Chapitre 11 : Règlement de comptes

Tout ce que savait Fred, c'est qu'il était en danger. Le regard mauvais que lui lançait la très fière Mrs. Black ne lui disait rien qui vaille, et il ne faisait pas plus confiance que ça à Regulus. Pourtant, il était incapable de bouger. Que faisait-il ici ? Pourquoi Sirius l'avait-il amené délibérément dans cette grotte, en sachant à qui elle appartenait ? Ce n'était pas pour rien qu'il se retrouvait face à sa famille. Surtout avec son odorat de chien, il ne pouvait pas l'avoir fait pas inadvertance. Mais il manquait encore une pièce au puzzle pour que le sorcier puisse comprendre. Et en attendant, il devait fuir. Ou au moins gagner du temps, en fonction de ses possibilités. La première chose qui l'avait frappé, c'était la baguette dans les mains de Regulus. Personne, à sa connaissance, n'avait de baguette une fois mort. Et il n'avait vu personne pratiquer de la magie, sauf Sirius et James lorsqu'ils se transformaient, mais ils n'avaient pas besoin de baguette pour ça. Alors pourquoi est-ce qu'il en avait une ? Il s'était habitué à vivre sans baguette, mais maintenant que ce bout de bois le menaçait, il se sentait plus démuni que jamais. Une sueur froide coulait dans son dos. Il voulait appeler à l'aide, mais qui viendrait l'aider ? Personne. James était resté avec Lily. Sirius était reparti avant même qu'il ne puisse poser la moindre question. Tous deux l'avaient mis en garde, mais contre Remus. Alors pourquoi ce n'était pas Remus en face de lui ? Plus rien ne faisait sens.

- Eh bien, qu'avons-nous là ? dit Walburga en se rapprochant de Fred d'une allure hautaine.

- Je crois que c'est un Weasley, vu ses cheveux. Intervint son fils en le désignant du menton.

- Si c'est un Weasley, il ne nous est d'aucune utilité. Tu peux l'éliminer, mon chéri.

Si Walburga n'avait rien vu du tremblement qui avait parcouru son fils lors de ses derniers mots, Fred n'en avait pas raté une miette. Il comprit que Regulus n'était pas aussi impliqué que sa mère, ou du moins pas assez courageux pour l'être de sang-froid. Son cerveau s'était remis à marcher à mille à l'heure, cherchant désespérément un moyen de gagner du temps sans risquer de provoquer Mrs. Black. Il ne savait pas si elle se montrerait comme son portrait qu'il avait vu Square Grimmaud, d'une agressivité qui ne semblait pas connaitre de limite. Il se décida finalement à prendre la parole, non sans crainte.

- Où avez-vous eu une baguette ?

- Oh, ça ? S'exclama la sorcière avant d'éclater d'un rire suffisant. Ce n'est rien, il suffit d'avoir de bonnes relations.

Elle avait étrangement appuyé sur le dernier mot, et regardait son fils de travers, faisant passer un message qu'ils étaient les seuls à comprendre.

- Trêve de bavardage, il nous fait perdre notre temps. Mets-le hors d'état de nuire, Regulus, sinon je le fais moi-même.

- Il pourrait nous être utile, mère.

- Et en quoi ? Je ne veux pas m'encombrer d'un poids inutile, tu le sais bien. Il nous ralentirait.

- C'est un sang pur.

- Un traître à son sang ! riposta la femme, les traits de son visage se métamorphosant complètement dans un mélange de dégoût et de haine. Son sang est gâché, je ne peux rien en faire.

- Il pourrait nous être utile avec d'autres moyens.

- Et comment ?

Elle commençait à perdre patience et s'apprêtait à arracher la baguette des mains de son fils, quand une voix que Fred reconnaîtrait entre mille l'interrompit.

- Pour te faire payer enfin tout ce que tu nous as fait !

Regulus se retourna et assomma sa propre mère d'un Stupéfix alors que Sirius attrapait Fred par le bras pour le sortir de la grotte. Les trois sorciers se mirent à courir d'un accord tacite le plus loin possible de cette grotte et de cette femme abominable.

- Tu en as mis, du temps ! Râla Regulus.

- Je ne pensais pas que vous seriez là, j'étais à la grotte précédente.

- Tu parles d'un chien au bon flair ...

- L'odeur de Remus était bien plus récente ! s'exclama son aîné.

- Remus ?

Le cadet des Black s'était arrêté de courir et regardait son frère avec une expression de terreur sur son visage.

- On doit y retourner. Déclara-t-il fermement, malgré la peur qui faisait trembler sa voix.

- Ta mère te manque tant que ça ?

- C'est aussi la tienne.

- Seulement biologiquement ! Je refuse de qualifier ce monstre de « mère ».

- Tu ...

- Stop ! s'écria Fred, interrompant la dispute entre les deux frères, sentant le ton monter dangereusement.

Il n'avait pas oublié la présence de la baguette dans les mains de Regulus, et s'il ne comprenait pas tout ce qu'il s'était passé depuis son entrée dans la grotte, il saisissait sans peine l'urgence de la situation.

- Regulus. Il parlait d'une voix autoritaire, essayant de paraître le plus sûr de lui que possible. Pourquoi faut-il y retourner ?

- Remus est en danger. Répondit le cadet d'une voix blanche. Il ne faut pas que ma mère le trouve.

Cette phrase eut l'effet d'un électrochoc sur Sirius qui se transforma en chien et repartit immédiatement en sens inverse. Fred ne prit pas la peine de l'appeler et s'élança à sa suite, suivi de Regulus. Il ne lui faisait pas confiance, mais il était forcé d'accepter sa vulnérabilité sans discuter, ils n'en avaient pas le temps. Des éclats de voix leur parvenaient depuis l'entrée de la forêt, mais c'est avec un certain soulagement que Fred ne reconnut pas celle de Walburga. Seuls Sirius et Remus se tenaient devant l'entrée de la grotte, prêts à en venir au main. Regulus hurla « Petrificus totalus » et le loup-garou s'effondra, interrompu dans son mouvement. Sirius lança un regard désapprobateur à son jeune frère mais prit son ami sur le dos sans discuter, et le petit groupe repartit aussi vite qu'ils purent dans la direction opposée.

- Revenez, fils indignes ! Ne déshonorez pas plus votre famille ! hurlait Walburga en sortant de la grotte, mais trop tard, ils étaient déjà loin.

Ils s'arrêtèrent épuisés dans une petite forêt alors que la nuit se mettait à tomber, et Regulus attacha les poignets et les chevilles de Remus avant de défaire son sortilège. Sirius le regardait sans rien dire, n'approuvant clairement pas le traitement qu'il était en train d'infliger à son ami de toujours.

- Tu peux m'expliquer ce que tu fais, Reg ? gronda Sirius en le retenant alors qu'il allait bâillonner l'ancien professeur.

- Je lui sauve la vie.

- Ne te fous pas de moi. Qu'est-ce qu'elle a contre lui ?

- C'est un loup-garou. Expliqua le cadet des Black en remettant négligemment une mèche de ses cheveux noirs en arrière, comme Fred avait déjà pu voir Sirius faire plusieurs fois. Il a une magie spéciale qui coule dans ses veines, et elle veut l'utiliser.

Sirius saisit brusquement son frère par les épaules et le plaqua sans ménagement contre le tronc de l'arbre le plus proche. Regulus encaissa le coup sans rien dire et ne chercha pas à se défaire de son emprise.

- On peut savoir à quoi tu joues ?

- Je peux t'expliquer tout ce que tu veux me demander, donc vas-y.

- Ne joue pas à ça avec moi. Qu'est-ce que tu faisais avec elle ?

- Je n'avais pas le choix, elle avait encore confiance en moi et elle avait cette baguette, j'ai voulu la récupérer avant de la laisser.

- Pourquoi tu étais encore avec elle alors que tu avais la baguette ? demanda Sirius d'un ton menaçant. Tu aurais pu partir il y a longtemps, je t'ai observé, tu sais.

- Partir pour aller où ? Regulus commençait à perdre patience aussi. Vu que tu n'as pas eu l'intelligence de laisser ne serait-ce qu'un indice, je m'imaginais encore seul. Avec lui – il désigna Remus encore inconscient d'un mouvement de tête – tu es le seul qui pouvait me laisser la chance de m'expliquer.

- Qu'est-ce que tu faisais dans la grotte de Remus ? Et pourquoi je n'ai pas senti votre odeur en amenant Fred ?

- On n'y était pas encore, et c'est seulement parce qu'on a entendu des bruits de pas qu'elle a voulu rentrer.

- Comment est-ce que je sais que je peux te faire confiance ?

Malgré la fermeté de sa voix, Fred y percevait comme une supplique. Les yeux de Sirius ne brillaient plus du même éclat qu'avant, il semblait avoir perdu son assurance et son agressivité. Et ceux de Regulus brillaient du même éclat. Fred sentit un léger pincement au cœur en voyant ces deux frères ainsi déchirés. Il n'aurait pas supporté cette situation avec George, ni avec aucun de ses frères ou sœur. Regulus baissa finalement les bras dans un long soupir, et tendit sa main droite.

- La baguette. Je te laisse la baguette, je te la donne, je ne veux pas la reprendre. Tu n'auras plus rien à craindre de moi.

- Pourquoi est-ce que tu la crains autant, alors ?

- Elle n'a pas besoin d'une baguette pour faire du mal ...

- Et si jamais tu l'appelles ? la voix de Sirius se brisa, et une larme passa la barrière de ses yeux. Qu'est-ce qui me le garantit, que tu ne le feras pas ?

- Il ne fera pas. Intervint Fred.

Il avait senti qu'il devait prendre part à la discussion. Pourquoi faisait-il confiance à Regulus ? Juste son intuition. Mais ses sens ne l'avaient pas trompé. Il savait que le brun ne l'aurait pas mis hors d'état de nuire, dans la grotte. Alors il lui faisait confiance. Et son assurance alors qu'il prononçait ses mots sembla convaincre Sirius, qui n'attendait que ça pour se jeter dans les bras de son frère. Il pleurait, maintenant, ne retenant rien des larmes qui coulaient sur la robe de Regulus. Son cadet se montrait moins ému mais son sourire brillant valait bien plus que tous les mots du monde.

- Que c'est bon de te retrouver enfin, Reg ... murmura Sirius en se reculant de quelques pas.

- Je te retourne le compliment, répondit son frère dans un sourire complice.

Fred les regardait, bras croisés, satisfait de voir cette histoire bien se terminer. Certes, Walburga était encore dans la nature, toujours aussi dangereuse, mais tant qu'ils savaient rester unis, ils pouvaient faire face à tout. C'est ce que la guerre lui avait appris. En animant Potterveille, il avait cru en leur force, en leur pouvoir. Il avait tout fait pour réunir les gens. C'est ce que faisait le rire aussi, et c'est pour cela que les jumeaux l'affectionnaient autant. Ils se réunissaient toujours dans leurs farces. Ils unifiaient les autres. Tant qu'ils restaient ensemble et unis, Walburga ne pourrait rien contre eux à elle seule.

- Est-ce qu'on peut m'expliquer ce que je fais ici attaché ?

Fred sursauta et se retourna vers Remus, qui s'était enfin réveillé. Il avait oublié ce problème. Il était censé lui parler, non ? Il fit un signe discret de la main à Regulus et Sirius de s'éloigner, tant que le loup-garou ne les avait pas encore vus. Le jeune sorcier roux s'assit par terre, en face de son ancien professeur, et commença par s'excuser, après tout, ce n'était pas lui qui était ligoté au sol et presque bâillonner.

- Je ... Crois qu'il faut qu'on parle, Remus.

- Parler de quoi ? répliqua durement le sorcier.

Il semblait plus vieux et plus fatigué que jamais, et une étincelle de folie perçait dans sa voix. Ses cheveux en désordre ne cachaient pas ses yeux et le combat qui s'y livrait, et ses tremblements trahissaient sa profonde agitation.

- Tonks.

Il savait l'effet que ce simple nom pouvait avoir, mais il n'avait même pas les mots pour décrire ce qu'il voyait. Sur le visage de Lupin les émotions passèrent de la rage au désespoir, de l'amour à la haine, de la défiance au regret. Et ce trop plein d'émotion ne trouva qu'un seul moyen de sortir : à travers le torrent de larmes qui sortit. Et au milieu de ses gémissements et de ses sanglots, Remus ne prononça qu'une phrase, que Fred eut du mal à comprendre.

- J'ai tout foutu en l'air.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top