J'ai terriblement envie de vacances, un long, et même éternel congé. Je pense imiter Lucifer, dans la série du même nom, je vais prétexter prendre quelques petites vacances et ne jamais y mettre fin.

Ah, si seulement c'est possible.

Alors que je ne suis rentrée du territoire des loups que depuis quelques heures, voilà que j'ai de nouveau du travail qui m'attend. Ma mère n'a rien su répondre d'autre à mon message qu'un " Hum hum " et le reste du message n'a servi qu'à m'informer d'où se trouve mon prochain client, la fille d'un riche humain. Celle-ci étant une hybride, fille d'un homme et d'une créature, elle ne peut se permettre d'aller se soigner dans un hôpital humain où cette race inférieur finira par se douter de l'existence du surnaturelle.

-Je veux t'accompagner. déclare fermement la voix grave de Tobia.

Posté devant la porte d'entrée, il attend une réaction de ma part, prêt à me bloquer l'accès à la sortie si je lui refuse de me suivre.

-D'accord. je dis simplement en enfilant ma veste.

Il cligne des yeux, comme surpris de me voir capituler si vite.

-Ta présence dissuadera les lynx de m'attaquer à nouveau. j'hausse les épaules.

Natasha arrive à notre hauteur.

-Je me joins à vous. déclare t-elle à son tour.

Tobia se met à grogner contre la louve qui baisse la tête en signe de soumission.

Mais quelle mouche le pique ?

-Tu es mon Alpha, je dédie ma vie à protéger la tienne. Je refuse de rester là à attendre votre retour. tente t-elle de s'expliquer.

Mais le loup ne veut rien entendre. Il ne veut pas que Natasha vienne, point.

- Moi, je suis pour qu'elle nous accompagne. Elle nous sera d'une grande aide si la meute de Kreagar réapparait. je me justifie.

L'homme-loup arrête enfin de mitrailler sa camarade des yeux. Il se détend. Soupire.

-Bien. se déclare t-il vaincu avant de se détourner pour sortir de la maison.

-Merci. souffle la louve qui passe près de moi pour le suivre.

Je lui sourie, compatissante. Je ne vois aucune raison pour laquelle Tobia refuse sa présence alors qu'elle nous est bénéfique.

Je ne comprends tout simplement rien au mode de vie des métamorphes.

Une demi-heure de trajet en voiture plus tard, nous arrivons dans une ville du nom de Dieppe, une ville peut-être un peu trop urbaine pour les deux loups qui m'accompagnent.

-Comme elles sont hautes ces maisons ! Et il y en a tellement ! s'exclame Natasha presque émerveillée.

La pauvre ne doit pas beaucoup sortir de son territoire.

-Oui, et beaucoup de gens aussi. ronchonne l'Alpha sur le siège passager en faisant allusion à la dense circulation qui nous a mené dans un bouchon.

-Ce n'est l'affaire que de quelques minutes. je réplique.

La louve à l'arrière de la voiture cesse un instant de s'agiter.

-Tu devrais installer une alarme sur ta voiture, comme pour les ambulances. Comme ça, tu irais beaucoup plus vite.

Je secoue la tête, amusée par ses propos.

-Oh, ça sent le poisson ici. constate Natasha qui joue avec la vitre.

-C'est normal, c'est une ville maritime. La mer n'est qu'à quelques centaines de mètres.

-La mère à qui ? Et pourquoi elle sent le poisson ?

Je ne sais pas si je dois être horrifiée de l'ignorance de la louve ou exploser de rire.

Dans quel monde de fou je suis tombée exactement ?

-La Manche, Nat', une étendue d'eau salée. la corrige Tobia d'un ton qui nous montre à quel point il est agacé par la stupidité de la louve.

Il ose même lever les yeux, blasé.

Même son loup est plus aimable.

-Oh. fait la louve, la mine de suite moins réjouie, attristée comme une enfant que l'on a grondé.

Je grimace. Bien que je n'ai pas passé beaucoup de temps avec elle, Natasha est une personne que j'aime beaucoup. Voir son Alpha la dénigrer comme il le fait me révolte un peu, même si l'Alpha en question est un putain de bel étalon. Elle ne mérite pas ça.

-On pourra peut-être y faire un tour, si on a le temps. je propose, n'osant même pas jeter un coup d'oeil au loup à ma droite pour observer sa réaction.

Le sourire de Natasha s'élargit, fou de joie. Et elle recommence à s'agiter.

-C'est vrai !? Oh, je vais voir la mer ! Je vais voir la mer !

Comment ai-je fait pour me retrouver avec ces deux enfants ?

Un peu plus tard, nous arrivons enfin devant la demeure de mon client. Je m'apprête à sonner, prête à servir mes parents à nouveau, quand Tobia m'interpelle.

-Nous sommes suivis. m'annonce t-il d'un ton qui m'intime de ne pas paniquer.

Je fronce les sourcils. Je jette quelques coups d'oeils d'une façon que j'espère discrète autour de moi. Je finis par appercevoir deux hommes qui agissent d'une manière bien trop suspecte pour ne faire qu'une simple balade dans les environs.

-Ce sont des lynx de Kreagar. gronde l'Alpha.

Je secoue la tête, désespérée par les multiples tentatives de ces félins. Je dois me rendre à l'évidence qu'ils ne s'arrêteront que lorsque je serais morte.

Ils peuvent toujours courir.

*****

Le reste de la journée s'est passé plus rapidement que le début. Après avoir soigné cette petite et avoir récupéré le paiement, nous sommes allés à la plage comme convenu. Et, au bord de l'hystérie, Natasha a fait sa première entrée dans la mer. Ca a été plutôt drôle à voir. La louve s'est jetée la tête la première de l'eau, folle de joie, avant d'en ressortir la seconde d'après, criant sa surprise de découvrir une eau si froide.

Pauvre louve innocente.

Nous sommes restés une bonne heure à nous amuser tous les trois - oui, amuser, un mot que je ne connaissais même pas il y a deux-trois jours de cela - puis nous avons regagné mon véhicule. Nous étions trempés de la tête au pied, nos vêtements nous collaient à la peau, mais nous avions tous cet énorme sourire aux lèvres qui ne voulait pas s'en aller.

Eh oui, même Tobia a réussi à se dérider.

A présent, nous nous réchauffons près de la cheminée dont ma demeure est équipée. Je crois que je n'ai jamais été aussi heureuse d'en posséder une.

Peut-être bien parce que je ne sais pas m'en servir.

C'est Tobia qui a allumé le feu, et nous le remercions toutes les deux dans nos têtes, Natasha et moi. Se serrant comme des sardines sur le canapé, nos corps enroulés sous une épaisse couverture et des vêtements secs me concernant seulement moi - Tobia et Natasha ne possédant pas d'autre tenue que celle qu'ils portaient à leur arrivée chez moi - nous discutons de tout et de rien comme de vieilles amies.
En fait, c'est surtout Natasha qui parle, et moi qui l'écoute. La métamorphe me raconte des anecdotes ma foi assez amusante sur les membres de sa meute, et je suis particulièrement intéressée par celles concernant l'Alpha de la meute Sombre par lesquelles j'apprends que Tobia est un homme moins sérieux que le pauvre Drickes qui a du subir toutes ses farces.

-C'était le bon vieux temps. soupire Natasha, les lèvres étirées en un sourire léger.

Je grimace en comprenant l'allusion.

Le temps où Tobia n'avait pas perdu sa fiancé, le temps où son loup n'avait pas pris le contrôle total durant des mois.

Le concerné nous rejoint dans le salon et jette un regard indescriptible envers sa camarade de meute. Celle-ci s'en va, prétextant une envie pressante. Tobia s'approche en tenant les pans de sa couverture qui couvre sa nudité. Il s'asseoit à mes côtés, observant un instant les flammes qui crépitent. Il inspire.

-Je n'ai pas été tout à fait honnête avec toi. m'avoue t-il en gardant les yeux rivés sur le feu.

Je plisse les lèvres.

-Honnête sur quoi ? je le questionne.

-Sur la cause de ma présence ici.

Ah.

Je l'intime de poursuivre, ayant un peu peur de la véritable raison.

-Enfin, je suis bien là parce que mon loup est encore instable, mais s'il l'est, c'est parce que...

Il s'arrête. Soupire. Je pose doucement ma main sur son épaule, lui donnant le courage de continuer. Il tourne la tête vers moi, accrochant son regard dans le mien comme si je suis son point d'ancrage.

-Tu ne t'es jamais demandée pourquoi mon loup est si calme avec toi ? Pourquoi il ne t'a pas bouffé ou pourquoi il n'a cessé de te tourner autour ?

-Oh si, trop de fois même. je ricane.

Malgré tout, je n'ai jamais su trouver une hypothèse correcte.

-Il t'a choisie. m'annonce t-il d'une voix des plus paisibles.

-Choisie pour quoi ?

-Pour compagne.

-Je ne suis pas sûre de comprendre.

Ses lèvres s'étirent en un sourire en coin des plus craquants. Il se tourne un peu plus vers moi et me donne une pichenette sur le front.

-Pour femme, idiote. se moque t-il avec tendresse.

L'insulte me fait grimacer. Le reste de l'information met un peu plus de temps à atteindre mon cerveau. Je sens mon visage se décomposer lentement.

-Je sais que c'est un peu rapide, mon loup a à peine croiser ton regard qu'il voit déjà son avenir avec toi. Mais il n'a jamais été aussi sérieux de notre vie. Il te veut et ne voudra d'aucune autre femel- euh, femme - à ses côtés.

Je referme la bouche avant même de remarquer qu'elle était ouverte.

-Alors je suis venu pour exaucer son souhait et le mien.

-Ton souhait ? Mais je croyais que c'était ton loup qui voulait me... je m'exclame, incapable de finir ma phrase.

Il sourie, amusé.

-Disons que tu as réussi à dompter non-seulement la bête mais aussi l'homme qu'il y a avec.

Oh bah zut alors. Je sais plus quoi dire.

Déterminé, Tobia prend ma main dans la sienne, donnant plus d'intensité à la scène.

-Je veux que tu saches que ni lui ni moi n'abandonnerons. C'est très sérieux. Etre compagnons, c'est pour la vie. Te prendre pour compagne signifie que je renonce à mon âme-sœur. Alors je le fais, que la déesse de la lune m'en soit témoin, je renonce à celle à qui je suis lié pour être avec toi. Seulement, et uniquement, toi. Pour toute notre vie.

Mon coeur fond. Oui, c'est ça, il fond et je suis en train de mourir, ce qui explique pourquoi je n'arrive plus à parler, à réagir, bon dieu !, je peine à me rappeler que tout ceci n'est que du rêve, que Tobia doit retourner auprès de sa meute avant la fin de la semaine et que moi je ne pourrais jamais l'accompagner.

-Tu n'es pas obligée de me donner ton accord maintenant, je saurai attendre. Mais pas trop longtemps, s'il-te-plait, mon loup n'est pas un animal très patient.

Tobia approche ma main, embrasse mes doigts du bout des lèvres en me gratifiant un regard brûlant, promesse silencieuse de me faire un jour sienne.