Sois un homme ma fille

C'était complètement déphasée que j'arrivai devant la boutique de ma marraine Lou, avenue Montaigne. C'était l'amie d'enfance de mes parents et elle faisait partie de la famille.
J'avais passé un weekend de débauche avec Eli et Lucas, nous avions fait la tournée des bars après être passés chez Victoire, puis avions terminé la nuit dans une boîte parisienne. J'étais rentrée il y avait tout juste quatre heures et je ne comprenais toujours pas comment j'avais pu réussir à arriver jusqu'ici.

- Ambre? Eh ben, tu t'es pas loupée ce weekend, me lança Lou qui venait d'arriver.

- Oui je...

Parler était si douloureux que je ne terminai pas ma phrase.

- Ok, tu as besoin d'un café et d'une bonne sieste toi! Tu devrais rentrer à la maison et revenir demain...

- Non! coupai-je. Papa va être furieux!

- Très bien, tu vas faire un petit somme dans mon bureau alors. T'es pas du tout présentable, ajouta t-elle.

Lou était superbe, d'une élégance à couper le souffle mais surtout elle était drôle et avait été présente pour moi lorsque maman n'allait pas bien. Je l'aimais beaucoup et je ne voulais pas la décevoir.

- Juste un café, un redbull et je serai prête pour la journée.

Je mentais, mais son air compatissant me dissuada d'accepter sa proposition. D'autant plus que papa m'avait envoyé un message bref  hier soir:

« Sois un homme ma fille! »

Je ne lui avais pas répondu, encore trop en colère contre lui mais je voulais lui prouver que j'étais autre chose qu'une capricieuse.

- Très bien, tu vas rester en réserve aujourd'hui. Je vais te montrer rapidement et on pourra se mettre au travail. Avant ça, on se prend un bon petit déj' pour fêter ton bac! Je suis vraiment fière de toi tu sais? dit-elle en me serrant dans ses bras. Et ne t'en fais pas, ta mère se rattrapera, tes parents ne veulent que ton bien.

Elle m'emmena dans la boutique et nous déjeunâmes dans son bureau pendant qu'elle m'expliquait ce que j'aurais à faire pendant ces sept semaines. Ranger, étiqueter, accompagner les clients dans les cabines d'essayages, leur servir à boire et c'était tout. Je ne devais pas m'occuper de la vente, c'était un exercice délicat étant donné la clientèle riche et variée. Ma présentation devait être parfaite.

- Pour aujourd'hui je vais te donner une tenue, mais il faudra que tu fasses quelques achats, tu dois être impeccable. Aujourd'hui Samira va t'accompagner et te driver un peu.

- Pour les achats, j'ai pris la carte que papa m'a laissé, je vais acheter les tenues ici directement.

- Ambre, tu vas pas dépenser une fortune ici, tu peux les prendre ailleurs. On ira ensemble si tu veux.

- Si si, j'insiste, papa m'a dit d'acheter tout ce dont j'avais besoin ce qui est complètement contradictoire avec le fait qu'il me demande de travailler pour financer mes études. Alors je vais dépenser son argent.

Je savais que c'était complètement puéril comme comportement, mais j'étais tellement en colère contre lui que tout ce qui pouvait l'agacer me réjouissait. Lou soupira mais me lança un regard complice et j'avais dépensé énormément d'argent pour pas grand chose.

Ma première matinée de travail avait été plutôt tranquille, je m'occupais de la réserve avec Samira qui avait tout juste vingt deux ans et qui travaillait ici depuis plusieurs mois. Elle venait de Lyon et était d'origine djiboutienne, sa beauté me fascinait et j'avais passé plusieurs minutes à la regarder jusqu'à ce qu'elle s'agace.

- Tu peux arrêter de me regarder comme ça? C'est gênant, lâcha t-elle froidement.

- Excuse-moi, c'est juste que je te trouve tellement belle.

Elle m'observa perplexe et éclata de rire, c'était comme ça que notre relation avait débuté. J'avais passé la première semaine à travailler à la réserve et à me demander comment des personnes pouvaient dépenser autant d'argent pour des pièces parfois horribles. Ce n'était pas si désagréable que ça, et j'avais déjà vu plusieurs célébrités passer à la boutique. Ce qui rendait folle Eli, qui me suppliait de prendre des photos discrètement. Lou était très appréciée et elle s'occupait personnellement de certains clients. Un mardi, alors que j'étais en réserve elle m'appela.

- Ambre, viens me voir!

Je montai rapidement vu le ton qu'elle employait et j'entrai dans son bureau.

- Je vais avoir besoin de toi ce matin, deux clients très importants arrivent avec leurs amies, ils ont demandé à ce qu'on privatise la boutique. Samira n'est pas là, et ils ne veulent pas des autres vendeuses, tu vas t'occuper des rafraîchissements et tu resteras à ma disposition.
Va te rafraîchir un peu, et mettre une touche de rouge sur tes lèvres.

C'était la première fois que je la voyais aussi stressée, je me demandais qui étaient ces fameux clients. Je m'exécutais donc et attendis qu'ils arrivent.

- Va dans le petit salon, ils sont là, et sois prête à les servir.

Quatre personnes entrèrent sans que je n'ai le temps de les voir, j'entendis de chaleureuses salutations et je ne comprenais pas pourquoi Lou stressait autant alors qu'elle semblait très appréciée par les clients. Ils arrivèrent dans la petit salon et s'installèrent.

- Qui est-ce? lança une des femmes.

Elles étaient deux, blondes, les yeux bleus, d'une beauté froide et elles m'observaient avec curiosité, alors que les deux hommes qui les accompagnaient s'installèrent sur un canapé.

- Oh c'est ma filleule Ambre, elle travaille avec moi cet été.

- Quel âge a t-elle? demanda l'autre femme.

- Elle a tout juste 18ans, elle vient d'avoir son bac.

Elle s'approcha de moi et m'observa de la tête au pied avant de me sourire:

- Magnifique, lâcha t-elle. Servez-moi un peu de champagne, il n'est jamais trop tôt pour un Dom Perignon.

Elle s'installa et je la servis et me retenant de lever les yeux au ciel. J'en proposais aux autres avant de leur offrir des petits fours et je retournai près de la porte, attendant les ordres de Lou, comme un brave petit soldat.

- J'ai préparé une sélection de nos dernières nouveautés, elles n'ont pas encore été mises en vente, précisa Lou. Ambre, apporte les portants s'il te plait.

Je sortis rapidement alors qu'un des hommes me suivait du regard. Les portants contenaient des vêtements qui valaient des centaines de milliers d'euros, quand on savait que le coût de fabrication était dérisoire par rapport au prix de vente... Le luxe était vraiment un monde à part et écoeurant. Je déposai les deux portants à côté de Lou et elle me congédia lorsque l'une des clientes lui demanda.

Super, mon père aspirait à faire de moi une riche financière et il s'avérait que j'étais juste le larbin de ceux qui l'étaient déjà.

- Bonjour Ambre.

Je sursautai lorsque j'entendis cette voix sortit de nul part et me retournai. L'homme qui se tenait en face de moi était blond et devait avoir quarante ans au moins, il avait un léger accent que je n'arrivais pas à définir et il me regardait, avec insistance.

- Vous avez besoin de quelque chose? demandai-je.

Il dégageait quelque chose qui me mettait tellement mal à l'aise que je n'arrivai pas à soutenir son regard.

- Montrez-moi les costumes, dit-il.

- Oh, je vais appeler Lou, elle sera plus à même de vous aider...

- Non, coupa t-il. Lou est occupée.

Cette dernière sortit à cet instant et je la regardai en lui demandant silencieusement quoi faire.

- Accompagne donc Mr Simon, me dit-elle en lui souriant.

J'avançais jusqu'au rayon homme, Mr Simon sur les talons.

- Alors comme ça vous venez d'avoir votre bac? Quelle spécialité?

Je n'étais pas du tout à l'aise, et je maudissais Lou de m'avoir dit d'accompagner cet homme.

- Scientifique.

- Vous avez eu une mention?

- Très bien.

- Excellent, vos parents doivent être fiers de vous, dit-il. Que faites-vous l'année prochaine?

- J'entre en prépa HEC.

Nous arrivâmes au rayon des costumes.

- À quoi aspirez-vous?

Je le regardai furtivement avant de baisser les yeux de nouveau en haussant les épaules sans répondre.

- Aidez-moi à choisir un costume, j'ai un évènement dans quelques jours et je cherche quelque chose qui pourrait plaire à la jeunesse parisienne.

- Vous devriez demander à une de vos amies de vous aider, je ne...

- Je suis le client Ambre et le client est roi n'est-ce pas? Alors choisis une tenue dans laquelle tu me verrais bien, dit-il d'un ton pressant.

Je n'aimais pas du tout, ni son ton, ni son regard, ni son attitude et lorsqu'il s'approcha de moi je reculai au point de buter contre une étagère et d'en faire tomber son contenu.

- Tout va bien?

Je me redressai et ramassai les chaussures que je venais de faire tomber, tremblante.

- Tout va très bien, répondit Mr Simon.

- Elena te demande.

Le ton était sec et autoritaire et Mr Simon s'en alla sans protester.

- Vous allez bien?

Je rangeai la dernière paire de chaussures et me retournai vers l'homme qui venait de me sauver la mise.

- Oui tout va bien.

- Vous êtes sure? Vous êtes toute pâle, il vous a effrayé? Il n'est pas mauvais, c'est juste un dragueur invétéré et il peut être très lourd.

Je ne répondis pas, me rendant compte du ridicule de la situation. J'étais effrayée parce qu'un homme qui me mettait mal à l'aise s'était approché de moi? Pathétique...

- Ambre? C'est bien votre prénom? Asseyez-vous un instant, vous êtes toute chamboulée, je vous apporte un verre d'eau.

Pour la première fois depuis qu'il était arrivé, je le regardai dans les yeux. Bleu, perçant, son regard reflétait le pouvoir, l'intelligence et la supériorité, il dégageait tellement de charisme et de prestance, il avait quelque chose d'attractif. Ses cheveux étaient bruns, impeccablement coiffés et il portait un costume bleu marine, la cravate légèrement desserrée.

- Non non ça ira, dis-je rapidement en réalisant ce qu'il venait de me proposer.

- Je m'appelle Adrian, Adrian Petrov.

Il me tendit la main en souriant, et son sourire avait tout. Il était rassurant, il donnait l'impression que la personne à qui il souriait était importante et il était doux.

- Comment vous dites déjà? Vous m'avez mis un vent Ambre, dit-il en riant légèrement.

- Excusez-moi, Ambre, Ambre Casari, répondis-je en lui serrant la main.

- Italienne?

- Oui mon père l'est.

- Vous avez déjà été en Italie? C'est un pays magnifique...

- Oui plusieurs fois, excusez moi je ne voudrais pas vous retenir, vos amis vous attendent surement.

Il sourit de nouveau et son regard brilla.

-On pourrait peut être se tutoyer? Ma nièce à votre âge et j'ai l'impression de prendre un coup de vieux!

- Je ne pense pas que Lou apprecie.

- C'est vrai vous êtes sur votre lieu de travail, excusez-moi je ne voulais pas être grossier.

- Non, il n'y a pas de mal.

- Très bien, je vais retourner voir mes amis. À bientôt Ambre, on se reverra peut être..., ajouta t-il.

Je ne répondis rien, son regard m'en empêchait, et je me rendis compte de mon attitude. C'était un homme, moi je sortais tout juste de l'adolescence, il devait penser que j'étais folle et il en rirait surement plus tard. Des tas de filles devaient minauder devant lui vu son charisme et sa beauté.

Mais j'avais tort, Adrian Petrov était entré dans ma vie à ce moment là, fascinant, intriguant, imposant et mes yeux ébahis n'allaient rien voir venir...

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