Tu assumeras les conséquences de cette relation

Adrian était devenu le principal sujet de conversation de maman. Elle était furieuse contre moi et avait même pris des mesures qui étaient censées me faire réfléchir.

La première chose qu'elle avait faite était de confisquer les clés de ma voiture, pour limiter mes déplacements selon elle. Ça n'avait aucun impact, mon nouveau lycée se trouvant sur ma ligne de métro mais je l'avais trouvé sacrement culottée. Après deux années complètes à ne penser qu'à elle au détriment de ses enfants, elle avait décidé de prendre des décisions me concernant.

Je l'avais ignoré, et surtout je n'en avais pas parlé à Adrian. On avait pris l'habitude de discuter tous les soirs, n'ayant que deux heures de décalage et il m'interrogeait toujours sur le début de ma prépa. Pour lui, je devais travailler d'arrache-pied, je devais être la meilleure, c'était une exigence. On riait beaucoup aussi, j'avais découvert son côté taquin et commencé à lui montrer timidement le mien. Ce soir là, je me suis rendue compte que maman avait non seulement changé le code wifi mais aussi coupé mon forfait lorsque j'avais tenté de joindre Adrian. C'était trop, j'avais contenu ma colère trop longtemps, alors j'étais sortie en trombe de ma chambre et trouvé ma mère en pleine discussion avec mon parrain Daniel.

- Ça t'amuse de faire ça? avais-je crié en faisant face à ma mère.

- Si tu penses être adulte au point de fréquenter un homme de douze ans ton aîné, alors tu peux te payer ton forfait de téléphone non?

Elle avait dit ça sur un ton calme en me dévisageant.

- Ah tu ne savais pas Daniel? Ta filleule fréquente un certain Adrian, il a trente ans.

- Calmez-vous, dit Daniel, on peut en discuter tranquillement.

- Tu as la mémoire courte maman, il y a encore quelques mois c'est moi qui jouait le rôle de mère alors que tu passais tes journées à dormir et à pleurer! A boire et à te lamenter parce que papa était parti avec une femme plus jeune que toi! Tu n'as aucune leçon à me donner, tu n'as pas à me juger ni à discuter mes choix! Lorsqu'à mes yeux tu redeviendras ma mère, peut être que je t'écouterai!

Mon téléphone a sonné à ce moment là, c'était Adrian, j'avais décroché avant de retourner dans ma chambre.

- C'est ta façon à toi de me punir? avait hurlé ma mère. C'est lui au téléphone? Passe le moi que je lui dise ce que je pense de son attitude de pervers! Tu vis sous mon toit, je t'interdis de continuer!

Je n'avais pas répondu et je m'étais enfermée dans ma chambre. Je tremblais de colère, je savais que je ne tiendrais pas longtemps dans cette ambiance et maman le savait aussi. J'étais beaucoup trop sensible et malgré tout, je ne voulais pas qu'elle retombe dans ses travers, et je ne supporterai pas qu'elle le fasse à cause de moi.

- Ambre!

J'avais sursauté en entendant la voix d'Adrian, j'avais oublié que j'avais décroché et je m'étais demandée ce qu'il avait entendu de la conversation.

- Oui, comment tu vas? avais-je dis d'une voix que je voulais enjouée.

- Qu'est-ce qu'il se passe?

- Rien du tout, une dispute idiote avec ma mère, comment c'est passée ta journée?

Il est resté silencieux quelques secondes.

- Je viens dès que possible, dans trois jours tout au plus.

- Non! Ça ne sert à rien, je sais que tu as beaucoup de travail, ne te...

- Je ne te demande pas ton avis Ambre, je viens un point c'est tout, ne discute pas!

Son ton était sans appel, froid et autoritaire, alors j'étais restée silencieuse.

- Je suis désolé, je ne voulais pas te parler sur ce ton. Je t'avais dis qu'il fallait que je les rencontre Ambre... Depuis quand sont-ils au courant?

- Depuis le jour de ton départ...

- Et tu ne m'as rien dis depuis toutes ces semaines? Tu m'as caché ça? s'était-il offusqué.

- Non! Je ne voulais pas t'embêter avec ça Adrian c'est tout. Ma mère me prend la tête tous les jours avec ça alors quand on parlait j'avais juste envie de passer un moment agréable.

- En me mentant? Sur quoi d'autre tu m'as menti Ambre? Si je n'avais pas entendu ta mère, tu ne m'aurais rien dis? Tu aurais...

J'avais raccroché. J'avais raccroché parce que je sentais mes larmes couler et je n'étais pas prête à entendre ses reproches. Il m'avait rappelé plusieurs fois et j'avais fini par éteindre mon téléphone.

Je me souviens avoir été submergée par le doute à cet instant, je m'étais demandée si ça valait le coup d'entrer en conflit avec maman alors que nous retrouvions à peine une relation. Est-ce que l'amour de maman valait plus que celui que je portais à Adrian? Est-ce qu'il ne valait pas mieux arrêter? Après tout j'avais oeuvré de toutes mes forces pour que ma famille tienne et je ne voulais pas que ce fragile équilibre ne se brise.

J'aimais Adrian, il me manquait tellement depuis son départ, mais j'étais perdue. Les jours qui avaient suivi, je n'avais pas rallumé mon téléphone et j'ignorais maman. Le début de la prépa était intense mais j'avais rapidement pris mes marques et j'avais crée des affinités avec un groupe d'étudiants. Il y avait Marion, qui venait du lycée français de Berlin, Amira qui habitait Paris et Samuel qui était à l'internat.

Nous avions décidés de sortir après les cours un vendredi soir, et j'avais sauté sur l'occasion, juste pour ne pas avoir à croiser ma mère et ses regards assassins. J'en étais même arrivée à vouloir appeler mon père et lui demander de passer quelques jours chez lui, c'était dire mon désespoir. J'avais laissé mon téléphone à la maison depuis le dernier appel d'Adrian et trois jours étaient passés depuis. Les doutes que j'avais eu s'étaient vite envolés mais je n'avais pas osé l'appeler, sa réaction me faisait peur et la voie de la lâcheté était celle que j'avais choisi.

J'étais dans un bar parisien avec mes nouveaux amis et mon esprit lui était loin et embrouillé. Tellement embrouillé que j'avais cru voir le fantôme d'Adrian, alors j'avais bu d'une traite ma tequila en me concentrant sur la conversation animée de mes amis.

- Ambre, tu le connais? Il te fixe depuis tout à l'heure c'est flippant! avait dit Marion.

Nous nous étions tous retournés et ce que je pensais être une vision était réel, Adrian était bien là, sur le trottoir d'en face, en train de me fixer. Son regard était tétanisant, et j'avais l'impression que tout s'était arrêté en moi.

- Ambre? Ça va? Tu le connais?

La voix d'Amira m'avait réveillé et je les avais regardé.

- Oui, je suis désolée je dois vous laisser, on se voit lundi?

- Tu es sure? avait insisté Samuel.

- Oui, tout va bien, à lundi!

J'ai pris mon sac et traversé d'un pas confiant pour ne pas éveiller les soupçons de mes amis qui devaient surement se demander ce qu'il se passait. Adrian n'avait rien dit, il a attendu que j'arrive à sa hauteur pour se diriger vers sa voiture, m'ordonnant silencieusement de le suivre.

Il s'est installé côté conducteur, mais j'étais figée, incapable de bouger, devant la portière. Ce moment avait été difficile, je ne savais pas que je pouvais ressentir autant de choses contradictoires à la fois, j'étais heureuse de le voir, je voulais me blottir contre lui et pleurer, mais j'étais certaine qu'il était en colère. Je n'avais pas compris que c'était de la peur que je ressentais, je réalise que ça a commencé beaucoup plus tôt que je ne le pensais, je n'avais juste pas vu. Je n'avais pas remarqué qu'il était sorti de la voiture et j'avais presque sursauté lorsque j'avais croisé son regard bleu, sévère et lançant presque des éclairs.

- Ambre, avait-il fini par soupirer après de longues secondes.

Il m'a caressé la joue si délicatement que ma première larme a coulé presque instantanément. J'ai senti son autre main essuyer une larme, et il m'a embrassé. J'ai su à cet instant qu'au delà de l'amour que je lui portais, il avait pris une partie de moi, une partie que j'avais seulement quand il était là.

- Tout va bien, je suis là, tout va bien Ambre...

J'étais effondrée, et je savais que c'était lui qui me retenait, qui m'avait installé dans sa voiture et attaché la ceinture avant de démarrer. Je l'entendais parler en russe, les mains serrées sur le volant, en colère.

- Je suis désolée Adrian.

Il n'avait pas répondu, je m'étais dis qu'il avait raison, que j'aurais dû l'écouter et attendre qu'il rencontre mes parents au lieu de me laisser aller aux confidences avec ma mère. Mes larmes ne cessaient de couler, et son silence n'arrangeait rien à mon état.

- Tu ne dis rien? avais-je demandé.

Rien, toujours son silence pesant et ces mots que je ne comprenais pas.

- Je ne...

Il avait levé la main, m'intimant de me taire et je m'étais tue pendant qu'il se garait devant chez lui. Je l'avais suivi comme une enfant et refermé la porte derrière moi alors qu'il se servait un verre de vodka qu'il avait bu d'une traite

- Assieds toi Ambre.

Son ton était calme mais son regard, qui avait été doux lorsqu'il m'avait prise dans ses bras, était redevenu froid. Je m'étais exécutée et son regard était si glacial que je n'arrivais pas à le soutenir.

- Je suis parti en te faisant confiance.

- Je ne voulais pas t'embêter avec ça...

- Ça me concerne autant que toi, alors explique moi ce qu'il s'est passé? Parce que j'ai l'impression que tu ne m'as rien dis parce que tu te demandes si notre relation vaut la peine, je me trompe?

Son regard me sondait et je savais qu'il avait compris que j'y avais pensé.

- Je me suis posée la question, mais...

- Tu t'es posée la question? Tu savais pourtant ce que ça allait engendrer comme problème d'entamer cette relation, tu le savais n'est-ce pas?

- Je me suis juste posée la question Adrian... Ma mère a traversé des moments difficiles, j'ai peur qu'elle ne perde le fragile équilibre qu'elle a réussi à avoir depuis quelques temps. Mais je veux rester avec toi.

- Tu veux rester avec moi parce que ta mère ne veut pas que tu sois avec moi?

Je l'avais regardé et il n'était on ne peut plus sérieux.

- Pas du tout, parce que j'en ai envie!

- Je savais que tu finirais par regretter, je ne pensais pas que ça viendrait aussi vite. Je vais te faciliter les choses Ambre, et arrêter, je sais à quel point tu tiens à ta mère et à son bien être alors arrêtons là, ce sera plus simple pour toi.

Je m'étais demandée si j'avais bien entendu, ou si mon esprit me jouait des tours comme tout à l'heure. Je n'étais pas prête à renoncer à lui, pas après avoir découvert toutes ces nouvelles sensations que je voulais ressentir encore et encore.

- Non, avais-je dis.

- Non?

- Non, je refuse, je ne veux pas arrêter et tu n'as pas le droit de décider pour moi. Oui je tiens à ma mère, mais elle vient juste d'apprendre notre relation alors elle a besoin de temps et elle a besoin de te voir.

- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, et tu devrais prendre le temps de la réflexion Ambre, tu...

- Non! On arrête pas Adrian, s'il te plait, je ne veux pas...

J'avais vu le léger sourire se former sur ses lèvres, mais je n'y avais pas prêté attention.

- Allons chez moi, plus vite maman te verra, plus vite elle acceptera.

Je m'étais levée et lui avais pris la main pour l'entraîner vers la sortie et il m'avait suivi sans un mot. Je savais que maman allait piquer une crise lorsque je débarquerai avec lui, mais je savais aussi que son éducation bourgeoise l'empêcherait d'être malpolie envers lui. Alors c'était main dans la main que nous étions entrés chez moi.

- Maman?

Mon frère Raphael était arrivé et nous regardait d'abord surpris avant de sourire comme un idiot.

- Il fait pas si vieux que ça! m'avait-il lancé. Papa est là bon courage, salut Raphael le frère d'Ambre.

Il avait serré la main d'Adrian avant de sortir.

- Ambre? Tu es rentrée ça tombe bien, ton père et moi...

Elle s'était arrêtée lorsqu'elle nous avait vu, les sourcils froncés. Elle devait se demander si c'était Adrian, c'était vrai qu'il ne faisait pas "vieux" comme disait mon frère, et avec son pull et son jean, il pouvait passer pour un étudiant.

- Maman, avais-je commencé.

- Allons dans le salon, ton père nous attends.

Elle n'avait fait aucune remarque, et j'avais tiré Adrian par la main jusqu'au salon.

- Regarde avec qui ta fille est venue, Marco.

Mon père avait regardé Adrian, comme s'il le connaissait.

- Bonsoir, avait dit Adrian en s'approchant de ma mère en lui tendant la main qu'elle a refusé mais que mon père a accepté. Adrian Petrov, j'ai conscience que les circonstances ne sont pas idéales pour une visite.

- Pas idéales? Vous êtes charmant, c'est un fait, je comprends pourquoi ma fille est tombée amoureuse. Si vous avez conscience que les circonstances ne sont pas idéales, vous avez aussi conscience que votre relation n'est pas normale? Ambre est une enfant, elle n'a eu qu'une relation sérieuse dans son adolescence, et vous, vous êtes un homme qui a dû avoir des dizaines de relations! Qu'est-ce que vous voulez à ma fille?

Adrian avait répondu avant que je ne puisse le faire.

- Vous avez raison, je comprends votre réaction et vos craintes.

- Alors pourquoi...

- J'aime Ambre, avait-il coupé. Je l'aime et je ne veux que son bonheur, il y a peut être douze ans qui nous séparent, mais elle est mature, intelligente, et je veux passer autant de temps que possible avec elle. Je ne lui ferai jamais de mal intentionnellement, et je la ferai toujours passer avant en premier.

- Vous êtes le fils de Vladimir Petrov?

C'était les premiers mots de papa.

- Oui, avait répondu Adrian.

- J'ai connu votre père, on a été amené à travailler ensemble il y a quelques années.

Ma mère s'était retournée vers lui comme une furie.

- Alors quoi parce que tu as connu son père tu vas approuver? avait-elle hurlé. Je m'en fiche que son père soit un magnat de la finance ou le roi du monde, je ne veux pas qu'Ambre le fréquente! Tu étais censée me soutenir Marco, mais tu...

- Maman! Ça suffit, Adrian a perdu son père récemment un peu de respect!

Elle m'avait regardé lorsque j'avais dis ça.

- Ce n'est rien Ambre, dit Adrian.

- Si c'est quelque chose! Comment tu peux être aussi insensible? Je dois arrêter de vivre parce que tu l'as décidé? Alors que j'ai sacrifié des années pour toi?

- Alors tu t'es laissé embobinée par un pervers, qui a tout d'un manipulateur et qui va profiter de toi?

- Je comprends pourquoi papa t'as quitté, tu es folle maman!

- Ambre! Marianne, ça suffit...

- Je suis folle? Très bien, alors que les choses soient claires, si tu veux continuer cette relation, tu prends tes affaires et tu quittes ma maison tout de suite!

Nous nous dévisagions, je me demandais si elle était vraiment sérieuse et surtout si elle venait vraiment de dire ça. La douleur était intense, alors ma mère ne m'aimait pas?

- Ecoutez, je vais vous laisser discuter en famille, après une nuit, tout...

- Oh non non, a dit maman. Adrian, si vous voulez Ambre alors prenez là et sortez de chez moi!

- Marianne! Tu as perdu l'esprit? Ambre va dans a chambre, je vais parler à ta mère, avait dit papa en la regardant.

- Je ne changerai pas d'avis! C'est ma maison, je décide! Tu veux vivre cette histoire? Alors tu assumeras les conséquences de cette relation!

Voilà comment ma mère m'avait mise à la porte la première fois, j'avais encore du mal à y croire, elle n'avait jamais été aussi sévère depuis ma naissance. Même lorsque Raphael se droguait, elle ne l'avait pas mis à la porte, mais j'avais respecté sa décision et j'avais quitté la maison ce soir là.

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