Partie 6
Alec prit quelques jours pour se préparer à ce nouveau voyage, il ne comptait pas y aller désarmé, pas s'il devait se battre. Il avait beaucoup réfléchi au fait de demander à Jace de l'accompagner, mais il se refusait à le mettre en danger. Et puis, s'il devait lui arriver quelque chose, Jace devait être là pour leur famille, ce serait lui l'aîné. Au lieu de ça, il préféra écrire une lettre pour sa famille, pour leur expliquer où il était parti, au cas où il ne revienne pas. Pour qu'ils sachent et se préparent à la venue de ce roi, car s'il ne revenait pas, c'est qu'il aurait été vaincu, tué, et la menace planerait encore.
Un soir, il se rendit dans les jardins du château et trouva un coin à l'abri des regards. Il ressortit la clé du pochon ambré et l'observa à la lumière de la lune. Un léger sourire s'égara sur ses lèvres au souvenir de la première fois qu'il l'avait trouvée, plantée dans le mur de leur vieille étable. Il s'était passé tant de choses depuis ce moment-là, ça lui semblait même être une autre vie. Il l'avança vers le mur d'enceinte au pied duquel il se trouvait, caché derrière des arbres. La clé entra dans la pierre avec aisance et Alec la tourna. Le déclic le fit souffler doucement. Il était néanmoins plus expérimenté que les dernières fois. À présent, ce n'était plus un fermier, c'était un garde du roi rompu au combat. Et s'il appréhendait un peu de ne pas revenir, ce n'était pas par peur de mourir, mais parce qu'il n'aurait pas eu la possibilité de dire au revoir à sa famille. Tant pis, il n'avait qu'à revenir.
Il ouvrit la porte noire et contempla le vide derrière, son arc et son carquois sur ses épaules, une épée à la taille et une dague dans sa botte, et une torche à la main. Il était paré à toute éventualité, toute attaque. Son esprit fonctionnait à plein régime. C'était la troisième fois qu'il allait se rendre En-Dessous, n'en avait aucun souvenir évidemment. Enfin, ça lui paraissait évident que ce soit normal, mais il ne savait pas pourquoi. Mais cet étranger lui avait expliqué que les souvenirs racontés à d'autres disparaissaient de la même façon, peut-être qu'En-Dessous possédait des règles magiques quelconques pour se protéger. Même les magiciens qu'il avait rencontré ne voulait pas parler d'En-Dessous, comme si les humains n'étaient pas dignes de savoir. Il n'avait jamais remarqué auparavant le mur immense qui se dressait entre leurs deux espèces. Tous les magiciens étaient-ils aussi désireux de vengeance, comme ce roi, leur roi ? Serait-ce si étonnant ? Jamais il n'avait entendu un humain parler en bien d'un magicien. Ils étaient méprisés, moqués, parfois humiliés. Si seulement il avait pu retrouver le magicien qui lui avait échangé la clé, peut-être se serait-il montré plus coopératif.
Avec un soupir, il traversa la porte et se mit à avancer dans le tunnel, sa main droite sur la paroi, l'autre tenant la torche. Il regardait où il mettait les pieds, prudent. Son coeur battait à une allure normale, posément, pour la première fois il était concentré sur son objectif, contrôlant sa curiosité de découvrir, quelque part, un monde aussi mystérieux qu'En-Dessous.
Arrivé à un gouffre dont il put apercevoir les bords grâce à la lumière qu'il avait apporté, il s'arrêta. C'était la seule issue. Il écouta attentivement pour savoir s'il y avait de l'eau quelque part, et puis il lâcha sa torche qui, de toute façon, le gênerait pour descendre. La flamme éclaira la pierre rouge pendant quelques mètres avant de se faire happer par l'obscurité et de disparaître complètement. Alec soupira, cela semblait extrêmement profond, comment était-il déjà descendu ici ? Il attrapa les prises qu'il avait pu voir et commença sa descente puisqu'il n'avait pas d'autre choix. Son équipement le gênait un peu, mais il ne pouvait pas prendre le risque de faire du bruit ou de casser ses armes, notamment son arc.
Alors il descendit, lentement, toujours prudent. Son coeur accéléra doucement sa cadence alors qu'il se demandait s'il y avait un fond à ce gouffre qui lui paraissait infini. Depuis combien de temps parcourait-il cette paroi ? De la sueur commençait à perler sur sa nuque et son front, mais ses bras et ses jambes ne faiblissaient pas. Il releva la tête, avec l'espoir futile d'apercevoir quelque chose, mais sans sa torche le tunnel entier était plongé dans le noir. Et il était perdu au milieu, abaissant ses pieds puis ses mains sur les prises, se demandant s'il était possible qu'il errât ainsi pour l'éternité.
La pensée le glaça, le terrorisa. Non, il avait des objectifs, il ne pouvait pas mourir bêtement ici. Il devait revoir sa famille et puis... et puis il devait retrouver quelqu'un. Oui, au fond de lui, cette pensée fit surface. Une personne l'attendait, quelque part, mais il ne savait pas où. Une personne qui l'attendait depuis longtemps et qu'il ne pouvait pas se résigner à abandonner. Mais qui ? Et où l'avait-il rencontré ? C'était de la folie. Oui, tout était complètement fou et insensé. Alec souffla longuement et se jeta en arrière.
Ses pieds touchèrent le sol, environ une dizaine de secondes après qu'il ait lâché la paroi. Il sentit l'impact dans ses jambes, mais aucune douleur. Il déglutit, soulagé et effrayé par sa foi soudaine, mais il avait fait confiance à son instinct, tout comme il l'avait fait lorsqu'il avait échangé la clé contre sa vache. Et à présent, il voyait autour de lui, une lumière pâle venait du tunnel derrière lui. Il partit dans cette direction et son pied frappa quelque chose. Un bout de bois. Sa torche qui, apparemment, avait brûlé pendant longtemps puisqu'elle était plus petite que celle qu'il avait lancé.
Il suivit finalement la lumière jusqu'à sortir de la grotte. Ce qu'il vit à l'extérieur lui coupa le souffle. Il faisait visiblement nuit, puisque tout était sombre autour de lui, à l'exception des lumières qui illuminaient les hautes herbes. Hautes, oui, c'était le mot. Il avança vers l'une des lumières pour se rendre compte qu'il s'agissait d'une fleur, dorée, dont le coeur brillait si élégamment. Il toucha doucement le pétale jaune à la texture familière, même son odeur lui semblait familière. Il avait peine à croire qu'il eût pu oublier un endroit pareil.
Il continua son chemin, marchant sur des pavés jusqu'à entendre un bruit d'eau. Le bruit seul suffit à lui faire remarquer à quel point il avait soif. Il partit donc dans la direction de ce qu'il imaginait être une rivière, bordée de fleurs dorées et lumineuses. Il ne put retenir une exclamation de surprise, tellement c'était magnifique. Il passa sa main sur la surface de l'eau, il fut presque étonné de toucher un liquide, tant les reflets lui donnaient l'impression d'être au bord d'une rivière de diamants. Il recueillit un peu d'eau dans sa main avant de la porter à sa bouche et il soupira de bien-être. Elle était fraîche et délicieuse, familière elle aussi. Comment ? Alec fronça les sourcils, réfléchissant à ces choses qui semblaient faire échos à des souvenirs enfouis, mais pas aussi profondément qu'il l'aurait cru. Était-ce à cause de sa rencontre avec l'étranger ? L'homme lui avait beaucoup parler d'En-Dessous, peut-être cela lui avait-il rendu un peu de sa mémoire.
Pris par ses pensées, il n'entendit pas le danger. Pourtant il était là, tapi dans l'obscurité et prêt à fondre sur sa proie. Un faible craquement suffit à Alec pour se rendre compte que quelque chose n'allait pas et cela lui sauva la vie. Il bondit en arrière, dégainant son épée dans le même mouvement. Il vit alors une immense silhouette s'abattre à l'endroit où il se trouvait une seconde auparavant, l'une des pattes gigantesques lui frôla le flanc. Alec retomba sur ses pieds, alors que la bête se tournait vers lui, affamée. Il s'agissait d'un loup. Enfin, ça y ressemblait mais il était beaucoup trop grand pour être un loup. Il faisait au moins quatre mètres de haut. Ses yeux brillaient d'un éclat rouge. L'humain recula, se demanda s'il saurait être assez rapide pour fuir, mais il réfléchissait encore à détaler quand l'animal se rua sur lui. L'un de ses crocs effleura l'épaule d'Alec qui s'était poussé. Mais il ressentit la douleur, alors même que l'animal l'avait à peine touché. Ça avait suffit pour fendre sa chemise et sa peau. Il tomba sur le sol, cherchant un moyen de survivre. Le loup l'attaqua à nouveau, Alec se releva malgré la douleur, et quand la patte se posa à côté de lui, il planta son épée d'un coup, transperçant la peau et la chair jusqu'au sol. Puis il courut sous l'animal pour gagner les quelques secondes qui lui furent nécessaires pour grimper sur un rocher et sauter sur le dos du loup, si près de son cou que même en tournant la tête l'animal ne pouvait l'atteindre. S'accrochant à la fourrure épaisse, Alec sortit sa dague de sa botte et la planta dans la nuque, encore, encore et encore, creusant dans l'animal jusqu'à ce que celui-ci cessât de bouger. Il s'effondra par terre.
Le jeune homme s'écroula à son tour dans l'herbe, sonné par ce combat qu'il n'aurait pas cru remporter. Sa respiration haletante mis plusieurs longues minutes avant de se calmer, et il se releva, craignant que d'autres loups n'arrivassent. Il commença par inspecter la blessure, mais elle ne paraissait pas grave, ne l'empêchait même pas de bouger son bras. Il rangea sa dague et récupéra son épée. Quand il voulut l'essuyer à son pantalon, il se rendit compte qu'il était couvert du sang de l'animal tout autant que ses armes. Il soupira en la remettant dans le fourreau et sortit de la forêt. Arrivé au bord de la plaine, il vit que les fleurs continuaient d'illuminer le paysage. Et au loin, en face de cette plaine, s'élevait un château. Comme un joyau dans un écrin, magnifique dans la lumière des fleurs. Les pierres blanches semblaient refléter leur éclat. Il en eut le souffle coupé, c'était absolument magnifique. Pourquoi les magiciens ne venaient-ils pas simplement vivre ici, plutôt que de vouloir détruire un monde qui n'était pas le leur ?
Le chemin pavé continuait jusqu'au château, Alec l'emprunta, étonné et subjugué. Le trajet fut long. Il regretta de ne pas s'être nettoyé un minimum dans l'eau de la rivière, bien que l'idée de la salir était aussi gênante que de se balader couvert de sang. Peut-être pourrait-il faire peur au magicien ainsi. Il arriva enfin devant le château, après ce qui lui parut être une longue heure de marche. De près, c'était encore plus beau. Mais quelque chose le gênait. Il était grand, haut, mais il paraissait petit comparé aux arbres de la forêt qu'il venait de traverser. Pourquoi est-ce que ça le dérangeait ? Il n'avait rien à envier au château de Valentin, au contraire même. Il n'était qu'un peu plus grand, mais surtout, la magie l'inondait. Même un humain comme Alec pouvait le sentir.
Il passa sous l'arche dont la herse était relevée et traversa la cour déserte avant d'arriver à la lourde porte d'entrée. Alors qu'il se demandait comment il allait entrer, s'il devait frapper ou non, la porte s'ouvrit d'elle-même, sans un bruit. Il se remit sur ses gardes. Quelqu'un l'avait-il vu arriver ? Ou bien était-il attendu ? Non, ça n'aurait pas de sens. Dans l'un ou l'autre des cas, il serait sans doute déjà mort, l'entièreté du chemin dans la plaine étant complètement à découvert. Il attendit quelques secondes, pour voir s'il y avait quelqu'un, mais personne ne se montra. Il attrapa son arc puis une flèche qu'il encocha sur la corde avant d'entrer dans le château.
Après un couloir de quelques mètres, Alec arrive dans un hall immense, le plafond était à environ cinq mètres au-dessus de sa tête. Un épais tapis rouge traversait la pièce jusqu'au large escalier à l'autre bout qui conduisait à un balcon faisant le tour de l'étage à mi-hauteur. Il y avait des portes partout. Une intuition le décida de fouiller l'étage en premier lieu. Il s'approcha donc pour monter les escaliers. Lentement, prudemment. Écoutant chaque bruit, ou plutôt s'assurant qu'il n'y en eût aucun. Car depuis son entrée, il n'avait entendu que ses pas et sa respiration. Comme si le château était entièrement désert.
Une fois en haut, il commença à visiter les pièces en commençant par la porte la plus à droite. Il arpenta des couloirs pendant de longues minutes, passant devant des chambres, des bureaux, des salles de bain et même une immense bibliothèque. Mais il ne trouva personne, il n'y avait pas âme qui vive dans ce château. Il commençait à désespérer quand il franchit finalement le couloir en face des escaliers, qui le conduisit à la salle du trône. Les voûtes s'élevaient bien plus haut que le plafond du hall ou même des autres pièces. De chaque côté de la pièce se dressaient des colonnes blanches, et les fenêtres au fond donnaient sur le ciel noir. Il fallut cette constatation pour qu'Alec se rendît compte qu'il n'y avait pas de torche dans le château. Et pourtant, il y avait de la lumière partout, il voyait parfaitement. D'où venait-elle ? Impossible à dire.
Devant ces fenêtres terriblement sombres, se tenait le trône. Immense siège blanc posé en haut d'une salve de marches. Le contraste ne rendait le trône que plus majestueux encore. Et cette fois, Alec n'était plus seul. Depuis l'entrée de la pièce, il ne voyait que la silhouette assise sur le trône. L'arc toujours fermement ancré dans sa main, il se remit à avancer. Bien, il avait trouvé le roi. Comment allait-il s'y prendre ? L'attaquer était certainement la solution la plus simple pour ne pas risquer de mourir, mais aussi à condition que l'étranger eût dit la vérité. Alec secoua la tête, pourquoi l'homme aurait-il menti à ce sujet ? Prendre des risques n'étaient pas une option.
Arrivé à quelques mètres du trône, il s'arrêta et put mieux observer cette silhouette. Le dos droit, les mains posées sur les accoudoirs. Immobile. Aucun doute à avoir quant au fait qu'il s'agissait du roi, les vêtements qu'il portait semblaient d'encore meilleure facture que ceux que portait le roi Valentin. Il portait une longue veste bleu saphir brodée d'arabesques noires, par-dessus une chemise noire, en soie, dont les boutons étaient probablement en opaline. Un jabot de dentelle blanche jaillissait à la base de son cou. Le pantalon était également noir et il portait des bottes à revers du même bleu que la veste. Enfin, le visage de ce roi était maquillé de noir et d'or, faisant ressortir la couleur caramel de sa peau. Ses cheveux étaient coiffés étrangement, en pics sur sa tête, des mèches dorées retombant sur son front.
Son regard glissa rapidement sur le roi jusqu'à arriver à ses yeux. Il croisa aussitôt les orbes ambrés à la pupille fendue qui se rétracta davantage tandis que le roi sursautait. Alec plissa les yeux, et celui qu'il croyait être le roi dut prendre quelques secondes pour se ressaisir. De nombreuses questions traversèrent l'esprit de Magnus. Pourquoi le château ressemblait-il à ça ? Et pourquoi portait-il ces vêtements ? Alec parla soudain, le ramenant à une réalité qu'il ne comprenait pas.
— Es-tu bien le roi de ce château ? Magnus ?
Le demi-géant eut un choc en entendant l'humain prononcer son prénom d'une voix aussi froide. Mais pourquoi lui demandait-il s'il était le roi ? Évidemment, son esprit était vide de souvenirs, mais alors comment connaissait-il son nom ? Il se leva, dans un réflexe étrange pour se rapprocher d'Alec, mais celui-ci recula en levant son arc en direction de Magnus. Une flèche déjà encochée. Le coeur de Magnus eut un dératé.
— Ne bouge pas. Et réponds à ma question.
Magnus ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel. Les humains et leurs satanées questions. Il voulut faire un pas, mais n'y arriva pas. Ça pouvait paraître bizarre, mais après avoir passé trois millénaires nus pieds, porter des bottes lui semblait anormal. Et douloureux. D'autant plus que le bracelet d'or blanc serrait toujours sa cheville, même s'il était caché à présent.
Il se reconcentra sur Alec qui le menaçait toujours. Comment cet humain pouvait-il arriver ici armé et vouloir sa mort ? Parce que c'était ça, non ? Magnus le voyait dans son regard noisette, ces yeux qui ne l'avaient, jusque là, regardé qu'avec douceur.
— J'ai eu vent de tes projets, expliqua Alec, le ton cassant. Et je ne te laisserai pas marcher Au-Dessus. Je ne te laisserai pas conquérir mon monde.
— Non, je ne...
— N'essaie pas de mentir ! On m'a mis en garde contre toi !
Le demi-sang se tendit. Qui pouvait..? Oh qui, en effet... La question ne se posait pas. Qui pourrait avoir parlé de Magnus à Alec, si ce n'était Asmodeus ? Personne. Il était le seul à pouvoir faire cela et à y avoir un intérêt. Et cela expliquait l'état du château, son état à lui, pourquoi il avait soudainement l'air, eh bien, d'un roi.
— Je t'en prie, baisse ton arme, que l'on discute.
La voix veloutée fit trembler Alec. Il ne pouvait pas nier que ce roi lui faisait un effet troublant. Son coeur battait fort, et il avait les mains moites. Mais il ne devait pas flancher. Pourquoi lui parlait-il avec ce ton suppliant ? Il ne devait pas se laisser amadouer si la survie de son royaume en dépendait.
— Il n'y a rien à discuter, Majesté, cracha-t-il, sarcastique. Abandonnez votre idée de vengeance ou soyez certain que nous ne nous laisserons pas faire ! Au-Dessus appartient aux humains !
La gorge de Magnus se serra. Il avait beau savoir que son père avait sans doute manipulé Alec d'une manière ou d'une autre pour le faire à nouveau venir ici, il n'empêchait que l'entendre prononcer ces mots lui rappelaient de très mauvais souvenirs.
Il prit sur lui pour descendre une marche, puis une autre, se mordant l'intérieur de la bouche pour ne pas montrer sa faiblesse. Mais il ne fit pas de troisième pas car une flèche lui frôla le visage. Il regarda Alec qui, lentement, attrapait déjà une seconde flèche dans son carquois.
— Je vous tuerai ici et maintenant, s'il le faut, l'avertit l'archer.
Le coeur du magicien se brisa, mais il était habitué à la sensation et resta droit, fixant Alec. Il avisa le sang qui maculait largement ses vêtements sombres qui ressemblaient à un uniforme militaire. L'humain dont il était tombé amoureux était devenu un soldat et il venait le menacer dans ce château où vivaient encore tous leurs souvenirs. Bien que cet endroit ne ressemblât plus à rien de ce qu'ils avaient connu. Il se força à ravaler ses larmes. D'un revers de main, il essuya le sang sur sa joue avant de descendre une autre marche. Mais cette fois, il était prêt, et quand la flèche arriva sur lui, il la fit dévier d'un claquement de doigts. Il continua sa progression jusqu'à arriver en bas des marches, mais Alec ne l'attaqua plus.
— Est-ce que tu espères que j'aie peur de toi ? Lui demanda-t-il, la voix vide de toute menace.
— Peu importe que vous ayez peur. Si ce n'est pas le cas, vous ne verrez pas d'autre lever de soleil.
— Cela fait plus de trois milles ans que je n'ai pas vu de coucher de soleil.
En-Dessous n'avait pas de soleil, ni d'autres étoiles. Le ciel était vide, il s'éclairait et s'assombrissait par la magie, uniquement. Alec eut le vertige suite aux paroles du roi. Trois milles ans ? Plus que ça ? Il manqua d'abaisser son arc mais se reprit rapidement. Un être aussi ancien pouvait-il vouloir se venger ? Pourquoi ne pas l'avoir fait avant et avoir laissé les magiciens souffrir Au-Dessus ? Les quelques doutes qu'il avait pu avoir ne faisaient que se multiplier. L'étranger l'avait mis en garde contre les pouvoirs du roi mais il n'avait pas l'air de mentir. Ou alors était-il en train de se laisser corrompre par cette vision idyllique ?
— Arrête d'avancer ! Lança Alec quand le roi esquissa un nouveau pas.
— Empêche-moi.
Toujours aucune menace, pas même un jeu. Mais les magiciens étaient des êtres sournois desquels il devait se méfier, lui et tous les humains. Il tira une flèche mais elle n'atteignit pas plus sa cible que la précédente, et il se surprit à regretter de l'avoir volontairement évité la première fois. Il essaya encore, tout en reculant pour ne pas réduire la distance entre eux. Quand il se rendit compte qu'il devait donner l'impression de le craindre, il s'arrêta. Il était un soldat du roi Valentin. Il devait faire face. Et si les flèches ne le touchaient pas...
Il lâcha son arme de prédilection et laissa également tomber son carquois avant d'attraper son épée couverte du sang séché du loup. Se battre à distance contre un magicien était sans doute inutile. Quand il vit le regard troublé du roi face à son changement de stratégie, il dut retenir un sourire satisfait. Il avança vers le roi, d'abord lentement et le roi ne bougea pas. Il frappa, levant son épée, il s'approcha d'un coup mais le manqua. Ou plutôt, le roi repoussa son épée comme il l'avait fait avec les flèches tout en faisant un pas de côté. Il réitéra son mouvement plusieurs fois, qu'importait qu'Alec l'attaqua par le haut ou le côté, ou qu'il feinte. Il ne touchait pas le magicien et cela l'énervait.
— Bats-toi, lâche ! S'écria-t-il après avoir reculé.
— Vois-tu une arme sur moi ?
Alec n'avait aucune envie de regarder le corps de cet éphèbe qui l'avait déjà troublé alors qu'il ne s'y était attardé que quelques secondes. D'autant que le roi avait déjà retiré sa veste qui devait sans doute le gêner, mais qui n'était nulle part sur le sol. Alec ne pouvait donc plus ignorer la silhouette fine et élégante qui dansait presque en face de lui. Le magicien avait raison, il était désarmé, si on oubliait la magie avec laquelle il se protégeait depuis tout à l'heure. Ses propres pensées firent sursauter Alec. Le roi se protégeait, alors qu'il avait certainement la puissance pour l'attaquer et le blesser, peut-être même le tuer. Mais il s'était abstenu, pourquoi ? Alec était entré dans son château sans y être invité et l'avait menacé de mort. Pourquoi n'essayait-il pas de le tuer ?
Le guerrier lança son épée plus loin, le bruit quand elle toucha le sol fut brusque et désagréable mais aucun d'eux ne broncha, trop occupés à se regarder, à se jauger. Il leva ses poings devant lui.
— Alors ce sera un combat à mains nues. Pas d'arme. Pas de magie.
— Tu me ferais confiance pour ça ?
— Non, mais il me suffit de ne pas te laisser le temps de souffler.
Aussitôt, son poing partit vers le visage du roi qui recula pour l'éviter. Alec était rapide, et Magnus, lui, ne savait pas se battre, il n'avait toujours fait que se protéger. S'il avait dû se battre avec son père, il serait mort depuis longtemps. Heureusement, son agilité n'avait rien à voir avec sa magie, il continua donc à esquiver les coups de poings et les coups de pieds.
Alec sentait sa peau frôler celle du roi encore et encore, quand il essayait de frapper son visage ou d'attraper ses bras pour le faire tomber. Leurs corps se rapprochaient, parfois ils se collaient avant que le magicien ne parvînt encore à s'échapper. La respiration de l'humain se hachait, cela faisait longtemps qu'il n'avait pas eu un adversaire aussi compliqué. Il continuait de refuser le combat ! Et puis ça arriva.
Alors qu'il avait enfin réussit à l'agripper, il le tira contre son torse, prêt à étrangler ce roi trop joueur et dangereux. Mais quand il sentit son souffle chaud glisser dans son cou alors que les yeux de chat se plantaient dans les siens, il eut une horrible impression de déjà-vu. Il repoussa son ennemi, Alec ne sut s'il avait ou non remarqué son trouble. Mais des images étranges lui venaient à en tête. Des images brûlantes. Il secoua la tête et lança un regard noir au magicien.
— N'essaie pas de rentrer dans ma tête ! Tu n'es même pas capable de te battre à la loyal ?
— À la loyal ? Tu es un soldat entraîné et je ne suis que...
Magnus se mordit la lèvre, incapable de finir sa phrase puisqu'Alec ne le croirait pas. Il n'était pas un roi, son sang faisait peut-être de lui un prince mais il n'avait jamais été traité comme tel. C'était un prisonnier, rien de plus.
L'humain ne le laissa pas réfléchir à comment finir sa phrase et se précipita encore sur lui. Il le frappa au torse, arracha un grondement animal à Magnus qui n'avait pas réussi à le parer. Grondement qui fit encore une fois trembler Alec. À chaque fois que leurs corps s'effleuraient, des images lui venaient. Des flashs. Il comprenait à peine ce qu'il voyait mais ça ne faisait qu'ajouter aux doutes qu'il avait déjà. Qu'était-il en train de se passer ? Qu'était-il en train de faire ? Tout ce qu'il savait, c'est que plus il le touchait, plus il avait envie de le toucher.
Il décida de mettre fin à ce combat et se jeta sur Magnus. Il le précipita au sol et attrapa la dague dans sa botte pour la glisser sur sa gorge.
— Et c'est moi qui suis déloyal ? Souffla Magnus, ses yeux glissant sur le visage d'Alec.
Il ne comptait pas se laisser tuer, mais si ça devait arriver, il voulait imprégner dans son esprit ce visage. Alec avait encore changé, une barbe de quelques millimètres assombrissait le bas de son visage. Comment pouvait-il toujours devenir encore plus beau ? Quand allait-il arrêter de faire perdre la tête au magicien ?
La lame touchait la peau caramel et il n'aurait fallu que d'un petit geste pour lui trancher la gorge. Alec l'avait déjà fait. C'était un soldat, il avait déjà tué. Mais jamais quelqu'un dont il n'était pas sûr des crimes. D'ailleurs, ce roi n'en avait commis encore aucun... c'était une action préventive. Comment être sûr qu'il allait bien faire ce que l'étranger avait dit ? Mais il n'arrivait plus à réfléchir. Son corps reposait sur celui de Magnus. Ses cuisses enserrant celles du roi pour les empêcher de bouger, une main posée sur le sol, près de ce sublime visage. Le sien, au-dessus, à quelques centimètres. Leurs souffles se mêlaient. Le magicien monta lentement une main sur le torse du guerrier, si lentement qu'Alec fut surpris en sentant la légère pression sur son coeur. Son sursaut entailla la peau, faisant couler une goutte de l'encre pourpre sur sa lame. Il ne la retira pas. C'était maintenant, ou jamais.
— Alexander...
Les yeux d'Alec s'écarquillèrent, toujours fixés sur l'ambre des yeux de chat. Ses doutes trouvèrent enfin l'extrémité du fil de ses souvenirs, qui se déroula lentement. Quand l'amour qu'il n'avait cessé de porter à sa créature se rappela à son esprit, il lança la dague à plusieurs mètres d'eux et se releva, choqué par son propre comportement. Il regarda la joue puis le cou de Magnus. Il l'avait blessé. Il avait essayé de le tuer.
— Je ne comprends pas ce qui s'est passé, murmura-t-il, la boule au ventre. Où est-ce qu'on est ? Ce n'est pas le château de...
— Si, c'est bien le château de mon père, l'interrompit Magnus en se redressant. Il a dû demander à un magicien d'ensorceler le château et... moi, pour qu'on ait l'air de ce qu'il t'a raconté.
L'humain porta ses mains à son visage. Comment ça, ce qu'il lui avait raconté ? C'était l'étranger ? Asmodeus s'était fait passer pour un humain. Dans quel but ? Une main sur son épaule le fit sursauter encore une fois, il enleva ses mains pour voir Magnus, tout proche et hésitant. Ils tremblaient encore tous deux de leur combat. Alec passa sa main sur le cou de son amant, essuyant son sang.
— Magnus, je suis désolé.
— Ce n'est rien. C'est mon père qui a...
— Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'il a fait ça ?
— Il a dû se rendre compte que ce que nous avions fait. Il se venge, il me punit.
La colère qui monta brusquement en Alec fut si violente qu'il dut s'éloigner de Magnus pour se calmer. Alors son père le punissait parce qu'il avait aidé Alec ? S'attendait-il à ce qu'ils s'entretuent ? Que Magnus mourût ou tuât Alec, Asmodeus aurait sans doute été satisfait. Mais ça n'était pas arrivé, et ça n'arriverait pas.
— Alec, s'il te plait. Dis-moi à quoi tu penses. Dis-moi que tu te souviens de tout.
Le soldat se retourna vers le magicien, demi-magicien et revint vers lui pour lui donner un baiser enflammé.
— De tout, oui, souffla-t-il simplement contre sa bouche.
Il le prit ensuite dans ses bras. À présent, il en était certain, abandonner à nouveau Magnus ici lui était impossible. Seulement, il ne savait toujours pas comment le faire sortir de ce château. Il baissa les yeux et s'aperçut que les pieds de Magnus étaient libres. Avait-il toujours son bracelet ? Sans doute que oui, ou alors ils seraient déjà partis.
— Ton père est dans le château ? Demanda-t-il dans un murmure.
— Oui, je crois. Il doit sûrement attendre d'être certain que le combat est fini pour apparaître.
— Alors termine-le.
— Quoi ?
— Frappe-moi ! Utilise ta magie, fais trembler les murs !
Une idée venait de fuser dans l'esprit de l'humain. Il posa ses mains sur les épaules de Magnus et plongea dans son regard.
— Fais-moi confiance. Allez. Il faut qu'il vienne. Il faut que tu aies son attention jusqu'à ce que... tu sauras quand.
Réticent, Magnus hocha néanmoins la tête. Alec se recula de quelques pas et Magnus envoya une déflagration de magie dans la pièce. Alec fut projeté à plusieurs mètres mais, heureusement, ne fut pas gravement blessé.
Asmodeus attendait depuis de longues minutes. Il savait que Magnus comprendrait rapidement que le comportement d'Alec était de sa faute, et si Alec le voyait, il le reconnaîtrait. Il pouvait prendre une taille humaine, mais pas changer d'apparence malheureusement. Quand il vit la magie de son fils remplir la salle du trône, il attendit quelques secondes et le rejoignit, sûr que Magnus venait de tuer l'humain duquel il s'était épris. Asmodeus ne cacha pas le sourire triomphant sur son visage quand il le vit, debout au milieu de la pièce. L'humain gisait dans une mare de sang, s'il n'était pas mort, il le serait sans doute bientôt.
— Tu aimes la nouvelle décoration ?
— Tu es un monstre, grogna Magnus, la rage lui nouant la gorge.
— Oh allez, Fils. Ce n'est qu'un humain. Et tu es toujours prisonnier de ce château, ne crois pas qu'avec ce que tu as fait, je te laisserai fuir. Autant que cet humain meurt aujourd'hui plutôt que de te donner de faux espoirs pendant encore quelques siècles.
Les larmes qui montèrent aux yeux de Magnus n'émurent en rien son père. Mais il avait raison, Magnus le savait. Maintenant qu'il avait sauvé Alec, il devait trouver un moyen de le faire sortir sans que son père ne s'en aperçût. Il en était là de ses réflexions quand une sensation étrange le fit hoqueter. Sa cheville. Sa cheville était libre. C'était ça. Par réflexe, il regarda vers Alec, car qui d'autre aurait pu faire ça ? Asmodeus suivit son regard, pensant que son fils avait vu l'humain bouger.
— Pas encore mort, hein ?
Alec se tint immobile du mieux qu'il put. Asmodeus ne semblait pas avoir vu qu'il avait bougé. En effet, à présent, sa main gauche était refermée sur une bourse en velours ambré. Sa main droite était cachée, serrant un objet beaucoup plus précieux et dangereux. Asmodeus s'approcha, il ramassa l'épée qui était sur le sol, bien décidé à l'enfoncer dans la poitrine de son propriétaire.
— Arrête ! Hurla Magnus en avançant d'un pas.
Asmodeus, surpris, se retourna vers son fils. Magnus préférait-il voir son amour agoniser plutôt que de le savoir mort ? Voilà que sa progéniture devenait enfin surprenante. Il suffit d'un déclic. Un seul déclic pour lui faire perdre son sourire. En baissant la tête, le géant vit aussitôt le sourire d'Alec. L'humain venait de refermer un bracelet autour de sa cheville. Un bracelet d'or blanc serti d'une améthyste marquise.
Furieux de s'être fait piéger, le géant abattit l'épée où se trouvait Alec, mais le guerrier se déplaça plus vite que lui. L'épée fendit ensuite l'air, à la poursuite de l'humain.
— Alec !
Magnus se précipita vers Alec et claqua des doigts pour dévier les coups de son père. Asmodeus balança finalement l'épée. Qui avait besoin d'une si petite arme quand il pouvait simplement écraser ses adversaires ? Alors qu'un grognement tonitruant résonnait dans la salle du trône, le véritable roi de ce lieu reprit sa véritable apparence. Immense, géante. Le sort lancé sur le château et sur Magnus disparut quand les colonnes commencèrent à s'écrouler. Alec attrapa la main pailletée d'or de son amant et, ensemble, ils sortirent de la pièce en courant le plus vite qu'ils pouvaient.
À plusieurs reprises, Alec entendit les doigts de Magnus claquer dans l'air pour les protéger des pierres qui tombaient. Il ne tarda pas à voir des zébrures noires apparaître sur ses mains et même son visage. Il était en train de s'épuiser pour permettre à Alec de fuir. Mais déjà, il voyait la porte dégondée qu'il avait déjà utilisé pour entrer et sortir du château.
— Je te tuerai, Magnus ! Tu ne pourras pas m'échapper !
Les menaces d'Asmodeus faisaient encore un peu plus trembler le château. Le géant frappait les murs pour les faire tomber sur les deux fuyards, mais il était toujours derrière eux. Il tendit la main vers les deux corps frêles au moment où Alec poussait Magnus à l'extérieur. Aussitôt, la chaîne se tendit et ramena le pied du géant en arrière pour qu'il ne puisse fuir. Asmodeus s'écroula mais Alec s'échappa à son tour et la porte se referma.
L'humain trébucha légèrement avant de réussir à retrouver son équilibre. Il avança vers Magnus, vêtu de la même manière que la première fois qu'il l'avait rencontré, le demi-géant fixait le château, s'attendant à le voir s'écrouler d'un moment là l'autre, libérant son père et sa fureur. Asmodeus hurlait toujours. Mais les murs ne bougèrent plus.
Les bras d'Alec se refermèrent sur sa créature pour l'aider à supporter le choc. Il était libre à présent. Pour la première fois depuis près de trois mille trois cents ans, il était sorti du château. Ses jambes lâchèrent soudain et Alec l'accompagna jusqu'au sol.
— Magnus, ça va ?
— Je crois.
Ils restèrent au pied du château pendant de longues minutes avant que Magnus ne pût se reprendre. Quand ce fut le cas, il leva le visage vers celui d'Alec pour capturer sa bouche. Ils échangèrent un baiser débordant d'amour.
Ils s'éloignèrent ensuite, Alec partant en direction du gouffre, bien décidé à emmener Magnus avec lui. Mais le demi-géant ne semblait pas aussi certain.
— Tu ne veux... pas venir Au-Dessus, avec moi ? Le questionna Alec, d'une voix douloureuse, quand il s'aperçut que Magnus était réticent.
— Si... si bien sûr, mais...
Sa bouche s'assécha quand une peur qu'il pensait avoir refoulée refit surface et se mit à parcourir sa peau de longs frissons.
— Les humains... si les humains essayaient encore de me tuer ?
Alec s'arrêta. Les derniers souvenirs d'Au-Dessus de Magnus n'étaient pas heureux, c'était normal qu'il se pose des questions, d'autant que son père n'avait fait que le conforter dans la pensée que les humains étaient dangereux pour lui.
— Je suis là, Magnus. Je te protègerai, je te le promets.
D'une main légère, il caressa la joue de son prince et celui-ci appuya un peu plus son visage contre sa paume pour profiter du contact. Il prit quelques profondes inspirations et souffla doucement pour se calmer.
Ils se retournèrent tous deux en arrivant à l'entrée du tunnel, regardant une dernière fois le paysage qu'ils ne verraient plus. Les fleurs illuminées brillaient moins fort, le jour n'allait pas tarder à se lever. Magnus entendit les pas d'Alec s'éloigner un peu, mais il attrapa rapidement son bras pour attirer son attention.
— Je... je t'aime, Alexander.
Surpris, le soldat entrouvrit la bouche sans réussir à prononcer un mot. Son coeur s'affola et un sourire amusé se glissa sur ses lèvres. Est-ce que c'était sa récompense pour avoir réussi à libérer Magnus ? Pour l'amour de Magnus, il ferait n'importe quoi.
Les deux hommes atteignirent le tunnel supérieur en quelques minutes, et malgré la présence d'Alec à ses côtés, Magnus était de plus en plus anxieux. Ils traversèrent ensemble la porte noire. En se retournant, Alec s'aperçut que la clé avait disparu avec la porte. Mais cette fois, il s'en fichait.
Il faisait encore nuit, il s'était sûrement écoulé moins d'une heure depuis le moment où Alec était parti. Alors qu'il se disait qu'il pourrait jeter sa lettre avant que quiconque eût pu la voir, des pas lui firent tourner la tête. Des gardes arrivaient en courant, menés par Jace. Alec soupira, il ne s'attendait pas à ce que son frère voit si vite sa lettre. Heureusement qu'ils étaient déjà revenus. Mais il n'eut pas le temps de dire à Magnus d'utiliser son glamour qu'une flèche le visait déjà. Alec se plaça devant lui pour le protéger. Il la prit dans l'épaule et s'écroula dans les bras de Magnus dont la peur revint à nouveau à la surface. Il releva les yeux vers les gardes et les souffla, utilisant le peu de magie qui lui restait.
— Magnus, non ! Lança Alec en attrapant son bras pour l'empêcher de recommencer. C'est de ma faute, calme-toi.
Jace arriva en courant après avoir dit aux gardes de ne plus tirer. Il venait de reconnaître la voix de son idiot de frère.
— C'est mon frère, souffla Alec à l'attention de Magnus.
Il expliqua rapidement qu'il avait laissé une lettre avant de partir où il expliquait le soi-disant plan d'un roi d'En-Dessous. Et il dut expliquer à son frère qu'il avait été leurré. Les tensions s'apaisèrent et les gardes aidèrent Alec à se rendre auprès d'un médecin pour y être soigné. Jace voulut accompagner Magnus à la chambre d'Alec, mais le prince refusa de laisser son amant seul.
En quelques jours, les deux hommes furent sur pied. Magnus cacha d'abord sa nature de magicien grâce à son glamour mais la famille d'Alec comprit vite de qui il s'agissait et ils acceptèrent très bien leur amour. Après tout, ils devaient leur vie à Magnus, et puis tant qu'Alec était heureux, c'était tout ce qui comptait. Le soldat dut néanmoins parler au roi Valentin pour lui expliquer qu'il ne pourrait pas épouser la princesse Clary, et il lui apprit que son frère avait de forts sentiments pour elle. Les sentiments étant partagés, il ne fallut que quelques mois pour que les noces royales soient fêtées.
Sur une colline, à l'écart des festivités, Alec et Magnus échangèrent à leur tour des anneaux. Ne comptait plus pour eux que l'amour qu'ils se portaient jour après jour. Rien ne vint plus jamais les séparer, et la porte d'En-Dessous resta fermée.
FIN
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top