(15.01) Aimée est confuse
15 janvier
La soirée d'hier a été la soirée la plus confuse de ma vie. Elle s'est divisée en trois parties. La gêne. La rencontre. Et l'apaisement.
J'essaierai de restituer tous les dialogues du mieux que je peux. Même si tout ne peut jamais être exact. (En tout cas, il y a beaucoup de choses à réécrire.)
Je suis arrivée avec Ovide à 22 heures, alors qu'une large majorité du lycée squattait l'énorme palace de Cassandra. J'ai inspecté les murs, à la recherche d'un probable trou fait par Nathan. Malheureusement, je me suis rendue compte qu'il n'avait laissé sa trace nulle de bourré cinglé que chez moi.
- Oh, a lâché Cassandra en nous ouvrant la porte.
Très gênant. Elle a fait la bise à Ovide, avec un grand sourire. Puis par politesse, elle s'est penchée vers moi pour me saluer également. Lui refaire la bise m'a fait bizarre après tout ce temps, alors j'ai juste suivi le mouvement.
Avec Ovide, notre relation est bizarre. Il y a des non-dits évidents, et des sous-entendus lourds de sens qui me noient un peu plus chaque fois. Alors on se contente de rire de tout, de discuter encore un peu, de faire passer le côté anormal de la chose. On enterre tout. On oublie tout. On stagne dans le déni. Mais ça nous suffit.
Et puis, boum, 2nde partie, vient la rencontre.
Assise sur le canapé, une fille est venue taper la discut' avec Ovide. J'ai assisté à leur discussion animée prématurément terminée. Ovide fut désigné comme cavalier pour danser avec Cass' durant cette soirée « dansante ». Il m'a adressé un regard désolé après nous avoir laisser seules assises sur le canapé.
Sur le coup, je ne savais pas encore que cette fille était Alma. En fait, j'ai toujours cru que l'ex de Camille était l'autre fille qui traînait toujours avec la vraie Alma. J'ai confondu les deux pendant deux mois.
Dans le canap', la blonde m'a annoncée que son ex sortait avec une nana inconnue au bataillon. Elle avait entendu cette rumeur récente qui disait qu'il faisait les yeux doux parfois à sa meuf au lycée, à l'abri des regards.
Puis elle m'a expliqué que cet ex s'appelle Camille Aubry A.K.A. mon petit-ami dans la vraie vie.
- T'étais au courant toi ? On m'a dit qu'elle était pas très populaire socialement et qu'elle passait facilement inaperçue. Mais bon, ce que les gens disent, c'est souvent archi faux.
Silence.
- Sinon moi c'est Alma ! Ravie de te rencontrer.
Et je l'ai juste dévisagée. Cheveux courts à la garçonne, teint rosé, dents blanches et tenues de rockeuse. Elle dégageait une aura phénoménale. À côté d'elle, je ne me suis sentie toute petite. Minuscule face à son charisme.
J'ai repensé à ce qu'elle a dit et je me suis rendue compte que c'était archi vrai. Je ne suis pas populaire socialement et je passe facilement inaperçue. Il n'y a rien de mal à ça. Mais la façon dont elle l'a dit mal fait un peu de mal, comme pour prouver qu'elle était bien meilleure que cette « petite-amie mystère » sur tous les plans. Petit à petit, le monde autour de nous a commencé à écouter notre discussion.
J'ai toussé, ai pensé à ce que Camille représentait pour moi désormais et le progrès que je ferais si je rendais ça un tout petit peu plus public.
- C'est moi qui sors avec lui, ai-je simplement répondu.
Et c'est là que tout est devenu plus officiel aux yeux du monde.
Je sais très bien que certains étaient au courant, se doutaient de quelque chose ou l'avaient deviné depuis quelques temps. Mais c'était la première fois que je disais en public que j'étais en couple avec Camille. Même si ça fait déjà deux mois que je passe ma vie avec lui.
- Woah. OK, a t-elle lâché.
C'est à ce moment précis qu'Ovide est revenu me chercher, en prétextant une couvre-feu que je n'avais pas à respecter.
- On rentre Aimée.
Alors on est reparti. J'ai lancé un regard à Cass'. Elle avait l'air d'être trop bourrée pour se préoccuper du blanc qui venait de prendre place dans son salon. Je m'en suis voulue d'un seul coup. Mettre mal à l'aise quelqu'un ne me plaît vraiment pas beaucoup.
Dehors, Ovide a réussi à gratter une clope. Je l'ai regardé fumer tranquillement avant de s'asseoir sur un banc. J'ai posé mon postérieur sur le bois froid et doucement, il s'est mis à rire.
- T'es timbrée, a-t-il affirmé.
J'ai répliqué :
- Hein ?
- Je pars danser deux minutes et là boum, tu sors la nouvelle de ton couple de ton cul devant tous et tu te montes Alma et sa clique contre toi.
- La nouvelle ne sort pas de nulle part, ai-je corrigé.
Ma réponse a été dite avec plus de froideur que prévu.
- Ouais... fin, désolé d'avoir dû te laisser avec elle, a-t-il ajouté.
Il a fini sa clope en silence et je me suis sentie triste de ne plus savoir quoi vraiment dire à ses côtés.
- C'est bizarre, ai-je admis.
- De quoi ?
- Toi et moi.
Il s'est tourné vers moi et je lui ai souri tristement. Ovide a alors déclaré :
- Désolé d'avoir dit un truc chelou la dernière fois. Fin en rapport au pourquoi du comment je t'ai ignorée ouvertement.
J'ai acquiescé. C'est vrai que c'était d'une confusion extrême. Ça avait retourné mon cœur pendant de trop longues heures.
- Alors pourquoi tu m'as ignorée, finalement ?
Il a baissé les yeux, s'est massé le visage péniblement, mal à l'aise.
- Quand tu as dit que tu étais sur moi à un moment, ça m'a perturbé. Vraiment. Je pensais que c'était facile de lire en toi Aimée. Fin j'avais vraiment l'impression qu'on était sur la même longueur d'onde. En plus, c'était la période où j'aimais vraiment passer du temps avec toi. Alors après, j'ai commencé à prendre peur. Je me demandais si t'étais vraiment sincère avec moi. Si tu ne t'étais pas rapprochée de moi, juste pour passer du temps avec le mec qui te plaisait de loin. Et ça m'a fait prendre conscience que c'était plutôt l'inverse en réalité. Alors que bah moi, d'un coup, tout s'est retourné. Je me suis mis à regretter de ne pas avoir eu l'occasion de t'aimer.
Lentement, il s'est relevé.
- Et là. Ségo' est venue me voir... et puis j'ai pensé que c'était une bonne chose de prendre ses distances. Que c'était juste une passe. Que j'avais un béguin tout nul qui allait passer vite. Surtout que ça doit réellement être éphémère pour ne pas faire souffrir nos couples. J'aime vraiment ma petite-amie et que je sais que t'aimes vraiment bien Camille aussi. Alors je t'ai ignorée. Parce que j'ai pas eu les couilles de vouloir avoir un peu plus que de l'ambiguïté passée. Et je sais que c'est vraiment la chose à faire, même encore aujourd'hui. Prendre ses distances. Pour qu'il n'y ait pas de « toi et moi ».
On s'est regardé quelques secondes. Et il m'a aidé à me relever. J'ai avalé ses mots un par un. Et Ovide m'a fait lever les yeux au ciel en chantonnant faux du Disney alors qu'il sait très bien chanter.
- En fait c'est plus triste que bizarre, toi et moi, ai-je remarqué.
On a continué à marcher, en se donnant des défis pour se taper des sprints dans les rues désertes. Les étoiles brillaient sûrement ce soir-là si j'avais pris le temps de vraiment lever la tête vers le ciel. J'ai passé tout mon trajet à essayer de décrypter son regard dans la vague. Ça m'effrayait d'être aussi intriguée par son regard lourd de sens.
Devant chez moi, il a grimacé en se rendant compte que je devais m'en aller.
Je lui ai souri. Il m'a souri. Et je l'ai remercié de m'avoir raccompagnée. Dans mon lit, j'ai éteint les lumières pour plonger dans le noir complet. Et j'ai pensé au vide qui me serrait le ventre et à l'apaisement ressenti en éclairant un tout petit peu plus cette situation.
Je crois que ça restera toujours un peu ambigu entre Ovide et moi.
C'est une sorte d'alchimie qui peut exister et nous lier.
Alors prendre ses distances pour l'oublier... Oui, on le fera.
J'ai repensé à Camille. À son sourire. À ses fossettes. À ce qui m'attendait d'adorable à découvrir chez lui. Et cette pensée m'a apaisée et rassurée.
Ma lumière s'est ensuite remise à briller. Et j'ai lu Harmonie du soir de Baudelaire, à voix haute, en respirant l'air confus de cette fin de soirée.
Aimée.
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