Semaine 37
10 septembre, Rita est sortie en larmes de maths. Je l'ai croisé au détour d'un couloir. Énervée, en courant, en retenant ses pleurs.
— Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
— Laisse-moi.
— Rita...
— Laisse-moi, merde !
— Arrête de faire l'enfant, Rita.
Elle me frappe, me gifle. Mes lunettes volent.
— C'est bon, tu as piqué ta crise, tu es calmée ? soupiré-je. Parle-moi calmement.
— Ils savent que je suis transgenre. Ils le savent tous. Et ils m'emmerdent.
Elle me prend dans ses bras, et pleure sur mon épaule.
— Là, là... Du calme, Rita, du calme, lui murmuré-je. Nous sommes là, et nous te défendrons.
Elle renifle en me lâchant, je lui tends un paquet de mouchoirs en papier.
— Merci...
— Sèche tes larmes, tout va bien se passer.
Ses pleurs ont creusé des sillons. J'entends le fauteuil de Faya se rapprocher. Je me retourne ; elle semble complètement catastrophée.
11 septembre, Faya disparaît. Apparaît. Elle a la bougeotte, comme le déplore Enzo, qui lui est engoncé dans son chagrin d'amour et le fait qu'il fasse la gueule à Gabriel. Je suis désolé de ne pas être l'humain le plus empathique du lycée.
— C'est terrible ce qui arrive à la fille aux cheveux noirs, chuchote Maé.
Iel appelle toujours Rita de cette façon, et avale une bouchée de purée. Iel demande un bout de pain à Anton, qui lui donne avec une ombre de sourire.
— Je les ai vus la frapper, continue-t-iel. Ils l'insultent, et s'amusent à la pousser. Ils parlaient tout à l'heure de la pourrir sur les réseaux sociaux.
Je comprends mieux pourquoi elle a fermé ses comptes. C'est... Logique.
12 septembre, la Wesh me fixe d'un air indescriptible. Elle est encore là. Ah.
13 septembre, Rita ne me parle plus. Elle ne parle plus à personne. Elle porte un large pansement sur le bas de la mâchoire, et a une attelle à un doigt. Ses yeux ne voient plus rien. Elle n'est juste... plus là.
14 septembre, j'enfouis ma tête dans le creux de mes bras, et j'essaie d'oublier. Ne pas penser. Ne pas penser. Je tremble encore. J'ai frappé quelqu'un. J'ai réussi à frapper quelqu'un. Avant que la puce ne me contrôle. Je l'ai frappé au visage. Je l'ai fait car je devais le faire.
C'est une victoire sur la puce.
Mais je tremble.
Je me suis réveillé à l'hôpital. Les perfusions. L'électrocardiogramme. Il fait nuit. Rita s'est endormie, elle a dû faire une scène pour rester ici. Jeanne et Arthur me dévisagent, sans croire à l'ouverture de mes yeux. Je les vois troubles, je n'ai pas mes lunettes. Antoine s'approche, et me prend dans ses bras.
— Pourquoi t'es allé trop loin, toi, murmure-t-il dans ses larmes en enfouissant sa tête dans mon cou.
Rita sursaute, et serre ma main en fondant en larmes.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demandé-je.
Je connais la réponse, une crise tonico-clonique qui devait être si sévère que j'en ai perdu connaissance. Ce n'est pas la peine d'en faire toute une histoire, j'y suis habitué.
— Tu es tombé dans une sorte de coma, articule Jeanne avec difficultés.
— Célia est passée en urgence, complète Arthur en soutenant autant sa femme qu'il tient debout grâce à elle.
Je me fige. Non. Non, c'est une blague ? À ma prochaine bêtise, je meurs. Je... Je vais rester calme. Reste calme. Un spasme me secoue.
Tout va bien se passer. Tout va bien se passer.
15 septembre, je ne dois rien faire. Je peux jouer aux cartes avec Antoine, faire mes devoirs ou des choses calmes... Rien d'autre.
16 septembre, j'aurai besoin de dormir.
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