« Donne le doigt au diable et il voudra toute la main »

Bonjour,
J'ai mis du temps à écrire la suite, j'ai eu pas mal de mauvaises surprises ces derniers jours, dont celle de retrouver Adrian sur mon dernier lieu de stage... C'est presque ironique, même en allant à l'autre bout du monde, le mauvais karma me suit... Je suis assez fière de ma réaction, qui a été l'ignorance totale, du moins en apparence, même si j'ai passé des nuits catastrophiques après, à me demander si j'allais céder s'il tentait quoi que ce soit, mais non, il n'a rien tenté. Je sais qu'il ne peut rien, qu'étant donné que nous avons signé un accord et qu'il n'est pas censé essayer de me contacter, mais j'ai compris avec lui que dans ce monde, l'argent régissait tout.

Alors forcément je n'ai pas cédé, et je me suis retrouvée à devoir changer le cours de ma vie en quelques jours juste parce que j'ai croisé sa route. C'est quelque chose qui risque d'arriver étant donné son domaine, qui devient le mien de jours en jours. J'en suis même venue à me demander si je devais changer de voie, changer de pays, changer de vie, et puis je me suis dis que non. Si je rentre de nouveau dans un engrenage pareil, je n'en sortirai plus et tous mes efforts auraient été vains.

Je me rends compte que j'ai passé un cap, qu'il n'a plus cette emprise qu'il a eu pendant tant de temps, même si je sais qu'il se doute de l'état dans lequel j'ai été et je suis encore. J'ai pu passer outre, et ça me rend un peu fière de moi, le chemin est encore long, mais je suis dessus, je n'ai plus aucun doute là dessus.

******************

Moscou était merveilleuse, majestueuse et mystérieuse. Adrian était si différent ici, je voyais qu'il se sentait chez lui, dans son élément, apaisé. J'avais l'impression qu'il n'était plus en colère contre moi, et j'en étais heureuse. Il avait raison et j'avais décidé de faire des efforts, de le faire passer en premier comme il le faisait pour moi, ses reproches me paraissant justifiés.

J'observais l'architecture pendant qu'Adrian discutait vivement au téléphone, j'étais comme une enfant, m'émerveillant devant tout ce que je voyais. J'avais voyagé pourtant, nous étions allés dans beaucoup de pays en famille, mais Moscou avait été un réel coup de cœur.

- Nous sommes arrivés, prépare toi, Irina nous invite chez elle, m'avait lancé Adrian avant de reprendre sa conversation.

Je l'avais suivis dans un appartement luxueux du vieil Arbat, quartier riche de Moscou. Il m'avait pris la main et entraîné derrière lui alors que quelqu'un s'occupait de nos bagages. L'immeuble était typique du quartier, qui, à quelques mètres à peine, regorgeait de vie et d'animation. Il s'était dirigé vers une pièce et m'avait fait signe de le suivre, toujours au téléphone. Après avoir ouvert une porte d'un dressing, il m'avait tendu une robe et m'avait montré la salle de bain d'un signe de tête.

Je m'étais exécutée, sous son regard et il m'avait arrêté en m'attrapant le poignet.

- Détache tes cheveux.

Il m'avait embrassé la main et était sorti de la chambre, qui était la sienne. J'avais l'impression que le message sous-jacent était qu'il voulait que je sois à la hauteur face à sa sœur. Je me souviens d'avoir fais en sorte de paraître plus vieille, j'avais forcé sur le maquillage, et peint ma bouche du rouge tentation de Chanel. Ma mère a toujours dit que c'était la couleur qui m'allait le mieux, nous avions passés tellement d'après midi mère fille avant le divorce, elle m'autorisait à me maquiller et me mettait du vernis, j'avais des albums pleins de photos de nous deux.

Une fois prête, j'ai mis la robe qu'il avait choisi, noire, toute en velours avec des empiècements en dentelle au niveau des bras et du buste, légèrement décolletée, elle était simple mais classe. Il avait aussi choisi la paire de chaussure pour aller avec, des sandales à talons prunes. Je m'étais demandée qui avait acheté toutes ces choses, le dressing étant plein à craquer et j'avais appris plus tard qu'il avait reçu l'aide de son amie Anouchka.

- Parfaite, avait-il dit en m'observant de la tête aux pieds.

Il avait opté pour un pull et un pantalon à pince et je m'étais sentie trop habillée sur le moment. Irina habitait le Kremlin à deux pas de la place Pouchkine et à une vingtaine de minutes de chez Adrian. J'avais demandé à ce qu'on s'arrête pour que je puisse prendre des fleurs et une bouteille de vin mais j'avais récolté un refus surprenant de sa part.

- C'est ma sœur et tu es avec moi, ce n'est pas nécessaire.

- Je ne peux pas arriver les mains vides Adrian, ça ne se fait pas.

- Qu'Est-ce que tu sous-entends?

Je me souviens de ma surprise à ce moment là, comment pouvait-il dire ça? Sa réaction était incompréhensible et son regard brillait d'une lueur de défi.

- Je dis juste que c'est la première fois que je rencontre ta sœur et je ne peux pas arriver les mains vides, c'est ce qu'on m'a appris, il n'y a aucun sous-entendus. Est-ce qu'on peut s'arrêter s'il te plait?

C'était lui qui conduisait, vite comme la plupart de moscovites mais il s'était finalement arrêté. Ça faisait parti des réactions que je ne comprenais pas et que je mettais sous le coup du poids qui pesait sur ses épaules.

Nous étions arrivés dans l'appartement aussi magnifique que l'était sa soeur. Lorsque la porte s'était ouverte une magnifique femme de vingt cinq ans m'avait souri. Brune, elle avait les yeux  bleus de son frère, des lèvres pulpeuses sur lesquelles mon regard n'avait pu s'empêcher de s'arrêter. Grande, mince, la taille marquée, elle avait tout d'un top model et elle portait une combishort en soie qui mettait en valeur ses jambes interminables. Irina m'avait tout de suite impressionnée, et le maquillage sur lequel j'avais forcé pour paraître plus mature ne m'avait servi à rien face à cette beauté fière et sure d'elle.

- Ambre, quel plaisir de te rencontrer enfin, avait-elle dit avec un accent et en me faisant la bise. J'adore cette habitude française, la bise.

Son français était aussi parfait que celui d'Adrian et la façon dont elle m'observa me rappela son frère.

- C'est pour moi? Merci beaucoup, ce n'est pas dans les habitudes de mon frère de m'apporter des fleurs, j'espère qu'il t'en offre?

J'avais souri et je m'étais laissé entraînée par la tornade Irina Petrova.

- Adrian, tu peux aller régler une affaire de signature au bureau? Je pourrai faire connaissance avec Ambre, pozhaluysta, l'avait-elle prié.

- Je passe mon temps à travailler Irina, ça attendra demain.

- Non, ça ne peut pas attendre, tu es le grand patron ça fait parti de tes obligations... Merci.

Son sourire était éclatant mais l'intimait d'obéir et j'avais été surprise de le voir soupirer et sortir après m'avoir embrassé sur la joue.

- Voilà, comment se débarrasser de mon frère en deux minutes. Allons nous installer dans la véranda et profiter d'un bon vin avant de passer à table.

Je l'avais suivi en courant presque, parce qu'elle m'avait pris la main et s'était laissée tomber sur un fauteuil immaculé après m'avoir installé juste à côté d'elle.

- Lorsque mon frère m'a dit qu'il avait rencontré quelqu'un, j'ai eu un choc. Tu l'as vu? Il a toujours eu du succès auprès des filles et il n'a jamais eu de relation sérieuse, mais toi... Toi, Ambre, tu as su gagner son coeur. C'est la première fois que je le vois amoureux, et c'est presque beau à voir.

Elle avait ri après avoir dit ça, et j'avais cru qu'elle se moquait de moi, aujourd'hui encore je ne savais pas si c'était le cas.

- Est-ce que tu l'aimes?

Son visage s'était transformé, il n'avait plus l'ombre d'un sourire, il était froid et menaçant et je m'étais renfoncée dans mon siège.

- Oui je l'aime.

- Tu es sure? Tu penses avoir les épaules pour supporter une relation avec un homme de sa stature?

Je n'avais pas répondu, c'était une question que je ne m'étais pas posée étant donné que je ne connaissais encore rien de son monde.

- C'est facile d'aimer Adrian, très facile tu n'es pas la seule à être amoureuse de lui, mais tu es jeune et tu me sembles d'une pureté et d'une naïveté saisissante.

Je n'étais pas la seule à aimer son frère?

- Tu sais, notre famille a bâti un empire, et nous en sommes les seuls héritiers, tu imagines donc les convoitises qu'il peut susciter? Ma meilleure amie a toujours été amoureuse de lui, elle a toujours l'espoir qu'il la choisisse.

Ces mots m'avaient sorti de ma timidité et de l'impression qu'elle me faisait.

- Peut être que d'autres femmes sont amoureuses de lui, mais pour le moment c'est moi qui suis avec lui et je lui fais confiance.

Elle avait bu d'une traite le verre de vin qu'elle s'était servie.

- Tu lui fais confiance? C'est une bonne chose, je sais qu'il te fait confiance aussi et je ne veux que son bonheur. Depuis qu'il est avec toi, c'est un autre homme et surtout il ne s'est pas effondré lorsque papa est mort et je sais que c'est grâce à toi.

Elle avait souri de nouveau, et j'y avais lu une sincérité réelle.

- Alors pour ça je te remercie Ambre, je te remercie et pour te la prouver, je vais t'apprendre un proverbe russe. Parce que tu es jeune, belle, tu es une enfant innocente et ton regard brille encore, ton regard magnifique... Je suis certaine que c'est ce qui l'a charmé.

La porte avait claqué à cet instant annonçant le retour précipité d'Adrian, vingt minutes à peine après son départ.

- " Donne le doigt au diable et il voudra toute la main", avait-elle murmuré avant de siroter son verre, un sourire aux lèvres. Tu as été rapide dis donc!

Adrian venait d'entrer dans la véranda et fusillait sa soeur du regard.

- Heureusement que j'ai eu le réflexe de vérifier mes mails... Tu aurais pu trouver une autre excuse pour te débarrasser de moi Ira, ne recommence pas, avait-il ajouté.

Irina avait ri, à gorge déployée et s'était levée pour servir le dîner.

- J'espère qu'elle ne t'a pas effrayée?

Ses mains étaient posées sur mes épaules, me massant délicatement et il avait déposé un baiser à la naissance de mon cou, me faisant frissonner.

- Non, elle est très sympa, avais-je menti.

Les mots d'Irina avait imprégné mon âme, mais je sais que je les avais occulté, j'avais refusé de les associer à Adrian alors que sa soeur venait de le faire. Elle avait raison pourtant, elle ne m'avait ni menti, ni cherché à me faire peur comme je m'étais convaincue, non, elle avait raison. J'avais donné le doigt au diable et il n'avait pas voulu toute ma main non, il avait tout pris, tout ce qui me définissait, tout ce qui me représentait, tout ce que j'étais.

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