Chapitre 10 : Tim (1)
Alice
Je m’apaisai peu à peu. Les longs doigts de Timothée exerçaient, inlassablement une douce pression dans mon dos, traçant de grands cercles irréguliers, pendant que ses bras m’enveloppaient encore toute entière. Je pris une profonde respiration avant de m’écarter de lui. Je relevai les yeux redoutant l’avalanche de questions que tout un chacun se serait empressé de me poser après un tel épisode.
Son regard était empli d’incompréhension et d’angoisse, pourtant je n’y décelai pas une seule trace de pitié. Je pouvais y lire sans peine son désir de réponses. Pourtant pas une seule requête ne franchit le seuil de ses lèvres. Il n’y avait que Tim pour avoir autant de retenue et de respect pour l’autre, muselant ainsi sa curiosité. En remerciement, je lui fis un faible sourire, qui ne parvint pas à effacer l’inquiétude de son regard.
Je mis tout l’entrain que je pu rassembler pour lui lancer un « On s’en va ? » pressant. Il hocha la tête en signe d’assentiment, fit glisser sa main le long de mon bras pour finalement caler sa paume dans la mienne, d’un geste rassurant. Nous partîmes, d’un pas vif, sans échanger un mot, du Jokapi.
Au fur et à mesure que nous avancions, la foule s’amenuisait, nous apportant un calme confortable. Timothée était de ces personnes, qui savaient apprécier cette tranquillité, sans ressentir le besoin oppressant de rompre le silence. Et à vrai dire c’était agréable, de rester plonger dans ses pensées, le temps de les ordonner un temps soit peu, de profiter de ce moment-là, de la compagnie de l’autre tout simplement, de sa présence, sans échanger un mot, en savourant toutes ses autres choses, qui peuvent passer si souvent inaperçues. C’est aussi à ces instants qu’on reconnait une véritable amitié, nul besoin de babillages incessants, nulle gêne, juste deux personnes qui se tiennent côte à côte et avancent ensemble. A sa manière, sans qu’il ne s’en rende vraiment compte, Tim agissait mieux que quiconque, me laissant l’espace qui m’était nécessaire tout en étant là, bannissant de notre relation la pitié que beaucoup m’avait démontrée. Il avait réussi en un temps record à chasser mes nuages les plus sombres, me donnant un peu de sa légèreté, même si ce n’était que temporaire. Maintenant, j’étais bien décidée à profiter de sa présence, de ma dernière journée à Lomson.
Je relevais la tête, souriante, quand je captai mon reflet dans une vitrine. Mon sourire s’effaça pour laisser place à une grimace, que Tim ne manqua pas de remarquer. Il me susurra d’un ton taquin :
« C’est sûr que c’est pas terrible. Mais enfin j’entrevois un espoir de vengeance, il y a bien des moments où tu n’es pas entièrement à ton avantage! A tel point qu’on pourrait presque te prendre pour un monstre… »
J’esquissai un sourire à sa référence. J’appréciai sa sincérité. Beaucoup m’aurait faussement rassurée, faisant mine de ne pas voir mes joues marquées par mes larmes, mes cheveux ébouriffés, mes yeux rougis et bouffis. Je ne le laissai pourtant pas finir, je dégageai ma main de sa ferme étreinte et lui frappai le torse en guise de protestation.
« Ouch ! Le fauve se réveille. » Lâcha-t-il, m’arrachant un sourire franc en réponse à ses yeux rieurs et à sa remarque.
Je ne relevai pas davantage sa pique et m’approchai de mon reflet. Je poussai un soupir en tentant de discipliner mes cheveux en un chignon un peu flou. Tim s’approcha de moi, posa ses mains sur mes hanches et tout en déposant un baiser délicat sur mon front, me murmura :
« Ne t’en fais pas, tu es toujours aussi belle. »
A ces mots je paniquai. Quelles étaient ses intentions ? Qu’entendait-t-il par là ? N’avait-il pas renoncé à l’idée d’un nous quand il était parti ? Tim dut percevoir mon trouble car il ajouta, reprenant le ton malicieux qui semblait à présent le caractériser :
« Enfin, après avoir vu ma sœur au réveil tous les matins depuis 18 ans, mon jugement est altéré ! Je peux juste te certifier que le spectacle qui s’offre à moi est moins affreux. »
Je souris presque malgré moi, et chassai ces questions troublantes. Je me sentais bien, et cela faisait trop longtemps que je ne m’étais pas senti ainsi, pour gâcher ce moment avec des idées délirantes. Car elles l’étaient, n’est-ce pas ? Je n’en étais pas convaincue, trop d’indices me revenaient à l’esprit, je les ignorai du mieux que je pu. Retrouvant une certaine gaieté, je tournai les talons, en lançant, espiègle :
« A vrai dire, tu es dans un sacré état, toi aussi. Qu’est-ce donc que cette chemise toute froissée ? Tu m’as habitué à mieux, Coquelicot. Sur ce, le monstre s’en va! »
Il tiqua à l’entente de son ancien surnom, puis hocha la tête semblant constater que c’était de bonne guerre, il ne put toutefois se retenir de me lancer avec un air vainqueur :
« Enfin ! Le fauve est revenu ! Même si je te ferrais remarquer que tu es en parti, responsable de ma piètre tenue. »
Je haussai les épaules, remarquant qu’il n’avait fait que me pousser avec délicatesse dans mes retranchements, pour me permettre de redevenir moi-même. Je restais étonnée par son changement. Même si nous nous étions toujours bien entendu, la timidité de Timothée avait toujours pris un peu de place dans notre relation et aujourd’hui, elle ne semblait plus exister, j’avais face à moi, un homme plus sûr de lui que jamais auparavant. J’appréciai cette transformation, il semblait vraiment épanoui. Le gamin introverti et mal dans sa peau semblait avoir laisser place à celui que j’avais toujours vu sous les apparences.
Je marquai une halte au point d’eau, plongeant mes mains dans l’eau fraiche, goutant cette sensation agréable. Je m’aspergeai le visage effaçant ainsi les traces qui y restaient. Je me bénis un bref instant de ne pas m’être maquillée, m’évitant ainsi de ressembler à un panda pour le reste de la soirée. Parce que waterproof ou non, après les chutes du Niagara, rien n’aurait survécu ! La faible clarté de la lune et la lumière diffuse des lampadaires me permirent d’apercevoir un visage plus frais et presque reposé à la surface de l’eau. J’avais finalement repris forme humaine, notais-je.
Je m’approchai de Tim, et m’assis à côté de lui, laissant sa chaleur corporelle me réchauffer un peu. Je frissonnai malgré tout, Tim fit mine de retirer sa veste. Je lui lançai un regard sévère, qui lui fit lever les yeux au ciel, sans pour autant, se départir de son idée de départ. Il insista :
« Tu as froid, et ne me mens pas, je le vois bien ! »
Je fronçai les sourcils.
« Ce n’est pas parce que tu es un homme que tu n’auras pas froid sans ta veste. Alors oublie donc ces bonnes manières bien trop chevaleresques à mon goût. »
« Et toi, tu ferais bien d’oublier ton féminisme à deux francs. Ce n’est pas parce que tu es une femme indépendante que tu dois prendre ombrage que l’on veuille prendre soin de toi. » Grogna-t-il, avec véhémence.
Je l’avais vexé, mais je ne parvenais pas à prendre sur moi pour accepter son geste. Il m’avait parfaitement cernée. Jamais plus, à une seule exception près, je n’avais consentie à me sentir dépendante d’un homme. Je soufflai, c’était à moi d’effacer ce malaise. J’entamai donc la conversation.
« Alors, où avais-tu disparu, tout ce temps ? »
Il se fendit d’un sourire, sans pour autant délaisser sa mauvaise humeur. Il entama son récit, en m’attirant discrètement vers lui, passant son bras sur mes épaules, me réchauffant par la même occasion. Il m’expliqua que son cousin avait envoyé ses photos, à un magazine spécialisé. Les responsables s’étaient montrés très enthousiastes et lui avaient proposé de passer quelques mois avec un de leur photographe qui s’était montré particulièrement touché par son travail. Il avait accepté de vivre cette expérience, poussé par Thibault à prendre des risques. A eux deux, ils avaient convaincu ses parents que cela n’entacherait en rien l’obtention de son bac, il avait alors travaillé chaque soir les cours envoyés par ses professeurs. Il me raconta encore tous les détails qu’il avait dû régler.
Il s’interrompit, me sentant frissonner à nouveau. Je me maudis de ne pouvoir réprimer ses tremblements intempestifs, qui étaient sur le point de provoquer un nouvel affrontement. Il se leva, légèrement fâché puis son visage se modifia, comme suite à une illumination, il lâcha :
« Allez viens, Alice! On va marcher jusqu’à ma voiture. »
Je ne compris pas ce qu’il avait derrière la tête, mais je le suivi sans protester, marcher me réchaufferait sans doute. Je finis par le questionner :
« Ta voiture ? »
« Oui, j’ai eu mon permis, il y a peu. D’ailleurs ce soir, je te ramène. Je précise que tout refus est proscrit. » Dit-il fier de lui.
Je lui offris mon plus beau sourire, il en avait fait du chemin et sa fierté faisait plaisir à voir. Je relançai la conversation, tandis que nous déambulions, bras dessus, bras dessous, dans les rues désertes de Lomson. Il n’en fallut pas plus pour qu’il se lance dans une description endiablée de tout ce qu’il avait vu et fait. La passion habitait tout son être, ses yeux brillaient à cette simple évocation. Je me fis la réflexion que Tim était sans aucun doute le gendre idéal doublé du petit ami rêvé, mais inexplicablement, boudé par la gent féminine. Pourtant, il était beau, son visage carré, ses boucles blondes, ses doux yeux cyans, sa haute stature avaient de quoi rendre folle. Mais ce n’était rien comparé à son caractère tendre, protecteur, aimant, attentionné, son intelligence, son humour. Certes sa timidité masquait un peu sa véritable personnalité mais il suffisait de très peu de temps, pour se rendre compte de l’homme en or qui se tenait face à nous. A croire que les femmes fuyaient le bonheur simple et cherchaient toujours à assagir les pires crapules, comme aiguillonnées par une mission mythique. Les mauvais garçons avaient encore, malheureusement, de beaux jours devant eux, songeai-je avec dépit.
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Bonjour à tous,
Voilà, chapitre 10 posté, j'ai hate de savoir ce que vous penser de Tim, et de ce qu'il peut y avoir entre lui et Alice.Je ne suis pas certaine d'avoir fait passer ce que je voulais correctement ^^' alors j'attends vos réactions :)
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