Chapitre 18

Ils étaient quinze lorsqu'ils atteignirent la tente où étaient soignés les dragons. Erewen en sortait justement, et, tout surpris, sauta dans les bras de Tarann.

— Tarann ! Tu vas bien !

— Mais oui, rit-elle en le repoussant gentiment. Ce n'est pas ce que t'as dit la guérisseuse ?

— Si, mais je ne crois que ce que je vois.

Smälga sortit alors de la grande tente verte, un petit sourire en coin.

— Bonjour, jeunes elfes.

Tarann renifla mais ne dit rien, ne faisant toujours pas plus confiance à cette sorcière qu'auparavant.

— Voici les dragons prêts à vous rejoindre pour vaincre les orcs, avertit l'elfe à la peau grisâtre en désignant de ses doigts longilignes un groupe de ces créatures ailées. Oh, et selon les nouvelles des quatre coins du continent, le reste des troupes fait une avancée considérable sur l'ennemi. J'en témoigne, j'y étais hier encore.

— Merci, répliqua Akileha avec un sourire forcé.

Elle se tourna alors vers les dragons, contente de pouvoir enfin communiquer avec eux. Sa métamorphose était un miracle, pour elle.

— Êtes-vous prêts ? demanda-t-elle avec un sourire convaincu.

En réponse, les dragons rugirent, se dressant sur leurs pattes pour la suivre.

— Alors allons-y, ajouta la métamorphe, résolue.

Ainsi, les dragons s'en allèrent au côté des elfes, Smälga leur agitant sa main pour leur dire au revoir, ce que Tarann trouva louche et étrange de sa part. Elle ne le releva pas et ôta de son esprit toutes ses pensées pour se concentrer sur la bataille à venir. Avec résolution, la troupe avançait, gonflée à bloc.

— Cette fois-ci ils vont payer, grogna Tarann entre ses dents.

Lorsque la forêt devint impénétrable, tous les elfes métamorphes en dragon se transformèrent, et Tarann monta une fois de plus sur le dos d'Akileha. Pour le coup, elle ne cria pas, de peur ou de quoi que ce soit d'autre. Elle plissa juste les yeux, , agrippée aux écailles de son amie, sûre d'elle comme tous les autres. Cette-fois, elle prendrait sa revanche, et elle ne se laisserait pas si facilement avoir par cette "pourriture", comme dirait la guérisseuse. Cette fois, c'est la pourriture qui se ferait avoir.

✧✧✧

L'équipe de blessés arriva au campement une demi-heure plus tard, et les elfes avaient le dessus. Au début, personne ne remarqua l'arrivée de la nouvelle équipe, jusqu'à ce qu'Akileha fonde sur un groupe d'orcs qui terrassait de jeunes soldats. Ce fut comme un signal, et tous les soldats blessés venus avec elle sautèrent sur les ennemis, sortant du couvert des arbres. Akileha largua Tarann, qui trancha d'un coup la tête d'un ennemi, avant de faire son affaire de deux petits orcs aux yeux immenses. Ensuite, Akileha se jeta sur un grand orc aux épaules carrées, lui lacérant le dos. Elle le projeta au sol, le nez dans la boue, ricanant presque. Elle se retourna vivement pour se mettre aux prises avec un ennemi fermement résolu à la battre.

Erewen, pendant ce temps, balançait des champignons explosifs ou fumigènes, et utilisait les herbes de la guérisseuse pour augmenter leur effet. Il semblait heureux de son boulot, tel un enfant qui découvre l'utilisation des pétards.

— On va mettre fin à cette guerre, cracha-t-il, pourtant conscient que personne ne pouvait l'entendre.

À ce moment-là, un orc plus gros que tous sauta d'un arbre pour atterrir au milieu du camp. Il hurla un mot de rassemblement et tous les orcs vinrent se masser autour de lui, tels des gardes du corps. Il gronda alors en langage elfique :

— Elfes ! Dragons ! Je suis ici en paix !

Beaucoup crachèrent, connaissant la perfidie et le mensonge du roi des orcs, Namglash. Large comme haut, il en imposait. Sa peau verte était presque entièrement recouverte d'une armure qui semblait faite en pierre, et son unique arme était une immense hache bien trop aiguisée. Tout sur lui était fait pour terrifier.

— Je ne veux que votre pouvoir, elfes ! clama t-il. Rien d'autre que votre pouvoir de métamorphose.

Les elfes s'avancèrent, menaçants, et les dragons rugirent contre le roi ennemi.

— Namglash ! brailla Arthen en faisant quelques pas, son arme baissée. Le pouvoir, nous te l'avons déjà dit, viens des elfes. Pas des terres.

— Je sais ! tonna l'orc. Mais en gagnant votre territoire, je vous gagne vous.

Son ton était d'une ironie sans frontières, et son visage exprimait toute la fierté d'un plan qui se poursuit sans embûches.

— Tu n'auras ni Dilaulen, ni nous autres elfes ! vociféra Serendil en se joignant à son mari.

Et là-dessus, comme unis d'une même pensée, elfes et dragons sur jetèrent sur les orcs qui protégeaient Namglash.

— C'est cela, c'est cela, rit t-il en se tenant le ventre d'une main.

Alors se déversa dans la clairière une horde d'elfes et de dragons, armés jusqu'au dents. Tout d'abord surpris, la troupe présente compris vite que c'était les vainqueurs des petites batailles qui venaient les aider. Le millier d'orcs présents furent vite surpassés, tandis que les dragons leur déchiquetaient les membres, les cramaient comme de vulgaires brindilles ou les envoyaient valser. Ils étaient à présent un nombre égal d'ennemis, et la bataille fut encore plus sanglante qu'auparavant. Chaque camp voulait gagner, bien évidemment, mais aucun ne voulait tenter de discuter. C'était trop tard dans tous les cas, aucune confiance ne régnait, et dialoguer aurait été impossible. Lorsque le soir vint, le nombre d'orcs comme d'elfes avait considérablement baissé, mais aucune troupe ne voulait s'avouer vaincue. Des elfes arrivaient en flux continu, victorieux des autres batailles du continent, déterminés à vaincre ici aussi. Namglash semblait s'en agacer, car lui n'avait apparemment aucun renfort à faire venir, et il sentait bien que la victoire approchait, mais pas de son côté. Toute la nuit, les hostilités se poursuivirent, et à l'aube, tout se calma soudain. Essoufflés, les elfes restant commencèrent à chercher des ennemis, mais il n'y en avait plus. Les orcs qui se trouvaient encore sur le champ de bataille étaient raides morts, et les autres, enfuis. Alors, des sourires naquirent sur les visages transpirants des soldats, et ils s'ameutèrent autour d'Arthen et Serendil.

— Il n'y en a plus ? demanda Tarann avec espoir.

— Non, la rassura Arthen. Il n'y en a plus.

— Et Namglash ? questionna Erewen.

— Parti avec ses meilleurs combattants, témoigna une jeune soldate en s'épongeant le front. Il n'y a plus personne.

— Plus personne ? répéta Akileha comme si c'était inconcevable. Plus personne...

— Oui, bon, il faudra tout de même faire un tour de l'île pour le vérifier, décréta Serendil. Et puis, nous devrons avoir une petite discussion avec Veneris et Usurina, ces traitres...

Arthen grommela quelque chose d'inaudible, du même avis que la reine déchue.

✧✧✧

Akileha n'avait pas vu le temps passer. La dernière bataille semblait n'avoir duré que dix minutes. En fait, elle n'avait pas vu le temps passer depuis qu'elle était partie de Valarwen. Cela lui semblait faire deux heures, et en même temps des années. Un peu perdue, elle peinait à voir que tout était terminé.

— Hein ? lâcha-t-elle à voix haute en réponse à la réflexion qu'elle venait de se faire.

Personne ne parut pourtant le remarquer, et elle continua de laisser ses pensées affluer. "Tout est vraiment fini ? Il n'y a plus d'orcs ? Plus aucun ? Ils sont tous repartis dans leurs trous à rats ? On devrait les chasser du continent. Mais pour qu'ils aillent où ? Sur Valarwen ? Non, on ne doit pas les chasser. On doit tous les exterminer. Ah non, après ça fera un génocide, je ne veux pas être à l'origine de ça. Donc on doit les laisser vivre leur petite vie comme avant ? On peut pas les punir ? C'est un peu ce qu'on vient de faire en fait. On leur a mis une bonne raclée. J'espère qu'ils ne nous embêteront plus de si tôt, ces enflures."

— Akileha ?

Elle tourna la tête vers Arthen.

— Ça va ?

— Oui, je me parlais. Je réfléchissais à quoi faire de tous ces orcs. Rien ne les empêche de recommencer une telle guerre.

Le roi déchu posa une main rassurante sur l'épaule de sa fille.

— Akileha, respire ! On vient à peine de terminer la guerre. Rendons-nous déjà compte de ça avant de s'inquiéter de la suite des événements. Rentrons à Reyn, remettons-nous en état, et ensuite nous verrons quoi faire de ces orcs, et comment les empêcher de vouloir à nouveau de vouloir nous assiéger.

— Je n'aurais pas dit mieux, acquiesça Veneris en approchant, merci, mon ami.

Son ton était teinté d'une légère ironie, et tout dans sa façon de se tenir et de parler voulait montrer que la remarque d'Arthen était déplacée, car ce n'était pas à lui de le décider. Toutefois, le roi la trouvait juste.

— Rentrons à Reyn ! clama-t-il en rengainant son épée ensanglantée.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top