Chapitre 8

Thibault

        Je m'arrêtai quelques secondes, laissant passer un groupe puis je m'engouffrai dans le Jokapi.Jouant des coudes, j'avançai lentement, scrutant la foule dense à la recherche de Timothée. Je soupirai, ne le voyant nul part. Le retrouver ici ne serait pas chose facile, je sortis mon portable pour l'appeller, sans succès, je lui laissai un message et poursuivis mes recherches. J'ignorai les regards langoureux comme je déclinai les propositions qui s'enchaînaient, m'agaçant plus qu'autre chose. Je commencais à désespérer.

        Le tulmute  monta rapidement. Tous se turent, les yeux rivés vers cette scène, tandis que les haut-parleurs débitaient toujours la même musique. Des éclats de voix, des rires moqueurs, des insultes bien senties crevèrent le silence relatif qui s'était installé. J'en restai bouche bée, un sentiment de pitié naquît en moi, bien vite remplacé par la rage. Comment les gens pouvaient-ils être aussi cruels? N'avaient-ils donc aucune compassion? Pourquoi personne n'intervenait-il? C'était simplement de la méchanceté gratuite, de la persécution à l'état pur! Qui pouvait-être assez malsain pour s'acharner à ce point? Se délecter de ce spectacle, au point de le provoquer? Toutes mes interrogations ne faisaient qu'amplifier ma colère. De là où j'étais, je ne pouvais voir leurs visages.

        Sans que je m'y attende, je vis passer la tête blonde de Tim. Son visage était tendu à l'extrême, il entrainait à sa suite, une jeune femme qui semblait tétanisée. Le tumulte diminuait peu à peu, les conversations reprenaient leur cours. Je me calmai un peu avant de m'empresser de rejoindre Tim.

        Je mis quelques minutes, à pouvoir sortir. Arrivé à l'air libre, je remarquai, un peu à l'écart, la large silhouette de Tim se découper dans la pénombre. Je m'approchai du couple enlaçé. Je m'apprêtai à charrier Tim sur sa nouvelle conquête quand je notai les pleurs discrets de la jeune femme. Elle était accrochée à lui comme si elle allait se noyer, oublieuse du monde extérieur, le visage caché dans sa chemise. Je détournai la tête, gêné. La scène de tout à l'heure me revînt à l'esprit, elle en était à coup sûr la cible. A cette pensée, la colère que j'avais chassée tant bien que mal, refit surface et prit de l'ampleur prête à tout détruire sur son passage. Je concentrai toute mon attention sur Tim. Son visage exprimait une multitude d'expressions contradictoires : L'incompréhension se lisait sur ses traits, il semblait complétement dépassé par les évenements. Une inquiétude indiscible assombrissait ses yeux. Une colére, semblable à la mienne et  difficilement contenue,  faisait saillir les veines de son cou et de sa tempe. Son regard perdu se posa sur moi. Je pris les choses en main.

        "Explique moi" sifflai-je simplement.

D'une voix atone, où poignait l'incompréhesion, il me souffla :

"Je ne sais pas. On discutait tranquillement quand un groupe est entré... Ils ont vu Alice et se sont mis à s'acharner sur elle, à ..."

Il s'interrompit, assura sa prise sur Alice qui hocquetait, lui caressa les cheveux, inquiet avant de reprendre :

"Enfin, je l'ai entrainée dehors... Elle s'est effondrée en pleurs... Je ne comprends pas ce qu'il s'est passé, je..."

Son corps et sa voix trahissaient son sentiment d'impuissance. Je le coupai et n'émis qu'un seul son :

"Qui?"

"Paul", souffla-t-il

Il ne m'en fallu pas plus, je me retournai lançant derrrière moi :

"Prends soin d'elle. Je m'occupe du reste. Je te retrouverai plus tard."

        Je senti une vague de soulagement émanée de lui, tandis que je pénétrai à nouveau dans le bar, sans qu'il ne cherche à m'en empêcher. J'arrêtai un homme qui s'apprêtait à sortir et lui demandai, si il connaissait un certain Paul. Celui ci me toisa avant de me l'indiquer d'un geste. Je le retiens encore, m'assurant de ne pas me tromper d'homme. Une fois cette vérification faite, je m'avançai vers un groupe riant aux éclats. Paul était au centre, il avait fier allure, il faut l'avouer. Il était de ses hommes au charisme certain. Les filles autour de lui le regardaient avec envie, mais il ne semblait même pas s'en apercevoir.  Quelques mèches noisettes tombaient sur son front. Mon regard croisa le sien, la douleur s'y décelait sans peine. Quelque chose s'était brisé en lui, ne laissant qu'un coquille vide. Surpris, je ne pouvais quitter ses yeux, fasciné d'y trouver autant de fêlures.

        Un nouveau sarcasme associé au nom d'Alice me sortit de cet état de transe, laissant la colère se déverser dans mes veines, stimulée par l'image de la jeune femme effondrée dans les bras de mon cousin. Je m'approchai dangereusement de Paul. Les gens autour de nous se turent en un instant, leur attention braquée sur nous. Cherchant à tester cet homme et à en savoir plus, je lançai :

"Tu connais Alice?"

Ses yeux s'assombrirent, son haleine avinée flotta jusqu'à mes narines, il siffla entre ses dents :

"Ne me parle pas d'elle! Et d'ailleurs, tu es qui?"

Face à la véhémence de ses propos, je ne répliquai pas tout de suite. L'expression de son visage laissa place à une nouvelle émotion comme de la jalousie, notai-je, étonné. Il reprit :

"Cette salope m'a déjà remplacée! J'en étais sûr..."

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que mon poing finissait sa route dans son estomac. Il se plia en deux, je lui soufflai :

"Je n'aime pas qu'on insulte les amis de mes amis. Souviens t'en!"

Il ne dit mot et je mobilisai ce qu'il me restait de sang froid pour sortir d'ici avant que je ne finisse de le démolir. Les murmures se répandaient autour de moi alors que je sortai, suivie de près par une fille qui avait suivi au loin notre altercation.

        Arrivé dehors, je frappai dans le mur pour évacuer toute cette rage, toute cette adrénaline qui coulaient encore dans mes veines. Il était si tentant de faire demi-tour et de finir ce que j'avais entrepris. Je résistai, apréhendant sans peine la réaction de Tim, je balançai une nouvelle fois mon poing contre le béton dur. La jointure de mes poings était écarlate et douloureuse, du sang s'écoulait déjà des plaies. Je m'apprêtai à recommencer quand une main se posa sur mon bras.  Je me stoppai, et lançai furieux à la jeune femme brune qui me retenait.

"Qu'est ce que tu me veux!? "

Avant que je continue ma tirade, elle me desarçonna :

"Te remercier."

Je fronçai les sourcils, l'observant avec attention. Sa robe rouge se mouvait gracieusement autour d'elle donnait une fausse impression de douceur et de délicatesse. Elle était drôlement courageuse à sa façon et forte. Tous s'étaient éloigné de moi quand je m'étais mis à frapper le mur. Mais elle s'était approché, malgré la lueur de crainte qui luisait au fond de ses yeux chocolat. Je décidai de lui laisser sa chance et l'écoutai avec attention. Elle reprit alors :

"Paul méritait qu'on le remette à sa place, Il l'a assez fait souffrir comme ça."

Je hochai, la tête ne sachant que répondre. Je regardai mes chaussures, quand elle continua. A croire que cette fille ne s'arrête jamais de parler.

"Mais dis moi tu connais Alice, n'est ce pas ? Elle ne m'a jamais parlé de toi... D'ailleurs, qui es tu? Moi c'est Amanda. Et puis elle est où maintenant?"

Je répondis à ses questions, craignant une nouvelle vague.

" Thibault" marmonnai-je. "Je ne connais pas vraiment Alice, elle était juste avec mon cousin Tim. Tout à l'heure, il y a eu un accrochage avec ce Paul d'après ce que j'ai vu, et elle semblait bouleversée. Tim s'occupe d'elle et je me suis occupée de Paul. C'est tout."

Elle sourit malicieuse et songeuse à la fois :

"Alors comme ça, Tim est revenu, interessant..."

Je décidai de tenter ma chance, d'éclaircir toute cette histoire. Et lui demandai ce qu'il s'était passé entre Paul et Alice. Elle fronça les sourcils, en proie à un violent combat intérieur avant de me dire, après un long silence :

"Je ne peux pas tout te raconter, moi même je suis loin de tout savoir. Mais après tout, tu l'as aidé tu as bien le droit de savoir."

Elle inspira à fond, avant de se lancer :

"Paul et elle sont sortis ensemble, il y a 3 ans un peu près. Ils étaient vraiment heureux ensemble, très amoureux l'un de l'autre. Nous pensions tous qu'ils allaient passer le reste de leur vie ensemble. Alice rayonnait de joie, Paul se mettait en quatre pour elle. Puis il y a quelques mois, il l'a quitté salement et sans explication. Il a depuis passé son temps à l'humilier, à la faire souffrir."

"Quel salaud!" soufflai-je

Elle acquiesça, avec un sourire triste.

"Elle remontait lentement la pente, mais de le voir ce soir... Enfin Tim est là, ca va aller."

Je lui lançai, redoutant la réponse :

"Elle l'aime encore,c'est ça?"

Amanda opina, mal à l'aise. Elle se leva avec empressement, quand son nom creva l'air, me fit un petit signe de la main avant de rejoindre l'homme qui l'avait appellé. Sauvée par le gong songeai-je.

        Je souris, calmé. Drôle d'apparition cette fille. Au premier abord, elle semblait superficielle, toujours joyeuse un peu idiote, mais ce n'était qu'une facade. Elle analysait avec justesse la situation. Toute son intelligence est apparue, quand il avait fallu protéger Alice. Elle récoltait les informations avec aisance, parlant beaucoup pour ne laisser filtrer que peu d'informations importantes. Une conversation menée d'une main de maître remarquai-je.

        Je décidai de laisser à Tim, un peu de temps avec Alice, avant de le rejoindre. Je marchai jusqu'à un café plus calme, commandai rapidement un verre avant de sortir, avec une certaine culpabilité le carnet de ma poche. Hésitant , je le gardai dans mes mains pendant plusieurs minutes sans rien faire. Je carressais la couverture sans pouvoir me résigner à le ranger ou l'ouvrir, j'apaisai ma conscience en me promettent de ne lire que quelques pages...

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