31. Aimer
Alana.
Je coucherai inlassablement son nom sur du papier. Source inépuisable d’inspiration, elle est la muse qui me manquait.
Si je pensais avoir connu l’amour avant ce jour, ce n’était qu’une illusion. Une nuit dans ses bras m’a fait découvrir le nirvana, l’extase à l’état pur. Une semaine à ses côtés m’a appris la définition du bonheur. Un bonheur tatoué sur ma peau que je prends en note avant que l’encre de mes veines ne tarisse, que j’écris afin de ne jamais en oublier les instants fugaces.
Assis près de son corps assoupi, mon carnet entre les mains, je l’admire en plein rêve. Le soleil point timidement à l’horizon et je prends conscience que ma contemplation aura duré toute la nuit. Bercée par la mélopée de son sommeil, ma plume a noirci les pages sans que le temps s’arrête de tourner. J’avais pourtant passé un pacte pour que ce moment, en lui reste figé, mais dans son cruel égoïsme, il continue inexorablement sa course, laissant défiler ses minutes à une vitesse folle.
Ma belle s’éveille aux aurores, inondée de rayons orangés, apportant le souffle de vie qui me manquait pour retourner à la mienne. Ses iris me sondent avant qu’un sourire illumine son visage :
— Bonjour, tu es réveillé depuis longtemps ?
— Bonjour bel ange. Je n’ai pas fermé l'œil de la nuit.
— Mince, s’inquiète-t-elle. C’est à cause de moi ?
— Non, c’est grâce à toi.
De nouveaux baisers, entraînant de nouvelles caresses, suivis de nouveaux fantasmes que je m’apprête à assouvir. Jusqu’à ce qu’Alana se redresse, prenant conscience d’un détail, semble-t-il important :
— Quelle heure il est ? s’écrit-elle. Je vais être en retard au boulot !
Effectivement, elle l’était. Elle s’est transformée en tornade, fouillant nos vêtements éparpillés pour se rhabiller, et s’est enfuie telle une bourrasque, me laissant seul face à un Voltaire hagard.
J’aurais souhaité qu’elle envoie valser la vie comme les étoffes qui jonchent le sol. Qu’elle abandonne tout pour fuir avec moi sur le chemin de nos rêves d’ensemble. Qu’il n’y ait plus que ce « nous » qui compte. Plus de temps qui nous donne le rythme, plus de quotidien qui nous bouffe. Nous et rien que nous.
Mais c’est elle qui a raison. Le fil de notre existence doit reprendre son cours.
Je me prépare donc à rejoindre la librairie pour évaluer l’avancée des travaux. Encore une fois, Alana fait des miracles dans tout ce qu’elle entreprend. En plus d’avoir bouleversé ma vie, elle l’embellit de toutes les manières qui soient. Depuis l’attaque du sac à main blindé et la menace qui plane désormais au-dessus de la boutique, elle s’est évertuée à faire tout ce qui est en son pouvoir pour réparer sa faute.
C’est elle qui m’a mis en relation avec l’entrepreneur qui s’occupe de la rénovation et elle gère également tous les détails pour le gala qui aura lieu dans deux semaines. Qu’elle mène tout de front me remplit d’une immense fierté. Fier d’avoir une femme forte à mes côtés. Je ne me suis jamais senti aussi important auprès de quelqu’un.
Je ne me suis jamais senti aussi vivant.
Je suis étonné que mon frère débarque au milieu du chantier pour me prêter main forte. Je n’ai pas eu de nouvelles depuis la soirée au manoir et le voir ainsi me rappelle soudain Roxane. J’avais complètement enterré ce souvenir. Je suis passé à autre chose. Et pourtant, il éveille en moi une étrange sensation. Un intérêt pour l’inconnu qui me pousse à la prendre à nouveau dans mes bras, me remémorer son parfum. Pas une curiosité malsaine qui m’entraînerait à arpenter les affres de la perversité, simplement une attirance nouvelle que je n’ai pas eu le temps d’explorer. Je dois immédiatement chasser ces pensées de mon esprit. La chasser de mon esprit. Mon frère intervient au bon moment pour me ramener sur terre :
— Alors, frangin ! Remis de tes émotions du week-end ?
— Si tu savais ! Et toi, qu’est-ce qui te rend si joyeux ?
Marc fait virevolter mon chien à bout de bras, s’en servant comme cavalier pour une danse, sous le regard amusé des ouvriers.
— Antoine, annonce-t-il, une fois son sérieux presque retrouvé. Pour parler dans ton langage, Cupidon m’a touché de sa flèche !
— C’est vrai ? Toi aussi ?
— Comment ça, « toi aussi » ?
— Toi d’abord.
— Non, toi. Me dit pas que t’as conclu avec Roxane !
De nouveau ce nom…
— Il ne s’agit pas de Roxane. Je ne la reverrai plus jamais. Je te parle d’Alana.
— Encore elle ! Tu perds ton temps. Je t’ai dit qu’une femme de sa trampe ne s’intéresse pas à de simples libraires.
— Elle n’a pas l’air d'accord avec toi, puisqu’elle dormait dans mon lit y’a pas plus d’une heure.
— Elle…? OK, alors là, je dois reconnaître que t’as fait fort. J’espère juste que t’es pas un jouet qu’elle teste par curiosité.
— Je suis certain que non. Pourquoi tu doutes toujours de mes fréquentations ? Elle est pure, droite, honnête. Somme toute parfaite.
— Un couple ennuyeux à souhait. Exactement ce qu’il te faut !
— P’tit con !
— Fais juste attention à toi, mec. Je m’inquiète pour ton petit cœur.
Délire complice, on se charrie comme des enfants jusqu’à ce que l’intérêt me pique à nouveau :
— Et toi alors, qui est l’heureuse élue ?
— C’est une personne que j’ai côtoyé un temps il y a quelques années, commence-t-il, mystérieux. On a ensuite pris chacun des chemins différents pour se retrouver au manoir la semaine dernière.
— C’est dingue, cette histoire !
— Complètement dingue. Et c'est rien comparé à nos parties de jambes en l’air !
— Épargne-moi les détails, s’il te plaît.
— T’es sûr ? Parce qu’hier c’était…
— Merci ! J’ai pas envie d’être traumatisé à vie par les images de tes galipettes. J’en ai suffisamment vu quand on était étudiant !
— Justement, t’es plus à ça près.
— Gardons une certaine part de mystère entre nous, mon cher frère.
— Tant pis pour toi. Ça aurait pu te donner des idées pour tes romans.
— Je suis pas désespéré à ce point.
— Et un déjeuner tous les trois, ce week-end, ça te tente ?
— Je serai ravi de faire sa connaissance.
— Parfait. Je te tiens au courant.
J’en reste sans voix. Si Marc souhaite me présenter sa conquête, c’est qu’elle est bien plus qu’une simple aventure. J’ai hâte de voir à quoi elle ressemble !
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