Chapitre 13 : Urgence nocturne
Ce fut une longue et dure nuit. Angelina n'arrêtait pas d'envoyer son Patronus à des connaissances pour les prévenir, tandis que George tournait en rond sur le tapis moelleux du salon. Mais que faisait Harry ? Il avait l'impression d'avoir donné son message à la pie argentée une éternité plus tôt. Était-il arrivé quelque chose à l'élu ou à Drago ? Son ventre se tordit douloureusement sous l'effet de la peur. Il n'en pouvait plus d'attendre comme ça, de craindre le pire comme à chaque fois, c'était trop dur. L'attente, l'inconnu, c'était toujours la partie la plus difficile. Une fois le verdict tombé, il devait bien s'y faire, alors une partie de lui commençait à accepter tout doucement. Mais dans cette attente, crainte et espoirs se mêlaient dans une insoutenable tension qu'il n'arrivait à apaiser. La poignée de la porte d'entrée le fit sursauter et il pointa sa baguette avec une rapidité qu'il ne se connaissait pas sur le nouveau venu. Il ne baissa son arme que quand la voix familière d'Harry lui parvint à l'oreille, et éclata en sanglots. C'était trop de stress, trop d'angoisse, trop de culpabilité.
Oui, il se sentait coupable. Trop heureux de retrouver Angelina, il avait laissé Teddy dormir dans la chambre rose à l'étage tout seul, et n'était monté que plusieurs heures plus tard pour le surveiller. Et il avait trouvé le lit vide. Au début, il avait cru à une énième farce du petit métamorphomage, mais très vite il avait réalisé que quelque chose n'allait pas. Que la trace de main sur la fenêtre n'était pas là avant. Que la moquette avait pris la forme de traces de pas pour des pieds bien trop grands. Et qu'une odeur anormale flottait dans l'air. C'était une odeur familière pourtant, mais il était incapable de savoir d'où elle venait. Un parfum d'homme assurément, mêlé à la poussière et à un autre parfum que George n'arrivait pas à l'identifier. Mais tous ces indices ne l'avaient aidé en rien, si ce n'est qu'à savoir qu'un sorcier avait enlevé le fils de Remus. Il avait alors réveillé Angelina, envoyé son Patronus à Harry, et depuis, il attendait. La panique l'empêchait de réfléchir correctement, et il comptait sur son ami pour réagir avec plus de recul. Mais maintenant qu'il le voyait dans l'embrasure de la porte, un feu brûlant au fond de son regard et une menace silencieuse sur le visage, il n'en était plus si sûr.
Il se décala pour le laisser entrer, ainsi que Drago, et les amena au salon où il leur raconta toute la soirée. Il n'avait rien entendu d'étrange, rien vu d'anormal avant de rentrer dans la chambre. Il leur était donc impossible de savoir quoique ce soit de plus, pour le moment. Harry réagit très mal à la nouvelle, et ressortit de la maison en claquant la porte. En le voyant ainsi George ne pouvait empêcher sa culpabilité de monter au creux de son ventre. Il n'était qu'un bon à rien, un adulte si irresponsable qu'on ne pouvait même pas lui confier un enfant pour une soirée. Il ne valait plus rien, sans Fred, et la disparition de Ted était le coup de grâce. Il sécha ses larmes d'un geste rageur et fit mine de repartir lui aussi, mais Drago le retint par le bras.
- Tu n'as rien à te reprocher, George. Tu as fait ce qu'il fallait, comme tout le monde aurait fait, mais la personne avait dû prévoir ça et tu ne pouvais pas savoir. Donc ne t'en veux pas, d'accord ?
Dans ces moments-là, Drago pouvait étonner son entourage par sa douceur éphémère, ce qui la rendait encore plus précieuse. Et ses mots, le Gryffondor voulait y croire. Il voulait s'y accrocher, s'y serrer avec une telle ardeur que sa conscience les croirait également. Pourtant, il n'y arrivait pas, il y avait toujours ce blocage. Et cet obstacle avait un nom : Angelina.
Il l'avait invitée pour l'aider avec Ted, sans en parler au préalable à Drago ou Harry. Et finalement, ils avaient été distraits au moment crucial, parce qu'ils avaient voulu passer du bon temps ensemble plutôt que s'occuper d'un enfant sans défense. Et ça, George y pouvait quelque chose. Il avait invitée son ancienne camarade de classe, il était en partie responsable de ce malheur, et personne ne pourrait lui enlever de la tête. Pas même Drago. Pas même Harry. Pas même Fred. Une boule se forma au fond de sa gorge quand il pensait à son frère. Le regardait-il depuis là-haut ? Le surveillait-il ? Et si oui, que pouvait-il penser de son bon à rien de frère ? Une larme solitaire se fraya un chemin sur la joue déjà rougie du sorcier, qui tourna la tête pour éviter le regard perçant de Drago.
Angelina débarqua à cet instant dans le salon d'un pas précipité, et déclara :
- J'ai déjà contacté le ministère, les aurors sont déjà en route. Ils ... Ils craignent le pire, Teddy était ...
- Teddy est, la corrigea Drago d'un ton sec. Ne parle pas de lui comme d'un mort.
- Soit. Répliqua la jeune femme sur le même ton. Teddy est le fils de membres très actifs de l'ordre du Phénix, il pourrait donc y avoir des plus gros risques que ...
- Mais quel serait l'intérêt de faire mal à un enfant ? S'emporta Drago en levant les bras au ciel.
- Je ne sais pas, c'est toi le spécialiste. Cracha la Gryffondor, poussée à bout par l'émotion de la soirée et l'attitude peu coopérative du sorcier.
Drago allait répliquer quand trois petits coups discrets se firent entendre sur la porte, faisant retomber le silence dans le salon. Les trois sorciers se regardèrent quelques secondes sans bouger, et George alla finalement ouvrir. Ce fut le sourire compatissant de Kingsley qui l'attendait derrière la porte, accompagné de deux aurors à l'air assez jeunes.
- George. Le salua le ministre de la magie d'un bref signe de tête. Je suis venu dès que j'ai su. Ou est Harry ?
- Sorti. Répondit Drago timidement, ne s'attendant visiblement pas à se retrouver face à son patron.
- Ah Malefoy ! Je n'avais pas réalisé que tu serais là. Vas chercher Harry s'il te plaît, il se pourrait qu'il soit en danger pour l'instant.
Sans en demander plus, le Serpentard se précipita dehors la baguette à la main pour voler au secours de l'élu. Entre temps, Kingsley et les deux aurors avaient pris place dans les fauteuils face au feu crépitant, et gardaient maintenant un silence respectueux. Angelina les regardait tour à tour, intimidée et inquiète, ce qui ne lui ressemblait pas. George se sentait vidé. Il avait déjà trop ressenti, trop souffert pendant cette courte soirée, l'inquiétude avait rogné jusqu'au dernier bout de son cœur, et il ne pouvait plus rien sentir. Savoir Harry en danger semblait creuser encore plus ce vide, et il restait donc debout au milieu de la pièce, incapable de parler, incapable de bouger.
- Alors, George, ta boutique continue de marcher ? Demanda Kingsley après de longues minutes.
Il hocha la tête sans grande conviction, mais cela parut contenter le ministre puisque le silence retomba. George ne pouvait s'empêcher d'imaginer le pire, et il ne concevait plus sa vie sans Harry, l'ami qui l'avait relevé à lui tout seul. L'élu avait toujours été comme un membre de sa famille, dès le premier jour sur la plateforme 9 ¾. Et il avait continué de montrer son appartenance à la famille Weasley au fur et à mesure des années, prenant une place considérable dans le cœur des enfants comme des parents. Parce qu'Harry était comme ça. Il entrait dans la vie des autres sans faire un bruit, et montrait dès le début un soutien indéfectible, pour n'importe quelles situations. Il s'était sacrifié tant de fois pour aider sa famille qu'on ne pouvait plus les compter, et encore une fois il avait pris cette place de frère après le départ de Fred. Il s'était efforcé à combler ce vide patiemment, grain par grain, et seulement maintenant, George pouvait réaliser à quel point il avait réussi. Seulement maintenant, il réalisait que si l'élu disparaissait, tout ce qu'ils avaient construit disparaîtrait aussi, et le trou qui en résulterait serait encore plus grand qu'avant, la douleur encore plus insupportable. Non, il ne pouvait pas perdre Harry, pas lui aussi. C'était impossible, impensable. Il ne pouvait tout simplement pas.
- Je ne l'ai pas trouvé. Déclara Drago en apparaissant sur le pas de la porte, se mordant les lèvres pour retenir un sanglot.
La tension dans le salon monta encore d'un cran. Les deux aurors se levèrent d'un coup, ayant tous deux attrapé leurs baguettes dans leurs longues robes sombres. Kingsley leur fit pourtant signe de se rasseoir, et ils s'exécutèrent à contre-cœur. George ne comprenait pas pourquoi il ne les envoyait pas, mais il avait confiance en lui et en son jugement, et s'efforça donc de taire cette angoisse sourde qui prenait peu à peu possession de son corps.
- Il est fort probable qu'il ne lui soit rien arrivé. Les rassura le sorcier en faisant asseoir les trois amis. Pour l'instant, il n'est pas nécessaire de le rechercher, je suis sûr qu'il va très bien et qu'il reviendra sain et sauf. Après tout, c'est Harry Potter, il nous épatera toujours.
- Je regrette, Monsieur, intervint Drago en dissimulant mal son désaccord. Mais il me semble que si, il est nécessaire de partir à sa recherche parce qu'il est peut-être en danger et que perdre du temps ne sert à rien !
Le ministre soupira mais ne répondit pas au Serpentard, ce qui semblait l'énerver encore plus. George accepta de s'asseoir sur une chaise lorsqu'il réalisa à quel point ses jambes tremblaient sous l'effet de la peur.
- J'imagine que vous vous demandez pourquoi je suis là et si je n'ai pas autre chose à faire. Commença Kingsley en posant ses yeux marrons sur George, puis sur Drago. Eh bien si, j'ai toujours autre chose à faire, mais cet enlèvement pourrait être le signe d'une chose bien plus grave, et dans ce cas c'est mon devoir de me trouver ici. Nos aurors ont remarqué une étrange reprise d'activité des commerces de magie noire ces dernières semaines, et quelques incidents mineurs à première vue pourraient s'y ajouter. Ce que nous craignons depuis deux ans pourrait arriver si le ministère se fait doubler, et mon intuition me dit que Ted Lupin n'y est pas pour rien. Quoi de mieux comme trophée pour un futur mage noir que l'enfant des principaux opposants de son prédécesseur ? Harry est trop difficile à berner pour être capturé si facilement, mais il se peut que son filleul soit le morceau de fromage au bout du fil. Il ne doit pas se jeter tête baissée dans cette histoire, cela pourrait signer la perte du monde sorcier. Nous avons déjà quelques idées quant à l'identité de cette ou ces personnes, mais aucune preuve. Il m'est difficile aujourd'hui de vous donner des noms, mais sachez que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour vous ramener Teddy, et protéger Harry.
- S'il n'est pas déjà trop tard pour Harry ... Grommela Drago en fusillant son patron du regard.
- Je comprends ton inquiétude, mais je t'assure qu'il ne faut pas trop s'en faire.
- Et pourquoi ?
- Crois-tu vraiment que je n'ai que deux aurors de disponibles pour une affaire si importante ? Et dois-je te rappeler qu'Harry est lui-même en passe de devenir auror ?
Drago se renfrogna, vexé d'avoir tort, mais semblait rassuré. Le ministre n'ajouta rien, et pendant plusieurs minutes seul le crépitement du bois brisait le silence de la nuit. Puis un cerf argenté fit irruption dans la pièce en passant à travers la vitre, et la voix d'Harry sortit du Patronus.
- Je suis allé chercher Andromeda et je l'ai prévenue, nous arrivons.
- Je t'avais dit de ne pas t'en faire mon garçon ! s'exclama Kingsley avec un grand sourire, mais George voyait bien qu'il était visiblement rassuré de savoir l'élu sain et sauf.
- Il n'est pas encore là. Répliqua Drago dans un ultime effort pour avoir le dernier mot.
- Mais si, je suis là !
Au lieu de l'accueil chaleureux auquel il s'attendait, Harry ne reçut de la part de son amant qu'un regard assassin, mais n'eut pas le temps d'en demander plus car il dut saluer le ministre, et présenter Andromeda. Il partit ensuite chercher des couvertures et des coussins pour les installer dans le salon, et George s'installa dans un coin.
Kingsley et les aurors tinrent à vérifier une dernière fois la sécurité de la maison avant de partir, et laissèrent cet étrange petit groupe dans le salon noir et blanc Square Grimmaud. George ne dormit pas, cette nuit-là, comme les autres. Il pouvait les entendre se retourner et soupirer, assaillis par l'impuissance et l'angoisse de l'attente. Encore une fois, il leur fallait attendre. Attendre que les aurors trouvent quelque chose, attendre des nouvelles de Teddy, attendre un indice, n'importe lequel, pour résoudre ce mystère. Ce fut une dure et longue nuit.
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