Chapitre 3 : L'amer goût de la victoire
Un grand vide. C'était ce qu'avait ressenti Harry. Au lieu de la joie de la victoire qu'il avait pu attendre, il s'était senti vidé, épuisé. Terrassé par tant de morts. Il avait vu des amis qui ne se relèveraient plus jamais. Il avait entendu des cris que personne ne devrait un jour sortir. Il avait vu couler plus de larmes qu'on n'en verrait en toute une vie. Et il en avait versé sans même plus les compter. Sirius. Tonks. Fred. Mais aussi tous ces élèves qu'il connaissait de vue, qui avaient partagé des soirées dans la salle commune avec lui, ce joueur de Quidditch contre qui il avait gagné, cette petite perdue qu'il avait plusieurs fois accompagnée devant sa salle de cours, quelques années plus tôt. Tant de vies gâchées, tant de sourires disparus. Il était complètement sous le choc. Comment une telle horreur pouvait-elle arriver ? Ils avaient pris la décision de se séparer provisoirement, avec Ron et Hermione. L'un voulait retrouver sa famille et faire le deuil de son frère avec eux. L'autre voulait rejoindre ses parents, et lever le charme. Harry s'était donc retrouvé seul avec ses démons, n'ayant pour compagnie que ses cauchemars sanglants. Ils avaient finalement décidé de revenir tous les trois à Poudlard pour compléter leurs études. Pour Harry, c'était plus une chance de passer au-dessus de tout ça, mais il n'avait rien dit. Il avait retrouvé les bancs de son école, et rien ne s'était arrangé. Mais il n'était plus seul à pleurer le soir, dans le noir. L'ironie du sort fut de trouver Drago dans la même situation que lui. Très vite, ces nuits de réconfort volées devinrent leur secret. Un lien s'était tissé entre eux, un lien fragile, un lien nouveau.
Aucun des deux n'avait réellement compris ce dans quoi il s'embarquait. En voyant à travers la carapace brisée de leur rival, leur respect s'était mué en admiration, et leur haine en amour. Malgré la pression de leurs familles, le désaccord certain d'un bon nombre de leurs proches, ils avaient décidé de vivre ensemble. Square Grimmaud.
Et ce matin-là, Harry ne voulait pas se lever. Il devait aller à l'entraînement d'auror, mais il ne pouvait pas. Il entendait Drago s'affairer dans la cuisine et pester contre la nourriture, mais aujourd'hui cela ne lui faisait rien. Son cœur lui faisait affreusement mal. La douleur lui donnait envie de vomir. Deux ans étaient passés. Deux ans s'étaient écoulés depuis la fin de la guerre. Et il n'avait toujours pas fait son deuil. La douleur était toujours aussi présente, toujours aussi vide qu'au premier jour. L'image de Tonks et de Remus toujours aussi nette. L'ultime rire de Fred toujours aussi clair. Il ne pouvait pas oublier, il ne le voulait même pas. Il enfonça sa tête dans l'oreiller en retenant un sanglot. Finalement, il se laissa totalement aller. Depuis deux ans, il retenait tous les jours ces larmes qui s'entassaient jusqu'au débordement. Il y avait bien quelquefois où il avait lâché prise, mais jamais à ce point. En ce 2 mai 2000, il ne voyait pas l'intérêt de retenir quoi que ce soit. Il savait très bien que le lendemain, tout reviendrait comme avant, il partirait tôt, faisant attention à ne pas réveiller Drago, et suivrait la dure formation d'auror. Il savait très bien que le lendemain, il retiendrait à nouveau ses larmes. Mais en attendant, il pleurait. L'étau qui compressait son cœur semblait se desserrer légèrement, lui accordant un peu de répit. Dans la chambre de Sirius, qu'ils n'avaient toujours pas refaite, il pouvait toujours voir les photos de ses parents souriants, de Sirius et de Remus l'air plus heureux que jamais. Et même si leur vue ne faisait que lui rappeler sa profonde solitude, il avait souhaité les garder près de lui.
- Harry ? Drago l'appela d'une voix incroyablement douce. Tu veux manger quelque chose ? J'ai ... essayé de faire des pancakes et ...
Harry sourit à travers ses larmes. Il fallait dire que la cuisine n'était pas le fort du blond, mais malheureusement Kreatur était mort peu après noël, emporté par une espèce de rhume. Depuis, les deux garçons s'occupaient seuls de la grande maison, et c'était généralement Harry qui s'attelait aux fourneaux, non sans raison. L'attention lui faisait malgré tout chaud au cœur et il se décala sur le grand lit pour faire de la place à son petit-ami. Même après tout ce temps passé ensemble, il n'arrivait toujours pas à réaliser qu'ils étaient vraiment un couple. C'était irréel, le Serpentard était si attentionné, si formidable si ... lui-même. Et c'est ce qui faisait tous ces instants passés avec lui tout simplement magiques. Il avait appris à lire en l'élu comme dans un livre ouvert, et savait toujours quoi faire pour le faire se sentir mieux.
- J'ai envoyé un message au ministère, je ne travaille pas aujourd'hui. Annonça-t-il en s'asseyant près du brun. Et ... il me semblerait que beaucoup fassent de même.
Harry le regarda sans comprendre et décida de prendre une bouchée de l'assiette qu'il lui tendait. Son estomac était bien trop serré et il n'avait pas faim, mais il ne voulait pas inquiéter encore plus son petit ange tombé du ciel. Les pancakes avaient un arrière-goût de cramé, mais le brun avait appris à dissimuler ses grimaces, depuis le temps. La sonnette de l'entrée retentit soudainement, mais elle n'était plus suivie des cris de la mère de Sirius, des professionnels étaient venus retirer son portrait quelques jours plus tôt.
- Tu devrais aller ouvrir, bébé.
Encore une fois, le Gryffondor ne comprenait pas, mais il se leva quand même et sécha ses larmes du revers de la main. Il descendit les marches quatre à quatre, et ouvrit la porte. Il ne savait pas trop à qui s'attendre, mais certainement pas à Andromeda Tonks et Teddy Lupin. Même après ces deux années à la côtoyer, Harry n'arrivait pas à se faire à sa ressemblance avec Bellatrix. Quoiqu'il fasse pour empêcher ça, il se retrouvait toujours à agripper sa baguette en sa présence, et il n'arrivait pas à la quitter des yeux. Sa sœur lui avait fait trop de mal, lui avait pris trop d'êtres aimés, il ne pouvait juste pas la sortir de sa tête.
- Harry. Le salua tristement la sorcière. Je ... Drago m'a dit que vous étiez d'accord pour garder Teddy une journée et ...
- Je comprends, murmura l'élu, même s'il n'était pas du tout d'accord.
Il accepta quand même et se retrouva avec le petit garçon aux cheveux bleus dans les bras, forcé d'écouter les dizaines de consignes que sa grand-mère voulait absolument lui donner. Elle finit par partir les yeux déjà remplis de larmes, et le cœur d'Harry se serra alors qu'il voyait ses épaules s'affaisser sous le poids d'un chagrin immense. En ce 2 mai, elle aussi se rappelait. Elle aussi avait perdu tout ce qu'il lui restait. Sa fille et son mari étaient morts, laissant derrière eux un orphelin. Comme moi, pensa Harry. Fils d'un maraudeur qui ne connaîtrait jamais ses parents. Mais lui aurait peut-être la chance de vivre dans un monde libéré de la menace d'un sorcier maléfique, du moins il l'espérait.
- C'était qui ? Demanda Drago en descendant les escaliers de bois.
- Je ne veux pas m'occuper de Ted. Annonça le brun en serrant les dents.
Il savait que son petit-ami avait tout prévu pour essayer de le réconforter, mais il ne voulait pas. C'était déjà suffisamment dur de sentir couler ses propres larmes, il ne pouvait pas s'occuper d'un enfant en plus de ça. Pas ce jour-ci. Drago accusa le coup mais ne perdit pas contenance, et il se contenta de répondre :
- Il faudra bien, pourtant. Tu ne veux pas laisser ce pauvre petit bébé sans père, quand même ?
- Malefoy. La voix d'Harry se fit plus dure. Tu me connais. Tu sais ce que je ressens. Donc ne m'oblige pas à faire quelque chose que je suis bien incapable de faire.
- Oh mais justement, Potter. Répliqua le Serpentard d'un ton aigre, prenant visiblement mal le surnom que son amant lui avait donné. Je te connais, et je ne te demande rien d'impossible. Ted dort encore, profites-en. Moi, je sors.
Harry n'en revenait pas. Drago l'abandonnait vraiment comme ça, dans cet état ? Pas une seule once de colère ne vint assombrir ses pensées. Juste une profonde solitude, et l'amer goût du regret. Il l'avait vexé. Il jeta un coup d'œil à l'enfant endormi dans ses bras, et admira la quiétude de son sommeil.
- Reste, s'il te plaît, finit-il par s'exclamer en se mettant devant la porte d'entrée.
- Saint Potter me fait donc l'honneur de dire « s'il te plaît » ? Incroyable.
- Mon ange je ... Je suis désolé, je crois que ... j'ai paniqué, je t'aime et je ne veux pour rien au monde te blesser alors ... reste, s'il te plaît, j'ai vraiment besoin de toi aujourd'hui ...
- Seulement aujourd'hui ? Parfait, je voulais partir chez Pansy à partir de demain.
- Drago ...
- Je rigole, bébé. Répondit Drago dans un doux sourire en déposant un baiser sur le front du brun. Je ne pars nulle part, ne t'inquiète pas.
- Merci ... souffla le Gryffondor, alors que l'inquiétude qui avait envahi ses pensées semblait s'évaporer toute seule.
- A condition que tu prépares le repas ce midi, il est hors de question que je sois encore forcé à mélanger je ne sais quel ingrédient dans un ordre si incohérent !
Malgré la noirceur de sa journée, Harry ne retint pas un petit rire. Il vola un baiser à son blond préféré et amena Ted dans le salon qu'ils avaient rénové pendant l'été. Toute la pièce était aux couleurs de la maison Dumbledore, ce à quoi les deux sorciers avaient absolument tenu. Les rayons du soleil passaient à travers les fins rideaux blancs, apportant une lumière chaleureuse dans la pièce à vivre. Il déposa l'enfant aux cheveux bleus sur le canapé noir, attendri devant sa position pour dormir.
Très vite, son filleul s'éveilla et commença à occuper la grande maison de ses cris et de ses rires, ponctués par les réponses de Drago.
- Ne crois pas que tu vas t'en tirer comme ça ! s'exclamait le sorcier à la peau pâle alors que Teddy courait dans les couloirs en riant. On ne gribouille pas sur les posters de Quidditch ! Harry, dis-lui qu'on ne fait pas ça ! Il t'écoute, lui au moins.
- Je me demande bien pourquoi, rit doucement le Gryffondor.
Depuis le début de la journée, il avait l'impression de n'avoir non pas un mais deux enfants à garder. A chaque bêtise du fils de Remus, Drago se sentait obligé de répliquer par une autre bêtise semblable, au grand dam de son petit-ami, mais pour le plus grand bonheur du jeune garçon. Ils avaient fini la journée en piégeant Harry dans le placard à balais, avant de partir tous les deux jouer dans le jardin dans une crise de fou rire. Heureusement que le brun avait sa baguette avec lui, il aurait pu y rester des heures, mais il fallait bien rendre le petit Teddy à sa grand-mère. Occupé comme il l'avait été, il n'avait pas vu la journée passée, et c'est avec un grand étonnement qu'il vit le soleil se coucher derrière les immeubles du square Grimmaud. La sonnette retentit juste après, et il alla ouvrir, sachant que Drago était encore en train de jouer avec le jeune métamorphomage. Andromeda le salua une deuxième fois, l'air terrible. Harry ne réalisa qu'à cet instant à quel point la présence de son filleul l'avait empêché de se morfondre. Encore une fois, le Serpentard avait vu juste à son sujet, ce qui lui arracha un sourire.
- Tout s'est bien passé ? demanda la sorcière en déposant son manteau sur le porte-manteau.
- Il a été adorable, Drago pourra le confirmer.
La femme sourit et suivit Harry au salon. Il n'attendait plus que trois personnes, qui ne devaient pas tarder. Il voulait qu'ils se réunissent à leur mémoire. Même si ils ne quittaient jamais leurs pensées, ni le jour ni la nuit, l'élu pensait leur rendre hommage ainsi, en se réunissant à leur mémoire. Le tintement de la sonnette ne se fit pas attendre, et cette fois-ci, ce fut Drago qui ouvrit la porte, Ted confortablement calé dans ses bras.
- Entrez, entrez. Harry l'entendit dire. Ils sont déjà au salon, on n'attendait plus que vous.
Le bruit des semelles sur le plancher neuf annonça les visiteurs, et il se leva pour les accueillir, imité par Andromeda. Drago entra le premier, tenant un Ted endormi contre son torse, bientôt suivi de trois visages familiers.
- Hermione était plongée dans son livre, on a failli arriver en retard !
- Heureux de te voir, Ron.
- Moi aussi, Harry. Tu m'as manqué.
Les deux meilleurs amis se firent une brève accolade, et l'élu salua ensuite Hermione, et George. Tous avaient les yeux rougis et les traits tirés d'une journée particulièrement difficile. Mais tous souriaient malgré leur peine. Car ils étaient là, tous ensemble. Même Remus, Dora et Fred.Ils étaient là ce soir, parmi eux, à travers leurs pensées. C'était tout ce qui comptait.
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