(07.01) Aimée fait un pas


7 janvier

Je suis allée parler à Cassandra ce matin. D'abord pour lui souhaiter joyeux anniversaire, puis pour engager une réelle confrontation et discussion. Ça n'a pas été un réel succès.

- Salut.

Mon ancienne meilleure amie m'a souri d'un air gêné et j'ai eu l'affreuse impression de me retrouver face à une inconnue. J'ai observé quelques secondes les traits tombants de son joli visage, la noirceur de ses yeux si clairs et la pâleur de son teint. Cass' n'a pas l'air très en forme depuis la rentrée.

- Joyeux anniversaire ! ai-je tenté de lancer aussi mal à l'aise qu'elle.

Peut-être que je dois faire un premier pas vers elle aujourd'hui, lui montrer que j'existe encore et que je ne l'oublie pas, elle. Même si elle m'oublie, moi. Peut-être qu'à partir de ce moment précis, je peux passer à autre chose, enterrer notre amitié pour de bon. Quitter la bulle de confort et de bonheur qu'elle m'a permise de créer pendant dix ans. Peut-être que ce premier pas est en réalité un dernier. Un pas qui signe la fin d'une amitié. Pour me permettre d'en élaborer une nouvelle. Plus distante, mais existante.

Dehors, dans la cour, on aurait dit qu'elle est toute vulnérable face au monde qui l'entoure. Soudainement, je me suis rendue compte que la fille qui se tenait devant moi allait mal. Très mal. Rien qu'à la vue de son teint triste et ses paupières lourdes. Elle affiche un sourire oublié sûrement involontaire. Comme un merci. Un vrai doux merci.

Elle s'en est sûrement rendue compte car, d'un seul coup, Cass' s'est redressée et s'est appliquée à nouveau du baume à lèvres. Elle s'est mordu vigoureusement la lèvre, comme à chaque fois qu'elle est en stress.

- Je t'enverrai ma partie ce soir Aimée. Salut.

Et puis elle a rejoint les autres amies qu'elle a toujours eues au lycée, me laissant bouleversée et frustrée de ne rien pouvoir arranger. Je sais que c'est inutile aujourd'hui de forcer un peu pour pouvoir rentrer dans le monde de ses secrets bien gardés. Mais quelques mois de souffrance et de vie n'effacent pas le fait qu'elle est une personne que je connais quasiment par cœur et que je ne veux pas voir souffrir.

Je sais que je suis trop gentille envers elle. Mais je ne pourrai jamais être méchante avec elle.

Je n'aurais peut-être jamais l'explication à ce silence absolu, ce ton désagréable et cette manière brutale de me faire remarquer que j'ai changé cette année. Je ne comprendrais peut-être jamais ce qui a fait que notre amitié n'était plus aussi saine et éternelle que je le pensais.

On ne sera plus jamais comme avant.

Si je pouvais remonter dans le temps, j'ajouterais après le "Joyeux anniversaire!" :

« Je n'ai jamais eu tort de bouquiner avec toi en CE1, Cassandra, à souffler sur tes anciennes lunettes et nous apporter le réconfort dont on a toujours eu le besoin. C'était chouette l'époque où on jouait aux Petshops et au foot dans la cour de récré. Et je n'ai jamais eu tort de t'offrir mon premier vrai cœur brisé d'amitié. Je t'ai adorée. »


Rien n'effacera le fait qu'elle m'a offerte la chance d'avoir une première grande amie pendant une longue partie de ma vie. 

Et c'est peut-être vraiment aujourd'hui, que je réalise finalement que nos chemins se séparent, pas après pas, foulée après foulée, après de longs soupirs et les beaux sourires d'antan.

Aimée.

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