Mais oui mais oui, l'école est finie...

Bonjour,
Je m'excuse d'avance pour la forme, je n'ai pas lu beaucoup d'autobiographie alors je raconte tout ça un peu comme je le sens. 

                            *******

Je ne savais pas pourquoi je stressais autant pour les résultats du bac, je savais que j'allais l'avoir, je visais surtout la mention. Papa serait fier de moi, et je pourrai suivre ses traces, prépa, école de commerce, stage à l'étranger et prendre un poste assez prestigieux pour qu'il puisse me mettre la pression, il disait que c'était la meilleure façon d'apprendre.

Qu'est-ce qui me poussait à vouloir à tout prix le rendre fier alors qu'il avait détruit notre vie de famille? Surement le fait que j'étais une fille à papa, et qu'il était mon modèle depuis toute petite. Je me souvenais les nombreuses fois où il m'avait emmené au bureau, il disait vouloir que je baigne dans le milieu de la finance pour comprendre l'ambiance et prendre de l'avance.

Et puis le démon de midi ou la crise de la quarantaine l'avait frappé. Démon correspondait plus à ce phénomène qui avait, touché mon père à l'aube de ses cinquante ans, détruit ma mère et sa confiance en elle au passage et laissé, mes deux frères et moi, livrés à nous même pendant un certain temps.

Raphaël, Matthieu et moi même avions très mal vécu cette période. J'avais quinze ans, Raph dix sept et Matt vingt, étudiant en médecine il avait presque loupé son année, ayant décidé qu'en tant qu'aîné, il devait s'occuper de nous et de maman. Raphaël lui avait carrément explosé, il avait décidé de faire vivre un enfer à mes parents, vol, casse, bagarre, il fumait et buvait tant qu'un matin papa l'avait emmené de force dans un centre de désintoxication et l'y avait laissé pendant plusieurs mois. Quant à moi, voyant à quel point c'était le chaos, j'avais juste tout gardé pour moi et je me concentrais sur les cours, essayant de me faire la plus discrète possible.

Maman avait pris un congé sabbatique et passait son temps à pleurer au début, puis elle avait fait une dépression sévère. À quinze ans, j'avais cruellement besoin d'elle, mais je ne voulais pas et je ne pouvais pas l'affliger. Alors la fille pleine de joie de vivre, fraîche, pétillante que j'étais, avait revêtu un masque froid, neutre, qui se voulait confiant mais qui ne l'était pas du tout.

Pourtant lorsque je pensais à notre vie avant le divorce de mes parents, je ne pouvais m'empêcher de sourire.

Nous vivions dans une maison à Boulogne, papa était dans la finance et maman décoratrice. Mon enfance était remplie d'amour, de fous rires, de soirées à thèmes, de fête de famille, de danse et de joie. Ma seule préoccupation était d'avoir les meilleures notes possible, et de monter Isahia, mon cheval, au moins deux fois par semaine. J'avais mes amis, Élisabeth et Lucas pour les plus proches et j'avais une vie d'ado privilégiée de la riche banlieue parisienne.

Tout ça me paraissait tellement loin, maman allait mieux, Raphaël était revenu à la maison et Matt commençait son internat.

J'attendais donc avec mes amis, devant les portes du lycée, que ces dernières s'ouvrent pour les résultats du bac.

- Encore deux minutes et ce sera bon, lança Lucas.

- Arrêtez de faire comme si vous n'alliez pas l'avoir et priez pour moi! pesta Eli. Vous êtes chiants avec vos angoisses de bourges! Mon Dieu si j'ai pas la mention, papa me laissera pas aller aux Maldives avec les gars je devrais me contenter d'aller à Saint Barth', ajouta t-elle sur un ton théâtral.

Elisabeth avait un sacré franc parlé. Je ne l'appréciais pas du tout au début, elle ne cessait de dire ce que personne ne voulait entendre et elle y prenait du plaisir. Elle était arrivée au lycée avec tellement d'appréhension qu'elle avait décidé d'attaquer la première pensant qu'elle se ferait manger toute crue par « les bourges » que nous étions. Lucas avait été le premier à se rapprocher d'elle, puis au fil du temps, nous étions moins hostiles l'une envers l'autre et j'avais découvert une grande gueule au cœur énorme.

- Ferme là, t'as rien foutu de l'année! Ça y est ils ouvrent, viens Ambre! s'exclama mon ami en me tirant par la main.

J'attrapais celle d'Eli au passage et alors qu'ils hurlaient de joie, je cherchais mon nom dans la liste en vain. J'avais juste eu un instant d'angoisse avant de respirer, soulagée d'avoir obtenu mon bac s mention très bien, papa serait fier de moi même si ça faisait deux mois que je ne l'avais pas vu. Il m'avait juste envoyé un sms avant les épreuves en me disant qu'il comptait sur moi.

- Allez on va fêter ça, Victoire donne une soirée! Son frère ne sera pas là, ajouta Eli à mon encontre.

Victoire était la sœur de Noah, mon ex petit ami. Nous avions vécu une histoire d'amour intense qui avait duré deux ans et qui s'était plutôt mal terminée. Mon téléphone sonna à ce moment et je décrochai rapidement lorsque je vis que c'était mon père.

- Ambre, alors dis moi? dit-il sans même me saluer.

- Bonjour papa, j'ai eu la mention très bien.

- Ça je le sais, est-ce que tu as tes notes? Récupère ton relevé et retrouve moi pour le déjeuner, j'ai à te parler.

Il raccrocha sans me laisser le temps de répondre. Je récupérai donc mon relevé de note et jetai un œil à ma moyenne, 18.15 avec les félicitations du jury. C'était donc toute excitée que je retrouvais mon père.

- Salut papa, dis-je en l'embrassant sur la joue.

Il me sourit tendrement juste une seconde puis tendit la main pour que je lui donne mon relevé.

- Carole nous a commandé japonais, commença t-il en regardant toutes mes notes. 18.15? Matt a fait mieux, lança t-il en posant la feuille sur le bureau.

Matt était surdoué, il avait obtenu son bac à quinze ans avec un moyenne de 19,75 et commençait son internat en neurologie avec deux années d'avance.

- Je sais papa, dis-je.

- Peu importe, la prépa va être intense Ambre, personne ne te fera de cadeaux, reprit-il. Il va falloir que tu redoubles d'efforts, et que tu ne comptes que sur toi même. Tu sais combien coûtent les études de commerce? Prés de cinquante mille euros pour la scolarité complète, et je ne compte pas tout te financer.

Je le regardai incrédule.

- Tu payes les études de Matt et de Raph mais moi tu...

- Tu es une femme qui s'apprête à entrer dans un monde sans pitié. Il va falloir que tu t'endurcisses! Je t'ai trouvé un emploi pour l'été, organise toi, tu commences lundi.

- Quoi? m'exclamai-je. Ça fait des mois qu'avec maman on prépare nos vacances papa!

- Tu iras quand tu seras capable de t'en payer toi même! Je t'ai trouvé un poste chez Lou, vu le métier que tu vises, vendre des vêtements de luxe ne devrait pas te poser problème. Tu as bien profité de ta scolarité Ambre, on a dépensé une fortune pour tes loisirs mais maintenant c'est terminé. Tu passes aux choses sérieuses, tu dois apprendre à tout faire par toi même, personne ne te fera de cadeaux! L'école et finie, bienvenue dans la vraie vie, tu es attendue pour 8h précise, maintenant déjeunons avant que ça ne refroidisse.

Je le regardai, bouche bée, venait-il réellement de me dire toutes ces choses? Il mangeait ses sushis avec appétit alors que ses mots venaient de couper le mien. Est-ce que maman était d'accord? Elle m'avait dit qu'elle était désolée de ne pas avoir été là pour moi et qu'un voyage rien que toutes les deux nous ferait le plus grand bien, j'étais si excitée à cette idée.

- En fait, je t'ai acheté un petit quelque chose pour ton bac, tiens! dit-il en sortant un paquet de je ne sais où.

Je ne bougeai pas, impossible de réagir tant j'étais encore sous le choc. Il me regarda et je crus voir passer un voile d'inquiétude dans ses yeux.

- Ta mère est d'accord, nous en avons discuté, précisa t-il. Ce n'est pas une punition ma puce, je te rends service, je te prépare à l'avenir et ça c'est mon rôle de père.

- Non, ton rôle de père tu l'as oublié lorsque tu as brisé maman et notre famille! Ton rôle de père, c'est de prendre des nouvelles de tes enfants, les voir, t'occuper de tes fils! Ton rôle de père, lorsque le rideau se baisse n'existe plus papa! Tu peux garder ton cadeau, je n'en veux pas!

Je le vis tressaillir, il n'avait pas le droit de faire ça! Comment maman avait pu l'accepter? Nous étions censées faire un road trip au Royaume Uni et en Irlande pendant cinq semaines et elle avait juste annulé notre projet comme ça? Sans m'en parler?

- Ne dis pas que j'ai failli à mon rôle de père Ambre! Tu as reçu de l'affection, de l'amour, tu as un toit, de quoi te nourrir et te vêtir! Tu as un cheval, on t'a payé ton permis de conduire, offert une voiture, tu es partie à chaque vacances scolaires depuis ta plus tendre enfance, tu es privilégiée et tu ne manques de rien! Alors tu peux me dire que je t'ai déçu, que j'ai fais une erreur qui a eu des conséquences horribles sur notre famille, mais ne me dis pas que je n'ai pas tenu mon rôle de père! Ta réaction est capricieuse, tu as été habituée à tout avoir et quand on te refuse quelque chose, tu cries au scandale? hurla t-il. J'ai travaillé comme un forcené pour arriver là où j'en suis et je l'ai fais pour vous! J'ai permis à ta mère de réaliser son rêve, vous avez reçu la meilleure éducation qu'on puisse avoir alors cesse tes enfantillages et donne toi les moyens de réussir!

- Tu...

- Non! Là où j'ai failli, c'est que j'aurais du faire de toi un homme dés ton enfance, parce que telle que tu es, on va t'écraser ma fille et ce sera ma défaite pas la tienne, termina t-il.

Nous nous regardâmes en chiens de faïence et je finis par me lever et quitter son bureau, chamboulée. Je rentrais donc à la maison me demandant si tout ceci était réel.

- Ma chérie, je suis désolée..., commença maman. Attends, tu...

Je l'ignorai complètement et montai dans ma chambre en prenant soin de claquer la porte aussi fort que possible. Dire que j'attendais ce voyage avec impatience... Je rêvais de voir les Highlands et maman m'avait tellement parlé de ses deux années en Écosse que je voulais le voir de mes propres yeux. La porte de ma chambre s'ouvrit et Eli entra.

- Qu'est-ce qu'il t'arrive? demanda t-elle en s'affalant sur mon lit.

- Mon père a décidé que j'allais travailler tout l'été.

- Cool? Tu peux pas lui demander s'il y a une place pour moi? Allez s'il te plait, j'aurais bien besoin d'argent pour me faire un petit séjour à...

- Cool? la coupai-je. Il a décidé que je n'irai pas en vacances avec ma mère sous prétexte que j'allais entrer en prépa, qu'on me ferait pas de cadeaux et qu'il fallait que je m'endurcisse parce que j'allais entrer dans un monde sans pitié! Il paye les études de mes frères, mais moi je dois participer aux miennes! Sois disant parce qu'il faut qu'il fasse de moi un homme!

Elle se redressa et me regarda comme si j'étais folle.

- Attends tu crises parce que tu ne pars plus en vacances?

- Ils ont fait ça sans m'en parler Eli!

- Non mais je rêve, tu t'entends Ambre? Alors ok, ils auraient dû t'en parler, ok c'est un peu rude de te traiter différemment de tes frères, en même temps Matt en médecine il aurait pas pu bosser à côté. Mais je comprends ton père, la finance est un monde sans pitié et tu es une douceur, un bonbon. Tu es la fille qui a gardé toute sa souffrance lors du divorce de ses parents pour ne pas contrarier sa mère, tu es celle qui paye un déjeuner à Thomas tous les jours parce que tu sais que sa famille galère grave, tu es trop gentille Ambre. Le seul tort de ton père, c'est qu'il aurait peut être dû s'y prendre plus tôt, là c'est un peu brutal...

- Tu lui donnes raison? Et je ne suis pas trop gentille, je sais mettre des limites!

- Mais bien sur, après avoir atteint les tiennes, tu poses des limites et t'auras pas le loisir d'en arriver là dans ton futur métier, quelqu'un aura déjà pris ta place. Je sais que tu voulais faire ce voyage avec ta mère, et qu'il était important pour votre relation, je comprends. Mais sérieusement, réfléchis juste une minute, tu ne penses pas que ça te fera du bien de te confronter au monde du travail? D'ailleurs où est-ce que tu vas bosser?

Alors quoi, sous prétexte que j'étais un peu trop gentille, l'attitude de mon père était justifiée? Ma réaction était vraiment celle d'une fille capricieuse qui n'avait plus ce qu'elle voulait? Je ne voulais pas décevoir mon père, j'avais travaillé toute l'année pour avoir ces résultats et il ne m'avait même pas félicité. Mais là c'était rude, et brutal.

- Tu peux toujours le reporter ton voyage avec ta mère non?

- Non! m'énervai-je.

- Oh la la, c'est bon désolée. Bon on devrait se préparer pour la soirée, si c'est ton dernier weekend de débauche, autant en profiter!

- Je suis censée accepter sans rien dire? J'ai pas le droit d'être en colère?

- Tu as tous les droits, tu es majeure, et tu peux aussi ne pas aller bosser, mais est-ce que ça en vaut la peine? Ton père est capable de te couper les vivres juste pour t'apprendre et tu le sais. Alors dis-moi où est-ce que tu vas bosser?

Je savais au fond qu'elle avait raison, et surtout que papa était capable de réagir de la sorte, mais il me demandait de devenir une adulte alors qu'il me traitait comme une enfant en m'imposant tout ça.

- Chez Lou, soufflai-je.

- Quoi? hurla t-elle. Lou la responsable de...

- Oui, c'est bon Eli, arrête de hurler.

- Super tu vas rencontrer que des riches, même des stars et puis t'es blasée... Tu pourras avoir des bons plans? J'ai toujours voulu avoir des vêtements de luxe.

Oui mon amie aimait tout ce qui brillait, moi je me fichais complètement de tout ça, j'aimais les belles choses certes mais pas au point de mon amie.

- Montre à ton père que tu es capable de tout, prouve lui que tu es adulte parce que tu l'es!

- Je n'ai aucune expérience Eli, tu crois quoi? Je vais surement me retrouver à ranger les vêtements...

- Tu verras bien, de toute façon cette discussion est inutile, on sait toutes les deux que jamais tu ne décevras ton père, alors profitons de notre dernier weekend pour s'amuser, se saouler et danser jusqu'au bout de la nuit.

Élisabeth avait raison, j'étais incapable de décevoir mon père, mais si j'avais su je l'aurais fais, oui je l'aurais fais sans hésiter.

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