Soleil d'Avril
Point du vue Alya :
Accoudée à la rambarde en métal froide de notre petit balcon, je portais ma cigarette à mes lèvres, inspirant un grand coup. Laissant la nicotine m'apaiser, j'expirais la fumée qui s'éleva dans l'air autour de moi en volutes blanches. Inhalant à nouveau, je laissais mon regard vagabonder sur la cime des grattes ciels, scindant le ciel en deux. L'aurore se levait lentement, et j'observais le ciel se pâmer de couleurs chatoyantes, mêlant un rose profond à un orange pâle. Je ne fumais que très rarement, mais aujourd'hui... Aujourd'hui était un jour spécial. J'avais dix-neuf ans. Je ne fêtais jamais mon anniversaire. Jamais.
Voilà maintenant sept ans. Sept ans que mon père s'est tiré, abandonnant ma mère, et moi aussi au passage. Sept putains d'années qu'il nous a lâchement laissé tomber, fuyant la nuit de l'anniversaire de sa propre fille, comme un voleur. On ne l'a plus jamais revu, il est partit comme ça, sans même un mot, sans même une explication. On a attendu près de trois ans qu'il revienne. Seulement, un jour, j'ai finis par comprendre qu'il ne reviendrait plus.
Ce salopard s'est enfui, délaissant une femme et une jeune adolescente détruite. Ma mère n'était plus qu'une épave, errant dans les pièces de notre appartement tel un fantôme, fondant en larmes à chaque fois que ses yeux se posaient sur un objet lui ayant appartenu. Toutes les nuits sans exception, je l'entendais se lever, et elle guettait à la fenêtre, attendant désespérément de l'apercevoir. Moi aussi je pleurais beaucoup au début, chaque nuit je cachais mes larmes et j'étouffais mes sanglots sous ma couette. Puis après sont venus les problèmes d'argent, et j'ai dû être forte pour nous deux, et faire bonne figure. J'ai commencé à travailler à l'âge de treize ans, voyant ma mère accumuler facture sur facture.
J'ai commencé par réunir tout ce qui lui appartenait, puis avec l'aide d'Alex, j'ai tout brûlé, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien à part des cendres. Je l'ai totalement effacé de ma vie, rayé, comme si il n'avait jamais existé.
Ma mère à finalement comprit elle aussi qu'elle ne le reverrait plus, et elle a commencé à remonter la pente. Cette histoire m'a beaucoup rapprochée d'Alex, qui avait perdue sa mère un an plus tôt, et c'est à cette époque qu'on s'est rendues compte qu'on ne se quitterait plus jamais. Son père à elle avait des problèmes d'alcool après la mort de sa mère, et c'est ainsi qu'elle dormait presque tout le temps dans le petit appartement que nous occupions ma mère et moi. Celle-ci la considéra rapidement comme sa propre fille, et Alex et moi vivions presque sous le même toit.
Je secouais la tête en chassant mes pensées moroses. Me rappeler tous ses moments était douloureux, et j'écrasais ma clope dans un cendrier en verre, profitant du sentiment de plénitude que me procurait l'aurore naissante. J'ouvris la porte fenêtre et rentrais à l'intérieur du salon.
- Bon anniversaire ! m'agressa soudain Alex, sortant de nulle part, avant de sauter sur mon dos.
- Ah ! hurlais-je en tombant à la renverse.
J'atterris sur le sol, et ma hanche heurta douloureusement le sol. J'étais tombée en plein sur Alex, qui avait amortit ma chute à la façon d'un cousin. On roula au sol en pouffant de rire, se foutant de notre propre gueule. Elle savait me changer les idées celle là. Une vraie perle cette fille, je n'imaginais plus ma vie sans elle.
- Coucou ! Tu veux que je te prépare le petit déjeuner ? me questionna Alex, sachant pertinemment que c'était la journée délicate.
- Non merci j'ai pas très faim, lui répondis-je en souriant.
- Oh que si tu vas manger ! Tu n'a que la peau sur les os, répliqua-t-elle en me pointant du doigt.
- Je t'assure ça va, lui dis-je avec un léger sourire.
- Mouais... commença-t-elle avant de m'envoyer une pomme depuis la cuisine. Attrape !
Je tendis les deux mains en avant, dans l'espoir de saisir le fruit rouge qui arrivait à grande vitesse sur moi. Bien entendu, la pomme tomba à côté de moi. Alex se moqua méchamment de moi, et je lui tirais la langue en ramassant la pomme échouée sur le carrelage. Après ça, Alex m'ordonna de m'habiller pour qu'on aille chez les voisins, afin de pouvoir profiter de leur super télévision écran plat.
J'enfilais mon peignoir en soie rouge par dessus mon short de nuit noir et mon débardeur blanc, et enfilais des tongs jaunes fluo. Attrapant les clés au vol, Alex ouvrit la porte devant moi, et me laissa passer. Ses chaussettes hautes avec des rayures noires et jaunes s'assortissaient à merveille avec son tee shirt vert et son short gris moulant. Elle portait ma veste en moumoute noire toute douce. Une fois devant leur pallier, je me mis à toquer bruyamment à leur porte.
- Ouvrez ! C'est nous ! criais-je en me collant à la porte.
- Allez faites pas vos timides on sait que vous avez envie de nous voir ! rajouta Alex.
Après avoir passer quinze minutes a tambouriner contre leur porte, on s'assit par terre devant chez eux, comme des âmes en peine. Alors qu'on espérait plus le miracle, des pas se firent entendre, et la porte s'ouvrit brusquement, laissant apparaître un Gabriel torse nu, vêtu d'un short de nuit bleu marine, laissant apparaître ses énormes jambes musclées.
- Mais qu'est-ce que vous foutez par terre devant chez nous comme des clochardes à cinq heure et demi du matin ? Bordel j'espère que vous avez une bonne raison de nous avoir réveillées si tôt ! s'énerva-t-il en nous lançant un regard meurtrier.
Je ne pu m'en pêcher de penser que même au réveil il était beau, avec ses cheveux bruns en pagailles, des petites bouclettes s'échappant de sa tignasse. Ses yeux vert ressortaient magnifiquement, et son torse puissant laissait apparaître un corps à se damner. Sans même me donner la peine de lui répondre, je le poussais sur le côté et pénétrait dans leur immense duplex.
- Eh mais ça va pas ! hurla-t-il en m'attrapant le bras.
Je me défis de son emprise d'un coup tout en me dirigeant calmement vers le salon.
- Oh rien ne t'inquiète pas, on vient juste pour la télé pas pour vous, vous pouvez vous rendormir, les cours commencent à onze heures ce matin, lui expliqua Alex tout en s'installant confortablement dans un énorme pouf gris.
- Non mais ça va pas vous vous êtes crues où là ? dit-il, les yeux écarquillés.
- Bah chez toi, lui répondis-je en insérant le disque du film que j'avais apporté.
- Vous pouvez pas vous pointez ici quand vous voulez ok ? marmonna-t-il dans sa barbe, une expression de colère peinte sur le visage.
- Et on fait quoi depuis plus d'une semaine ? ripostais-je. Fait pas du chichi pour rien on vous dérangera pas.
- Mais vous n'êtes pas chez vous bon sang ! continua-t-il nous fixant avec un regard assassin.
Le film démarra, et je poussais Gabriel de devant la télé.
- Chut ! Ça commence ! dis-je toute contente en tapant dans mes mains.
- Mais... Vous... Et puis merde, grogna Gabriel en commençant à remonter l'escalier quatre à quatre, abandonnant la partie. Je vais dormir.
Je dépliais un plaid délaissé sur le coin du canapé et me blottie à l'intérieur. Le générique du film Pocahontas terminé, je posais ma tête confortablement contre un cousin bleu bien dodu. Lorsque vint notre chanson préférée. Alex et moi ne tirent pas longtemps avant de commencer à brailler en chœur dans le grand appartement :
- Comprends tu le chant d'espoir du loup qui meurt d'amour ? Les pleurs du chat sauvage au petit jour ? Entends tu le chant des esprits de la montagne ?
Les deux garçons débarquèrent dans le salon, les boucles de Michael toutes ébouriffées partant dans tous les sens.
- C'est quoi ce mauvais délire Gabriel ? le questionna Michael, pas encore bien réveillé.
Imperturbables, on poursuivis notre chant, prononçant les paroles toujours plus fort.
- Peux tu peindre au milles couleurs l'air du vent ! hurla-t-on, debout sur le canapé.
- Les filles arrêtez de chanter comme ça ! On s'entend plus parler ! soupira Gabriel en se massant les tempes.
- Ta gueule tu gâche tout ! hurla Alex avant de se remettre à chanter.
Michael allait lui répondre quelque chose, mais Gabriel lui fit signe que ça en servirait strictement à rien.
- La prochaine, essaie de ne pas ouvrir à n'importe qui, et surtout pas à elles, grogna Michael.
- Eh ! On vous entends ! criais-je, les deux poings sur les hanches.
Gabriel m'adressa un joli doigt d'honneur, avant de se diriger vers la cuisine avec Michael. Après avoir terminé notre film, on repassa dans notre appartement pour se préparer à aller à la fac, puis on parties à pied vers notre destination. On avait amené notre voiture au garage, car même si on avait pas vraiment les moyens, on ne pouvait tout simplement pas vivre sans voiture entre notre boulot et la fac.
J'écoutais les cours d'une oreille distraite aujourd'hui, perdue dans mes souvenirs. Vers deux heures et demi, je rentrais à l'appartement accompagnée d'Alex. Alors qu'on bossais nos cours ensemble, l'affreuse sonnette stridente sonna. Je crispais mes orteils tout en me levant, espérant tout sauf une visite importune de nos chers voisins. Qu'elle ne fut pas ma surprise lorsque ma mère me sauta dans les bras, m'étouffant presque, enroulant ses bras autour de mon cou à la manière d'un boa.
- Ma chérie ! Comment ça va ? dit-elle en rentrant dans notre appartement.
- Oui oui ! Entre, rigolais-je en la laissant passer.
Alex lui sauta dans les bras, et elles commencèrent à discuter. Je vis qu'elle tenait dans sa main une cage. Un miaulement s'en échappa, et je me précipitait vers elle, reconnaissant mon chat. Je le libérais enfin, et ma petite minette noire avec une petite tache blanche sur le front se frotta à moi. Elle m'avait tellement manqué... Je me rappelais très bien le jour où je l'avais ramassée, pauvre petit chaton tremblant abandonner dans un carton au bord de la route, à peine quelques mois auparavant. Révoltée, je l'avais ramenée dans mon ancien chez moi, et c'est la que ma mère, Alex et moi sommes très vite tombées sous le charme de ce petit bout de chou. On a finit par l'adopter, ne pouvant plus se passer d'elle.
- Maman, pourquoi tu as amené Soleil d'Avril avec toi ? la questionnais-je depuis le canapé ou je la caressais tendrement.
- C'est que... commença-t-elle en se tordant les mains. Je n'ai plus les moyens de m'occuper d'elle. Je pensais que vous pourriez vous en charger quelque temps, si ça ne vous gêne pas trop les filles.
La nouvelle tomba comme une bombe dans l'appartement, et un silence de mort s'abattit dans la pièce. Tout ça, c'était sa faute à lui. Lui et lui seul. On en serais pas là aujourd'hui. Je laissais la colère monter doucement en moi, mais je la refoulais, ne voulant pas gâcher les retrouvailles. Je savais que si elle était ici aujourd'hui, c'était pour ne pas avoir à affronter cette dure journée seule.
- Ne t'en fais pas maman on va se débrouiller, la rassurais-je.
On se remis à discuter de tout et de rien, et c'est ainsi qu'on ne vit pas passer l'heure. Cela me faisait un bien fou de la revoir, elle m'avait, l'air de rien, énormément manquée. J'observais les cheveux blonds de ma mère, qui commençaient sérieusement à prendre des touches de couleurs poivre et sel. Elle avait d'immenses cernes sous les yeux, et la voir si épuisé me brisa le coeur. Puis vint le moment de la fameuse question.
- Et alors, du côté des amours ça avance ? nous demanda-t-elle avec un petit sourire en coin.
- Roh maman ! Et puis c'est quoi ce petit sourire ? ronchonnais-je.
- Ça, ça signifie que tu est toujours célibataire ma fille, conclut-elle en soupirant. Ça ne m'étonne pas, vu ton sale caractère...
- Maman ! dis-je, outrée.
- Je plaisante mon lapin, avec ton charme tu devrais pourtant les attirer comme des mouches ! Ils sont sûrement timides, ils n'osent pas venir te parler parce que tu les intimides, me confia-t-elle d'un ton qui n'admettais aucune réponse.
Elle se tourna vers Alex, lui prenant les mains.
- Et toi alors ? Un chéri en vue ? la questionna-t-elle.
- Euh, non je n'ai pas vraiment une vie amoureuse palpitante en ce moment, grimaça-t-elle.
- C'est pas possible ! Il n'y a donc aucun garçon mignon dans votre faculté ? s'exaspéra-t-elle en levant les yeux au ciel.
- C'est pas ça le problème, commençais-je avant d'être interrompue.
- Moi à votre âge, j'avais des tonnes de prétendant ! Une fois je suis même sortie avec deux garçons en même temps ! raconta ma mère en nous souriant.
Je plaquais mes mains contre mes oreilles, ne voulant pas entendre un mot de plus sortir de sa bouche.
- Arrête ! Je ne veux pas savoir ! Je ne veux rien savoir ! lui ordonnais-je.
- D'accord d'accord, s'amusa-t-elle.
Dans les environs de trois heures et demi elle s'en alla, et je regardais du haut du balcon sa vielle voiture rouge (plus très rouge d'ailleurs) repartir sur la route, avant qu'elle ne disparaisse entre deux immeubles. Ma colère refit surface brutalement, et je laissais cette haine à l'état brute envahir mon coeur, noircir mes idées. Si seulement il nous avait assez aimées ma mère et moi pour ne pas nous abandonner à notre propre sort... Un sentiment s'installa au creux de mon ventre, et un goût amer remonta dans ma bouche. À cause de lui ma mère s'acharnait chaque jour au travail jusqu'à n'en plus pouvoir, afin de rembourser les dettes qu'il nous avait laissé en partant. J'avais besoin de prendre l'air, tout de suite. Une fois dans le salon j'appelais Alex, furieuse contre le monde entier.
- Alex ! Prépare toi on va faire une marche, lui ordonnais-je d'un ton sec.
- Quoi ? Mais comment ça ? Maintenant ? s'affola-t-elle.
- Tout de suite, je vais étouffer si je reste une seconde de plus dans cet appartement, dis-je en attrapant une paire de bottes hautes à lacets.
- Euh, d'accord, céda-t-elle, ne pouvant rien me refuser en ce jour. Mais on rentre pas trop tard ok ? Ça me fera du bien à moi aussi.
- Ne t'inquiète pas c'est juste histoire de m'aérer un peu, lui assurais-je en attrapant mon vieux k-way jaune.
J'attrapais Soleil d'Avril dans mes bras, pendant qu'Alex fermait l'appartement à clé derrière moi. Si on l'a appelé ainsi c'est parce que je l'ai trouvé en avril, et aussi un peu par manque d'inspiration quand le vétérinaire nous a dit qu'il fallait lui trouver un prénom en S. Je m'arrêtais devant la porte de Gabriel et Michael, tellement énervée que j'avais envie de frapper le mur de toutes mes forces. Ils vinrent bientôt nous ouvrir la porte.
- Gardez moi Soleil d'Avril, on revient dans une heure, grognais-je en collant le petit chat dans les bras à Gabriel. Si il lui arrive quelque chose, je vous bute c'est clair.
Avant même qu'ils n'aient eu le temps de protester Alex leur avait déjà refermer le porte au nez, et nous descendions dans les escaliers à toute allure. On entendis des pas derrière nous, mais aussi des cris venant d'au dessus de nos têtes.
- Revenez les filles putain ! On est pas vos boniches ! hurla Gabriel en commençant à descendre après nous. C'est pas vrai !
On se lança dans une course poursuite, mais fort heureusement Alex et moi arrivâmes avant à notre voiture avant lui. Je m'empressais de déverrouiller notre petit bijou et on monta dedans. Je fermais à clés les portières, et je rigolais quand Gabriel frappa contre ma vitre fermée, m'ordonnant de sortir de là immédiatement. J'appuyais sur l'accélérateur, laissant Gabriel furieux planté sur le trottoir. Je klaxonnais deux fois à son adresse, avant de partir dans un grand éclat de rire avec Alex.
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