Chapitre 7

Alice

                J'avançai dans la rue bruyante. Des flots de musiques, des conversations, des cris s'y déversaient. La fumée de cigarette me piquait déjà le nez. Je m'arretai devant un bâtiment rouge, aux néons tape à l'oeil, l'enseigne clignotante indiquait : Le jokapi. Le jokapi était LE bar en vue de cette ville, LE lieu où il fallait être vue. Les étudiants de toute la ville s'y donnaient rendez-vous habituellement, mais ce soir, cette boîte avait été prise d'assaut par des bacheliers, fraichement diplômés mais surtout survoltés. Je soupirai à l'idée de devoir y entrer.

        A l'intérieur, le son était assourdissant. Les enceintes déversaient une musique sans classe, commerciale au possible, des couples dansaient lassivement, leurs corps ondulaient l'un contre l'autre, sans aucune pudeur, au rythme de cette musique dégénérée. L'alcool coulait à flot, mélant son odeur à celle des parfums entêtants de la foule. Je fronçai le nez, déjà étourdie par toutes ces sensations, et me frayait un passage jusqu'au bar.

        J'étais de plus en plus mal à l'aise. Au fur et à mesure de mon avancée, les regards désapprobateurs se posaient sur moi. Il est vrai que je n'étais pas vraiment à ma place ici . Tous autour de moi avaient particulièrement soigné leur tenue. Les hommes portaient pour la plupart une chemise mettant en valeur leur carrure, et nombre d'entre eux c'était même doté d'une veste de smocking. Cela leur conférait une certaine classe et ils ne se privaient pas d'en jouer auprès de la gente féminine, maquillée et pomponnée pour l'occasion. Je regrettai mon choix de ce matin, un jean simple certes seyant associé à un débardeur blanc de style romantique. Cette tenue détonnait ici. Toutes étaient en robes ou en jupes. Je chassai de mon esprit ces déconvenues, et poursuivis mon chemin, ignorant les remarques.

        J'aperçu enfin Amanda et me dirigeai vers elle. Elle était resplendissante, sa robe rouge mouvait délicatement autour de son corps, accompagnant chacun de ses mouvements, soulignant son teint hâlée. Nous nous installâmes à une table haute, un peu à l'écart de l'agitation et commandâmes, d'une même voix, avec un sourire de connivence deux mojitos.

        La conversation démarra comme toujours sur les chapeaux de roue, Amanda ne cessait jamais de parler. Elle me parla longuement de Lucas, du bac, de ses projets pour les vacances, du dernier film qui était sorti et qu'elle voulait absolument que j'aille voir, elle se moqua gentillement de ma tenue, me conseillant de faire un effort la prochaine fois. J'opinai régulièrement du chef, la laissant discourir sans discontinuer. J'étais toujours autant fascinée par sa capacité à parler de tout et de rien . Je grimaçai quand elle se tut, maintenant commençait l'interrogatoire. je préférai y couper court et lancer :

"Mmmm, Amanda?"

Elle m'observait, attentive alors  je sautai à l'eau.

"Je pars demain..."

"Oh mais c'est génial, Alice. Ne dis pas ça avec un air d'enterrement. On se reverra quand tu reviendras des vacances!" s'exclama-t-elle.

"Non, tu n'as pas compris. Je pars à fontainebleau demain, je ne reviendrai pas. J'entrerai à la fac début septembre et..."

Le visage d'Amanda s'assombrissait au fur et à mesure que je parlais.  Elle lâcha un "mais...." Je ne dis mot lui laissant le temps de réagir. Le silence s'installa entre nous, jusqu'à ce qu'elle reprenne séchement :

"Je suppose que c'est mieux pour toi."

Elle ajouta plus doucement :

        "Même si tu vas me manquer"

Je lui fis un sourire contri, et la serrai des mes bras, avant de lui murmurer :

        "Je pars d'ici certes, mais ce n'est pas toi que je fuis. Je t'aime plus que tout."

        "Plus que tout " répéta-t-elle avec un sourire triste.

Lucas arriva sur ses entrefaits et embrassa sa copine. Amanda rougit et j'en profitai pour m'éclipser, non s'en avoir saluer ce dernier. 

        Je jetai un dernier coup d'oeil, sur le couple enlacé. Leur vision me serra le coeur, me rappellant que quelques mois plus tôt, j'étais à leur place. La tête brune d'Amanda reposait en toute confiance sur l'épaule de Lucas. Les bras de ce dernier l'envellopaient avec force et tendresse, semblant vouloir à la fois la protéger et la garder pour lui seul. Ils étaient touchants ainsi. Cela faisait déjà 4 ans,que je les voyais sans cesse collés l'un à l'autre. Ces deux là s'étaient bien trouvés, songeai-je. Je n'avais aucun souci à me fairepour elle, Lucas saurait s'occuper d'Amanda.

        Fendant la foule tant bien que mal, je finis par me heurter à un torse. Je relevai les yeux , prête à me confondre en excuses. J'aperçu alors un grand blond, au regard d'une douceur et d'une bonté sans pareil. Il se fendit d'un large sourire et s'exclama avec anthousiasme :

"Alice! Ca fait longtemps!"

J'esquissai un sourire chaleureux, en reconnaissant la voix de Timothée. Il avait changé, il avait grandi certes mais il paraissait plus sûr de lui qu'auparavant. Jamais je n'aurai pensé le trouver dans cet endroit. Bien qu'il ai vraiment fière allure avec sa chemise bleue négligeamment retroussée et son jean noire, sa résence ici me semblait aussi incongrue que la mienne. En tout cas, une chose était certaine, le gamin timide et rougissant, toujours assis au premier rang s'était envolé. Un peu intimidée, par sa nouvelle prestance, je lui répondis néanmoins avec simplicité, après tout c'était un vieil ami.

"Tim. Je suis contente de te voir! Et si ca fait si longtemps, c'est bien parce que TU as disparu de la circulation depuis des mois et des mois... Je ne les compte même plus. D'ailleurs...."

"Oh! Ca va, ne pleure pas. Je suis revenu" me coupa-t-il, hilare.

J'ajoutai, voulant le pousser dans ces retranchements :

"Et bientôt, tu vas me dire que tu es revenu pour moi."

A l'entente de cette simple phrase, mon Tim, enfin l'ancien Tim, aurait piqué un fard et n'aurai même pas pu bégayer une quelque répartie. Mais il me laissa avec un grand sourire charmeur :

"Parfaitement! "

Décidément, il avait bien changé. Toutes ses qualités apparaissaient à présent au grand jour, débarrassées du fard de sa timidité maladive. Je lui fis remarquer :

"Et bien, tu as drôlement changer, mais ça te va plutôt bien! Je vais pouvoir te taquiner sans complexe à présent."

Il plaisanta : "Je suis l'homme parfait , maintenant! Et je t'attends"

Nous riâmes de bon coeur à sa boutade, durant quelques minutes. Je profitais de ce délicieux moment quand mon sang se glaça à la vue du groupe qui venait de faire son entrée.

        Je sentis son regard mauvais glisser sur moi, s'insinuant partout en moi, sans que je puisse lutter. Mon mal être que j'avais tant combattu, refis surface en un éclair. Les murmures montaient progressivement jusqu'à ce que les sarcasmes, les insultes à mon encontre parviennent à nos oreilles. Mon visage fut inondée de larmes en un instant, la douleur psychique enflamma tout mes sens. Je savais que jamais je n'aurai dû venir. Je n'étais pas assez forte pour le revoir. Je n'étais même pas capable de le haïr.

        Timothée m'agrippa le bras et m'entraîna de force à l'air libre, emportant avec lui mes affaires. Parce que c'était lui, évidemment, l'objet de mes cauchemards. Je restai, desemparée, accrochée à la chemise de Tim que j'inondai abondamment. Il drapa ses longs bras autour de moi, me murmurant comme à un enfant des paroles réconfortantes. "Chut" "c'est fini." "Je suis là." "Calme toi un peu." Il caressait doucement mes cheveux dans le même temps, m'apaisant peu à peu. Je fus à peine consciente, de l'homme qui s'entretint quelques secondes avec Tim, avant de s'avancer, maitrisant à grand peine la colère noire qui coulaient dans ses veines, vers Paul et ses amis.

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