17- Il faut en être sûre

Pdv Alice :
-"Hugo !"

Malgré l'obscurité environnante je reconnais les yeux gris orageux d'Hugo qui brillent d'une étrange lueur dans les ténèbres de ce couloir vide et humide.

Après l'altercation entre Fintan et moi, je me suis tus et j'ai écouté les directives de cet horrible homme qui me fixait d'un regard orgueilleux et supérieur. Il me répugne. Tout ici me répugne. Le lieux sombre et austère qui ne m'inspire guère confiance. Ces personnages au long manteau noir sans foie ni âme. Et mon choix que je vais amèrement regretter.

Sa tirade terminée, Fintan a ordonné à deux hommes de me conduire jusqu'à ma chambre. Leurs hautes et imposantes silhouettes se sont levées et avec toute leur force m'ont attrapés pour me forcer à avancer. Mon cœur battait dans ma cage thoracique tellement vite et fort que ma respiration était saccadée. La peur, ce sentiment qui te tort le ventre et sert ta gorge, s'insinuait en moi sans que je ne puisse la stopper. Ils m'ont conduit jusque dans une petite pièce à l'atmosphère suffocante et sont partis sans plus de cérémonie.

Mes yeux ont détaillés cette chambre sombre. Un petit lit trône au centre contre le mur du fond. Vieux et décrépit, il est très différent de celui qui se trouve chez les Vacker. Une armoire au bois noir dans un coin et une petite porte sur le mur à ma droite qui mène à une salle d'eau. C'est tout ce que contient cette pièce. Rien qui pourrait me rassurer ou apaiser mon angoisse.

Sur les draps ternes du lit, un long manteau reposait en attente que je l'enfile. Les battements de mon cœur se sont accélérés avec l'angoisse qui prenait d'assaut l'entièreté de mon esprit. J'ai longuement observé le tissu sombre où l'œil blanc inquisiteur me scrutait sans me lâcher. J'avais cette impression qu'il pouvait lire en moi, comprendre comme désapprouver mes actions, juger mes pensées et cela me hantait. Avec un long soupir tremblant j'ai enfilé le vêtement. Le tissu râpait contre ma peau mais au moins je ne voyais plus ce regard me scruter.

Mon esprit tentait de se concentrer sur le moment présent mais je ne pouvais cesser d'imaginer quel avenir m'attend.

Pourquoi ai-je fait ça ?

Ma raison, ma culpabilité, ma colère, ma tristesse, ma détresse et ma détermination créaient dans ma tête une tempête que je ne pouvais contrôler.

Lorsque je suis ressortie dans l'espoir qu'on m'indique quoi faire après avoir mis un nouveau fardeau de plus sur mes épaules, j'ai senti une main m'attraper le bras beaucoup plus doucement que les deux hommes.

C'est ainsi qu'en me retournant je suis tombé nez à nez avec le regard orageux d'Hugo qui me fait signe de me taire suite à mon cri. Il m'indique la porte de la chambre sans un mot et je hoche la tête en l'entraînant derrière moi. Quand il rentre, je vois son visage se détendre quelque peu. Il représente le seul soutient que j'ai dans cette organisation et même si je ne suis pas encore prête à lui offrir ma confiance entière, je peux lui accorder le bénéfice du doute. Il a l'air d'être relier à l'ordre par une sombre histoire.

-"Je t'avais prévenu Alice."

Son ton est rempli d'amertume et de dureté. Bien que son expression soit plus calme, il reste ferme et intransigeant. Je lis dans ces yeux une certaine déception. Mais je ne saurais dire pourquoi.

Il m'a prévenu, ça oui. Mais il était trop tard. J'avais pris ma décision. Je veux percer leur secret. Quel qu'en soit le prix. Il n'est pas en droit de me faire la morale sur mon comportement.

Mon visage se contracte de colère pendant que je réponds froidement :

-"Et moi je t'ai dis que je sais ce que je fais."

Un rire glacial sort d'entre ses lèvres. Je détourne le regard pour ne pas avoir à supporter son sarcasme et sa rancœur. Pourquoi devient-il comme ça tout à coup ?

-"Tu ne sais rien de ce qu'il t'attend. Tu t'es juste foutue dans une belle merde si tu veux mon avis."

Je suis choquée de son honnêteté. Pourquoi venir me parler maintenant de tout ça alors qu'il est trop tard. Beaucoup trop tard.

-"Je ne te l'ai pas demandé."

Hugo plante son regard dans le mien. Il y a quelque chose de suppliant dans ses yeux. Un appel à l'aide. Je l'observe dans l'incompréhension totale. Le temps semble être arrêté. J'essaye de comprendre son problème, sa demande muette et désespérée.

Il a un prénom humain, n'a pas démontré de réelles talents pour le moment, est sous les ordres d'un psychopathe en soif de pouvoir et semble être quelqu'un de froid avec des tendances bipolaires.

Ce n'est pas le portrait de l'allié que je me faisais dans mon esprit avant de venir ici. Remarque je ne pensais pas trouvé de compagnon de rébellion du tout.

Ne sachant que faire je l'ai juste fixé en attente de réaction de sa part. D'un signe qui pourrait me donner un indice. Mais il ne fait rien et soupire en déclarant :

-"Ma chambre n'est pas loin. Je la partage avec un éclipseur. Il est... Dérangé mais pas totalement fou. Si jamais tu me cherches et que je ne suis pas dans ma chambre, demande lui, il saura sûrement où je suis."

Je hoche la tête en signe d'approbation. Il n'y a rien d'autre à ajouter apparemment.

Hugo hésite à partir pendant quelques secondes mais se décide finalement à sortir de la pièce et me laisser seule.

Je suis si triste de me retrouver seule et angoissée dans cet endroit. Il n'y a pas de place au bonheur en ces lieux. Ma tête bourdonne tandis que mon corps enkilosé par la fatigue retombe sur le vieux lit.

Mes sombres pensées coupables remontent à la surface des abysses de mon esprit. Je revis tout. Le douleur des pertes, le poids de leur mort sur ma conscience et l'affreuse tristesse dans les yeux de Sophie.

J'ai tellement fait de mal.

À mon père.

À Jeanne.

Au père de Sophie.

À Mr. Forckle.

Et maintenant à tous mes amis dont Keefe.

Je lui avais promis. Je ne devais jamais l'abandonner. Mais je n'ai pas réussi. Mon désir de le protéger et de venger toutes les personnes victimes des Invisibles dont la seul personne qui comptait vraiment pour moi, a pris le dessus sur mon serment.

Je m'en veux.

Tellement.

Le cerveau bouillonnant, mes paupières pesant des tonnes et la paralysie dans laquelle je me suis plongée me font tomber dans un profond sommeil sans rêve.

                                 ***
Lorsque je me réveille, je sursaute brutalement en voyant une silhouette assise sur le bords de mon lit en train de m'observer. Mes yeux commencent peu à peu à s'accoutumer à la lumière ambiante très peu présente et je commence à discerner le visage de la femme aux allures folles que j'ai remarqué à mon arrivée.

Effrayée par son expression terne d'une personne psychologiquement instable, je m'éloigne subitement d'elle. Ma respiration s'accélère et mon pouls devient de plus en plus rapide. Son expression est plus douce que la colère qui émanait d'elle plus tôt dans la journée mais je remarque le léger tressautement de sa main.

Elle a peur. Cela se voit gros comme une maison. Elle a peur de représailles. En venant me voir, elle semble se mettre en danger.

Un sourire goguenard se dessine sur ses lèvres quand elle comprend suite à mon mouvement de recul qu'elle m'effraie. Ses cheveux chocolats détachés et bien lisses tombant dans son dos, elle paraît plus saine. Cela n'apaise cependant pas ma détresse qui continue de s'insinuer en moi.

-"Je te pensais plus courageuse que ça."

Sa remarque sonne comme un reproche. Comme Hugo tout à l'heure. N'ai-je pas la droit d'être effrayée alors que je suis dans une planque remplie de psychopathes qui pourraient me tuer à tout moment ? Mon étonnement doit se lire sur mon visage car elle ajoute :

-"Tous pensaient que tu serais plus... Hardie."

Je suis sous le choque. Ils ont peut être modifier génétiquement mes caractères héréditaires mais ils ne peuvent pas non plus me rendre insensible à la peur. Je ne sais pas comment réagir. Je me suis juste laissée sermonner pour que Fintan passe vite à autre chose.

-"Si tu veux obtenir sa confiance il faudra que tu aie plus de répondant Alice. Il s'attachera plus facilement à quelqu'un de caractériel."

Elle sourit mais ce n'est qu'un rictus fou, plein de regret qui s'affiche devant moi. Je ne sais pas quoi faire. Que me veut cette femme ? Et à quoi savoir cela peut il m'aider ? Comment sait elle ce que je compte faire ?

-"Pourquoi ?"

Ma voix tremblante est vite étouffée par l'atmosphère étouffant qui nous entoure. Je comprends les paroles de Keefe quand il me disait que c'était la pire période de sa vie. Ils sont tous complètement tarés ici. Sauf Hugo. Mais il n'est pas net non plus, sinon il ne serait pas là.

La femme me regarde puis se lève et se dirige vers la porte. Juste avant de partir et quitter la pièce elle se retourne et plonge ses yeux bleu profond dans les miens en murmurant :

-"Tu devrais développer tes capacités télépathiques, elles ont été trop négligées. C'est comme ça que toi et Sophie vous pourrez vaincre Fintan. Son esprit."

                                ***
Pdv Keefe :
Personne n'a mentionné la façon dont j'ai craqué tout à l'heure. Sophie m'a relâché après quelques minutes au moment où Alden a débarqué extrêmement en colère. Il nous a ordonné de raconter pourquoi Alice était partie et où elle se trouvait.

C'est pourquoi je suis assis sur le sofa clair du grand salon des Vacker aux côtés de Sophie, la main de mon amie ensserrant la mienne en signe de réconfort. Je m'appuie sur elle émotionnellement parlant et réciproquement elle cherche une personne qui pourrait la comprendre lors de cette dure épreuve que représente la perte d'un être cher.

J'avais enfin trouvé une réelle raison de me lever le matin, de poursuivre mon combat contre ma vie merdique. Et elle est partie. Elle m'a offert tout le bonheur du monde pendant presque deux mois et me l'a retiré en me regardant me décomposer.

Je ne peux pas m'empêcher de ressentir tellement de colère envers Alice. Je crois que je la déteste mais je l'aime tout de même.

En soupirant de résignation, je me lève sous le regard noir d'Alden qui ne décolère pas depuis que Fitz lui a raconté ce que ma... Mon... Bref, a fait. Il veut m'ordonner de me rasseoir, d'attendre qu'on est pris une décision tous ensemble mais je n'en ai pas envie. Je me dirige rapidement vers la porte et sors sans un bruit au dehors de la pièce.

Un mélange entre tristesse et colère tourbillone en moi et déverse ses affreuses pensées dans mon esprit sans que je ne puisse rien y faire. J'entends des petits pas derrière moi qui tente de me rejoindre rapidement. Je ne me retourne pas quand je sens une main se poser sur mon épaule et continue de marcher.

-"Tu sais moi aussi je suis en colère contre elle, c'est normal que tu lui en veuille."

Le visage de Sophie apparaît à mes côtés calme en apparence. Je ferme les yeux et m'arrête devant elle. Je suis exténué. J'en ai assez des problèmes. Je veux juste la retrouver et passer à autre chose.

-"C'est lâche ce qu'elle a fait, tu le sais aussi bien que moi. Mais je suis certaine qu'elle ne pensait pas mal faire."

Je soupire en murmurant :

-"Elle m'avait promis. Qu'elle ne m'abandonnerait pas. Elle avait donné sa parole."

Le visage compatissant de mon amie me pousse à me ressaisir. Elle vient de tout perdre. Il faut que j'avance et que je sois fort comme elle.

Elle attrape une nouvelle fois ma main et on se dirige ensemble vers le jardin à travers les immenses couloirs de le demeure. Après de longues minutes de silence, Sophie reprend la parole :

-"Keefe j'ai une question..."

Je me tourne vers elle, le visage interrogatif et la pousse à continuer. Elle semble hésiter et je sens une vague d'embarras la traverser.

-"Est ce que tu... Tu... Ressentais quelque chose pour moi avant Alice ?"

Sa question me crispe. Je me sens m'empourprer et mes mains deviennent moites.

Oh non pas ça.

Je ne vais pas savoir gérer ma gêne, mon stress et tout ce que va avec. Ma respiration s'accélère et un rictus faussement amusé se colle à mon visage.

-"Je veux la vérité Keefe."

Je soupire un énième fois de la journée et hoche la tête de haut en bas pour approuver.

Je referme les yeux, honteux.

Que va t-elle penser ?

Je n'ai jamais parler de mes sentiments honnêtement à une autre personne qu'Alice et maintenant qu'elle l'est pas là je suis perdu avec ce que je ressens. Mon cœur bat vite.

Est-ce la honte, la gêne ou les deux ?

Je suis empathe, et sans vouloir me vanter je suis vachement doué mais là, dans cette situation, je ressens tellement de choses à la fois qu'il m'est incapable de savoir ça qui se passe pour Sophie.

-"Je... Tu sais ça fait longtemps que je... J'apprécie Fitz mais... L'année passée j'ai commencé à... Ressentir des choses pour toi également..."

Je me décompose intérieurement.

Qu'est ce qu'il est entrain de se passer ?

Je savais qu'elle est folle de Fitz mais il ne peut pas y avoir une deuxième personne dans son équation. Je secoue la tête et murmure :

-"Tu étais perdue Sophie. On a vécu des événement forts ensemble et... Pourquoi est ce que tu me dis ça ?"

Elle pose ses mains sur mes bras, plante ses yeux dans les miens et déclare visiblement excessivement mal à l'aise :

-"Non Keefe écoute, laisse moi finir. Quand j'ai vu Alice se rapprocher de toi j'étais jalouse et ça rendait Fitz en colère. Et quand j'ai compris qu'il s'éloignait de moi pour ne pas me regarder bouillir de jalousie et d'incompréhension j'ai réaliser qu'il représentait beaucoup pour moi. Mais je ne peux m'empêcher de me dire qu'il est possible que j'ai encore un minime ressentiment pour toi et... Je suis désolé."

Je suis choqué. De son honnêteté. De ces sentiments qu'elle ne comprend pas et moi non plus.

Comment sommes-nous censé se sortir de cette situation ?

Il faut que je lui prouve qu'ils n'y a rien de plus que de l'amitié entre nous. Absolument rien.

-"Il faut que tu en sois sûre."

Ses yeux sont voilés de honte et de questions.

-"Sûre de quoi ?"

Je prends une grande inspiration et déclare :

-"Que ce n'est qu'une passade. C'est normal de douter de ces sentiments mais je te promets que ce n'est rien."

Elle sourie devant mon obstination et ses joues deviennent de plus en plus rouges :

-"Ne me dis pas que tu penses à..."

Je pose rapidement mes lèvres sur les siennes pour la faire taire alors qu'elle ouvre de grands yeux étonnés.

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