'agace, irritée qu'il me crie dessus alors que c'est de sa faute.
Même s'il n'est pas l'Alpha, il doit se charger de faire respecter l'ordre durant l'absence de leur chef. Au lieu de ça, l'un d'eux m'a agressée et même bavée dessus. Drickes jette un coup d'oeil à la fenêtre encore ouverte, puis au loup aux yeux sanglants qui nous observe, les poings serrés.
-Je la veux. déclare t-il lentement en découvrant ses crocs.
-Déesse, Tobia, non ! hurle Drickes en faisant barrière entre moi et le loup qui s'est élancé vers nous.
Le loup percute le bêta de plein fouet, et tous deux attérissent avec violence contre la paroi de douche.
-Endormez-le ! ordonne d'une voix pressante le bêta.
Je n'ai pas conscience qu'il ne s'adressait pas à moi aux moments où d'autres loups passent devant. L'un s'approche du métamorphe aux yeux rouges et tente de le maitriser. Mais, sauvage, celui-ci l'envoie valdinguer à l'autre bout de la chambre par la porte encore ouverte. Un autre le prend de court et lui enfonce une aiguille dans la peau avant de lui injecter, je le pense, un calmant. Mais le loup se retourne afin de lui déchiqueter l'épaule avant que le médicament ne fasse effet. Une fois libéré de ses crocs, l'homme, blessé, recule, sonné, avant de tomber fesses sur le sol. Puis les yeux rouges vifs se posent sur moi et je me dis que c'est mon tour.
Merde, il fait pas du tout effet leur machin !
Il s'avance d'un pas rapide, furieux. Mais, à un mètre de moi, il s'arrête. Il me fixe un instant. Puis il tourne de l'œil et s'effondre à mes pieds, inconscient. Je hoquète. Pas loin, j'entends Drickes se relever au son du verre qui crisse sous ses chaussures.
-Il ne sera pas K.O longtemps. Eclipsons-nous avant qu'il ne reprenne conscience.
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