Chapitre 21 : Un mensonge peut en cacher un autre

Une impatience certaine se mêlait à l'appréhension au creux de son ventre. Narcissa les avait invités à déjeuner tous les deux, sur la demande de son fils. Et ils étaient là, prêts à partir, tremblants de peur et d'anticipation. Harry n'arrivait pas à réfléchir correctement. Que feraient-ils, si Teddy n'était pas là ? Et que feraient-ils, s'il était là ? Hermione avait dit aucune intervention, mais il ne voulait pas l'écouter. Il ne voulait pas laisser son filleul dans une maison où il était potentiellement en danger, et attendre que d'autres fassent le travail à sa place. Il n'y arriverait pas, même avec la meilleure volonté du monde. Car il était fait pour agir, il était celui qui se battait en première ligne, et il ne pouvait pas laisser d'autres se battre à sa place. Il ne l'accepterait pas.

Drago paraissait tout aussi déterminé, quoiqu'un peu plus nerveux.

- Laisse-moi faire, mon ange ... Dit Harry d'une voix la plus calme possible, s'approchant pour refaire le nœud de cravate du Serpentard.

Ils avaient décidé d'un commun accord de s'habiller à la manière des moldus. Drago voulait montrer qu'il n'avait plus rien à voir avec son père et sa mère, et sa façon de s'habiller allait en être la preuve la plus concrète. Il avait difficilement dit un mot depuis que Teddy avait été enlevé, et ne desserrait pas les mâchoires. Toujours dans un silence obstiné, le regard dur, il tendit son bras à Harry pour qu'ils transplanent. Aussitôt, la sensation désagréable de cette expérience arriva, et Harry grimaça lorsqu'il sentit comme un fil tirer derrière son nombril et l'emmener loin d'ici. Il n'aimait décidément pas transplaner, même si cela restait très pratique. A son sens, rien ne valait un bon balai.

Quand ses pieds touchèrent le bitume mouillé par la pluie, il se revit deux ans plus tôt, quand Lucius avait craché aux pieds de son propre fils. Un frisson de dégoût et de colère parcourut sa colonne vertébrale. Il avait décidé de laisser couler, mais Teddy, c'était la goutte de trop. Il ne s'en sortirait pas comme ça. Il n'approuvait pas les choix de son fils ? Très bien. Ce n'était pas une raison de mettre en danger une vie innocente.

- Les perroquets sont morts, à ce que je vois ... Déclara Drago d'un ton légèrement sarcastique. Dommage, c'était original, des perroquets au milieu du Royaume-Uni !

Il y avait plus de colère que d'humour dans sa voix, et Harry était bien incapable de le calmer. Tout ce qu'il craignait, c'était qu'ils explosent et fassent quelque chose qu'ils pourraient regretter. On avait touché à leur protégé, ils ne répondaient plus de rien. De plus, les deux nuits bien trop pauvres en sommeil n'aidaient pas à apaiser leurs nerfs, bien au contraire.

- Bon, eh bien je suppose que je peux rentrer sans sonner, c'est chez moi après tout.

Il ouvrit donc la porte d'un mouvement brusque, presque violent, et aucun sourire ne vint éclairer son visage fin. Aucune trace de soulagement de rentrer chez lui pour la première fois en deux ans. Juste une haine profonde envers sa famille, et une honte inavouée d'en faire partie. Tous ses sentiments se mélangeaient au fond de ses beaux yeux gris, desquels Harry ne pouvait se détacher. Cette marée d'émotions avait quelque chose d'hypnotisant, derrière la peur qu'elle pouvait inspirer à toute personne extérieure.

- Harry, Drago ! S'exclama Narcissa en arrivant dans le vestibule, ayant sûrement entendu la porte claquer. Je ne vous attendais pas de sitôt.

- Madame Malefoy. La salua l'élu.

Drago se contenta d'un petit mouvement de tête. Qu'il n'ose même pas dire bonjour à sa propre mère brisait le cœur d'Harry, et ne faisait qu'augmenter son ressentiment. Quelle genre de famille pouvait faire ressentir ça à son enfant ? S'ils retrouvaient Teddy, et son sang se glaça à l'idée de le perdre à jamais, jamais au grand jamais ils ne le traiteraient ainsi.

- Entrez, je ... je vous en prie. Dit-elle faiblement, en jetant un regard désespéré à son fils unique.

Mais il ne la regardait même pas. Ses yeux orage étaient fixés sur un point plus haut dans l'escalier, que le Gryffondor ne pouvait pas voir d'où il se trouvait. Il se doutait bien pourtant que se tenait là-haut le maître de la maison, celui qu'ils étaient venus voir, à la contracture des muscles de son amant.

- Entre donc, mon fils. Annonça Lucius en descendant les marches de marbre d'une voix à la foix mielleuse et dénuée de toute chaleur. Tu es chez toi, ici.

Arrivant à son tour dans le vestibule, il posa ses yeux du même gris que son fils partout, sauf sur Harry. Et l'élu s'était attendu à beaucoup de réactions de sa part, mais pas à un tel effort de l'ignorer. Il était forcément coupable, sinon il n'aurait pas manqué une occasion de rabaisser son ennemi de toujours. Jamais.

- Le repas est prêt, je pro ... propose qu'on passe à table ... Bredouilla Narcissa, ne sachant toujours pas où se mettre.

Harry ne remarqua qu'à cet instant combien elle paraissait vieillie depuis leur dernière rencontre. Des rides s'étaient creusées sous ses yeux, comme traçant le sillon de ses larmes, et ses cheveux avaient blanchi. D'énormes cernes entouraient ses pupilles, témoignant de nombreuses nuits sans sommeil, et elle flottait désormais dans sa robe de sorcière qu'il aurait juré avoir déjà vu sur elle, à la bonne taille. Elle semblait au bord des larmes et n'osait regarder ni son mari ni son fils. Elle posa donc ses yeux sur Harry dans une sorte de supplique silencieuse.

Ne remarquant aucune réaction de la part de ses invités, elle décida d'ouvrir la marche et partit d'un pas traînant dans la salle à manger où le couvert était dressé. Un délicieux fumet de viande flottait dans l'air, et le Gryffondor en voulu à son ventre d'en être autant attiré. Il n'était pas ici pour manger, mais pour trouver Teddy. Pansy et Luna devaient déjà être dans le jardin, à attendre le signal pour pouvoir rentrer. Tout le monde prit place autour de la table, mais aussitôt assis, Drago se releva, déclarant se sentir mal, et courut vers les toilettes. Un long silence pesant résulta de son absence, mais derrière son masque impassible, le sang d'Harry bouillonnait dans ses veines. Depuis la petite fenêtre des toilettes, Drago enverrait des étincelles et ouvrirait la porte de derrière aux filles. Il reviendrait ensuite à table pour la suite de leur mission. Qui ne consistait désormais plus qu'à occuper suffisamment les Malefoy à table pour laisser le reste de la maison libre pour les deux sorcières.

- Je vais voir si Drago va bien. Déclara Narcissa en se levant de table, visiblement inquiète.

- Non ! s'écria presque le Gryffondor, avant de se reprendre. Je veux dire, oui, il va bien, le petit déjeuner avec le transplanage n'a pas dû tout à fait passer, il ne faut pas s'inquiéter !

Narcissa se rassit, l'air peu convaincu, mais Harry remercia le ciel de la trouver si docile et résignée. Il aurait eu bien plus de mal à l'empêcher de fouiller dans le reste de la maison. Drago devait revenir rapidement. Il ne pouvait même pas prétexter aller voir s'il allait bien, car ils l'avaient bien précisé dans leur plan. Tant que Luna et Pansy se trouvaient à l'intérieur de la maison, hors de question de laisser les Malefoy seuls. Harry ou Drago devaient impérativement être avec eux, coûte que coûte. Et il ne fallait pas risquer de faire rater leur seule chance de lever le voile sur ce mystère dès le début. Il prit son mal en patience, mais renonça à tenter de faire la conversation. Ils ne l'aimaient pas, c'était réciproque et reconnu, il n'y avait donc pas d'effort à faire. Pas tant qu'ils n'étaient pas innocentés dans cette affaire, en tous cas.

Drago revint enfin, au grand soulagement de Narcissa comme d'Harry, et le repas commença. Le silence entourait la tablée comme une chape de plomb, seules quelques œillades discrètes témoignaient d'une volonté de communiquer. Toujours résolu à ne faire aucun effort, le Gryffondor mangea en silence les délicieux mets qu'on lui servait, ne faisant aucune remarque sur la cuisine ou quoique ce soit. Drago ne leva pas les yeux de son assiette du repas. Lucius se contentait de regarder son fils avec un certain amusement, ainsi qu'une lueur de victoire au fond des yeux, et Narcissa tentait désespérément de parer avec sa famille, bien que chaque tentative se solde par un échec. Quand vint la fin du repas, Harry et Drago échangèrent un regard complice, discrètement. Il était temps de mettre la deuxième partie du plan à exécution, afin de faire gagner du temps aux filles.

- Vous resterez pour le thé ? Demanda Narcissa alors qu'ils se levaient tous de table.

Détestant ce qu'il était forcé de faire pour manipuler la sorcière, Harry prit une petite inspiration.

- Oh, ce serait un plaisir, mais on a beaucoup à faire. Répondit-il en prenant un air concentré, comme s'il réfléchissait à une liste de tâches imaginaire.

- Oui, c'est vrai. Renchéri Drago. Merci pour le déjeuner, mère.

- Vous êtes sûrs que vous ne souhaitez pas rester un peu plus ?

Cette fois-ci, tous ressentaient clairement la supplication dans sa voix. Elle ne tentait même plus de cacher ses émotions, ce qui lui attira une réprimande silencieuse de la part de son mari.

- Bon, si vous insistez, je ne vois pas de raison de refuser ! Dit le Serpentard avant de se tourner vers Harry. Certaines choses peuvent bien attendre demain, non ?

Comme convenu, il fit mine d'y réfléchir à deux fois, avant d'accepter. Narcissa, ne s'attendant sûrement pas à ce que son fils accepte, partit immédiatement vers la cuisine pour préparer le plateau de thé. Drago se précipita à sa suite, laissant donc son amant seul avec son père.

- Tu en as, du culot, Potter. Cracha Lucius avec dédain, une fois sûr que son fils et sa femme ne l'entendraient pas. De te pointer comme ça chez moi, à poser tes mains sales sur mon fils ! Tu ne l'auras pas pour toujours, je te préviens ! Il est hors de question qu'il épouse un ... un sorcier et toi qui plus est ! Nous lui trouverons bien une femme rapidement, il est grand temps qu'il reprenne sa vie en main.

Harry décida de ne pas répondre. Il connaissait les méthodes du père de Drago, et il savait surtout qu'il ne fallait pas réagir, ni les prendre au pied de la lettre. Même si son cœur s'était serré douloureusement en imaginant son petit-ami avec une autre, il fit appel à tout son bon sens pour ne pas céder.

- Bien, je vois que tu as grandi. Ça te sera utile, lorsque que tu seras à nouveau seul et sans plus personne pour veiller sur toi !

Sur ces mots, Lucius lui offrit un sourire brillant de méchanceté, et tourna les talons, prêt à sortir du petit salon.

- Où ... où allez-vous ? S'étonna le Gryffondor, le voyant partir.

- Préparer la chambre de mon fils, bien sûr. Merci de nous l'avoir ramené, c'est à cette maison qu'il appartient.

Il fallut quelques instants à Harry pour intégrer les mots de celui qui aurait pu être son beau-père. Quand il releva la tête, aveuglé par la haine, Lucius n'était plus là, sûrement déjà à l'étage. La panique commençait à envahir son corps, mais c'est à cet instant que son cerveau se mit à fonctionner correctement. Poussé par l'adrénaline, il sortit sa baguette et se lança dans les escaliers, prêt à tout pour l'empêcher de tomber sur Pansy ou Luna. Malheureusement pour lui, lorsqu'il arriva en haut, il le trouva en compagnie de la Serpentard, et ne voulut pas lancer un sort immédiatement. Il rangea furtivement sa baguette juste à temps avant que le propriétaire du manoir ne l'aperçoive, et fit courageusement face aux deux individus, résolu à improviser pour les tirer d'affaires. Mais Pansy avait déjà une idée derrière la tête.

- Ah, monsieur Malefoy ! S'exclama-t-elle. Je vous cherchais, justement, ainsi que lui ...

Elle montra son ancien camarade de classe d'un geste du menton, et baissa la voix pour continuer de s'expliquer.

- J'ai appris aujourd'hui qu'il se rendait chez vous, bien trop tard, hélas pour l'en empêcher, et vous le connaissez, il est dangereux ... J'ai fait trois fois le tour de la maison, cherchant quelqu'un pour demander à entrer, mais je n'entendais plus de bruit alors je n'ai plus attendu, j'avais peur qu'il vous soit arrivé quelque chose !

La jeune femme mentait avec une telle conviction que même Harry s'était mis à douter. Au fond de lui, il le savait, il l'espérait, Pansy était dans leur camp mais ... Plus elle parlait, plus elle expliquait mille et une raisons de sa présence ici, plus il doutait. Il ne pouvait s'empêcher de penser à son passé, à la façon dont elle avait voulu le livrer deux ans plus tôt, au début de la bataille de Poudlard ...

- C'est Théo qui s'inquiète pour Drago. Continuait-elle d'expliquer avec aisance et conviction. Il dit qu'il ne le reconnait plus, et qu'il faudrait éloigner Potter, mais discrètement, pour que les journaux ne s'en mêlent pas ...

Et plus elle parlait, plus Lucius hochait la tête, totalement en accord avec ce qu'elle disait. Elle trouvait les mots justes avec une telle facilité que l'élu ne pouvait pas ne pas la penser sincère, et craindre sérieusement pour sa peau. Au moment où, porté par une poussée d'adrénaline, il allait sortir sa baguette, il entendit distinctement la voix de Drago derrière lui crier « Petrificus Totalus » juste avant que sa tête ne percute le sol, et puis le noir. 

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