Chapitre 10

Je ne sais pas si je dois m'énerver contre le loup ou me réjouir que nos adieux - qui n'ont même pas eu lieu d'ailleurs - n'en soit pas. Je suis ravie de les voir, Tobia et Natasha, mais j'aurais préféré que ce soit dans d'autres circonstances que celles-ci.

-Mais pourquoi tu m'as suivie, putain ?! je m'exclame, un peu hors de moi.

Je ne suis pas experte en métamorphe, mais j'en connais assez pour savoir que, leur Alpha loin de leur territoire, la meute Sombre peut être en danger. Tobia a été imprudent en sortant de son territoire. Me suivre durant le long voyage que j'ai entrepris du territoire jusque chez moi, en voiture qui puis-est, est un exploit - et une énorme bêtise - que je pensais seul son loup peut réussir.

Il faut croire que l'homme comme la bête sont de gros irresponsables.

Tobia s'humecte les lèvres avant de me répondre, pas le moins du monde l'air coupable.

-Tu as fait une promesse à mon loup. me rappelle t-il. Tu lui as promis que tu veillerais à ce que je ne souffre plus, psychiquement du moins. Mais tu es partie. Et ce sans même nous dire au-revoir. il m'accuse d'un air grave.

Je passe ma main sur mon visage, puis dans mes cheveux, légèrement embarassée. Il est vrai que j'ai fait cette promesse au loup de Tobia, mais, pour être honnête, je ne pensais pas que veiller à ce qu'aucun malheur ne lui arrive consiste à faire partie de sa vie.

Ce que je suis idiote.

Tobia gronde.

-Ecoute, Tobia, je ne peux pas rester au territoire de la meute Sombre et m'assurer que tout se passe bien dans ta vie. J'ai un boulot, un boulot qui consiste à voyager dans les quatre coins du Nord de la France pour réparer des gens gravement blessés, un boulot dont je ne peux pas démissionner parce que, non-seulement soigner est à peu près la seule chose que je sais faire, mais aussi parce que ce sont mes parents qui dirigent tout ça et que jamais de la vie ils me laisseront quitter l'entreprise familiale.

-Alors tu as fait cette promesse en sachant dès le départ que tu ne pourrais pas tenir parole ?

Cette fois, il grogne. Il retrousse la lèvre, découvrant ses crocs si aiguisés, ses crocs qui ont déchiqueter la peau d'un lynx il n'y a pas moins de vingt minutes. Ces yeux s'illuminent un instant en rouge avant de revenir au brun. J'essaie de ne pas paniquer, mais Natasha est sorti se débarasser du corps du félin et je n'ai pas envie de blesser Tobia avec ma foudre.

-Ouais, c'est vrai, je ne m'apprêtais pas à tenir parole. Je ne suis pas parfaite, je ne suis qu'une égoïste, tous les Lalwen le sont, c'est dans nos gènes. J'ai fait cette promesse pour le rassurer, le pousser à te redonner le contrôle, et, voilà !, tu es de nouveau de retour. Je ne vous dois plus rien, à toi comme à toute la meute Sombre. En parlant de la meute, tu devrais rentrer. Elle est beaucoup plus vulnérable sans toi.

Mais le loup ne bouge pas. Il passe sa main dans sa chevelure ébène que je sais si soyeuse, souffle en tentant de reprendre son calme.

-Le problème, Alethea, c'est que je ne veux, ni ne peux partir.

Je plisse les lèvres. Une partie de moi, égoïste comme elle est, se réjouie de la situation. Un homme bien trop séduisant, trop parfait pour être réel, quitte son territoire pour me suivre jusque chez moi, chargé que de bonnes intentions, et ne veux même plus quitter ma maison.

Alors oui, mon égo féminin en est tout émoustillé.

Mais une autre partie de moi, une partie plus raisonnable, moins égocentrique que je ne me connaissais pas, ne cesse de penser que beaucoup de drames peuvent arriver sur la meute Sombre si l'Alpha ne rejoint pas ses camarades au plus vite.

Si jamais cela arrivait, aurais-je la mort de Drickes et ses compères sur la conscience ?

Je connais la réponse. Bien que ce ne sera pas de ma faute, je ne cesserais de me dire que d'une part j'en serais responsable. Parce que, sans moi, Tobia n'aurait pas quitté sa prison.Mais il n'aurait pas été capable de protéger la meute non plus.Toutes ces réfléxions m'empêchent de comprendre si mon intervention a été bénéfique ou non. De toute façon, il est trop tard pour y penser. Je ne peux pas retourner dans le passé, personne ne le peut. Alors je dois accepter ce que ma présence au sein de la meute Sombre durant ces deux minuscules jours a provoqué.

Tobia s'affale sur le canapé, le visage entre les mains. Il inspire profondément, pousse un long soupire. Il relève la tête, son profond regard rivé sur le mien. Un long frisson me parcourt le dos.

-C'est vrai que mon loup m'a enfin redonné le contrôle, mais, il est toujours là, pas loin. Je le sens. J'ai l'intime conviction que si quelque chose se passe de travers, il reviendra à la charge, et je serais encore trop faible pour l'en empêcher. Et je ne veux pas de ça.

Il se relève, semblant incapable de rester plus d'une minute sans bouger.

-Et toi, Alethea, tu es notre... ( il s'arrête pour chercher ses mots avec soin ). Tu as cet effet apaisant sur lui. Un effet que personne d'autre n'a. Quand je suis près de toi, mon loup semble enfin se terrer au fond de mon esprit, et j'en suis de suite rassuré. Tu le dissuades de reprendre le dessus. Alors non, je ne repars pas. Pas avant que je suis sûr d'avoir le total contrôle. Pas... sans toi.

Oh bah mince, je me sens toute chose dis donc.

-Je... Il faut que j'appelle Drickes. est la seule réponse que j'ai réussi à lui donner.

Je m'éclipse à la vitesse de l'éclair - étonnant pour une élémentaire de la foudre, non ? Une fois loin de lui, je m'autorise à plonger la tête dans un oreiller et crier.

De colère ? De frustration ? De joie ?

Bordel, sa révélation ressemble à beaucoup plus qu'un simple j'ai-besoin-de-ton-aide, elle semble cacher quelque chose de tellement plus profond.

Ou bien suis-je tout simplement parano.

Une fois ma petite crise passée, je m'assis sur le rebord de mon lit et sors le téléphone de ma poche que j'ai eu le temps de récupérer après que les deux loups m'aient sauvée. En allant dans mes contacts, je repère vite le nom du bêta de la meute Sombre parmis les multiples autres appartenant à tous mes frères et soeurs. Je déclenche l'appel et attends que mon interlocuteur décroche. Le premier bip n'a pas le temps de résonner entièrement que la voix grave du bêta se met à résonner à travers le portable.

Eh bah, il a son téléphone scotché dans le creux de sa main ou bien ?

-Euh, salut Drickes. Je t'appelle parce que...

-Ouais, ne t'embête pas. Quand on m'a dit que Tobia avait quitté le territoire, je me suis tout de suite douté où il allait.

Pourquoi est-ce que ça a été si prévisible ?

-Oui, eh bah, justement, il est là, dans mon salon, et il ne veut pas partir. je lui explique calmement.

De l'autre côté de l'appareil, Drickes, lui, semble paniquer.

-C'est pas bon, pas bon du tout. marmonne t-il.

-Quoi ?

-Le frère de Tobia doit arriver dans moins de sept jours pour voir l'état mental de l'Alpha. Jalen ne se contentera par de paroles, il voudra voir que Tobia est bel et bien de retour de ses propres yeux. Mais si Tobia n'est pas de retour au territoire avant l'arrivé de son cadet, nous serons fichus.

Je comprends alors l'envergure du problème. Si Tobia n'est pas présent lors de la visite de son frère, alors Jalen prendra sa place d'Alpha. Tobia sera alors détrôné. Pourra-t-il seulement rester intégré dans la meute si on lui pique sa place ? Peut-être pas. Et si jamais il ne pourrait pas rester sur le territoire de la meute Sombre, sa probable seule échappatoire sera...

Eh bien, ici, chez moi.

J'écarquille les yeux d'horreur en m'appercevant que cette idée n'est pas pour me déplaire.

Qui ne rêve pas de cohabiter avec un puissant mâle très sexy qui sera toujours là pour vous protéger ?
Personne.

-J'ai vraiment besoin de toi, Alethea. Je sais que je ne fais que de te demander service sur service, mais je n'arriverai à rien sans toi. S'il te plait, ramène-le nous. Drickes semble me supplier à travers l'appareil.

Jalen sera peut-être un très mauvais Alpha. Peut-être mènera t-il la meute à sa perte. Peut-être que Tobia est le meilleur Alpha que la meute Sombre puisse espérer pour survivre. Dans ce cas, il faut à tout prix que je réussisse en ramener le métamorphe sur son territoire.

-Euh, j'essaierai de te trouver une place dans mon agenda. est pourtant la seule réponse que je suis capable de donner au bêta.

Car au fond de moi, je doute. Je sais que Tobia est un bon Alpha et qu'il n'a de toute façon rien à faire ici. Mais, égoïste comme je le suis, j'ai envie de le garder pour toi. Alors qu'il n'y a rien entre nous. Je me contente de suivre ma routine et lui me colle aux basques. Rien de plus.
En jetant un regard vers la porte à moitié ouverte, je regarde Tobia, assis sur le canapé, qui s'occupe avec tendresse de la petite Hasna qui a enfin quitté le dessous du meuble télé. Attendrie par la scène, je ne peux m'empêcher d'espérer.

Et s'il y avait plus ?

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