Semaine 29
[NDA : Oui, un jour en avance ! Je profite d'un temps mort pour poster, demain je sais que je n'y penserai plus]
16 juillet, Louna a organisé son anniversaire pour aujourd'hui. Je me retrouve dans la voiture de Florian qui a insisté pour m'emmener. Et nous avons pris Rita en stop. Florian n'a pas fait le rapprochement entre sa première venue et aujourd'hui. En même temps, moi aussi ça m'a fait bizarre, de passer d'un adolescent vaguement métalleux à une jeune fille pimpante en jupe bleue-violette.
— Non, ce n'est pas ma petite-amie. Rita, Florian. Florian, Rita.
Rita me sourit. Et nous partons.
Il nous arrête devant une maison minuscule, devant laquelle jouent trois petits garçons. Louna sort de la maison avec trois sacs bourrés à ras-bord.
— Nolan ! Yanis ! Mattéo ! Vos affaires ! braille-t-elle.
Les trois garçonnets ramassent leurs sacs, embrassent Louna et partent dans le village. Puis Louna vient vers nous.
— Vous êtes les premiers, les gens, dit-elle. J'vous attendais pas avant une bonne demi-heure ! 'tain, j'voulais pas que vous rencontriez mes frères.
Elle sourit et nous serre la main. Elle me regarde d'un air inquiet, me détaille brièvement, puis cligne des yeux. Je lui tends mon paquet, et Rita fait de même.
— Venez, j'vais vous aider à vous installer dans la tente.
Chose dite, chose faite. Avec Louna, ça ne traîne jamais.
Arrive Emmy peu après nous. Suivie de Léo qui fait le mariole sur sa moto, puis de Enzo et sa mère, et enfin Faya et son père.
Gabriel, sa légendaire tignasse rousse et sa chemise à carreaux apparaissent rapidement chez Louna.
— Les geeeeeeeeens, j'suis dég', Blandine peut pas venir, chouine notre intellectuelle à lunettes nationale.
— Elle devait ?
— Évidemment qu'elle devait, me rétorque-t-elle en coupant son téléphone. Ah, j'suis dég'.
— Mais on est là, nous ! s'exclame Léo en riant.
— Ouais, mais mais j'voulais trop la voir arriver avec un cheval, et tout.
L'après-midi se passe en batailles d'eau dans le village, à brailler sous les fenêtres des vieux qui essayaient de vivre une journée calme et agréable, à se hurler dessus à cause d'un démon réincarné en tente, à se dire que oui, moi Mathis suis un boulet ne sachant pas cuire quoi que ce soit.
Et sans trop savoir pourquoi, je me suis retrouvé dans la tente, entre Rita et Faya qui bricole pour arranger ses jambes de la manière qui prendra le moins de place.
Bizarrement, la bouteille me désigne. Qu'est-ce que je suis chanceux, moi, alors.
— Mathis, action ou vérité ? demande Emmy.
— Action. Je ne suis pas une chiffe molle contrairement à vous, bande de plébéiens.
— Mais ta gueeeeeule, lance Enzo.
— Action, murmure Emmy. Embrasse sur la bouche la personne que tu aimes le plus ici.
— Rita, ramène tes lèvres, dis-je.
— Non, c'est trop simple, sourit Léo. On va le faire souffrir, notre petit Mat'.
17 juillet, je crois que j'ai une gueule de bois. Merci, Léo. Merci. Qu'est-ce que je vais dire en rentrant, moi ?
— Hé les gens, j'crois qu'on a perdu Mathis !
Louna se retourne, en regardant Rita qui me soutient. Elle sort son appareil photo. Tout le reste du groupe se greffe derrière moi.
— Allez, tout le monde ! Cheeeeese ! Lance notre photographe improvisée.
Ou comment Mathis Paillon perdit toute chance d'avoir un brin de dignité et de crédibilité avec son cercle d'amis en l'espace d'une fraction de seconde.
18 juillet, Jeanne chante en nettoyant les vitres. J'ai pu rencontrer la fille de Florian, un bébé nommé Clotilde. Principalement car je dois faire attention à ce qu'elle n'approche pas Léon. Léon qui met des poils partout.
Clotilde est adorable, vraiment. Elle ressemble à sa mère, mais avec les cheveux de son père. Elle réagit au français et à l'allemand, mais ne parle pas encore.
— Tu l'aimes bien, ta nièce.
— Tu présumes bien, grand frère factice.
Florian m'ébouriffe les cheveux, et il sait que je déteste ça.
19 juillet, j'ai demandé l'asile politique chez Rita. On a passé la journée à écouter du Gorillaz.
— Fini !
— Puis-je voir ?
Elle me tend son carnet. C'est encore ses chats.
— J'aime bien celui-là, dis-je en montrant en croquis en bas de page.
Elle le referme vivement, en rougissant. Ah, je... je crois que je n'aurais pas dû voir cela.
— Sans vouloir être indiscret, qu'est-ce que ?
— Mathis, c'était... C'était... Non, j'suis désolée.
— Qu'est-ce qu'il t'arrive ? dis-je en hésitant à lui prendre l'épaule.
— J'suis pas capable de le dire à qui que ce soit, pardon.
Je soupire. Si elle ne veut pas m'en parler, hé bien... Je m'allonge sur le sol, en regardant le plafond.
20 juillet, Célia est venue dans son pot de yaourt, un jeune garçon sous le bras. Elle a serré la main de Florian, fait la bise à Silke et rencontré Clotilde.
— Mathis, je te présente Antoine. Vous avez globalement le même parcours, assure-t-elle.
Parle toujours, tu m'intéresses. Je remonte mes lunettes sur mon nez, je marque ma page.
Antoine est un garçonnet, yeux noirs, cheveux noirs, regard noir. Il ne sourit pas. Il me fixe, en se tenant le plus loin possible de Célia. Je caresse Léon, qui se sent nerveux en présence d'inconnus.
— Dis bonjour, Antoine, ordonne-t-elle.
— Bonjour.
— Peux-tu nous laisser seuls, Célia ?
Elle sourit, et quitte la pièce. Je tire une chaise pour Antoine, et m'assoit face à lui. J'ai à engager la conversation ; hors, je n'en ai aucune envie.
— Tu as quel âge ?
Ah ?
— 15 ans. Et toi ?
— 11.
— Fraîchement pucé, je présume.
— Tu présumes bien, soupire-t-il. Tu sais pourquoi la femme veut qu'on se parle ?
— Célia ? Sans doute pour une expérience, elle va essayer de te refiler à Jeanne et Arthur.
— Peut-être...
— Enfin, dis-je, elle disait que nous avions le même parcours. Veux-tu m'en dire plus ?
Il se tait. Je le regarde droit dans les yeux, et lui prends les mains. Léon miaule, et se carapate sous ma chaise.
— Antoine, tu veux m'en parler, n'est-ce pas ?
— Si tu veux me manipuler, tu es mal parti.
— Parce que tu ne me fais pas confiance ? Je peux comprendre, soupiré-je. J'ai un marché à te proposer : je dis quelque chose sur moi, tu dis quelque chose sur toi. D'accord ?
Il me regarde d'un air suspicieux.
— C'est d'accord.
— Très bien. Je suis né en Seine-Saint-Denis.
— Et moi, répond du tac-au-tac Antoine, je viens de Bordeaux.
— Mon père a perdu son travail, et ma mère était femme au foyer.
— Mon père était médecin, et ma mère informaticienne.
Et après, c'est moi qu'on traite de « bourge ».
— Mon père s'est mis à boire, et ma mère a très mal digéré le fait que mon institutrice veuille me faire sauter des classes, souris-je légèrement en y repensant. Quand il était ivre, il était violent. Quand elle en avait envie, une gifle ou une insulte derrière les oreilles.
— Mon père était gentil, mais ma mère me détestait. Et ma sœur s'amusait à me noyer. Un jour, elles m'ont mis dans la machine à laver. Mon père m'en a sorti trois heures plus tard.
— Nous avons des problèmes avec nos mères.
— C'est sûr.
Je m'étire.
— J'ai affiné mes techniques sur des camarades de classe, avant de me charger du problème parental. 7 ans, j'étais un précoce.
— J'ai poignardé ma sœur, ma mère, puis mon père pour qu'il ne sache pas que sa femme est morte.
— Altruiste, ironisé-je.
— On est plutôt différents, contrairement à ce dit la femme.
— Ne crois jamais ce que dit Célia.
J'écris mon numéro de téléphone sur un bout de marque-page, et lui tend.
— Comme nous risquons d'être un jour de la même famille... Sais-tu quand vont-ils te faire sortir ?
— Probablement avant la fin des vacances...
— J'espère que tu n'es pas allergique aux chats, dis-je en récupérant Léon.
— Alors, ça colle entre vous ?
Célia, Célia, Célia. Encore et toujours elle. Elle griffonne quelque chose sur son attaché-case, puis pose son stylo sur la table.
— Comment ça va, Antoine ?
— Il ne te porte pas dans son cœur, Célia, lui dis-je.
— Combien m'aiment, parmi tous les pucés ? Je sais bien que je suis unanimement haïe, sourit-elle.
— C'est pas étonnant, souffle Antoine. Qui aimerait son bourreau ?
— Bourreau ? sourit Célia. Je ne suis qu'une humble chercheuse.
À qui voulait-elle faire croire cela ?
21 juillet, j'ai passé la journée à la fenêtre, à caresser Léon du bout des doigts ou à finir Anna Karénine. Parfois, la vie est longue. Ennuyeuse.
22 juillet, Arthur a ouvert la porte à Rita, Léo, Enzo et Louna. Sans que je ne sache trop pourquoi, je me suis retrouvé assis à l'arrière du scooter d'Enzo, le vieux casque de Jeanne sur la tête.
— C'est quoi ce bordel ?!
— On va faire du saut à l'élastique à la Ricoumène, braille Louna, qui est sur celui de Rita. Et tu viens avec nous !
C'est l'idée la plus débile que je n'ai jamais entendu de sa part. Pourquoi est-ce que ça me fait déjà complètement kiffer ?
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