32. Accompagne-moi

C’est la première fois que j’arrive en retard au travail, et comme par hasard, c’est la première fois que mon boss est en avance. Il n’a bien sûr pas manqué de me le faire payer.
Ma punition ? Le traiteur vient de nous lâcher pour la soirée de lancement. Il me revient donc de droit de gérer le problème et de lui trouver un remplaçant au plus vite. Un traiteur libre, en moins d’un mois, à Paris… Les résidus de mes anciennes vies doivent vraiment peser lourd sur mon karma.

Heureusement, je peux compter sur Sandro pour me changer les idées. Il arrive chez moi, ce samedi matin, la mine déconfite et la coupe afro à plat. Je devine vite la raison de son angoisse :
— Je dois rencontrer le frère de mon chéri aujourd’hui, annonce-t-il, en faisant une entrée digne des plus grandes drama queen. Je suis mort de trouille.
— À ce point ?
— Tu comprends pas. Il m’en a très peu parlé, mais ça semble important pour lui. Il n’a jamais présenté personne à sa famille.
— C’est plutôt bon signe. C’est que tu comptes pour lui.
— Justement. Et s’il me valide pas, t’imagines ?
— Tu stresses pour rien, mon ange. Il va t’adorer. Tout le monde t’aime.
— Tu veux bien m’accompagner ?
— Sérieux ?
— S’te plaît, ma vie. Je me sentirais mieux avec toi à mes côtés pour m’empêcher de faire des gaffes. Et ça te fera l’occasion de rencontrer Marco, toi aussi. J’ai hâte que tu me donnes ton avis sur lui.

Après un bref débat, j’accepte de soutenir mon ami dans cette nouvelle étape. Depuis qu’il fréquente ce Marco, il est encore plus solaire qu’à l’accoutumée. Il semble vraiment s’épanouir dans cette relation, et je dois avouer que je suis curieuse de découvrir qui a su faire chavirer son cœur ainsi.

Sandro avait tellement peur d’être en retard que nous sommes arrivés avec trente minutes d’avance au lieu de rendez-vous. Les couleurs chatoyantes de la brasserie située sur les Grands Boulevards nous offrent une ambiance cosy, et son nom, Pipelettes du Boulevard, ne pouvait pas être plus adéquat à notre humeur du moment.
Nous commandons un cappuccino en terrasse en attendant l’heure fatidique et profitons de nous retrouver en tête à tête pour rattraper le temps perdu sur nos confidences. On ne s’est presque pas vus de la semaine, hormis au bureau, et avec l’avalanche de travail qui nous tombe dessus en ce moment, nous n’avons pas vraiment eu la tête aux bavardages. J’apprends donc que parmi ses nombreuses casquettes, Marco est animateur dans les campings et autres clubs de vacances, qu’il raffole des pizzas de toutes sortes et qu’il est allergique au pollen. De mon côté, je lui parle de la rénovation de la librairie et de l’organisation du gala. Mais l’information qui interpelle le plus mon ami, c’est lorsque je glisse dans la conversation qu’Antoine et moi avons passé notre première nuit d’amour, la veille.

— Quoi ? Attends que je comprenne. Vous n’aviez toujours pas couché ensemble ?!
— Tu pourrais être plus discret, s’il te plaît ? Je n’ai pas envie que tout Paris soit au courant de ma vie sexuelle ! Et puis, on ne se connaît que depuis un mois, c’est pas un drame.

Remarque qui ne semble pas le freiner dans ses investigations puisqu’il persiste :
— Comment t’as tenu aussi longtemps ? C’est lui qui voulait pas ? Il est impuissant ? Puritain ? Non, je sais, éjaculateur précoce !
— Pourquoi faut-il toujours que ce soit une question de performance ? Le moment propice ne s’était tout simplement pas présenté. Et pour ta gouverne, il est exceptionnellement doué.
— Ah ouais ? Raconte, s’avance-t-il, de plus en plus intéressé. Il a osé se lancer ? Il t’a fouettée ou attachée ? Peut-être les deux à la fois. Je veux des détails.
— Rien de tout ça. Il était d’une douceur incroyable. J’avais jamais connu ça. C’était magique.
— Je ne sais pas qui vous êtes, mademoiselle, mais rendez-moi mon amie !

Il me braque avec sa petite cuillère et j’éclate de rire.

— Pour être honnête, même moi je ne me reconnais plus. C’est comme s’il faisait ressortir une part de moi dont j’ignorais l’existence. Ça ne me déplaît pas.

Sandro me fixe un instant, un rictus que je ne lui connais pas étirant le coin de ses lèvres.

— Pourquoi tu me regardes comme ça ?
— Tu dois être sacrément piquée pour changer ton fusil d’épaule comme ça.
— J’explore simplement de nouveaux horizons.
— Et ça n’a rien à voir avec ce qu’il s’est passé avec Dimitri ?

Un frisson glacial me parcourt le corps à l’écoute de son nom. Je n’ai pas évoqué cette scène depuis que je lui ai raconté ce qu’il a fait.

— Peut-être, avoué-je. Il a dépassé les bornes, cette nuit-là. Et pourtant, tu sais combien je suis souple, niveau limites. Mais quand j’ai prononcé mon safeword, ça a non seulement mis fin à la séance, mais à toute la partie. Je n’ai plus aucune nouvelle de lui.
— Jeu, set et match !
— Exactement.

Cette fois, Sandro est on ne peut plus sérieux :
— Ça veut dire que tu ne pratiqueras plus jamais ?
— Je l’ignore. En tout cas, c’est loin d’être ma priorité pour l’instant.
— Et il a réagi comment quand il a appris pour Roxane ?

J’avais presque oublié ce détail.

— Je ne lui ai rien dit. Et j’en ai pas l’intention.

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