Le sarcasme contre le génie
Mon combat (Tir Nam Beo) - Florent Mothe et Zaho
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Esme
C'est fou d'avoir autant de choses à faire seulement 2 semaines avant les fêtes ! Même seule, je dois préparer tant de choses. je ne supporte pas passer les fêtes de fin d'année sans le moindre esprit de Noël. Autant jouer le jeu, ne serait-ce qu'un peu.
Je suis déçue que Selene ne puisse pas venir le 25, mais en même temps... Je m'attendais à quoi. Elle a une famille, elle. D'ailleurs, ces pensées parasites sont de plus en plus présentes ces derniers temps. Toujours des noms d'inconnus, des soi-disant parents qui me demandent de faire des choses alors que les miens sont absents, des cybercafés partout dans mes pensées alors que j'en ai rien à faire. Je me suis même surpris à penser au vide. Le fait que les gens ne puissent pas me comprendre. Le fait que je ne sais soi-disant pas ce que je veux devenir.
Oof... Le monde est trop cruel. Qui peut penser ce genre de choses à une période aussi belle de l'année ? Je ne sais pas à quel jeu joue mon esprit mais il ferait mieux de se calmer au lieu de m'inventer une vie aussi triste. D'ailleurs pourquoi tout le monde a l'air ailleurs aujourd'hui ? J'espère qu'ils sont préoccupés par leur décoration plutôt que les tracas de leur vie !
Je descend enfin du métro et marche le long de l'avenue tapissée de neige pour aller en direction d'un café. Je dois vraiment me concentrer sur mes derniers devoirs avant les vacances. Je ne vais pas dans mon coffee shop habituel aujourd'hui. Etrange. Mais je voulais un peu de changement, sûrement avec cet esprit de fête. Quel rapport ? Je sais toujours pas, mais j'ai juste besoin de me trouver une raison à ce choix bizarre.
Je m'installe tranquillement à l'une des tables de libre qui a une vue vers l'extérieur. Je sors mon carnet de croquis, plusieurs feuilles pour rédiger et ma trousse. Enfin prête pour travailler. Ou plutôt faire semblant. J'ai encore pas envie...
Je commence à griffonner distraitement dans mon carnet, le regard attiré par les flocons qui dansent derrière la vitre.
Le café est animé, mais pas bruyant. Juste assez de murmures et de tintements de tasses pour que je me sente entourée sans être dérangée. Parfait. Je prends une gorgée du chocolat chaud que j'ai commandé - un peu trop sucré, mais je ne vais pas faire ma difficile.
Au même moment, je regarde d'un œil distrait les gens qui rentrent et partent du café. Une vieille femme et son mari, une femme d'une quarantaine d'année qui va vers les livres, un jeune étudiant qui vient travailler sur son ordinateur. Wow je suis fascinée par ceux qui trouvent l'envie et surtout le courage de travailler dans la période la plus festive de l'année. De mon côté je me donne juste un air mais j'avais juste envie de prendre l'air en réalité.
Ugh... Ce logiciel ne fait que des bugs depuis que je l'ai installé. Quel arnaque !
Hein ? Quoi encore ? Pourquoi je pense à ce truc ? J'ai même pas d'ordinateur devant moi ! Je tape sur la table avec une telle force que je sens que tout les yeux sont rivés sur moi. Je souffle en reportant mon attention vers l'extérieur comme si de rien n'était.
Je m'éloigne depuis des mois de tout ce qui est attrait aux nouveaux logiciels, et ce qui pourrait me faire penser à mon père ou à ma famille. Mais toutes ces pensées me ramènent vers eux. Je comprend même pas si c'est mes pensées ou non.
Ma vie a tellement changé depuis que j'ai quitté ma famille... Peut-être n'était-ce pas le meilleur choix ?
Je secoue ma tête dès que cette pensée m'effleure l'esprit. Je ne regrette rien.
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Amory
Ce café dégage une de ses mauvaises ondes. Il est calme pourtant. Mais je n'arrive pas à travailler. Encore plus maintenant que ce logiciel a encore planté. Il est récent pourtant je ne comprend pas. Le problème doit venir de plus loin.
Je sais pas ce qui m'a poussé à quitte le cybercafé ou même ma maison pour travailler dans ce café. Tout respire Noël, Elias serait heureux de découvrir l'endroit. Mais les gens sont étranges. Comme cette fille qui vient de frapper sur sa table. C'était si fort... J'ai senti sa frustration d'ici. Peut-être qu'elle n'arrive pas à travailler, elle aussi.
Ma vie a tellement changé depuis que j'ai quitté ma famille... Peut-être n'était-ce pas le meilleur choix ?
Quoi ? Encore ces pensées ? Pourquoi ça me rentre encore dans la tête ?! J'ai jamais quitté ma famille. Je ne les ai jamais laissé tomber. Pourquoi...
Je secoue la tête, frustré. C'est quoi ce délire ? Ça fait des mois que ces pensées étranges m'envahissent, et elles s'attaquent à ma famille. Non, ma famille va bien. Tout va bien.
Je détourne le regard pour essayer de me concentrer sur mon écran, mais mes yeux reviennent involontairement vers cette fille. Elle fixe la fenêtre, les sourcils froncés, comme si elle aussi se battait contre quelque chose d'invisible.
Je murmure, sans vraiment m'en rendre compte, presque pour moi-même :
-Pourquoi est-ce que tout le monde semble tellement en proie à des pensées merdiques en ce moment ?
Un silence glacé se fait soudainement. La fille me fixe, et ses yeux brillent d'un étonnement mal dissimulé.
-Quoi ? elle me lance, sans filtre, comme si j'étais un monstre qui venait de lui parler en une langue étrangère.
Ah, super. Maintenant je parle à voix haute, et en plus je fais une scène.
-Rien, juste... j'ai l'impression que tout le monde a un grain aujourd'hui.
Je m'empresse de reprendre.
-Et toi ? réplique-t-elle sèchement, sans aucune gêne. Tu viens de dire à haute voix ce que je viens de penser. »
Ok, là c'est plus qu'étrange.
-C'est... une blague ? Je fronce les sourcils, ne sachant pas trop si elle essaie de me faire marcher ou si je suis vraiment dans une situation absurde.
Elle me fixe avec une moue contrariée.
-Si c'était une blague, j'aurais déjà quitté ce café en courant, tu crois pas ? Elle détourne les yeux, visiblement mal à l'aise.
Je souffle un rire amer, presque désabusé.
-Sérieusement ? Tu crois vraiment qu'il n'y a pas de caméras quelque part ? Parce que là, j'ai l'impression d'être dans un de ces trucs débiles où les gens sont censés réagir à des situations qui défient toute logique. »
Elle hausse un sourcil, le sarcasme palpable.
-Si j'étais toi, je commencerais à me poser des questions sur la logique des pensées que j'ai dans ma tête, avant de me demander si je suis dans un mauvais film. Elle prend une gorgée de son chocolat chaud et fait une pause, me regardant fixement.
Elle a l'air sincèrement agacée, mais d'une manière tellement détachée que ça en devient fascinant. C'est comme si elle était dans une autre dimension, observant ce monde comme si c'était une comédie noire.
Je hausse les épaules, un peu plus que perplexe maintenant.
-D'accord, alors si c'est pas une blague, explique moi... Qu'est-ce qui se passe ? Parce que là, franchement, ça devient flippant. »
Elle me dévisage avec une sorte d'arrogance tranquille, comme si elle était la seule à être pleinement consciente de ce qui se passe.
-Tu penses peut-être que je m'amuse, mais crois moi, si je savais ce qui se passe, je ne serais pas ici, en train de me demander si je parle à un inconnu ou à mon propre reflet. »
Je suis à la fois déconcerté et intrigué. Et pourtant, il y a quelque chose dans son regard qui me donne l'impression qu'elle connaît des choses que je ne comprends même pas.
Elle lève les yeux vers moi, comme si elle était prête à dévoiler une vérité universelle, mais sa voix reste calme, presque lasse.
-Alors, tu as une idée de ce qui pourrait nous faire partager nos pensées comme ça, sans qu'on le contrôle ?
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Esme
Alors c'est lui le gars bizarre qui a des pensées aussi négatives en période de fête. Et pourtant il a pas l'air malheureux. C'est étrange d'avoir des pensées comme ça alors qu'on a une famille qui veille sur nous et un plan de carrière aussi stable. Son seul défaut c'est certainement le fait qu'il utilise les logiciels de mon père. Le pauvre. Se faire avoir de la sorte.
-Esme.
Je prend toutes mes affaires et me déplace à sa table. Il a l'air d'avoir un mouvement de recul, comme si j'empiétais son espace personnel.
Mais franchement au point où on en est...
-C'est pas une raison pour venir prendre ses aises. dit-il en me fusillant presque du regard. Après une once d'hésitation, il décale son ordinateur. Amory. Je suis Amory.
Non seulement, il ose encore lire dans mes pensées mais en plus, il me regarde mal ? Si il savait que je pouvais gâcher sa vie avec tout ce que je sais. Mais bon... Il a déjà l'air de croire qu'il est voué à sa perte donc je vais éviter de faire quoique ce soit pour l'instant.
Je scrute Amory, le laissant dans son mutisme, un léger sourire en coin. Je sais qu'il essaie de tout comprendre, mais il ne le peut pas. Je suis bien plus que ce qu'il voit. Et il n'a encore rien vu.
Il finit par soupirer, un de ces soupirs lourds de frustration.
-Tu sais, j'ai l'impression qu'on tourne en rond, là.
Je hausse un sourcil, un peu amusée.
-Ah, vraiment ? Je le provoque un peu, juste pour le voir réagir. C'est facile de jouer avec quelqu'un qui n'arrive pas à saisir tout ce que je sous-entends.
Mais il ne mord pas à l'hameçon. Il semble presque... fatigué.
-C'est comme si tu savais déjà ce que je pensais avant que je n'ouvre la bouche. Comme si on se connaissait. Mais ce n'est pas possible. Je n'ai jamais...
Il s'arrête, cherchant les mots, avant de se reprendre. « Je ne sais pas pourquoi je te dis ça. »
Je l'observe, curieuse de cette ouverture qu'il vient de me donner. Un petit frisson d'anticipation parcourt ma colonne vertébrale. Quelque chose me dit qu'il y a plus à découvrir, et il ne le sait même pas encore. Mais il est prêt à laisser tomber ses barrières, même s'il essaie de ne pas l'admettre.
« Tu sais, » dis-je d'un ton plus sérieux, « c'est étrange. J'ai aussi cette impression. Comme si... comme si on se connaissait d'une autre vie, d'un autre moment. » Je le regarde droit dans les yeux, une lueur d'intérêt dans le mien. « Tu as l'impression que nos vies se sont croisées, mais tu ne sais pas où, ni pourquoi. »
Il me dévisage intensément, puis il fronce les sourcils, pensif. « Ce n'est pas juste de l'intuition. C'est... plus profond. » Un silence lourd tombe entre nous. Il semble réfléchir à ce que je viens de dire, comme s'il essayait de l'assimiler. « Pourquoi j'ai cette sensation que tu vas m'entraîner dans un truc que je ne comprends pas encore ? »
Je souris, l'air un peu mystérieux. « Parce que je ne suis pas du genre à laisser les gens dans l'ignorance, Amory. Je préfère tout révéler petit à petit. » Je penche légèrement la tête. « Mais je crois qu'on pourrait peut-être faire ça ensemble. »
Il me regarde, une lueur d'incrédulité dans les yeux. « Ensemble ? » Il se redresse, visiblement étonné par ma proposition. « C'est une blague ? »
Je secoue la tête. « Non, je ne suis pas du genre à plaisanter sur ce genre de choses. Je pense vraiment qu'on pourrait... » Je fais une pause, choisissant soigneusement mes mots. « ...s'entraider. Découvrir ce qui nous lie. Peut-être que, toi aussi, tu as l'impression que quelque chose de plus grand nous attend. »
Il reste silencieux un instant, absorbé par ses pensées. Il me scrute, comme s'il pesait mes paroles, puis enfin, il soupire, résigné mais intrigué. « T'as vraiment un don pour me faire perdre le contrôle. »
Je souris, cette fois sans aucune moquerie. « Et toi, tu as un don pour ignorer l'évidence. Mais si tu veux bien accepter d'être un peu plus ouvert, peut-être qu'on pourrait enfin comprendre ce qui se passe entre nous. »
Je laisse un silence flotter dans l'air, puis ajoute, en parlant d'une voix plus calme, presque douce : « Ce n'est pas un jeu, Amory. Ce qu'on vit tous les deux, ça va au-delà des simples coïncidences. Si tu veux savoir la vérité, on devra se revoir. Pas dans quelques jours, pas dans quelques semaines. Maintenant. »
Il me fixe intensément, un mélange de scepticisme et de curiosité dans son regard. Finalement, après ce qui semble être une éternité, il répond, d'un ton plus posé : « Ok. Tu as gagné. Je ne sais pas pourquoi, mais je veux comprendre. »
Je me lève lentement, prenant mes affaires. « Je savais que tu finirais par comprendre. » Je lui lance un regard perçant. « Demain, à 16 heures, place des Tuileries. Ne sois pas en retard. »
Sans attendre de réponse, je me tourne et me dirige vers la sortie, un léger sourire sur les lèvres. Il est piqué. Il veut savoir. Et je sais qu'il ne pourra pas résister à la tentation de découvrir ce qui nous lie.
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A SUIVRE...
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