Chapitre 2 : Heureuses retrouvailles
Il faisait bon. Le silence l'enveloppait comme un cocon, où il avait envie de se réfugier pour l'éternité. Finis les cris de douleur et de rage, finis les fracas et les destructions des orages, finis les bruits de la guerre. Il se sentait incroyablement bien, et surtout, en sécurité. Il savait que pour revenir sur Terre, avec eux, il lui suffisait de se retourner, et de faire demi-tour. Il n'était pas trop tard, pas encore, il le savait. Il n'était pas trop tard pour reprendre le chemin en sens inverse, et retrouver ses yeux, son sourire, ses cheveux flamboyants. Mais le voulait-il vraiment ? Son cœur se déchirait à l'idée de le laisser là-bas, tout seul, mais dans le fond il savait. Il savait que rien ne serait plus pareil, s'il faisait demi-tour. Il savait que la bonne décision était de continuer, sans se retourner. Et ça lui faisait horriblement mal.
La pire douleur n'était pas la sienne, non. C'était de ressentir celle de George, même à travers la mort. Les jumeaux avaient ce lien, cette bénédiction d'avoir une âme sœur depuis toujours, cette malédiction d'en être dépendant. Et même à travers la distance que la progression de Fred mettait entre leurs deux âmes, il sentait le chagrin de sa moitié. Il ne rêvait que d'une chose, c'était d'y retourner et de le faire rire à nouveau. De rire avec lui, et de faire rire les autres avec lui. Pour pouvoir contempler cette petite fossette qui se creusait quand il souriait. Cette étincelle qui s'allumait dans ses yeux bruns quand il avait une idée. Ce petit clin d'œil qu'il n'adressait qu'à son frère, et qui voulait dire « Complices pour toujours ». Pour Toujours. C'est pour ça que Fred devait continuer à avancer, sans regarder derrière. S'il revenait parmi les vivants, il ne pourrait plus jamais prendre ce chemin. Il serait alors coincé sur Terre comme le professeur Binns, sous une même forme spectrale pour l'éternité. Et quand sera venu le moment pour George de fouler ce même sentier, que se passera-t-il ? Continuera-t-il son chemin ? Ou bien rejoindra-t-il son frère hanter les murs de Poudlard pour une éternité ensemble ? Il ne supporterait pas la demi-existence de fantôme sans lui pour l'éternité, de ça Fred était certain.
- A bientôt, George. Essaya-t-il de dire, bien qu'aucun son ne semblait sortir de sa bouche. Honore ma mémoire et ne rate pas tes blagues, je te surveille de là-haut. Vis bien, mon frère.
Il s'était permis une petite pause dans son ascension pour dire ces quelques mots à l'intention de son jumeau, mais la brume autour de lui ne lui permettait pas de voir quoi que ce soit, aussi reprit-il son chemin le cœur serré. Le fait de savoir ce qui était nécessaire et d'en être conscient n'allégeait pas sa peine, et il dut se faire violence pour ne pas courir rejoindre George. On lui avait souvent fait remarquer son impulsivité, mais il était temps d'apprendre à se contrôler. Pour son frère. Il faisait tout ça pour lui. Pour qu'un jour, ils puissent être réunis à nouveau.
Il n'avait pourtant aucune idée de ce qu'il allait trouver au bout du chemin. Allait-il quelque part ? Telle était la question. Retrouverait-il d'autres personnes ? Il aimerait tant. Il s'arrêta net, ses pieds s'enfonçant dans une matière un peu molle qu'il n'arrivait pas à reconnaître à cause du brouillard. Et s'il ne retrouvait personne ? Si chaque personne devait avancer seule pour l'éternité, après sa mort, que ferait-il ? Il savait qu'il était mort. Il avait bien ressenti la douleur provoquée par l'onde de choc, puis plus rien. Au début, il croyait qu'il était juste sonné, mais ce qui lui avait permis de comprendre, c'était le silence. Un silence que rien ne pouvait briser, pas même sa propre voix. Et alors il avait compris. Mais s'il se trompait ? Il avait décidé de continuer à avancer en se basant sur la conviction qu'ils se retrouveraient tous une fois arrivés à destination, mais après tout, personne n'en savait rien.
- Cela me semblerait étrange, pourtant, se dit-il sans arriver à faire un bruit. Nick quasi-sans-tête avait l'air déçu d'être revenu en arrière, ce qui veut dire que ce qu'il se trouve là-bas, au bout, est mieux que rester sur Terre, non ? Sinon, il y aurait plus de fantômes ...
Difficilement convaincu, il se força quand même à reprendre son ascension. Il décida de simplement ignorer ce doute qui grandissait dans sa poitrine, et s'interdit de penser à autre chose que sa progression. Autour de lui, le brouillard semblait de moins en moins épais, et il parvenait enfin à distinguer comme les marches d'un escalier au sol. Il n'avait pas réfléchi à la façon dont il avançait depuis le début, et il ne réalisa qu'à cet instant qu'il montait un escalier depuis le début. Au fur et à mesure des marches gravies, tout s'éclaircissait autour de lui, et les rayons du soleil traversèrent finalement la couche de brouillard. La première pensée du roux en remarquant la tache dorée sur ses avant-bras fut de craindre les coups de soleil.
- Maman ne m'a jamais appris ce sort pour soigner les coups de soleil ...
Il ne regardait pas où il allait et percuta de plein fouet quelque chose. Il manqua de tomber en arrière quand ce quelque chose, ou plutôt quelqu'un, le rattrapa par le bras.
- Tu n'as pas envie de tomber maintenant, l'ascension est déjà assez longue une première fois.
La voix lui paraissait étrangement familière. Il s'étonna même de l'entendre, puisqu'à chacun de ses essais pour parler ne résultait que le silence qui en devenait oppressant. Il leva finalement les yeux et quelle fut sa surprise de voir deux mèches d'un rose éclatant encadrer un visage qu'il reconnaîtrait entre mille.
- Tonks ! s'exclama-t-il, à la fois heureux de la voir et triste de ce que cela signifiait.
- Je suis désolée, Fred. Répondit-elle dans un sourire triste. J'ai vu ... comment tes frères ont réagi à ... à ça et ... elle désigna d'un geste ample de la main tout leur environnement, avant de reprendre d'une voix basse. Tu peux être fier d'eux.
Il acquiesça en silence, accusant le coup. Se retrouver face à quelqu'un ayant vu notre cadavre n'était pas une expérience commune, et il s'en voulait presque d'avoir infligé une telle douleur à cette jeune femme d'ordinaire pleine de vie. Il regarda autour de lui, et fut encore plus étonné de voir des dizaines de silhouettes patientant sur l'escalier qu'il allait gravir à son tour.
- Il y a la sorcière du chariot de sucreries là-haut ? demanda-t-il sans quitter la file des yeux.
- La sorcière du ... chariot de sucreries ? Répéta la jeune auror, interloquée.
- Il y a toujours une file d'attente incroyable dans le Poudlard Express alors ... expliqua Fred dans un rire.
Tonks sourit à cette remarque, même si le cœur n'y était pas. Elle semblait en savoir bien plus que le jeune sorcier, ce qui l'intriguait grandement.
- Je ne sais pas ce qu'il y a là-haut. Déclara-t-elle finalement, après un moment d'hésitation. Mais tous ceux qui attendent sont ... morts eux aussi, vraisemblablement pendant la bataille de Poudlard ...
Fred scruta la file avec appréhension, craignant de voir d'autres visages familiers, et c'est avec une certaine douleur qu'il reconnut plusieurs élèves bien plus jeunes que lui, mais également certains de leurs clients habituels, et même des habitants de Pré-au-Lard. Pour l'instant, il ne voyait pas d'autre membre de l'Ordre du Phénix à part Tonks, mais il ne se faisait pas d'illusion. Beaucoup étaient trop loin pour qu'il puisse reconnaître leurs traits. Il savait que George était en vie. Il le sentait au fond de son cœur, et il en avait la certitude, comme si quelqu'un d'autre l'en avait assuré. Ce qu'il craignait le plus, c'était sûrement de découvrir Ginny, ou un autre de ses frères. Il ne voulait voir personne, ici avec lui. Même si cela le rendait heureux de retrouver des proches, il ne voulait pas les voir car cela signifierait qu'ils étaient morts, et ils ne méritaient pas ça. Personne ne méritait ça, d'ailleurs, qu'il soit tricentenaire ou nouveau-né. Tout quitter définitivement était une dure épreuve, et la simple idée de retrouver George des années plus tard donnait la force suffisante au sorcier pour en triompher. Après tout, il était arrivé à Poudlard en sachant à quoi s'attendre. En pensant à Poudlard, une idée lui traversa l'esprit et ne le quitta plus. Au bout de quelques minutes de réflexion, il ne tint plus et demanda à Nymphadora d'une voix mal assurée :
- Et ... la bataille ... On l'a gagnée ?
- Je ne sais pas, et personne ici ne sait ... J'ai déjà demandé devant moi, en arrivant mais ... personne ne semble savoir.
C'était pourtant logique, pensa Fred. Ils avaient sûrement été tués pendant l'affrontement, et ne pouvaient donc pas savoir ce qu'il est arrivé ensuite. Ce que le Gryffondor ne comprenait pas, c'est comment Tonks pouvait-elle l'avoir vu mort, alors qu'elle était arrivée avant lui en haut de ces escaliers ? Il lui posa la question et elle le regarda un instant sans comprendre, avant d'avouer ne pas savoir.
- Peut-être que tu as mis plus de temps à monter, ce doit être ça.
- Mais ... Comment se fait-il que nous ne nous soyons pas croisés en route ? Il n'y a pourtant qu'un seul escalier et ...
- Fred. L'interrompit l'auror d'une voix douce mais sans appel. Ne cherche pas à tout comprendre à la mort. Après tout, nous vivons dans un monde magique, non ?
Elle lui adressa un sourire énigmatique avant de se retourner. Elle devait avoir besoin d'un peu de calme, ce qui tombait bien puisque Fred aussi. Les secondes devinrent bientôt des minutes qui devinrent des heures, et la file avançait lentement, marche par marche. Pendant tout ce temps, il réfléchissait à ce qu'il laissait derrière lui mais, étonnamment, il ne voulait plus revenir en arrière. Maintenant qu'il avait eu la confirmation qu'il ne resterait pas seul pour l'éternité, il ne voyait plus aucun avantage à revenir en arrière, ce qui l'apaisait considérablement. Chacun de ses pas en avant se faisait plus léger, à l'image de son chagrin. C'était une nouvelle vie. Une nouvelle aventure, qu'il vivrait avec George. Il fallait juste attendre un peu, quelques années que la vie fasse son œuvre. Il souhaitait plus que tout que son jumeau vive une longue vie heureuse, qu'il la vive à fond, et pour eux deux. Qu'il réalise leurs rêves. Qu'il se marie, qu'il ait des enfants et qu'il leur apprenne à faire des bêtises dans le dos de leur mère. Qu'il aille de l'avant, lui aussi, sans vouloir retourner dans le passé. C'était ça. Si tous les deux continuaient de marcher tout droit, ils seraient réunis à nouveau, et Fred ne doutait pas une seconde de leurs chances de réussir. Après tout, ils n'étaient pas Fred et George Weasley pour rien, non ?
Plus la file avançait, plus son impatience grandissait. Qui allait-il retrouver en haut ? Un mauvais pressentiment vint à bout de son optimisme, et il ne tenait plus en place quand Tonks disparut derrière une immense porte blanche.
- Monsieur Fred Weasley, né le 1er avril 1978, fils de Molly Prewett et Arthur Weasley ? demanda une voix dont le sorcier ne pouvait distinguer la source.
- C'est moi.
- Vous êtes mort le 2 mai 1998 dans le château de Poudlard, alors que le mur d'un couloir s'est effondré sur vous ?
- C'est ... bien ça. Répondit-il, surpris de la précision de cette information.
- Très bien. Nous vous souhaitons une joyeuse éternité.
Et c'était tout. La voix s'est tue, et Fred s'est dirigé vers la même porte blanche derrière laquelle Tonks avait disparu quelques minutes plus tôt. Elle a pivoté sur ses gonds sans un bruit, et le sorcier est passé derrière, dans un mélange d'hésitation et d'impatience.
- Fred ! s'exclama une voix douloureusement familière, bientôt suivie par d'autres voix connues elles aussi. Tu as grandi, mon garçon.
En face de lui, Dumbledore affichait un air bienveillant derrière ses lunettes en demi-lune. Il était semblable à l'image que le jeune sorcier à la chevelure flamboyante avait gardée de lui, si ce n'est que sa main semblait guérie. A sa droite Maugrey Fol-Œil contemplait le nouvel arrivant, appuyé sur sa canne mais à l'air bien plus en forme qu'avant. Et enfin, à la gauche de l'ancien directeur de Poudlard se tenait fièrement le parrain d'Harry, les bras croisés sur sa veste en velours. Ils étaient là, avec le Gryffondor. Ils étaient là, et ils lu souriaient. Ils l'avaient attendu ici, ils s'étaient inquiété du temps qu'il avait pris pour monter jusque-là, et ils avaient veillé sur lui. Il n'était pas seul. Un large sourire fendait les lèvres de Fred alors qu'il suivait les adultes à travers ce qui ressemblait à des rues. Il aurait aimé que George soit là, à sa place, qu'il ait le même soutien. Qu'il sache que tout irait bien, il leur suffisait juste de marcher tout droit.
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