3- Nuit agitée
Inconsciemment, Bérénice tremble. Les Cauchemars sont terrifiants, ils portent bien leurs noms. Elle ne peut détourner son regard de leurs gueules béantes et de leurs peaux déchiquetées pleines de sang coagulé. C'est dégoûtant. Elle croit même observer du pus dans leurs plaies.
Angèle regarde la seconde qui panique à ses côtés. C'est normal, le premier jour est toujours impressionnant, un ascenseur émotionnel. A sa mort, elle avait rencontré sa mère biologique seulement pour la perdre à nouveau et découvrir des monstres mangeurs d'humains défunts.
Super comme journée.
Bérénice détourne enfin le regard. Ses yeux sont emplis de larmes. Elle n'était pas prête à affronter une réalité aussi étrange.
« Comment tu le fais? »
Angie hausse les épaules.
« J'en sais rien. On s'habitue au bout du moment. On voit tellement d'horreurs que ça se normalise. »
La jeune adolescente fixe ses pieds à présent. Quelques mois auparavant elle passait ses journées à regarder Angie et sa clique d'amies dans les couloirs du lycée, à potasser ses maths et apprendre sa pièce de théâtre, du Shakespeare traduit cette année. Roméo et Juliette. Elle jouait Roméo et Angèle jouait Juliette.
C'était une belle idylle. Elle s'était imaginée, à cette époque, un futur avec Angie. Puis elle avait péri dans de mystérieuses circonstances et son cœur s'était fait piétiné. Elle avait du supporter les funérailles, entendre un speech de la mère d'Angèle- quelle hypocrite- et pleurer silencieusement au dernier rang.
« C'est triste. »
Angèle haussa les épaules. Pour elle, c'était la routine. Comme métro boulot dodo pour les parisiens travailleurs, ce qu'elle aurait probablement fini par devenir si elle était encore vivante.
« Crois-moi, c'est pas si dramatique. »
Dehors, les monstres rôdaient encore. La nuit était loin d'être terminée. Ce que les filles ne savaient pas était qu'il était à peine dix neuf heures trente et que la torture des grognements monstrueux débutait seulement.
« Angèle... » commença a dire Bérénice d'une petite voix « j'ai peur. »
La terminale se tourna vers elle en essayant d'esquisser un sourire rassurant. Des monstres mangeurs d'homme rôdaient dehors et elles étaient décédées. Difficile de remonter cette pente.
« Ne t'inquiètes pas. Je suis la. »
Ces mots parvinrent tout de même à calmer la petite seconde.
La brunette, Bérénice, s'approcha d'Angèle et sourit faiblement.
« Je me rappelle au collège. Quand on s'inquiétait de nos rôles au théâtre, un peu comme cette année.
— On a fait de belles rencontres grâce à notre amour de la comédie, acquiesça Angèle, je suis contente d'avoir joué avec toi. Qui a pris ma place de Juliette?
— Marguerite. Elle joue moins bien que toi.
— Je suis sure que Marguerite aurait kiffé t'embrasser. Cette fille cachait mal son désir.
— N'importe quoi, nia Bérénice en rougissant, et puis ça se voit qu'elle aime Brad. Elle n'a d'yeux que pour lui en cours de maths.
— Ça se trouve qu'elle est poly amoureuse.
— J'sais pas. »
Angèle s'approche à son tour.
« Puis moi j'aurais aimé rester pour accomplir notre scène.
— Laquelle?
— Celle où tu m'embrasses. »
Bérénice devient rouge tomate.
« Je rigole. Enfin. Oui. Voilà. »
La brune regarde ses mains, qui d'un coup la passionne. Elles sont petites et ses ongles sont vernis. Blanc. Très épuré.
« Je t'ai mis mal à l'aise. Désolée...
— Non c'est pas ça c'est juste que... Enfin c'est pas grave.
— Désolée quand même. »
Un ange passe.
C'est silencieux dans l'Entre monde. Elles sont les seuls habitantes de ce vaste nuage gris. On dirait qu'une tempête arrive, que tout va s'éclater en mille morceaux.
« Tu crois qu'on est dans un rêve? Que j'imagine tout ça? » demande Bérénice
Angie fait la moue.
« Tu ne m'imaginerais pas aussi jolie. »
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