Son charmant profil

J'ai plané durant tout l'été qui séparait l'année de première à celle de terminale. J'étais écartelée entre tellement d'étapes différentes que, entre enfance et adolescente, lycée et études supérieures, je ne trouvais pas mon équilibre. Mes amitiés changeaient, mes relations changeaient, ma vie entière était en mutation permanente. Je me sentais perdue- seule, aussi. J'avais hâte d'entrer en terminale, l'année où, j'en étais persuadée, je trouverais enfin la place, et où les autres se rendraient enfin compte que oui, je suis quelqu'un de bien.
Et la, pour une fois, quelqu'un s'intéressait a mon opinion.
De cette conversation, je ne me rappelle pas grand chose, à part la surprise de savoir qu'il me trouvait digne d'intérêt. Sans ça, j'aurais sûrement oublié son message aussi vite qu'il était apparu, et je l'aurais relégué dans le sac des chatteurs un peu malsains qui traînent sur tous les forums. La différence, c'est qu'il était plus âgé, plutôt pas bête, et qu'il prenait le temps de m'écouter.
Notre échange m'a trotte dans la tête durant plusieurs jours, et e me surprenais à penser à lui lorsque je le sentais seule. Après quelque temps sans nouvelles, pourtant, j'ai cessé d'y penser pour me concentrer sur les demandes de bourses et mes recherches et candidatures pour l'université. Début juillet, tout en préparant les prochaines vacances avec ma mère, j'ai repris l'habitude de passer du temps sous ma couette devant la télé ou à surfer sur le forum.
Puis, un jour, j'étais en train De scruter nerveusement l'écran de l'ordinateur quand le signal sonore familier d'un nouveau message s'est fait entendre. Encore lui. J'ai ressenti un bizarre sentiment d'excitation. J'ai jeté un coup d'œil rapide à la porte de ma chambre, guettant des bruits de pas: c'est bon, j'étais seule. J'apercevais par la fenêtre ma mère en train de lire dans le jardin. Je me suis empressé de taper une réponse.
J'aurais pu faire Demi-tour à cet instant. Si je l'avais fait, ce livre n'aurait jamais vu le jour. Mais je me rappelle précisément l'heure durant laquelle j'ai commencé à m'accrocher à lui. C'était durant cette conversation : j'en ai découvert un peu plus sur sa vie, juste assez pour ressentir une sorte de petit faible envers lui. Il avait trente-sept ans, il venait d'une ville voisine de Pittsburgh, et était un fervent supporteur de l'équipe de football locale. Il m'a spontanément avoué qu'il était marié. Il a aussi parlé de ses films préférés, de sa passion pour le whisky et pour la musique country. Je lui ai parlé de ma famille et de mes dossiers d'inscription à l'université. Nous avons chatté pendant trois ou quatre heures ce jour-là - c'était un jeudi. Il m'a parlé de son premier amour, m'a raconté comment il l'avait perdue. J'étais complètement sous le charme. Il dégageait une sorte de charisme qui m'attirait comme un aimant. Il me parlait comme à une amie, le genre de bon copain qui vous remonterais le moral les jours de cafard.
J'ai pensé à lui ce jour-là. Beaucoup même.
Je suppose que je ne devais pas le laisser indifférent non plus, parce qu'il venait me parler à chaque fois qu'il était en ligne. Durant les semaines qui ont suivi, je ne vivais plus que pour les jeudis et vendredis, les jours où ils se connectait. Toutes les semaines pendant un mois, deux jours par semaine, nous passions toute la journée ensemble sur le chat. Fin juillet, je n'avais pas pu m'empêcher de mentionner son nom à ma meilleure amie. Lui, de son côté, devait déjà se douter de l'effet qu'il me faisait. Ou alors il était juste bourré. Je ne saurai jamais exactement si, ce jeudi là ( la veille de mon départ pour le Colorado avec ma mère ), il avait descendu trop de vodka. Pour être honnête, j'avais senti le coup venir depuis le début, mais j'avais vite refoulé ma première impression. Et il le savait sans doute très bien.
~~
Il était déjà assez tard (22h ou 23h) quand il a commencé à divaguer. Sur le forum, tout le monde savait qu'il était alcoolique, mais je ne lui avais encore jamais parlé après qu'il eut bu. Au début, c'était marrant : je m'amusais à répondre à ses messages incohérents par des piques pleins d'ironie. Juste après, pourtant, il est devenu familier, trop familier, comme un type bourré à une fête qui commence à avoir les mains baladeuses. J'ai senti une gêne sourde à l'estomac, comme lorsqu'on croise un étranger dans la rue en rentrant seule le soir, ou qu'un inconnu frappé à la porte en plein milieu de la nuit. Ça donne envi de se faire toute petite, de disparaître sous terre sans laisser de trace.
Je l'ai prévenu : si c'était comme ça, je me déconnectais. J'ai même failli le bloquer, mais il m'a suppliée en disant qu'il était désolé, qu'il n'avait pas voulu me mettre mal à l'aise. Malgré ça, il a continué d'en rajouter. Il avait dépassé le stade des allusions pour passer à des avances franchement sexuelles auxquelles je ne répondais rien. Les mots étaient crus mais je voulais tellement croire que c'était un type bien que j'ai laissé faire. Lorsqu'il m'a finalement souhaité bonne nuit et s'est déconnecté, je me suis raisonnée en disant qu'il avait juste trop bu. Rien de plus. Je n'avais jamais été ivre moi-même. Mais d'après ce que j'avais entendu dire, certaines personnes en perdaient le contrôle. Puis je suis passé à autre chose, sans comprendre qu'il essayait sûrement de tâter le terrain. De voir jusqu'où il pouvait aller avec moi. A moins que, sincèrement, l'alcool l'ait déraper? En tout cas cet épisode n'était que le premier d'une longue série.
Le jour suivant, à quatre heures du matin tapantes, ma mère et moi étions déjà sur l'autoroute, encore engourdies de sommeil. Direction l'aéroport ou notre vol pour Denver nous attendait. J'ignorais encore à quel point je reviendrais changée après ces onze jours de vacances.
🍀🍀🍀
OK bon il n'est pas ÉNORME mais c'est le plus gros que j'ai fais depuis le début. Alors que pensez vous qu'il va se passer après et pendant ces onze jours?
💜L💜

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top