teaRS

A drop of tears in my cup of tea.

Ma veste glisse de mes épaules pour retomber en un froissement délicat sur le sol. Mes pieds s'échappent de mes épaisses bottines pleines de boue et j'avance, aussi loin que cette pièce exiguë me le permet. Je marche à tâtons, aveugle dans cet endroit que l'habitude m'a fait détesté. Ma chaussette frôle la porte d'un placard et je m'arrête instinctivement. Là, face au comptoirs, mes yeux se perdent. En fait, je ne vois plus rien. Un voile d'eau salée me brouille, m'embrouille. Une grosse goutte s'écrase sur le bois clair, je laisse les autres suivre, sans les arrêter. Puis, d'un geste affable, j'attire à moi la théière qui attend sagement dans un coin. Mes mains lourdes comme le plomb exécutent avec lenteur ces geste familiers, cet art de prendre soin de soi, juste un petit peu.

Je fais du thé. 

La bouilloire électrique s'allume. Son bruit constant me berce, m'assourdit.

Attendre.

Je pense un peu à moi. Esseulée, dégoulinante de pluie. J'ai mal.

Le bip continue de la bouilloire interrompt le cours de mes pensées. Des bulles de toutes tailles frétillent à la surface du liquide. Je les caresse des yeux, un instant, puis j'appuie sur l'interrupteur, les bulles se calment.

Le thé se trouve dans le placard au dessus de moi. D'innombrables sachets bruns s'y entassent, serrés comme une foule dans un abris-bus, un jour de pluie. Mon regard s'attarde sur un sachet encore plein. Darjeeling. Je l'extirpe de la masse, coincé entre mon pouce et mon index. Les autres sachets devront attendre. Je referme la porte sur eux. Ténèbres.
Ouvrant le sachet élu, j'y plonge mes doigts fripés, en retire un peu de poussière parfumée. Juste le creux de la paume, juste ce qu'il faut. Les feuilles séchées s'engouffrent dans l'ouverture béante et ténébreuse de la théière. Puis, je penche au dessus de cette grotte sombre la bouilloire fumante. L'eau s'écoule. Moi je pleure. Les goûtes viennent raviver les cadavres desséchés des feuilles de thé, libérant une vapeur au senteur de voyage. L'eau brûlante monte jusqu'à la surface de la théière, puis je referme la cavité d'un minuscule couvercle rond.

Attendre. Encore.

Cette fois, c'est long. Peut-être parce que je n'ai plus rien d'autre à faire que de me confronter à ce vide qui m'habite. Je me laisse choir sur une chaise. Plus une seule pensée ne me traverse.

Le vide en moi s'étend jusqu'à la pointe de mes ongles, jusqu'à s'épancher en dehors de mon corps. Ça dégouline de vide, de larmes de frustrations. Pourquoi? Tout va bien, pourtant.

Je ne comprend rien. Je ne comprend jamais rien. Et à présent, l'idiote que je suis pleure de n'avoir pu se remplir d'émotions et se laisse sangloter sur cette chaise.

Mes larmes sèches, je vide distraitement le contenue de la théière dans une petite tasse, que je porte à mes lèvres. La chaleur me soulage un peu. Je meurs toujours, mais ce n'est plus si terrible. Je ferme les yeux, affrontant mon vide. Je le vois noir comme une nuit sans lune. Doucement, je m'imagine un flot d'étoile, une myriade de lumières scintillantes se déployer en moi, comme un napperon de dentelle. Au bout d'un moment, c'est tout une galaxie qui s'étend sous mon âme, dans le chaos le plus total. Je me blottis dans mes ténèbres, roulée en boule sur ma chaise.

À l'intérieur, c'est calme. Ma petite galaxie intérieure habille un peu ma monotonie. Le vide ne m'est plus fatale. Je m'y sens presque chez moi. Alors, j'explore un peu.

Par hasard, je fini par y trouver une fille comme moi, identique en tout point à celle qui me fixe dans tout les miroirs. Une fille avec mon visage, mes larmes, mon sourire. Elle me semble si étrangère et pourtant si familière... Je m'approche, l'enlace.

Peut-être qu'aujourd'hui, j'aurais la force d'apprendre à l'aimer.

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