Chapitre 22 : Retour aux sources
Il avait choisi d'y aller à la manière des moldus. Aberforth, même s'il ne comprenait visiblement pas quelle était cette nouvelle lubie de son protégé, n'avait fait aucun commentaire, ce pour quoi George lui en était reconnaissant. Le Gryffondor n'était même plus capable d'utiliser correctement sa magie. Autrefois un sorcier assez talentueux, il n'était à ce jour pas plus doué qu'un crackmol avec sa baguette. C'était une des raisons pour lesquelles il n'avait pas plus insisté pour chercher Teddy. Si jamais combat il y avait, il n'aurait été d'aucune utilité.
Il trempa le pinceau dans le seau de peinture rouge, et continua d'étaler la couleur sur les bordures de fenêtre en chantonnant un air de Celestina Warbeck. Un élan de nostalgie le saisit. Une fois toute cette histoire derrière lui, il devait faire un petit tour au terrier. Craignant de se retrouver enfermé dans l'ombre de son frère, il n'y avait pas remis les pieds depuis la bataille de Poudlard. Et maintenant, alors qu'il ajoutait de la couleur dans la salle autrefois si terne et sombre de la tête de sanglier, il avait cette envie de renouer avec sa famille. De s'appuyer enfin sur eux.
Le soleil commençait à percer à travers les vitres encore poussiéreuses du pub. Aberforth était parti de bonne heure chercher une cargaison d'un alcool venant des Etats-Unis, laissant le soin à George d'ouvrir la boutique. Et maintenant que le jour était levé, il était l'heure. Il termina la fenêtre qu'il était en train de repeindre, et s'occupa de descendre les tabourets, de passer un coup de chiffon sur les tables, et enfin d'ouvrir en grand la porte pour aérer, mais aussi attendre des clients. Il voyait bien que le pub ne se portait pas bien, et espérait sincèrement qu'une petite touche de gaieté ne lui ferait pas de mal.
Passant la tête dans l'embrasure de la porte, il eut tout juste le temps de se reculer précipitamment avant de percuter de plein fouet Aberforth.
- J'ai des mauvaises nouvelles, mon garçon. Annonça d'emblée le vieux sorcier.
- Ils sont allés chez les Malefoy ?
- Oui.
- Aucun n'est mort ?
- Non, pas que je sache. Répondit-il d'un ton bourru.
George se détendit d'un coup. Personne n'était mort. Qu'est-ce qui pouvait aller mal ?
- Luna est passée Square Grimmaud ce matin, avant d'y retourner immédiatement. Harry y est retenu prisonnier depuis hier, et Pansy et Drago sont également coincés dans la maison, sans pour autant avoir le même statut que ton ami. Nous ne savons pas comment ils se sont retrouvés dans cette position, et encore moins en sortir, mais ils vont bien gérer ça tous seuls.
Il y avait beaucoup d'informations à digérer en une seule fois. Le plan d'Hermione était pourtant parfait, de ce qu'il avait pu comprendre, qu'est-ce qui avait bien pu le faire déraper ? Et comment Luna avait réussi à rester inaperçue dans toute cette histoire ? Rien ne faisait sens, tout bouillonnait dans son cerveau sans qu'il n'arrive à en sortir quoique ce soit.
- Je dois y aller. Dit-il d'une voix blanche. C'est à cause de moi que Teddy est là-bas, que Harry est là-bas, je dois y aller !
- Calme-toi mon grand. La bataille n'est pas encore perdue. Et ce n'est pas toi qui vas aider en quoique ce soit, regarde-toi ! Même pas capable d'utiliser la magie pour dépoussiérer une table, et tu comptes affronter Lucius Malefoy à toi tout seul ?
Cette façon si crue mais si honnête de dire les choses n'appartenait qu'à Aberforth, et c'est ce qui le rendait aussi précieux. George avait eu beaucoup de mal à accepter ses constantes remarques tintées d'une pointe de défaitisme, mais il avait appris à vivre avec lui et à l'apprécier pour ce qu'il était. Et en l'état, il buvait ses paroles comme une eau sacrée, suivant tous ses conseils. Si Harry l'avait emmené ici, c'était que, dans le fond, il faisait confiance à Aberforth. Alors George lui faisait aussi confiance. Même si son cœur lui criait de se réveiller et de partir sur le champ aider ses amis, il essaya d'écouter sa raison.
- Tu vois, tu ne servirais à rien. Reprit son protecteur en se glissant derrière le comptoir. Alors qu'avec moi, tu peux te rendre utile ! J'ai des tonneaux à apporter à Poudlard pour une cérémonie d'adieu, si j'ai bien compris, tu voudrais bien les porter ?
- Je ... Commença George, pris au dépourvu.
- Tu en es capable, alors arrête de pleurnicher. Tu dois y être à 10 heures précises, donc dépêche-toi.
Et il partit dans l'arrière-boutique probablement pour s'occuper des comptes. George n'avait pas le choix, il retourna donc à ses fenêtre pour s'occuper l'esprit en attendant dix heures. Il n'était pas retourné à Poudlard depuis la bataille et l'appréhension lui nouait les entrailles, mêlée à une rage contenue. Il avait passé l'âge de devoir obéir aux ordres, alors pourquoi se retrouvait-il à apporter ces maudits tonneaux ? Il n'était même pas en colère contre Aberforth, qui faisait tout pour l'empêcher de faire une bêtise, mais contre lui. Lui qui était incapable, depuis plus de deux ans, de vivre seul. Lui qui était resté bloqué au même état qu'au moment où il avait découvert le corps de Fred allongé dans la grande salle. Malgré tous ses efforts, malgré quelques instants où son âme semblait enfin se décharger de son fardeau, tout lui retombait sur les épaules avec plus de force encore. Il n'y arrivait pas. Il n'avançait pas, il reculait. Il ne se relevait pas, il s'enfonçait. Malgré toute l'aide de ses amis de sa famille, le deuil de Fred était trop lourd, trop important. Et il ne voulait pas qu'Harry pense qu'il avait échoué. Il ne voulait pas qu'Angelina lui explique avec sa bienveillance infinie qu'il pouvait prendre le temps qu'il voulait. Il ne voulait pas qu'Aberforth réalise que non, on ne se remet jamais vraiment de la perte d'un frère ou d'une sœur, quel que soit notre entourage. Il ne voulait causer aucune peine à ces personnes-là, ce fut la raison pour laquelle il se retrouva dans la calèche pleine de tonneaux. Il voyait désormais les sombrals, et aurait préféré ne jamais connaître ces créatures.
Tout en elle respirait la mort, le désespoir ou la souffrance. Que ce soient leurs grandes ailes luisantes ou leurs longues pattes décharnées, ils n'étaient pas des êtres vivants comme les autres. Parce qu'ils ne donnaient pas l'impression de vivre. George s'identifiait sans aucun doute plus à eux qu'à n'importe quelle autre créature, en ce moment. Une carcasse vide, rendant service aux autres, mais ne manquant pas de faire peur aux âmes sensibles. Car oui, les gens avaient toujours un moment de recul alors qu'ils voyaient le trou à la place de son oreille. Il aurait bien pu faire quelque chose, visuellement, mais il ne voulait pas. Si ce signe avait été leur signe distinctif avec Fred, ce qui les séparait, il avait l'impression que sa blessure le rapprochait de son frère. Alors il ne la couvrirait pas.
Le nouveau concierge, un vieil homme que George ne connaissait pas, vint ouvrir le grand portail grinçant en offrant à l'ancien élève un sourire édenté.
- Vous devez être Monsieur Weasley ? Demanda-t-il d'une voix étonnamment aiguë.
Il confirma d'un petit signe de tête. Il n'avait jamais vu cet homme, il en était sûr. Ses manières excentriques ne passaient pas inaperçues.
- Suivez-moi, alors. Dit-il avant de repartir vers le château en boitillant à moitié.
Il se mit donc en marche derrière cet homme étrange, vérifiant que les sombrals avec les tonneaux suivaient bien.
- Alors ? Demanda le concierge, toujours aussi souriant. Revenir ici, ça fait du bien, non ? J'étais élève alors que Dumbledore n'était même pas professeur ici, ça remonte ! Monsieur Kraster est vraiment un homme bon, il a accepté que je revienne ! Mais les choses bougent, à Poudlard. Ils parlent de réformer le programme, la façon de faire cours, même de déplacer l'école ! Le château serait trop venteux, selon eux. Mais, à mon humble avis, ça ne bougera pas. Pas tant que votre génération sera là, en tous cas. 'Zavez vécu trop de choses dans ces grands murs glacials pour vous en séparer si facilement !
George ne pouvait qu'approuver. Il avait la gorge nouée à l'approche de son ancienne école. Comment pouvaient-ils penser à changer tout ça ? Peut-être que, sans la menace de Voldemort, les priorités aux ministères avaient connu un certain changement, mais il y avait toujours une menace, quelque part. Le sorcier en savait quelque chose. Quelqu'un capable d'enlever un enfant de sang froid était une menace à la société, au même titre que Voldemort, ou même Grindelwald. Car on ne pouvait jamais savoir jusqu'où il serait capable d'aller. Même lui, avec Fred, aurait pu être considéré comme une menace, dans le temps.
- Je vais m'occuper des tonneaux, que direz-vous d'une p'tite visite là-haut dans la tour hein ?
Il désigna la tour de Gryffondor du menton et offrit un clin d'œil au jeune sorcier, qui décida de profiter de l'occasion qui lui était offerte. Il pénétra donc dans le château le cœur prêt à déborder d'émotions, et grimpa les marches quatre à quatre. Il s'arrêta quelques fois devant tel ou tel portrait qui les avait aidés à ne pas se faire prendre pour discuter quelques instants avec leurs sujets. Quand il arriva devant la grosse dame, il ne put dire si les larmes qui coulaient le long de ses joues étaient de joie ou de tristesse. Certainement un mélange des deux.
- Mot de passe ? Demanda-t-elle d'un air ennuyé.
- Mais enfin ! S'exclama George. Je n'ai jamais eu à dire le mot de passe, je suis un habitué ! Tu ne me reconnais pas ?
La grosse dame s'arrêta dans la contemplation du chevalier à l'autre bout du couloir, et déclara après quelques instants de réflexion :
- Si, maintenant que tu le dis ... C'est l'oreille, on s'y fait pas si facilement ...
George attendit quelques instants, mais rien ne se passa.
- Eh bien ?
- Eh bien quoi ? Répéta-t-elle.
- Je ne peux pas rentrer ?
- Mot de passe !
Rien à faire. Il ne pourrait même pas voir son ancienne salle commune. Stupide portrait. Il ne pouvait même pas compter sur l'arrivée impromptue d'un élève, ils étaient tous en cours à cette heure-là. Il allait faire demi-tour quand une voix glaciale, d'outre-tombe, mais étonnamment vivante, lui parvint. Il n'eut aucune peine à la reconnaître.
- Mais ce ne serait pas notre petit fauteur de troubles ? Attention à toi, Poudlard, Weasley te fera veiller tard !
Le Gryffondor se retourna pour faire face à l'esprit frappeur de l'école. Il n'avait jamais compris ce qu'il se passait à l'intérieur de cette grosse tête difforme, mais il savait que, pour être intéressant à ses yeux, embêter les autres était indispensable. Et apprendre à lui répondre, également.
- L'école a l'air bien trop morne, sans Fred et moi, tu ne trouves pas, Peeves ?
- Le fauteur de troubles ne voit pas double !
- Tendre un petit piège à l'entrée de la grande salle, ça te tente ?
Il n'avait pas à faire ça, et il le savait. Aberforth serait sûrement furieux d'apprendre qu'il avait décidé de mettre Poudlard sans dessus-dessous, mais il en avait besoin.
- J'ai cette réserve de boulettes d'encres ...
- N'en dis pas plus. Répondit George en souriant largement.
Que les élèves tremblent de peur, ils étaient dans la place. Comme au bon vieux temps. Il pouvait presque sentir la présence de Fred à ses côtés.
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