Chapitre 16 : Plan Z
Il s'était jeté au cou de Drago. C'était plus fort que lui, un instinct qui venait du fond de son cœur, qu'il n'avait su réfréner. C'était un mélange de haine et de désespoir, de rage et de vengeance qui l'avait fait bondir de sa chaise. Personne n'avait eu le temps de l'intercepter qu'il avait déjà projeté Drago à terre, sous les regards surpris des sorciers présents autour de la table. Deux paires de bras puissants l'avaient alors éloigné du Serpentard, et il avait abandonné toute résistance. Il ne comprenait même pas son geste. Il n'avait jamais été violent. Il n'avait jamais été poussé par un sentiment si sombre, si dangereux. Il avait peur, non pas de ce que pourraient dire les autres, ou des représailles de ses actes, non, mais de lui-même. Il ne se reconnaissait plus. Il ne reconnaissait plus rien des élans de son âme, de la tornade de ses pensées.
- George ! George ! Tu m'entends ?
Il tourna la tête vers Harry et Pansy, qui le regardaient avec inquiétude. Ils l'avaient accompagné jusqu'au couloir, loin des oreilles indiscrètes. Seulement, à travers l'embrasure de la porte, il pouvait bien voir Drago encore par terre, qui se frottait le cou en grimaçant de douleur.
- Qu'est-ce qu'il t'a pris ? Demanda Pansy.
Il n'avait jamais trop parlé avec elle, et il ne la connaissait pas, mais il savait l'importance qu'elle avait pris dans la vie de Drago et Harry. Et le regard qu'elle lui lançait, débordant de déception, ne faisait qu'empirer son état.
- C'est bon Pans' ... Intervint Harry en jetant un coup d'œil inquiet à l'intérieur du salon. Je m'en occupe, vas voir Drago s'il te plaît.
Elle mit un peu d'ordre dans sa coiffure, tout en réfléchissant, mais finit par déclarer :
- Soit. Mais ne comptes pas sur moi pour expliquer à Dray pourquoi tu préfères t'occuper de George plutôt que de lui.
Sur ces mots, elle rejoignit le petit groupe, laissant les deux garçons seuls. Le sorcier roux suivit son cadet à l'étage, dans un bureau entièrement remis à neuf. Il s'assit en face de son ami, sans oser lever les yeux une seule fois vers lui. Il avait honte. Il se sentait trahi, salit par son propre corps. Il savait ce que son geste signifiait, il savait ce que ses actions pouvaient avoir comme conséquences. Et il était prêt à tout supporter, sauf la peine qu'il lisait dans les yeux verts de l'élu.
- George ... Commença-t-il alors en soupirant doucement. Toi seul sait tout ce que j'ai fait et tout ce que je ferais pour toi et Fred. Tu sais que, quoiqu'il arrive, quoique tu fasses, je serais là pour toi, même si les autres ne le seront plus. Et ça, dès le premier jour. Vous m'avez protégé, appris énormément et aidé durant toutes nos années à Poudlard, mais pas parce que j'étais Harry Potter, non, juste parce que j'étais moi. Et ce que je suis aujourd'hui, je vous le dois en partie. Alors je ne vous laisserai jamais tomber, et même si Fred n'est plus là, tu n'es pas seul, parce que je serais toujours là. Mais ça te demande aussi des efforts, et tu le sais, tu en es conscient. Parce que ces efforts, tu les as toujours faits. Mais aujourd'hui, j'ai besoin de comprendre. Je veux t'aider, je vais t'aider, même, mais je dois comprendre ce qu'il s'est passé. Pourquoi as-tu fait ça ? Que s'est-il passé, George ? Je dois le savoir.
Il avait parlé sans s'interrompre, gravement, et regardait maintenant son aîné dans l'attente d'une réponse. Pendant ce temps, George avait senti son cœur s'enfoncer, se replier sur lui-même comme s'il était flétri, fané. Il avait voulu s'enterrer sur place pour ne plus jamais causer cette peine à Harry. Il avait voulu être partout, devenir n'importe qui, mais ne plus être lui-même. Il n'en pouvait plus d'être George, ce pauvre Weasley qui ne sait plus vivre depuis qu'il a perdu son jumeau. Il voulait devenir anonyme, se fondre dans la masse, et arrêter d'anéantir les attentes que l'on avait de lui. Des larmes se mirent à couler le long de son visage, laissant sur leur passage un sillon douloureux.
- Je ne sais pas, Harry ... Répondit-il d'une voix étranglée par toutes ces émotions qui tourbillonnaient au fond de son cœur. Je ... Je ne me reconnais plus, je ne suis plus moi-même. J'aimerais, juste un instant, arrêter, sortir de cette vie, réussir à m'en libérer une bonne fois pour toute, juste ne plus être moi ... Je n'en peux plus.
Harry le prit avec une certaine vigueur par les épaules pour le forcer à lui faire face.
- Mais tu ne peux pas. Parce que c'est ta vie, tu es né comme ça, et tu ne changeras pas. Même la magie ne pourra pas t'aider, donc il faut vivre avec. Mieux même, il faut apprendre à apprécier ce que tu as. Tu dois arrêter de penser à ce que serait ta vie si elle n'était pas la tienne, ce n'est qu'une perte de temps. Je sais que c'est difficile, je n'ose pas imaginer combien. Je sais que tu ne vois pas un avenir sans Fred, mais pourtant tu n'as pas le choix. Je ne t'en ai pas parlé avant, je me disais que tu avais besoin de temps, mais ça fait plus de deux ans, désormais. Il faudrait essayer de recommencer à vivre. Avec Angelina, par exemple, commencer à vous voir plus souvent, et ...
- Mais c'est ce que j'ai fait ! hurla George en pleurant de plus belle. J'ai essayé de reprendre ma vie en main, je suis venu à ta rencontre de Quidditch, j'ai discuté avec Angelina, je l'ai même demandé de venir, et vois où ça nous a mené ! J'étais trop concentré sur moi, sur le fait de rendre ma vie plus lumineuse, et Teddy s'est fait enlever pendant que je profitais de la présence d'une amie !
Rien qu'à dire ça, il se sentait soulagé. Mais mettre des mots sur ce qu'il pensait, depuis l'enlèvement de Teddy, ne l'aidait pas. La culpabilité le rongeait de l'intérieur, il ne pouvait rien y faire. Il ne voulait rien y faire, parce qu'il le méritait. Il en était totalement responsable, et il ne laisserait personne d'autre porter ce poids à sa place.
- Tu n'es responsable de rien, George. Ni Drago, Ni Andromeda, ni moi, ni personne ne te blâmons pour cette soirée. Tu n'en es pas responsable. Si ce sont les Malefoy qui sont responsables, comme nous le soupçonnons, ils avaient déjà prévu leur plan. Et le fait que tu aies invité Angelina à la dernière minute n'y changera rien, tu m'entends ? Tu ne dois pas t'en vouloir. Tu ne dois pas arrêter de faire ce qui est nécessaire pour rendre ta vie un peu plus supportable sous prétexte que Teddy s'est fait enlever ce soir-là. Et tu ne dois pas te laisser submerger à nouveau par les émotions. Pas comme toute à l'heure. Pourquoi as-tu fait ça, George ? Pourquoi Drago ?
C'était presque une supplique. Et cela ne faisait que déchirer le cœur du Weasley un peu plus. Il n'en pouvait plus, il aurait donné n'importe quoi pour que ça finisse.
- Je ... Je l'ai tenu responsable de tout ça, c'est bête mais ... Je t'avais prévenu, Harry ! Tu ... Tu te mets en danger, et tu as mis en danger Teddy en restant avec Drago, je te l'avais dit ! Tu ...
- Stop. Le coupa l'élu avec une voix menaçante. Tu vas trop loin, George. Je pense qu'il serait mieux que tu t'éloignes un peu, avant que tu ne dépasses définitivement la limite. On ... On va chercher sans toi, ça sera mieux pour tout le monde.
George le regardait sans comprendre. Comment ça, ils allaient chercher sans lui ? Mais qu'allait-il faire ? Il n'avait même pas la chance de réparer le tord qu'il considérait avoir causé. Harry lui murmura un bref « désolé » en passant devant lui avant de quitter la pièce. Un grand vide s'était fait à l'intérieur du sorcier. Il n'arrivait pas à accepter ce qu'il venait de se passer. Il n'arrivait pas à comprendre. Epuisé, il s'allongea sur le petit canapé qu'il occupait déjà, et laissa le sommeil emporter toutes ses pensées noires comme un nuage d'orage.
Il se réveilla quelques heures plus tard, le soleil était déjà en train de décliner dans le ciel. Des voix montaient d'en bas, et il comprit que tout le monde était en train de partir. Un certain soulagement l'envahit. Il ne pouvait tout simplement pas leur faire face, pas après ce qu'il s'était passé. Il alla se mettre face à la fenêtre, et regarda le soleil se coucher sur Londres. Un raclement de gorge l'interrompit, et ses épaules s'affaissèrent en reconnaissant le timbre de sa voix. Il se retourna à contre-cœur, pour faire face à Drago.
- J'ai ... Appris que tu partirais un petit moment. Commença-t-il d'un ton peu assuré. Je comprends ta décision et ... Ce sera sûrement mieux pour toi.
Il avait dit ça d'un ton froid, comme s'il ne comprenait pas du tout cette décision. Harry avait dû lui dire que c'était de sa propre initiative, et pas qu'il n'était tout simplement pas autorisé à rechercher Teddy.
- Je suis désolé pour toute à l'heure. Marmonna George, sans répondre à ce que le Serpentard venait de dire.
Le blond lui lança un regard glacial, et tourna les talons. Il lança ces derniers mots en partant :
- J'espère que ça te fera du bien, cette petite cure.
Il appuya bien le dernier mot, laissant George encore plus confus. Avait-il vraiment besoin d'une cure ? Était-il devenu violent au point de devoir en guérir ? Il n'avait jamais eu aussi peur de lui-même qu'en cet instant.
- Aberforth veillera sur toi. Annonça Harry en faisant irruption dans la pièce. Je viens de lui envoyer un Patronus, tu pourras vivre chez lui pour ne pas être seul.
- Je croyais que le but de ma cure était de guérir par la solitude ? Répondit le sorcier avec aigreur.
L'élu soupira et attrapa la chaise du bureau pour s'assoir à côté de lui.
- Je ne veux pas que tu voies ça comme une punition, ce n'en est pas une. Je veux juste t'empêcher de refaire des choses que tu pourrais regretter et ... Je pense que tu n'es pas dans le meilleur état émotionnel pour partir à la recherche de Ted avec nous. Tu as besoin d'une pause, George.
Oui, il avait besoin d'une pause. Mais il n'aimait pas qu'on lui force la main comme ça. Il ne répondit rien, car il savait à quel point son cadet avait raison.
- Je ... Je t'accompagne à Pré-au-Lard. Tu as toutes tes affaires là-bas ?
Il hocha la tête sans enthousiasme, et Harry lui tendit le bras en souriant chaleureusement. Il l'agrippa, et ils transplanèrent.
Les rues du petit village étaient complètement vides. Des bruits de voix et de chants montaient de la salle des Trois Balais, mais ils partirent dans la direction opposée, jusqu'à la petite rue où l'enseigne de la tête de Sanglier grinçait sinistrement.
Aberforth ouvrit la porte avant même qu'ils ne l'atteignent, et regarda les nouveaux venus avec une expression indéchiffrable. George n'était pas heureux de le revoir. Cela ne lui rappelait que trop douloureusement leur discussion, quelques semaines auparavant, alors qu'il avait essayé de noyer son chagrin dans l'alcool. Le whisky pur feu n'avait pas suffit à embrouiller suffisamment ses pensées pour qu'il oublie cette soirée, et il regrettait maintenant de ne pas avoir eu l'occasion de finir cette bouteille.
- George, tu es venu.
- Comme si j'avais eu le choix. Ne put s'empêcher de rétorquer le sorcier aux cheveux flamboyants, avant de recevoir un regard noir de la part d'Harry.
- Tu dormiras dans la chambre du haut. Reprit le Dumbledore d'une voix égale, comme s'il n'avait rien entendu. Tu devras m'aider pour tenir le bar tous les soirs, je t'expliquerai tout demain.
- Comment ça, je dois tenir le bar ? Et ma boutique ?
- Rose s'en occupe très bien. Assura Harry en posant une main sur son épaule. Je sais que ça te pèse, aussi, de devoir gérer cette boutique, alors c'est l'occasion de t'en libérer pour quelques temps.
Rien de tout ça ne plaisait à George. Il avait l'impression de renier Fred, de lui tourner le dos si injustement qu'il aurait préféré dormir là, dans la rue, que de rentrer dans ce pub miteux. Une petite partie de lui savait pourtant qu'Harry avait, encore une fois, eu raison, et il pénétra à l'intérieur de la vieille maison.
- Je reviens te voir dans une semaine !
Harry le salua et repartit en transplanant, le laissant seul avec Aberforth.
- Eh bien, mon garçon, on va avoir du travail, toi et moi.
Le vieil homme se dirigea jusqu'au bar couvert de poussière et en sortit deux bouteilles de Bièraubeurre.
- Mais d'abord, s'exclama-t-il en s'asseyant à une table au milieu de la salle, il va falloir que tu me racontes pourquoi Monsieur Harry Potter est venu me supplier de t'aider. Je suis déjà au courant, pour Ted Lupin, et il me semble que tu es le plan Z, dans cette histoire. Un talent certain de sorcier gâché, il doit bien y avoir une raison, non ?
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