14. Oser
Étendu sur mon clic-clac, je gratouille le ventre de Voltaire avachi sur mes jambes. La soirée n’aura pas été de tout repos après la visite mouvementée d’Alana. Je n’ai cessé de penser à cette femme. Si mystérieuse, intrigante, charmante… J’ai longuement hésité avant de lui écrire un message un peu plus personnalisé qu’un banal mail, et maintenant qu’il est validé, je doute d’autant plus. Je n’aurais peut-être pas dû être si audacieux.
Les caresses sur la bedaine de mon chien deviennent de plus en plus nerveuses. Ce qui n’est visiblement pas pour lui déplaire étant donné le relâchement sans pudeur dont il fait preuve. J’aimerais être autant détendu que lui, mais je me ronge les ongles depuis que j’ai appuyé sur « envoyer », il y a près d'une heure. Je finis par renoncer à tout espoir et m’apprête à ouvrir un Stendhal, lorsque j’entends la notification tant désirée.
Mon cœur s’emballe.
Bonsoir Antoine,
Merci à vous d’avoir été aussi patient avec moi.
Si ma journée s’est illuminée, c’est un peu grâce à notre échange.
Je serai ravie de renouveler l’expérience… sans rien casser cette fois.
À très vite.
Alana.
Je souris devant cette pointe d’humour et j’enfouis ma tête sous mon t-shirt comme si quelqu’un d’autre que mon chien pouvait remarquer cet air béat qui ne quitte plus mon visage.
À très vite.
Elle a joint ses disponibilités, ce qui m’assure qu’elle a réellement l’intention de me revoir. Mes pieds s’agitent sous la couette, prêts à faire des claquettes. Voltaire grogne, interrompu dans sa sieste. J’ai envie de danser comme Fred Astaire dans tout l’appart, mais la sonnerie de mon téléphone me coupe dans mon élan. Elle ? Non, pas possible. Je regarde le nom et la tension baisse d’un cran.
— Salut, Marco.
— Je viens de recevoir un message et j’ai pensé à toi. Tu voulais ajouter du piquant à ta prochaine histoire ?
— Oui…
— Eh bien, j’ai exactement ce qu’il te faut pour t’immerger dans un univers original et particulier. Vendredi soir, tenue chic obligatoire. Crois-moi, ça vaut le détour.
— Depuis quand tu tiens à m'aider dans mes recherches ? Et c’est quoi, ce monde extraordinaire que tu proposes ? me méfié-je.
— Tut-tut ! Je n’en dirai pas plus, je te connais, tu vas te débiner. Fais-moi confiance et garde l’esprit ouvert.
— C’est très rassurant venant de toi. Tu oublies que moi aussi, je te connais. J’ai encore des séquelles de notre escapade dans les catacombes.
Tout ce que je gagne à le suivre dans ses délires, ce sont de sérieux ennuis.
— T’inquiète pas, frangin, le seul problème que tu pourras t’attirer, c’est de vivre l’expérience la plus folle de ton existence.
— Mouais… je veux bien jeter un coup d’œil, mais si je le sens pas, je me barre direct. C’est clair ?
— À vos ordres, mon capitaine ! Tu le regretteras pas, j’te le garantis. Je passe te prendre à minuit.
— Minuit !
— Eh, c’est pas une soirée belote à l’EHPAD que je te propose !
— Dommage. C’est sympa, la belote.
Je dois reconnaître qu’il m’a intrigué avec tous ces secrets. Cela m’effraie un peu, aussi. Depuis qu’il a fait de l’expression « croquer la vie à pleines dents » son mantra, Marc a eu quelques démêlés avec la police. Le tout sans compter un nombre impressionnant de fréquentations louches qui me laisse le bénéfice du doute quant à cette mystérieuse soirée.
Je raccroche et oublie aussitôt notre discussion pour rêver d’une nouvelle histoire dont Alana est l’héroïne. Paupières closes, prêt à tomber dans les bras de Morphée, un besoin irrépressible me saisit à vif. J’envoie valser la couverture, ainsi que Voltaire qui ronflait déjà, et traverse l’appartement en deux enjambées :
— Désolé, Volt, question de survie.
J’allume mon ordi, ouvre un nouveau document et commence à taper frénétiquement sur le clavier.
La promesse d’une nuit remplie de douces chimères n’est désormais qu’un lointain souvenir, mais je suis certain que l’aventure qui s’écrit à cet instant sera encore plus belle.
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