OFF WITH HER HEAD!

Lyra était au bord de l'évanouissement. Elle n'avait jamais vu pareille horreur.

Jamais.

L'éclairage blafard était assez puissant pour révéler les marques rouges qui ornaient les murs et le sol. Lyra aurait voulu croire que c'était de la peinture étalée un peu n'importe comment, mais les éclaboussures hasardeuses et la couleur caractéristique ne tromperaient personne. Sang. La quantité étourdissante déversée entre ces murs donnait une vision atroce. Mais si le sang horrifiait Lyra, il n'était pas le seul objet de son effroi. Au plafond, des crochets. Certains vides, d'autres suspendant de drôles de masses difformes. Quelques unes étaient dissimulées sous des draps blancs ensanglantés ; les autres gisaient, pendantes...

— Vous savez, quand j'ai dit que la curiosité était un joli défaut, je ne vous invitais pas à fouiller dans mes affaires.

Lyra crut sentir son cœur sortir de sa poitrine quand la voix d'Owen chuchota ces quelques mots à son oreille.

Elle manqua dégringoler dans les escaliers quand Owen lâcha un petit rire.

— Mais il fallait s'y attendre, je suppose.

Lyra se retourna, lentement, priant pour avoir imaginé cette voix glaciale suite à sa peur. Mais à son grand désarroi, Owen se tenait bel et bien là. Il n'était qu'à deux pas, et lui bloquait la sortie. Aucune issue n'était possible pour Lyra qui se résolut à descendre les marches en courant afin de mettre le plus de distance possible entre elle et l'homme. Ses pieds marchèrent alors dans une flaque de liquide rouge, dans laquelle trempait un œil... Lyra porta une main à sa bouche, retenant un haut le cœur. Elle était piégée, elle le savait.

La voix d'Owen retentit de nouveau, terrifiante.

— Il est incroyable comme vous vous êtes fait prendre. Incroyable !

Jamais Lyra ne l'avait vu dégager autant de froideur. Il avait toujours été bien étrange, mais à aucun moment il ne lui avait autant fait peur. Sa posture raide et immobile ne prévenait aucun mouvement ni à quel instant il se jetterait sur sa proie. Sa voix égale et dénuée d'émotion glaçait Lyra jusqu'à la moelle. Quant à ses yeux, ils étaient si vides que Lyra craignait d'être absorbée par ce tourbillon de néant.

Owen plissa les paupières.

— Vous pensiez que je serais assez bête pour laisser ainsi la clé de l'interdit à votre disposition ?

Bien sûr que non. Lyra voulut se gifler pour sa stupidité.

— Ceci était un test, pour savoir si je pouvais vous faire confiance, mais hélas ! Vous avez rudement échoué ; et croyez bien, très chère, que ceci me déçoit énormément venant de vous.

Un test. Owen voulait s'assurer qu'il pouvait avoir confiance en elle, et même si la raison de cela échappait à Lyra, elle se sentit honteuse. Comme surprise à faire une bêtise, elle baissa la tête, les mains tremblantes.

— Je vous avais dit... Je vous avais prévenue de ne pas entrer ici. C'était pour votre bien, et vous avez choisi de ne pas m'écouter.

Lyra était paralysée, ne sachant ce qui la terrifiait le plus : l'odeur nauséabonde du sang séché et de décomposition, ou la soudaine démence qui brillait dans les yeux d'Owen.

— Vous avez besoin d'être punie.

Lyra secoua la tête, et crut défaillir quand, en reculant, elle heurta accidentellement un cadavre décharné.

— Je vous en prie, je...

— Dois-je vous couper la tête ?

Owen verrouilla la porte et descendit une marche.

— Vous arracher le cœur ?

Il fit un pas supplémentaire.

— Vous enlever vos jolis yeux, peut-être, pour que jamais plus vous ne voyiez ce qui vous est interdit ?

Il arriva à la hauteur de Lyra en quelques pas, laquelle se retrouva piégée entre lui et le mur derrière elle. Sa respiration se coupa net quand il lui leva le menton d'un doigt, chuchotant tout contre ses lèvres :

— Non, je vous aime bien trop pour ça...

Il la saisit brusquement par les poignets.

L'affolement gagna Lyra qui tenta de se libérer, en vain. L'emprise d'Owen sur ses bras la serrait bien trop fort, et bien qu'elle réussisse à lui asséner une gifle, il la domina rapidement de nouveau. Elle remua en tout sens, se débattit dans l'espoir de se dégager, mais elle ne réussit qu'à se vider de son énergie. Il la gardait plaquée au mur, leur corps se touchant presque, Lyra pouvait sentir le souffle chaud d'Owen contre ses lèvres. Vaincue, elle se demanda ce qu'il allait lui faire, redoutant le pire.

Des larmes perlèrent aux coins de ses yeux.

— Oh non, ne pleurez pas, non...

Lyra secoua la tête pour se débarrasser de la main d'Owen qui vint caresser sa joue.

— Vous ne pouvez vous en prendre qu'à vous-même, vous le savez très bien.

Il jeta Lyra à terre.

— Une fois que vous avez dit quelque chose...

Il décrocha un cadavre et s'empara de la corde.

— ... Il est trop tard pour le changer, et vous devez en subir les conséquences.

Lyra rampa en arrière et réussit même à se relever, mais Owen fut plus rapide.

— Il en va de même pour les actes.

Il la retourna sur le ventre et elle poussa un cri.

— Rares sont les fois où l'on peut faire machine arrière.

Lyra, la joue collée au sol, ferma les yeux tandis qu'Owen lui attachait solidement les poignets. Quand il eut fini, elle s'attendit à sentir les mains du jeune homme remonter sous sa jupe et elle serra les dents. Mais Owen n'en fit rien, et c'est sa voix qu'elle entendit à la place.

— Vous m'avez trahi, Lyra. Je... Je ne vous ai fait aucun mal, pourtant ; mais vous m'avez trahi...

L'émotion dans sa voix s'évanouit aussi vite qu'elle n'est apparue quand il ajouta :

— Si chacun s'occupait de ses propres affaires, le monde tournerait bien plus vite qu'il ne le fait.

Quelques bruits de pas, puis la porte s'ouvrit et se referma aussitôt. En même temps que la lumière, la silhouette de l'homme au chapeau disparut.

Merci d'avoir lu!

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