Quand on ne sait pas qui on est, n'importe qui peut nous façonner
Bonsoir à tous,
Près d'un an que je n'ai pas écrit ici, c'est fou comme le temps passe vite, et je réalise aussi que ma guérison a stagné tout comme mon écriture...
Peut être que poursuivre fera bouger les choses....
Parfois on se complait dans une situation parce qu'elle ne nous fait ni du mal ni du bien, on garde la face on se donne à fond pour réussir professionnellement, parce que c'est la seule chose qu'on est capable de maîtriser. C'est exactement ça, je peux maîtriser mes résultats mais pas ma vie et ce que je ressens.
Je reçois tellement de message privé me demandant si je vais bien, les suites de mes histoires etc... Je suis tellement confuse et désolée, j'essaye d'écrire au maximum, et je vous assure que je vais terminer mes fictions.
J'espère que vous vous portez tous bien et que vos proches également. Je suis bloquée à l'autre bout du monde loin des gens que j'aime, je souhaite de tout coeur que les choses reviennent à la normale pour tous, prenez soin de vous.
Eva.
**************
Je ne sais même plus comment les choses sont revenues à la normale après les premiers coups d'Adrian, ce dont je me souviens c'est que j'ai été tellement choquée, que c'était comme si mon esprit avait décidé d'occulter son geste. Pourquoi? Peut être parce que j'avais désespérément envie de le garder près de moi, j'en avais surtout besoin.
Les jours qui avaient suivis, j'étais dans un état second, Adrian me répétait pendant des heures qu'il m'aimait, qu'il était désolé, qu'il ne savait pas ce qui lui avait pris. Je ne répondais même pas, je me laissais couler dans cette léthargie, je n'allais plus en cours, de toute façon c'était hors de question que je sorte avec ces marques sur mon visage. J'avais éteint mon téléphone depuis plus d'une semaine et je savais que mes proches s'inquiétaient surement.
- Ambre? Je t'ai préparé une surprise ma chérie, est-ce que tu veux bien te préparer? Ça te ferait du bien de sortir un peu...
Adrian était devenu la prévenance même, ce jour là, il m'avait porté avec délicatesse jusqu'à la salle de bain.
- Je vais te retirer tes vêtements si tu es d'accord?
Je n'avais rien dit, et il m'avait déshabillé en prenant soin de ne faire aucun geste brusque. Je savais qu'il faisait attention parce que par moment, dés que sa main approchait, je sursautais. Il avait fait couler l'eau de la douche et s'était attelé à me laver, comme une enfant. Il m'avait lavé les cheveux et appliqué un gommage sur tout le corps avant de m'envelopper dans une serviette moelleuse. Je m'étais laissée faire, je l'avais laissé me masser avec une huile, me sécher les cheveux et me faire un chignon bas. Il avait choisi mes vêtements, il m'avait habillé et je n'avais rien dit, rien du tout.
- Tu devrais allumer ton téléphone, ta famille et tes amis sont certainement très inquiets.
Et il était parti se préparer à son tour, j'avais allumé mon téléphone et j'avais attendu qu'il arrête de sonner avec toutes les notifications. J'avais reçu des appels de mon père, mes frères, Eli, Lucas, ma marraine Lou, Samira et d'autres amis, mais aucun appel de ma mère, ni un message. J'ai envoyé un message général disant que j'allais bien et que j'avais été malade ces derniers jours et mon père m'avait appelé tout de suite.
- Ambre! Mais où est-ce que tu étais passée bon sang!
- Papa... Je suis désolée, ça va.
- Qu'est-ce qu'il se passe? avait-il demandé plus doucement. J'étais fou d'inquiétude, tu as loupé beaucoup de cours, personne n'avait de tes nouvelles, tu ne peux pas disparaître comme ça pendant des jours et des jours...
- Je sais, j'avais une grosse grippe, j'ai dormi la plupart du temps, je suis désolée.
- Eli m'a dit que la dernière fois qu'elle t'avait vu vous étiez sorties et tu es rentrée avec Adrian. Tu es sure que tout va bien? Où es-tu? Viens à la maison s'il te plait, ta chambre est prête, Mathilde sera très heureuse de t'avoir avec nous.
- Non papa ça va merci, je vais mieux, j'ai juste été malade je me remets doucement.
- Tu es chez lui?
- Oui.
- Écoutes, il faut qu'on ait une discussion avec ta mère, vous ne pouvez pas continuer comme ça, vous...
- Papa, elle a fait changer les serrures de la maison, ça veut tout dire. S'il te plait, je suis épuisée, je ne veux pas en parler.
- Tu peux aller chez Lou alors, tu le connais à peine, tu vas avoir dix neuf ans tu ne peux pas t'installer avec lui, c'est trop tôt.
- Je vais raccrocher papa, je vais bien je retourne en cours dés lundi ne t'inquiète pas...
- Ma chérie, tu sais que je t'aime? Je suis inquiet pour toi, tu peux prendre un studio si tu veux, je peux t'en trouver un sympa, près de ton école, tu es d'accord?
Mon père qui refusait quelques mois plus tôt de me financer mes études, me proposait de me payer un studio sur Paris... C'était sa façon à lui de me montrer qu'il était inquiet, qu'il voulait m'aider. Cette main tendue, je ne l'avais pas vu comme telle, non, je pensais qu'il voulait pouvoir contrôler tout ce que je faisais comme c'était le cas avant.
- Je n'ai besoin de rien papa, je t'assure, je vais me prendre en charge comme tu as toujours voulu que je le fasse. Je dois te laisser...
- Attends, on peut quand même se voir pour dîner? Mardi soir ça te va?
- D'accord papa, je te confirme ça lundi.
- Très bien, je t'aime Ambre.
Deux fois je t'aime en quelques minutes? C'était exceptionnel, est-ce que les signes de ma détresse étaient déjà si visibles à cette période? J'avais répondu à mes frères et à Lucas également avant qu'Adrian ne revienne.
- On peut y aller? Si tu en as toujours envie...
J'avais accepté, je l'avais laissé me prendre la main et m'emmener dîner au deuxième étage de la Tour Eiffel, sa conduite avait été prudente, il savait que la vitesse me faisait peur et le voir se plier en quatre pour moi aidait énormément mon esprit à oublier son geste.
- Tu n'aimes pas?
Je l'avais regardé et voir son regard rempli d'appréhension avait fait taire tous mes questionnements.
- Si c'est délicieux Adrian.
Il avait hoché la tête et penché cette dernière sur le côté, c'était un tic chez lui, lorsque quelque chose le tracassait.
- Tu veux discuter de ce qu'il s'est passé? avais-je alors lancé.
- Je suis terriblement désolé, je t'aime Ambre, jamais je n'ai voulu te faire de mal, te blesser à ce point...
- Pourtant tu l'as fais Adrian.
- Je... J'ai très mal réagi, ça ne se reproduira pas, je te le promets. Je ne suis pas comme lui, je ne suis pas comme mon père.
C'est cet instant précis qu'il a choisi pour laisser ses yeux se remplir de larmes. Des larmes qui n'avaient jamais coulés mais qui avait fait ressortir chez moi ce qu'il appelait le syndrome du sauveur.
- Tu n'es pas ton père, tu as dérapé...
- Lorsque je t'ai vu ivre, je ne sais pas ce qu'il s'est passé dans mon esprit, c'était comme s'il était présent et que je ne pouvais rien contre lui. C'est comme lorsque je bois jusqu'à atteindre cette ivresse, je ne sais pas ce que je cherche, c'est comme si je voulais comprendre ce qui le traversait lorsqu'il me frappait. Mais je t'ai blessé toi Ambre, je t'ai blessé et ça je ne me le pardonnerai jamais. Je peux supporter de me faire du mal, mais pas à toi...
Il avait débité ses mots sans me regarder un seul instant, en fixant un point derrière moi et son teint était devenu livide. Est-ce que c'était à ce moment là que j'avais tout oublié? Est-ce que ça avait été aussi simple que ça? Etais-je si aveugle et naïve? J'avais pris sa main.
- Adrian, tu n'es pas lui, ne te mets pas ça en tête, je ne pense pas que tu sois comme lui, mais promets moi que tu ne recommenceras pas, promets le moi.
Il avait hoché la tête en me regardant droit dans les yeux, il m'avait promis et son regard n'était que sincérité et amour. C'était ça, il m'aimait tellement qu'il avait dérapé, ça arrivait et il le regrettait. Nous avions poursuivi le dîner et j'étais un peu plus loquace que les derniers jours, je lui accordais de l'attention et son regard brillait comme un enfant. Est-ce que j'avais trouvé satisfaction dans son attitude? Certainement, c'était peut être la seule façon pour moi de sentir que j'étais quelqu'un, que je ne servais pas à rien, j'avais absolument besoin d'être utile pour quelqu'un. Avant c'était maman, puis Adrian, en réalité nous nous complétions, j'avais besoin de lui parce qu'il me permettait de me sentir utile et il avait besoin de moi pour satisfaire l'idée qu'il n'était pas comme son père? Qu'il pouvait aimer sans contrepartie? Je ne savais même pas pourquoi il avait eu besoin de moi, mais c'était nécessaire que je lui pardonne, alors je l'avais pardonné.
Et nous nous étions retrouvés, nos corps s'étaient de nouveaux mêlés et la tendresse qu'il m'avait témoigné me faisait me sentir si importante, si aimée, si vivante. Les marques des coups avaient disparu alors eux aussi pouvaient être oubliés, parce que l'amour que nous avions l'un pour l'autre en valait la peine.
Le mardi j'avais retrouvé mon père dans notre restaurant habituel pour dîner. J'avais l'impression de ne pas l'avoir vu depuis une éternité et ce jour là il m'avait pris dans ses bras durant de longues secondes. Ce n'était pas normal, je me souviens avoir senti les battements de mon coeur s'accélérer, j'avais peur qu'il m'annonce une mauvaise nouvelle tant son affection n'était plus qu'un lointain souvenir pour moi.
- Je suis ravi que tu sois venue Ambre, j'ai l'impression que tu es devenue une étrangère à notre famille.
- Maman a pris sa décision, et puis c'est mieux comme ça.
- Tu manques à tes frères tu sais? On a programmé un petit séjour chez ton oncle à Palerme, ça fait un moment qu'on n'a pas fait le voyage, juste nous et les garçons.
- Ta petite amie ne sera pas là?
- Non, juste nous, qu'en dis-tu?
- On verra...
Il n'avait rien dit et nous avions mangé en silence pendant quelques minutes avant qu'il ne reprenne.
- Comment ça va avec Adrian?
- Ça va.
- Il ne doit pas être souvent là...
- Qu'est-ce que tu veux savoir papa? Tu m'as toujours dis qu'il fallait allait droit au but et puis toutes ses précautions ne te ressemblent pas.
- Je veux juste que tu sois heureuse Ambre et que tu ne perdes pas de vue tes objectifs.
- Tes objectifs tu veux dire, ce sont tes ambitions que je dois assurer, pas les miennes. Moi je ne sais pas vraiment ce que je veux papa.
- Il faut que tu le saches, ce sont mes ambitions mais tu as toujours voulu faire ça Ambre, je ne t'ai pas forcé, je t'ai poussé. Mais je vais te donner un conseil, qui te servira toute ta vie. Je sais que je t'ai déçu, que je t'ai blessé en me séparant de ta mère. Je t'ai laissé prendre une place qui n'était pas la tienne, on l'a tous fait. Je crois que c'est ce qui t'a rendu si vulnérable et forte à la fois, tu as tellement pris soin de nous, je sais que tu aurais voulu me hurler dessus, me dire tout ce que tu avais sur le coeur, comme cette fois au restaurant, où tu as clairement dépassé les limites. Mais c'était la première fois que tu me disais vraiment ce que tu pensais, tu ne veux heurter personne, tu as toujours eu ce coeur énorme, et j'avais tellement peur lorsque tu étais petite, je me disais que n'importe qui pourrait te faire du mal. Je crois que tu ne sais pas qui tu es, tu ne sais pas parce qu'au moment où on est censé se poser toutes ces questions, à l'adolescence, tu avais autre chose à gérer.
Il s'était arrêté et m'avait pris la main.
- Il faut que tu apprennes à te connaître, et vivre avec un homme de cette stature n'est pas la meilleure option. Je ne te dis pas de ne plus le fréquenter, tu es intelligente et majeure, je suis inquiet mais tu as l'air de l'aimer, je serai là pour toi si tu as besoin, et s'il te fait du mal il aura affaire à moi. Mais ma chérie, il faut que tu apprennes à te connaître, ce que tu aimes vraiment, toi et pas un autre, ce que tu veux faire à court et moyen terme, quel pays tu veux visiter, qu'est-ce qui te fait rêver, quel genre de vie tu veux? C'est essentiel et vital, parce que quand on ne sait pas qui on est, n'importe qui peut nous façonner...
Quand on ne sait pas qui on est, n'importe qui peut nous façonner, cette phrase de mon père était gravé dans mon esprit, et aujourd'hui je réalise que c'est la chose la plus vraie qu'il m'ait dite de toute ma vie. Je ne savais pas qui j'étais mais Adrian avait fait de moi sa marionnette.
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