Chapitre 1 : A la bonne heure pour le thé
Aujourd'hui, c'est mon non-anniversaire, comme tous les jours et on m'a conviée au banquet du chapelier fou avec tout le petit monde qui me rendait heureuse chaque jour.
Je l'aimais depuis toujours, le chapelier. Mais voyez-vous, la bravoure n'est pas une chose qui me fut offerte à la naissance. Je l'aimais depuis ce jour, où je devais avoir dix ans, et lui douze. Ce jour où il m'a sauvé la vie d'Absolem. Ce traumatisme est aussi ancré dans ma mémoire que ce sauvetage. Mais alors qu'il me tirait des griffes de ce monstre, la chenille lui lança la foudre. Et c'est depuis ce moment qu'il nous pose la même question chaque matin. Cette question du corbeau et du bureau. Il est devenu fou à réfléchir sur cette question insensée, jusqu'à organiser sa vie entière autour d'elle.
Je mis mes vêtements et enfila bottes les plus noires et vernies. Je sifflai et passai entre les roses du Pays des Merveilles. Elle ne me regardaient pas et avaient leur regard ailleurs en permanence. Je crois que je les ai vexées, un jour, mais je ne m'en souviens plus. Ça ne me touchais cependant pas. J'arrivai au banquet, entendant déjà les chants de mes hôtes qui se souhaitent mutuellement un "joyeux non-anniversaire".
-Alice ! Tu es déjà là ? Tu arrive à la bonne heure pour le thé ! cria le lapin le plus fou de ce pays.
-Pas de thé pour moi, répondis-je en m'avançant. Tu n'aurais pas un café ou quelque chose comme ça ?
-Oh si. Mais il faut que tu mettes du sucre ! Toujours plus de sucre ! cria-t-il, euphorique.
Je ris et pris place à côté de celui avec qui j'avais grandi : le chapelier fou qui plaça un chapeau sur ma tête. Ses yeux sortaient presque de leur globes et son sourire s'étira loin derrière ses oreilles.
-Joyeux non-anniversaire ! Ou est-ce ton anniversaire ? Non. Je te souhaite quoi aujourd'hui ?
-Stop ! Tu délires complètement !
-Je sais. Les amis, déclara-t-il à l'assemblée, quelqu'un d'entre vous connaît-il la différence qu'il y a entre un corbeau et un bureau ?
Tout le monde soupira et continua ses discussions. Je me mis à rire de lui. Il posait cette question chaque matin sans que personne n'ait de réponse.
Il me sourit en retour et je fus vite interpellée par ce maudit lapin alcoolique qui courait sur la table.
-Tu vas arrêter, satané lapin ou je te mets la tête la première dans le champignon rétrécissant, là-bas !
-Oui, madame Alice, excusez-moi.
Je mis mes pieds sur la table, comme pour montrer mon autorité, tout le monde rit et le banquet pris son cours habituel : lancers de tasses entre les deux lapins ivres après s'être enfilé des bouteilles de rhum pleines à ras-bord et quelques blagues farfelues du chapelier. Ainsi était ma routine. Cette routine, je ne l'échangerais contre rien au monde.
-Alice ! me dit le chat en apparaissant sournoisement comme à son habitude avec son sourire, Absolem te demande.
Les discussions cessèrent en un silence assourdissant. Tout le monde me scruta sans dire un mot. Ce n'était pas tous les jours que quelqu'un était appelé chez lui. Et quand c'était le cas, les personnes appelées ne revenaient souvent jamais ; et je n'avais pas envie de savoir quelle direction ils prenaient.
-Ah, ce bon vieux Absolem. Il ne loupe pas une seule occasion pour rompre nos festivités quotidiennes.
Tout le monde se mit à rire, moi comprise. Mais ce n'était pas sans crainte que je riais.
-Il ne m'a rien dit. Il veut juste te voir.
-C'est peut-être ma dernière heure dans le pays avant mon bannissement ! dis-je d'une manière piètrement ironique. Ou ma mort.
Tout le monde rit et je partis à travers les bois, pas du tout anxieuse. Je savais où j'allais, malgré les similitudes entre chaque recoin de la forêt. Je fus vite stoppée lorsque quelqu'un m'attrapa le bras, ce qui me fit sortir un couteau de ma poche que je plaçai sous le cou de mon agresseur. Les bois étaient très hostiles en ces temps-ci. Mon agresseur n'était autre que Jefferson.
-T'es malade ou quoi ? J'aurais pu te tuer !
-Peu importe, si tu pars, la vie n'aura plus aucun sens.
-Tu crois vraiment que je vais mourir ?
-Tu sais de quoi il est capable. Ne me fais pas croire que tu n'as pas peur. Pas à moi.
-J'ai peur mais il ne m'arrivera rien. Je te le promets. Et même s'il m'arrive quelque chose, je partirai en sachant tout ce que tu as toujours fait pour moi et ça, je ne l'oublierai jamais.
-J'ai peur de t'oublier.
-On ne s'oubliera pas. Si tu m'oublies, je reviendrai pour te le rappeler.
-Je ne peux pas vivre sans toi, Alice.
Pour une fois, je fis preuve de courage. Et lui aussi. Nous nous sommes montré vulnérables. Il ne m'avait jamais dit ça. Ces mots faisaient partis des acquis de notre quotidien mais les entendre aujourd'hui a été un rappel de tout ce que nous éprouvons, de toutes ces émotions vivantes et spirituelles.
Il me prit dans ses bras et me glissa à l'oreille :
-Tu es tout pour moi, je t'aime depuis toujours, Alice, et cela jusqu'à la fin de mes jours.
Je le serrai encore plus fort suite à cela ne voulant pas rejoindre le monstre. Il fallait que je parte à présent. Je me libérai de cette étreinte parfaite.
-Au revoir Jefferson.
Je commençai mon chemin à travers les fougères jusqu'à ce qu'il m'appelai :
-Alice ! Attends !
Il vint en courant.
-Tu n'allais pas me laisser sans un baiser d'adieu tout de même ? dit-il en souriant. Ça ne nous ressemblerait pas.
Je ris.
-Nous ?
Il me coupa en posant ses lèvres sur les miennes. Qu'est-ce que je l'aimais, ce garçon. Quel abruti. Il ne lâchera donc jamais l'affaire. Si je ne reviens plus, ses lèvres et ses mains sont des choses supplémentaires qui me manqueront. J'imprimai ses yeux dans mon esprit et je me fis la promesse de ne jamais oublier cet amour.
Il rit et cette fois-ci était la bonne. Je partis à travers les bois hostiles jusqu'au repère du gros lard. Il était retourné sur ce maudit champignon.
-Alice. Je t'attendais.
-Qu'est-ce que vous me voulez ?
Il se retourna en replaçant son monocle sur son œil juteux.
-Tu sais, chère Alice, que tu n'es pas la vraie Alice, n'est-ce pas ?
-La vraie est morte des années auparavant et vous avez raison, je ne suis pas celle que vous attendiez.
-Alice, Alice. Tu es concernée par une prophétie malgré que tu sois la fausse Alice. Cette prophétie dit que tu dois quitter ce bas monde aujourd'hui pour aller dans un autre pays et le débarrasser du chaos qui y règne.
-Vous pouvez arrêter de prononcer sans arrêt mon prénom en prétendant que je suis la "fausse Alice" dans chacune de vos phrases ? Accouchez, je n'ai pas que ça à faire.
-Insolente !
-Je ne partirai pas de toute façon.
-Tu le dois, c'est ton destin et tu sais très bien que l'on y échappe pas si facilement.
-Je fais ce que je veux, c'est mon pays ici et je décide de ne pas le quitter pour l'instant. Ce n'est pas à vous de me dicter ma vie. Et puis, je crois pas à vos stupides prophéties à dormir debout.
-Et bien, je ne pensais pas à avoir à utiliser la manière forte mais je vais être obligé de l'employer, je suis désolé, Alice. Un jour tu reviendras sans doute, lorsque tu auras accompli cette prophétie.
Il fit un signe du doigt vers le ciel.
-Vous vous adressez au ciel maintenant ? Ça promet...
Il se mit à rire d'une manière machiavélique lorsqu'une ombre apparut et me pris par le bras, me faisant décoller du sol. Une emprise froide et déchirante.
-Eh oh ! Lâchez-moi tout de suite ! Jefferson ! A l'aide ! Absolem !
Ma rage sortait de moi. Je ne voyais même plus le sol. Le pays des Merveilles disparaissait progressivement. J'étais dans les nuages, mais au sens propre. Je ne voyais plus rien, sous mes pieds. Je voyais cette ombre occulte qui me tenait par le bras, me faisant terriblement mal.
-Et puis t'es quoi toi ? J'ai jamais vu quelqu'un de ton espèce avant, dis-je à l'ombre noire comme la nuit.
Pas de réponse.
-Pour qui tu te prends à pas me répondre quand je te pose des...
Je n'avais pas le temps de terminer ma phrase qu'il m'avait déjà largué sur une plage comme un colis. Je levai la tête et vis un garçon blond avec une énorme cicatrice sur le visage. J'étais à terre en position de faiblesse.
-Bienvenue au pays imaginaire ma jolie.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top