Semaine 16
17 avril, je me suis réveillé ce matin, dans une chambre d'hôpital de Haute-Loire. Loin de Paris. Célia a laissé un petit mot.
« Problème réglé. Tout devrait être normal. Bonne fin de vie.
PS : Dès que tu es debout, va chercher quelqu'un : ils doivent te laisser partir »
Va te faire voir.
Je m'habille normalement, et attends patiemment qu'un ou une aide-soignante vienne par ici. Ça ne manque pas, et une dizaine de minutes plus tard je suis dehors, ou du moins dans la voiture d'Arthur. Il ne me pose pas de questions ; il s'est contenté de me prendre dans ses bras avant de m'embarquer.
Vers 14 heures, je marche vers la maison Wagner, un cadeau dans les bras.
Je toque, puis sonne.
« Ah, Mathis ! Quelle bonne surprise ! s'écrie Anne Wagner en me faisant la bise. Jannick m'a prévenue ! C'est super de te voir, entre ! »
Arrête de crier. S'il-te-plaît.
J'entre. Friedrich Wagner vient me serrer la main, et Rita me fait signe de la main en souriant. Elle a l'air très heureuse de me voir.
Ses grands-parents sont aussi à table. Les français et les allemands. Ce qui rend la scène assez drôle, puisque qu'ils ne se comprennent pas.
« Ich möchte das Salz, dit une des grands-mères.
— Pardon ? » répond un des grands-pères.
Rita, à la rescousse, lui donne le sel, puis vient vers moi.
« Hey Mathis !
— Bonjour Rita. »
Elle sourit, et jette un regard un peu inquiet à sa famille.
« Fais gaffe, ils ne sont pas au courant, murmure-t-elle.
— Courage. Au fait... Après le repas, ouvre ça, murmuré-je en lui donnant mon paquet.
— Merci Mat', t'es vraiment un ami. »
Elle part se rasseoir, et moi à sa suite.
« Wer ist er ? lance le grand-père allemand.
— Das ist mein bester Freund Mathis, répond Rita. Familie, Mathis, Mathis, Familie. Je la refais en français : c'est mon meilleur ami, Mathis. »
Tous y vont de leur petite salutation dans leur langue. C'est assez amusant, de faire la conversation en plusieurs langues. Pour encore plus embrouiller tout le monde, j'ai commencé à parler en espagnol avec Rita.
Après le gâteau et la photo (prise par monsieur Wagner), puis le départ des grands-parents vers 21 heures, j'ai envoyé un SMS à Jeanne et demandé aux Wagner l'autorisation de m'incruster.
« Ja, ça nous fait même plaisir de t'accueillir, Mathis, » approuve Friedrich.
Rita me tire dans sa chambre en souriant. Une fois la porte fermée, elle ouvre mon cadeau.
« Un carnet de dessin, les poscas que je cherchais et... Oh. »
Elle me regarde, des étoiles dans les yeux.
« Des boucles d'oreille. Merci. »
Je savais qu'elle avait les oreilles percés. En 5e, on s'était fiché d'elle. Plus maintenant. J'avais choisi des roses, car je savais qu'elle aimait Iron Maiden. Oui, ça n'a aucun rapport, mais j'ai trouvé que ça lui irait bien.
Elle les met. Elle va aussi chercher des vêtements dans son armoire, et se change. Elle passe de la tenue d'adolescent glandu à celle d'une jeune fille.
« C'est une robe de ma mère... Tu me trouves comment ?
— Disons que... Ça fait bizarre de passer d'un t-shirt avec un zombie dessus à une robe à fleurs. »
Elle rit.
« Une photo pour officialiser tout ça ? proposé-je.
— Rien sur les réseaux, mec, sinon j'te castre », sourit-elle d'une voix traînante.
Je dégaine mon téléphone portable, et lance l'application « Appareil photo ». Mode selfie.
Je garderai l'image avec moi, n'aies crainte très chère.
18 avril, Jeanne plaisante avec les Wagner en disant que j'étais plus souvent chez eux qu'à la maison. Elle a totalement tord.
19 avril, j'ai mal. Mes jambes sont lourdes. Mes bras sont lourds. Ma tête est lourde. Mon corps est en plomb. Mes mains en coton.
J'ai l'impression de sombrer, lentement, très lentement. On me tire vers le fond. Je pourrais me débattre mais...
Il est trop tard.
20 avril, il est trop tard. Je suis fatigué de tout cela.
Du calme.
« Arthur, comment est le verre ?
— Aussi plein que vide, à moitié. »
21 avril, il fait gris.
22 avril, regardez comme le ciel est bleu. L'herbe verte. Le soleil brillant. Tout est parfait. Jeanne et Arthur sont là. Nous mangeons mon plat préféré. Non, je n'y arrive pas.
23 avril, longue journée de plombs. Je soupire. Jeanne me prend les mains.
« Mathis, je vois que tu ne vas pas bien.
— Laisse-moi, Jeanne.
— J'ai toujours eu des réticences à te bourrer de médicaments, Mathis. Tu me fais confiance ? »
Elle me donne une boîte de Prozac.
« 10 milligrammes par jour, si jamais tu en as besoin tu m'appelles et tu prends.
— Je n'en ai pas besoin, de toute façon. »
J'ai gardé la boîte.
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