Chapitre 3 : Une intégration compliquée

Mes deux interlocuteurs restèrent suspendus à mes lèvres du début à la fin de mon récit. Pourtant, mon histoire n'avait rien d'extraordinaire ... enfin je crois. J'étais juste un homme banal, dans une riche famille de Chasseurs. J'avais passé ma cérémonie d'Identité, comme tout le monde. Et j'avais été découvert, c'est tout.

Je terminais mon histoire par un "Voilà" qui ramena les deux Alices sur Terre. Roy se leva de sa chaise et sortit sans un mot. Je le regardais partir avant de me tourner vers Vaelle. Elle m'adressa un sourire qui se voulait réconfortant.

-Écoute, ça va être dur mais, va falloir que tu t'habitues à une vie différente que celle dans laquelle tu as vécu jusqu'à présent. Ici, c'est la vie en communauté, c'est de la survie. Tu vas devoir t'intégrer rapidement et faire ce qu'on te dis si tu ne veux pas te faire prendre, expliqua t-elle

Je me contentais de hocher la tête, ne sachant trop quoi répondre. Elle se leva et posa une main sur mon épaule, plongeant ses grands yeux bleus dans les miens.

-Suis-moi, Roy est partit prévenir les autres de ton réveil, je vais t'accompagner les rencontrer.

Je me levais de mon lit pour la suivre. Mes pas semblaient lourds. J'avais mal sur absolument chaque petite parcelle de mon corps. Une fois sortis de la chambre, je suivais Vaelle à travers un long couloir semblable à la pièce où je m'étais réveillé : entièrement fait de bois. Il n'y avait pas de meubles, pas de tableaux, rien pour décorer. Juste ce bois omniprésent, et cette odeur humide.

Nous passâmes devant plusieurs portes, toutes fermées. Sur le coup, cette disposition me fit penser à un grand dortoir. On arriva finalement face à un épais rideau qui semblait être en peau d'animal, ce qui me fit légèrement frisonner. Vaelle le poussa de la main et nous arrivâmes dans une immense grotte, la plus immense que j'avais jamais vue.

Le plafond devait être à plus de cinq mètres au dessus de nos têtes. Des stalactites et stalagmites hérissaient les surfaces, et la poussière qui planait étouffait mes poumons. Nous traversâmes la grotte en diagonale pour rejoindre un grand bâtiment de bois. Je me retournais pour voir l'endroit d'où nous venions. C'était un long serpent de bois, qui épousait la forme des murs de pierre argileuses.

-Tu visiteras plus tard, dépêche-toi ! me lança Vaelle.

Je repris mes esprits et me pressais de la rejoindre. Nous pénétrâmes dans le bâtiment où les autres nous attendaient. L'entrée donnait sur une grande salle avec canapé, tabourets, coussins ... Une aura de convivialité se dégageait de cette pièce. Enfin, pas pour longtemps. Une vingtaine de personnes occupaient la salle. Tous leur regards s'étaient tournés vers moi, me détaillant de la tête au pied. Des murmures s'élevèrent, chacun semblait aller de son petit commentaire.

-Voici la nouvelle Alice découverte il y a peu. Vas-y, présente-toi, me souffla Vaelle.

Je me rendis soudainement compte que lors de ma conversation avec Vaelle et Roy, je n'avais même pas pris la peine de dire mon prénom. Quelle idiot ... Je m'apprêtais à me présenter quand un cris s'éleva du milieu de la salle. Un homme s'était brutalement levé, me pointant du doigt, les yeux équarquillés.

-Toi ... Toi je te connais ! s'exclama t-il.

Je fronçais les sourcils, incertain de sa remarque.

-Je suis désolé mais je ne me souviens pas de ...

-TU ES L'UN DES CHIENS ! T'ES UN NOVART ! JE RECONNAIS TON VISAGE ! T'ES LE FILS NOVART ! hurla t-il.

J'eus un mouvement de recul, surpris par le ton meurtrier qu'il employait lorsqu'il prononçait mon nom. Je remarquais que Vaelle me regardait, se demandant sûrement d'où je connaissais cet homme. Je lui fis signe que je ne comprenais rien à cette situation.

L'homme s'élança si vite vers moi que je n'eûs même pas le temps de le voir partir. Il me plaqua au sol, me déboitant l'épaule au passage. Je poussais un juron tant la douleur était vive.

-Mais t'es malade ? Lâche-moi ! hurlais-je.

L'homme semblait hors de lui. Son regard exprimait une telle haine que ça me fit frémir.

-Tu ne me reconnais pas ? Tu ne me reconnais pas ? Espèce de sale chien ! TA FAMILLE A BUTÉ LA MIENNE ENCULÉ ! beugla t-il en me donnant un coup de poing.

Ma tête tournait, il m'avait frappé de toutes ses forces. Des bras entourèrent le cinglé et le tirèrent loin de moi.

-Lâchez-moi ! LÂCHEZ-MOI BORDEL ! JE VAIS LE BUTER ! JE VAIS LE BUTER CE BÂTARD !

-Will bon sang calme toi ! s'écria l'un des hommes qui le retenait.

Aidé par Vaelle, je me relevais, un peu sonné. Elle me lança un regard lourd de reproches.

-Qu'est-ce que tu lui as fait ? dit-elle.

-Mais rien ! Je ne comprends pas pourquoi il réagit comme ça ...

-Il dit que ta famille a tué la sienne, releva t-elle.

-Non ... Je ne vois pas de quoi il pa ...

Je pris soudainement conscience de la situation. Ce gars était une Alice, et il est fort possible que sa famille en était aussi. Ma famille a dû les attraper et ... merde. J'étais vraiment mal parti.

-Écoute, je ... Je suis vraiment navré pour ta famille. Mais je n'y peux rien ! Je n'ai pas participé à la capture, je peux te l'assurer. Mais maintenant, regarde. Je suis exactement dans la même merde que toi ! raisonnais-je.

-Dans la même merde ? T'es en train de me mettre dans le même sac que toi ? répondit le dénommé Will.

-Non enfin ... je veux dire que ...

-N'en rajoute pas, Chasseur. Je crois qu'il y a assez de pagaille comme ça, me coupa Vaelle.

Un silence pesant remplit la pièce. Vaelle ne me regardait plus avec ses yeux doux et réconfortant. Maintenant, c'était un regard dur, qui me transperçait de par en par. Je détournais les yeux, gardant la tête baissée. A présent, tout le monde devait me détester, alors que ce n'était pas ma faute !

Roy s'avança vers moi et posa une main sur mon épaule. Je levais la tête pour écouter ce qu'il avait à dire.

-Écoute ... hum ... Chasseur ...

-Nylander, reprenais-je.

-Oui ... Nylander. Je crois qu'il vaudrait mieux que tu partes de cette pièce pour le moment. Je vais t'accompagner visiter, d'accord ?

Je fronçais les sourcils, lui lançant un regard noir. Il voulait me chasser d'ici, juste parce qu'un de leur taré avait été contrarié ? Une nouvelle raison de détester les Alices. Néanmoins, je ne discutais pas et sortis de la pièce, suivit de près par Roy.

Une fois à l'extérieur, je marchais à travers la grotte, tête baissée. Je ne savais pas où j'allais, mais je voulais partir loin de cet endroit. J'effleurais l'endroit où je m'étais fait frappé. Je n'avais plus mal, mon épaule semblait être en forme également. La capacité de régénération des Alices était impressionnante, mais cela devait être la seule chose de bien à en être une.

-Hé, Chasseur ! Attends ! me cria Roy en me rattrapant.

Je me retournais vers lui, fulminant de rage.

-Arrête de m'appeler comme ça ! Je te l'ai dit non ? Je m'appelle Nylander. N-Y-L-A-N-D-E-R !

Roy s'arrêta à un mètre de moi, les sourcils levés.

-Ok ... d'accord. J'ai compris, Nylander. Mais calme toi maintenant, dit-il d'un ton qui se voulait apaisant.

-Me calmer ? Après comment vous m'avez tous regardé ? J'y suis pour rien moi si sa famille est morte ! Tu l'as dit toi même : "Ici on est pas la pour s'entretuer.", "Nous sommes tes alliés.", citais-je en faisant une imitation caricaturale du brun.

Son visage se ferma. Je l'avais certainement blessé, mais je m'en foutais. Si j'avais pu le blesser encore plus, je l'aurais fait. Et j'aurais blessé également toutes les Alices de cet endroit. Mais d'ailleurs ... Où étions-nous ?

Je n'avais jamais entendu parlé de l'existence d'une telle grotte ici. Un lieu de cette taille ... Ça ne devrait pas passer inaperçu en temps normal. Je regardais autour de moi, comme si j'allais trouver une réponse à mes questions. Et je commençais alors à penser que je n'étais pas vraiment dans une grotte. Je me tournais vers Roy, prêt à lui poser la question.

-C'est quoi exactement cet endroit ? demandais-je.

-Hm ? Pourquoi tu me causes ? répliqua-t-il.

Ah. C'est vrai que je lui ai très mal parlé il y a une minute à peine. Je soupirais, j'allais devoir m'excuser. Je n'en avais pas spécialement l'envie, mais je le devais si je voulais obtenir des réponses.

-Bon, je suis désolé. J'étais énervé et ...

-Waouw, qu'elle sincérité, releva Roy en me coupant la parole.

Je m'approchais de lui, me donnant un faux air menaçant.

-Je me suis excusé, alors cherche pas à remuer le couteau dans la plaie ! déclarais-je sèchement.

-Tu es vraiment un garçon odieux. Pas tellement étonnant quand on sait que tu as toujours vécu dans le luxe, avec une famille qui a toujours tout fait pour toi.

-Qu'est ce que tu essaies de dire ? T'es en train de m'insulter ? rétorquais-je.

-Non. Je relève simplement des faits, dit-il.

Il planta son regard dans le mien. Pendant une fraction de seconde, je crus y voir du mépris. Il poursuivit :

-Ici, personne n'a eu la même chance que toi. On a tous vécu dans une certaine pauvreté, avec ou sans famille. Notre situation ne change pas tellement de ce qu'on a eût l'habitude de vivre. On en devient donc plus compréhensifs des autres, plus généreux, plus aptes à survivre. Mais toi ... Je me demande comment tu vas t'en sortir.

-T'es en train d'insinuer que je suis faible ?

-Je ne sais pas. A toi de voir. Tu as l'air de vite comprendre quand on se fout de ta gueule, tant tu ne penses qu'à ton pauvre nombril.

-Va te faire voir ! T'es juste jaloux de moi ... parce que t'as jamais pu connaître le luxe tant t'es misérable.

-Je ne suis pas sensible à ce genre d'insultes. Bref, ne sors pas d'ici sans nous le dire. Dès que tu entends la cloche, reviens dans le grand bâtiment pour le déjeuner, dit-il en partant.

Je lui crachais un juron, qu'il fit semblant de ne pas entendre avant de partir dans la direction opposée. J'étais réellement énervé maintenant. Ce gars était vraiment désagréable ! Me rabaisser de cette façon ... Bordel, je dois être le gars le plus malchanceux du monde.

Je repérais des escaliers de pierre menant à une grande cavité au fond de la grotte. Je m'y dirigeais, curieux de voir où ça menait. Et puis de toute façon je n'avais rien d'autre à faire.

Clairement, c'était une sortie, puisque je ne voyais pas d'autres ouvertures à part celle ci. Une fois arrivé en haut des escaliers, je me retrouvais dans un long couloir sombre et humide. Il y faisait plutôt froid. Finalement j'arrivais devant d'autres escaliers, qui menaient à une grande trappe en bois. Intrigué, je m'apprêtais à les monter quand une voix derrière moi m'interpella.

-Je pensais que Roy t'avait prévenu qu'il ne fallait pas sortir sans nous prévenir ?

Je me retournais vers Vaelle. Comment savait-elle que j'étais ici ? Ou bien peut être était-elle là par simple hasard ...

-Je ne savais pas que c'était une sortie, répondis-je innocemment.

-Je vois, soupira-t-elle.

Un petit silence plana avant qu'elle ne reprenne :

-Tu veux aller à l'extérieur ?

Elle ouvrit la trappe et se hissa jusqu'au dehors. Je la suivis et elle m'aida à sortir en me prenant le bras. La trappe se situait au pied d'un très grand arbre, entre deux de ses racines les plus proéminentes. Nous étions de retour dans la forêt de Galante. Je regardais autour de moi. Rien de spécial à l'horizon, si ce n'est cet arbre beaucoup plus grand que la moyenne. Je jetais un oeil vers là d'où nous venions. J'avais raison de penser que ce n'était pas une grotte, nous étions en fait dans une grande base souterraine.

-Il est naturel ? demandais-je en désignant la trappe.

-De quoi ?

-Le trou dans lequel vous vivez, précisais-je.

-C'est là où tu vas vivre aussi, alors ne l'appelle pas comme ça s'il te plaît, soupira-t-elle.

Je me perdis un instant dans le bleu de ses yeux, avant d'avoir finalement une réponse à ma question.

-Non, c'est nous qui l'avons creusé, il y a longtemps, dit-elle.

-Vous ? Mais comment ? m'écriais-je surpris.

Vaelle fit apparaître une boule noire dans ses mains. J'eus un mouvement de recul, impressionné par cette ... chose.

-La matière noire. Tu es un Chasseur, tu devrais bien savoir que nous autre sommes capables de la contrôler. Ça nous a pris deux jours pour obtenir un résultat comme celui-ci, mais nous n'aurions rien pu faire sans ce pouvoir.

-Comment se fait-il que personne n'ait jamais trouvé la trappe ?

-Personne ne s'aventure de ce côté-ci de la forêt. Et nous maintenons un champ de force autour de cet arbre qui rend l'entrée invisible à l'oeil des autres races, expliqua-t-elle.

J'étais impressionné, vraiment. Je n'aurais jamais imaginé que les Alices étaient capable de telles choses. Leur système était ingénieux, et sécurisé.

-Depuis combien de temps cet endroit existe ? demandais-je.

-Exactement vingt-six ans.

-Quoi ? Mais tu as dit que tu avais participé à la création du souterrain ! remarquais-je.

-C'est exact.

-Mais tu as l'air d'avoir dix-huit ans ...

-J'ai cent soixante-cinq ans. Et cela fait cent soixante ans que je me cache, et que je survie, répondit-elle tristement.

Je ne comprenais plus rien. La matière noire, l'âge de Vaelle ... Je savais que les Alices étaient immortelles, mais je ne me serais jamais douté que leur vieillissement pouvait être aussi ralenti. Mais autre chose m'interpella : Vaelle se cachait depuis ses cinq ans ? J'étais pourtant sûr qu'on ne découvrait à quelle race on appartenait que lors de notre majorité ...

Mais ce n'était pas les seules choses qui m'interpellaient, non ... Puisque pour la première fois, je ressentis de la tristesse et de la compassion pour une Alice.

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Bonjour c: Chapitre un peu long qui vous a probablement donné envie de frapper le héros à certains moments xd J'espère avoir éveillé votre curiosité concernant la fin c: A bientoot

Chastronaut

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