-Nylander ? Tu as fini de te préparer ? me cria ma mère depuis le rez-de-chaussée.

-Presque ! répondis-je.

Je me tournais dans tout les sens en m'observant dans le miroir. C'était déjà la troisième chemise que j'essayais, et mon coeur ne semblait balancer pour aucune d'elles. Je devais absolument être parfait pour la cérémonie, ce qui pour l'instant, n'était pas le cas.

Je déboutonnais vivement la chemise bleue pastel que je venais d'essayer et fouillais dans mon armoire en quête d'une autre. Soudain, trois coups resonnèrent à ma porte.

-Nylander ? Tu en as encore pour longtemps ? Tu vas être en retard !

-Attends encore un petite minute maman ! m'écriais-je.

Ma mère rentra dans la pièce, un sourcil levé. Elle s'appuya contre le cadran les bras croisés.

-Bon sang Nylander, tu n'es toujours pas habillé, ni même coiffé, soupira-t-elle.

-C'est juste que je n'arrive pas à trouver une bonne chemise ! expliquais-je.

-Et celle là qui est sur ton lit ? Elle est simple, blanche, et irait très bien avec ton pantalon noir.

Je suivais son regard qui portait sur la première chemise que j'avais essayé.

-Non ... J'ai l'impression que les manches sont trop larges.

-Ne dis pas de sottises, déclara ma mère en saisissant le vêtement. Tu vas enfiler ça tout de suite et filer te coiffer. Allez !

Je soupirais en enfilant la chemise pour la deuxième fois. Ma mère me passa une cravate autour du coup et la noua en quelques secondes. Elle avait toujours été douée pour les noeuds de cravates. Elle posa ses yeux noirs sur moi et me fit signe d'aller me coiffer. Je partis donc vers la salle de bain sans discuter.

Une fois devant le miroir, je m'observais un instant, cherchant un quelconque défaut qui pourrait nuire à la perfection que devait atteindre mon apparence.

J'étais un bel homme, on me l'avait toujours répété. J'avais hérité des cheveux de mon père et des grands yeux de ma mère, tous deux aussi noirs que le ciel nocturne. Je possédais un visage fin, parsemé de quelques grains de beautés, et une peau sans imperfections. J'étais grand, j'étais musclé, et j'étais gracieux. J'étais le rêve de toute femme, et je me devais d'entretenir cette apparence.

Je me regardais moi même droit dans les yeux avant d'étirer mes lèvres en un petit sourire. Je saisissais un peigne que je passais dans mes cheveux soigneusement, jusqu'à qu'ils soient parfaitement coiffés.

-NYLANDER ! DÉPÊCHE TOI BON SANG !

Je sursautais si vivement que je fis tomber mon peigne. Je le ramassais en roulant des yeux et sortis de la salle de bain pour découvrir ma mère, l'air furieuse sur le seuil de la porte.

-Je suis prêt, dis-je calmement en souriant.

-C'est pas trop tôt ! Allez dépêche-toi de monter dans la voiture, ton père nous attend, rugit-elle.

Je vous l'avez déjà dit non ? Ma mère est une Animalis, et vous venez de voir une partie de son attribut de Lionne. Elle est une femme autoritaire, une meuneuse, une Reine. Quiconque a osé lui tenir tête l'a très vite regretté. Le problème, c'est que cette capacité agit aussi sur son humeur, qui a tendance à s'enflammer un peu vite.

Je montais dans la voiture que mon père démarra aussitôt. Je regardais le paysage urbain défiler devant mes yeux. Les grattes-ciels faisaient connaissance avec les nuages, les routes s'élevaient sur ciel et terre. J'observais la verdure qui s'installait confortablement entre les bâtiments, et les grands arbres qui surplombaient les rues.

La cérémonie d'Identité se passait dans la Maison des Trois Races, un bâtiment où les représentants Humanis, Animalis et Imaginis se réunissaient, et où la cérémonie prenait place tous les ans dans cette ville. Il y avait quatre villes phares dans ce pays : Aristoth, Vincci, Voltarys et Galante, là où je vivais. Dans ces quatre villes, il y avait une Maison des Trois Races. Et dans ces quatre villes, le trente-et-un décembre, se réunissaient les nouveaux majeurs de cette année pour obtenir leur Identité.

Je suis né le douze août, ainsi, cela faisait plus de cinq mois que j'attendais ce moment. J'allais enfin recevoir mon Identité, et participer à la vie en société.

-On est arrivés, informa mon père. Descendez de la voiture, je vous rejoins quand j'aurais trouvé une place où me garer.

Ma mère et moi obéirent et nous regardâmes mon père partir. Je me retournais ensuite vers le gigantesque bâtiment, la Maison des Trois Races. C'était un gigantesque dôme de verre sur lequel glissait des litres et des litres d'eaux. C'était une fontaine géante, encadrée de verdure, d'arbres et de fleurs. On pouvait lire en grand au dessus de l'entrée "Maison des Trois Races". Des milliers de personnes se pressaient à l'entrée du bâtiment, et ma mère et moi ne tardîmes pas à faire pareil.

L'intérieur était aussi impressionnant que l'extérieur. C'était un gigantesque amphithéâtre, décoré de statues et autres objets représentant Humanis, Animis et Imaginis. Sur une estrade étaient disposées une grande bassine de marbre, ainsi que trois personnes qui se tenaient debout à côté de celle-ci. Je n'eus aucun mal à comprendre qu'il s'agissait des représentants de chaque Race. Des adultes vêtus de robes rouges se chargeaient de placer les différents individus. Tous les nouveaux majeurs étaient placés d'un côté de l'amphithéâtre et leur famille de l'autre. Je fus donc séparé de ma mère. Une jeune fille blonde se tenait à mes côtés. Elle était assez jolie, mais un air niais était collé à son visage.

-Salut, moi c'est Miranda, et toi ? dit-elle en me serrant énergiquement la main.

-Nylander, répondis-je.

-Wah, c'est rare comme prénom ça. Est-ce tu le portes parce que tu es un Chasseur ? s'écria-t-elle.

-Comment sais-tu que ...

-Tu as la marque dans ton cou. Elle dépasse de ta chemise, dit-elle en riant.

Je posais la main sur la fameuse marque, gêné. En effet, les Chasseurs sont marqués d'un tatouage représentant une simple croix dans leur cou. Je n'ai jamais vraiment aimé cette marque, à cause d'elle, tout le monde sait si nous sommes un Chasseur ou non. Je considère ça comme une sorte de viol de la vie privé.

-Tu as de bons yeux, je pensais qu'elle serait difficile à remarquer, déclarais-je.

-Pas tant que ça finalement, hehe !

J'imitais son rire idiot avant de me tourner vers l'estrade, à l'entente de la voix de l'un des représentants.

-Mesdames et Messieurs. Veuillez faire silence ! Je vous souhaite à tous la bienvenue à cette Cérémonie d'Identité tant attendue ! Je m'appelle Jean Loichis, je suis le représentant des Humanis. A mes côtés se trouvent Firox Kale, le représentant des Animis et Kimie Julian la représentante des Imaginis. À nous trois, nous allons mener à bien cette Cérémonie. Je laisse la parole à Firox qui va vous expliquer le déroulement.

-Merci Jean. Le principe de cette cérémonie est très simple. Nous allons vous donner à chacun une lame d'argent. Avec cette lame, vous allez vous entailler le poignet et laisser le sang couler dans l'eau de la bassine de marbre. Cette eau va alors changer de couleur, et vous donnera votre Race ! Bleu pour les Humanis, Rouge pour les Animis, Mauve pour les Imaginis et ... Noir pour les Alices. Mais ne vous en faites pas, il y a très peu de chances que l'un d'entre vous se révèle être une Alice. Et si c'est le cas, nous sommes accompagnés d'une équipe de Chasseur expérimentée, qui saura se charger du problème.

Des murmures fusèrent à travers la salle qui devint très vite bruyante. On pouvait distinguer deux groupes : ceux qui avaient peur de se révéler être une Alice, et ceux qui avaient peur que leur voisin en soit une.

-Silence ! s'exclama Kimie Julian. Je vais à présent appeler vos noms, par ordre alphabétique. Quand vous serez appelés, venez jusqu'à la bassine, et faites ce que vous a expliqué Firox. Commençons. Abacan Mélodie !

Une jeune fille pas très loin de moi se leva et marcha jusqu'à l'estrade d'un pas fier. Elle s'arrêta devant la bassine de marbre et pris la lame d'argent que lui tendait le représentant des Humanis. Elle s'entailla le poignet et laissa couler quelques gouttes de sang dans l'eau qui s'illumina vivement avant de prendre une teinte rouge.

-Animis ! annonça Kimie Julian. Félicitations.

Des applaudissements fusèrent alors que Mélodie rejoignait sa place avec un grand sourire.

-Abadyn Ryo !

Un garçon aux cheveux châtains ébouriffés et au visage taché de rousseur se dirigea vers la bassine à son tour. Il exécuta le même rituel que Mélodie, avec plus d'hésitations. La bassine s'illumina, comme la première fois, avant de révéler une teinte bleue.

-Humanis ! Félicitations !

Tout le monde applaudit, alors que le garçon remontait à sa place, l'air soulagé.

Kimie Julian continua d'appeler des noms et la bassine continua de s'illuminer. L'eau avait quelque chose de magique, puisque jamais elle ne se salissait du sang de quiconque. On arriva à la lettre N, après deux heures.

-Novart Nylander !

C'était enfin mon tour. Je me levais délicatement de mon siège et descendis les marches jusqu'à l'estrade. Je sentais des regards admiratifs se poser sur moi. Tout le monde était omnibulé par mon apparence. Je saisis la lame qu'on me tendait et m'entaillais courageusement le poignet. Une vive douleur que je ne laissais pas transparaître me traversa. Le sang coula le long de ma blessure avant de venir plonger dans l'eau de la bassine. Je fronçais les sourcils. Le sang se contentait de se dissiper dans l'eau, mais aucune lumière ne jaillissait. Je pressais mon poing, pour essayer de faire couler plus de sang. Et c'est alors que l'eau se mit à frémir avant de prendre une teinte ... noire.

Des exclamations de surprise, puis des cris fusèrent dans la salle. Je reculais loin de la bassine, terrifié par cette teinte obscure que l'eau arborait. Je me tournais vers le côté où étaient assis les adultes, cherchant ma mère du regard. Je la vis, debout, à côté de mon père. Tous deux me regardaient. Je n'arrivais pas à déchiffrer leur expression. Je n'arrivais pas à savoir ce qu'ils pensaient à ce moment là. Mais moi, j'étais terrifié.

-SAISISSEZ-LE ! hurla Jean Loichis.

Un groupe de Chasseurs se rua sur moi. Je me mis à courir en hurlant.

-ARRÊTEZ ! JE SUIS CHASSEUR AUSSI, ARRÊTEZ !

Mais ils n'arrêtèrent pas. Je sortis de l'amphithéâtre et me retrouvais à courir dans la rue. Ça ne devait être qu'un mauvais rêve. J'allais me réveiller là tout de suite, dans mon lit. Ma mère allait venir me voir, et me préparer un chocolat chaud.

Je m'essoufle.

Elle allait m'ébourrifer les cheveux, avant de me raconter des histoires comme quand j'étais petit.

Je trébuche.

Elle allait rugir exactement comme un lion, pour me faire rire.

Je m'écrase contre la pierre du trottoir.

Et puis mon père allait venir, et il prendrait le relais en me racontant ses exploits de Chasseur.

On me saisit par les bras.

Et moi je boirai ses paroles, les étoiles plein les yeux, ne me souciant pas de s'il dit la vérité ou non.

Au secours ...

Et puis je continuerai à vivre.

Aidez-moi !

Je ne mourrai pas.

AIDEZ-MOI !

Je ne mourrai pas.

-LÂCHEZ-LE !

J'entendis un grand bruit, suivit d'un cri. Je tombais lourdement au sol, ne comprenant pas ce qu'il venait de se passer.

-COURS !

Je me retournais vers ma mère, qui tentait de maîtriser à elle seule les cinq Chasseurs.

-Maman ...

-PUTAIN DE MERDE, NYLANDER !  FAIS CE QUE JE TE DIS ! COURS ! COURS ET CACHE TOI !

Je me relevais précipitamment et m'enfuyais en courant le plus vite possible. Je jetais un regard derrière moi, observant une dernière fois ma mère. Elle venait de me sauver la vie.

Je laissais échapper une larme en poussant encore plus sur mes jambes. Je ne savais pas où j'allais, mais ce que je savais, c'est que je ne reviendrai jamais ici.

Je m'appelle Nylander, et je suis une Alice.

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Bonjour ^^ Qu'avez vous pensé de ce premier chapitre ? C'est le début des aventures de Nylander ! À travers son apparence parfaite, j'ai essayé de créé un personnage narcissique et égocentrique, j'espère que c'est réussi ... En attendant, à bientôt !

Chastronaut