CHAP 74


Ils arrivèrent entre le milieu et la fin d'après-midi. Jimmy gara sa voiture dans le sous-sol de l'immeuble ce qui rendit Jenna nostalgique. Il s'aperçut rapidement de son air triste.

— Ça va ? s'enquit-il inquiet.

Elle sortit Joey de la voiture avant de lui répondre, émue :

— Je me rappelle la première fois que je suis venue ici. C'était avec Rosa...

Jimmy n'insista pas, mais hocha la tête d'un air entendu. Chargé de leurs affaires, il la rejoignit et tous les trois se dirigèrent vers l'ascenseur.

Joey ouvrait grands les yeux d'étonnement. Il n'avait jamais pris d'ascenseur et la voix féminine qui indiqua l'étage demandé, le fit sursauter. Ses parents, admiratifs, rirent de bon cœur. Surtout Jimmy qui ajouta :

— Telle mère, tel fils !

— Pourquoi tu dis ça ?

— Parce que je suppose que ta première fois dans cet engin, dit-il en désignant l'ascenseur, tu as fait la même tête que Joey, se moqua-t-il gentiment.

— C'est "tel père, tel fils" l'expression ! le reprit-elle en souriant.

— Alors cet enfant à toutes les chances de bien s'en sortir, affirma-t-il en sortant de l'ascenseur, quand les portes s'ouvrirent.

Jenna le regarda sortir, muette de stupeur.

— Je ne te savais pas si prétentieux ?

Jimmy, qui venait d'ouvrir la porte de l'appartement, se retourna et lui fit un sourire éclatant.

— C'est parce que je ne le suis pas ! Mais par contre, je suis très réaliste, vois-tu ?

— Je vois, oui. Exagérément réaliste, dans ce cas...

Il s'effaça pour la laisser entrer. Dans un premier temps, elle posa Joey sur le sol. Elle regarda l'endroit où avait eu lieu la dernière agression qu'elle avait subit, celle qui avait motivée sa fuite, mais elle se reprit vite quand Shelby fit irruption et récupéra Joey qui se mit à crier de peur.

— Shelby ! tempéta son maître qui déposa les sacs sur le sol. Va à ta caisse !

Mais la chienne n'écouta qu'à moitié. Elle fit mine d'obéir pour mieux revenir à la charge. Jenna tendit Joey à Jimmy, puis une fois les mains libres, elle se mit à la hauteur de la chienne et la caressa avec émotion.

— Tu te souviens de moi ? lui dit-elle tendrement. Non, ça fait trop longtemps. Moi je me souviens. De tout. Je n'ai rien oublié. Alors merci pour ce que tu as fait. Tu as étais bien plus courageuse et efficace que moi ce jour là...

Malgré que la chienne soit turbulente, elle réussit quand même à l'embrasser sur le crâne. Elle se releva et voulut récupérer Joey qui lui ne voulut pas.

— On se sent à l'abri dans les bras de papa, c'est ça ?

Elle lui caressa la joue en ajoutant :

— Je connais ça...

Elle jeta un regard confiant à Jimmy.

— Il s'habitue à toi plus vite que je ne l'aurais cru. C'est bien.

Il allait lui répondre que lui aussi, il s'habituait rapidement à ce fils tombé du ciel, mais il n'en n'eut pas le temps, Jenna entrait dans le salon. Il la regarda se diriger vers la barre, la toucher, en faire le tour.

— Tu l'as laissée...

— Oui.

Il ne put analyser avec certitude le regard qu'elle lui lança. Un mélange de remerciement et de reconnaissance, pensa-t-il. Mais ce dont il était sûr, s'était que jamais, il n'aurait pu faire retirer la barre, ça aurait été bien au-dessus de ses forces. Elle regarda tout autour d'elle, avant de constater :

— Ça n'a pas beaucoup changé.

— À part les tabourets du bar.

Jenna se tourna vers eux et tiqua.

— Pourquoi les avoir changé ? De mémoire, ils étaient biens, et neufs, non ?

— Des fois, le changement ça fait du bien, éluda-t-il. Viens voir par là, je voudrais te montrer quelque chose.

Il lui prit la main et l'entraîna avec lui jusqu'à la chambre d'ami qu'il ouvrit.

— Si ça ne te convient pas, n'hésite pas à le dire, d'accord ?

Il n'était pas certain que son idée était bonne, seule Jenna pouvait le confirmer. Il attendit donc son verdict. Doucement, elle entra dans la pièce, regardant avec émerveillement ce qu'elle y voyait.

— Comment as-tu fais pour préparer tout ça ? Tu as eu si peu de temps, et puis tu n'étais pas là, tu étais avec moi !?

— Pour être honnête, je découvre en même temps que toi, répondit-il en entrant à son tour dans la chambre.

Puis il s'adressa à Joey.

— Alors, elle te plaît ta nouvelle chambre ?

Les mains dans la bouche, le petit souriait mais ne disait rien et quand son père voulut le poser à terre afin qu'il découvre par lui-même ses nouveaux jouets, Joey s'agrippa à lui avec une volonté farouche. Il ne voulait manifestement pas quitter ses bras.

Jenna sourit, ému par cette image.

— Alors, qui est derrière tout ça ?

— J'ai mis ma mère sur le coup. Tout ça, c'est elle. Qu'en pense-tu ? Il y a assez, ou peut-être trop ? Et si tu veux dormir là, il y a le clic-clac...

— Jimmy, le coupa-t-elle en levant la main vers lui. C'est parfait. Tout est très beau, trop beau. Mais la vérité, c'est que je ne sais pas moi-même si ça va lui convenir ou pas. S'il va bien vouloir dormir là tout seul ou même avec moi... C'est nouveau pour moi aussi. Il n'a connu que la chambre chez Jacqueline.

Elle haussa les épaules, impuissante quant à savoir ce que la soirée, voir la nuit aller leur réservées.

— Il y a un baby phone, ajouta Jimmy. Ça va servir ça, un baby phone ?

Jenna éclata de rire et ce fut tout naturellement qu'elle s'approcha de lui pour l'embrasser, ce qui le surpris mais plutôt agréablement. Il n'était pas le seul à être surpris, Joey avait froncé les sourcils devant le rapprochement de ses parents. Il n'avait pas l'air de comprendre et paraissait encore réfléchir à ce qu'il venait de voir quand sa mère répondit à son père :

— J'en sais rien. On essaiera et on verra bien ! Arrête de t'inquiéter, on accommodera au fur et à mesure. Et cette chambre et magnifique, ta mère à très bon goût et visiblement, elle a pensé à tout !

— Je sais pas. J'y connais rien en gamins, s'excusa-t-il.

Jenna ouvrit un coffre et farfouilla à l'intérieur.

— Viens voir Joey. Il y a plein de jouets ! Ils sont trop beaux.

Le petit agitant ses pieds, Jimmy comprit qu'il demandait à descendre. Il le posa sur le sol lui permettant ainsi de rejoindre sa mère.

La vue de Jenna et Joey, tous les deux le nez dans le coffre à chercher, commenter et approuver ou non les jouets qu'ils y trouvaient, l'attendrit. Il se rendit compte qu'il assistait au premier moment qu'ils passaient tous les trois en famille, bien à l'abri à l'intérieur de leurs murs et il ne put s'empêcher d'admirer la mère de son enfant, celle qui deviendrait très prochainement sa future femme. Elle avait raison lorsqu'elle lui avait fait remarquer qu'il ne l'avait pas connue heureuse. Mais là, sous ses yeux, c'était bien une femme heureuse qui souriait à son enfant. Il sortit de la poche de sa veste son téléphone portable pour immortaliser cet instant si précieux et encore inenvisageable quelques jours en arrière. Jenna se prêta au jeu lorsqu'elle comprit ce que Jimmy faisait, incitant Joey à y prendre part aussi, ce qu'il fit avec plus au moins bonne grâce. Puis les rôles furent inversés et Jenna fut celle qui captura ces instants bonheurs. Puis ils s'éclipsèrent, laissant Joey faire connaissance avec son nouvel univers.

— Tu veux t'installer maintenant ?

— Oui, pourquoi pas.

Jimmy retourna dans l'entrée et prit le sac relativement léger de Jenna qu'il porta jusqu'à l'escalier. Jenna remarqua les barrières de sécurité installées en bas et haut de ce dernier et en fût étonnée.

— Je n'y aurais jamais pensé. C'est vraiment une bonne idée, apprécia-t-elle. C'était mon angoisse chez Jacqueline...

— Ma mère, encore, dit-il en souriant.

— Elle a assuré ta mère, vraiment. Je crois bien que rien ne lui a échappé...

Jimmy grimpa en direction de la chambre, suivit de Jenna.

Ils entrèrent dans la pièce, et elle fut percutée par l'odeur qui l'avait tant perturbée auparavant, celle de Jimmy mélangée à son parfum... Bien que ce dernier n'y avait pas mis les pieds depuis plusieurs jours, l'odeur avait persistée car la chambre n'avait pas était aérée ce qui raviva les souvenirs de Jenna. Quand Jimmy la vit sourire, il l'interrogea mais elle préféra esquiver en se jetant sur lui. Ils atterrirent sur le lit, le sac de Jenna sur le sol, et ils s'embrassèrent sans aucune hésitation.

— Je crois qu'on aurait dû mettre en marche le baby phone, dit Jimmy entre deux baisers, ce qui fit rire Jenna.

— Non. Nous sommes des adultes responsables, nous allons réussir à nous contenir !

— À quelle heure ça dort un enfant déjà ?

...

Joey était installé au bout du bar dans une chaise haute, et mangeait avec les doigts une saucisse accompagnée de pâtes. Bien que sa mère le sermonnait, il n'en faisait qu'à sa tête.

— Laisse tomber pour ce soir, lui dit Jimmy. C'est un repas un peu particulier. Tu séviras demain.

— Tu t'en sors bien pour l'instant, s'adressa Jenna à son fils. Mais demain, on reprend les bonnes habitudes. Tu as compris Joey ?

La réponse de l'enfant fut des plus limpides et un brin provocatrice. Il prit une poignée de pâtes à pleines mains qu'il porta à sa bouche, en faisant tomber plus de la moitié un peu partout autour de lui.

— Mon Dieu. Je n'ai rien vu, c'est mieux comme ça, décréta Jenna dépitée.

— Pareil, je n'ai rien vu, souffla Jimmy en fronçant les sourcils en direction de Joey.

Au regard mécontent de son père, il stoppa net ses bêtises et pris la petite cuillère qui était posée près de l'assiette pour s'en servir normalement.

— Tu l'as scotché juste avec un regard ???

Jenna aussi était scotchée. Ce n'était pas tant qu'elle avait du mal à se faire obéir de son fils, mais tout de même, rarement du premier coup !

— Tu vas m'apprendre ta façon de faire, affirma-t-elle sans attendre de réponse de la part de Jimmy. Tu n'imagine même pas combien c'est fatiguant de se répéter à longueur de...

— Hum, la coupa-t-il. Je sais pas comment je vais réussir à t'apprendre quelque chose qui est innée...

— Ha, ha, très drôle.

Elle enfourna un bout de pizza tout en levant les yeux au ciel.

Le repas se termina tranquillement. Pendant que Jenna couchait Joey dans sa nouvelle chambre, Jimmy fit la vaisselle et remis un peu d'ordre, puis il sortit Shelby faire la balade du soir. Il emmena son portable car il voulait en profiter pour rassurer sa famille (surtout sa mère qui lui avait envoyé pas moins de huit messages au cours de la soirée). Une fois Isabelle rassurée, elle lui passa son oncle Alfred car il avait des nouvelles concernant le procès.

— Ça reprend dans deux jours. Tu te sens prêt pour rempiler ?

— Bien sûr, mais c'est pas pour moi que c'est le plus pénible.

— Je sais bien, mais y'a plus agréable comme épreuve...

— Y'a surtout pire.

— Ça aussi je le sais. Et Jenna, elle veut toujours témoigner ?

— On n'en a pas vraiment reparlé, mais je pense que oui.

— Elle le sait qu'elle n'est pas obligée ?

— Oh oui. Je le lui ai dit, mais elle avait l'air d'avoir pris sa décision, alors...

Alfred souffla.

— Ça m'embête beaucoup qu'elle s'inflige une épreuve dont elle pourrait pourtant se passer, mais soit ! Je peux passer demain dans l'après midi pour la briefer ?

— Ok, je vais lui dire qu'elle se tienne prête. Tu as prévenu les filles ?

— Je vais le faire tout de suite après. Mais insiste bien auprès de Jenna, elle n'est absolument pas obligée de témoigner. Elle peut venir assister au procès avec nous, si elle le souhaite, sans toutefois témoigner.

— Je lui dirais.

— On se voit demain alors. Bonne soirée mon neveu.

— À toi aussi. À demain.

Jimmy siffla Shelby puis prit le chemin du retour. Ce fut pensif qu'il monta dans l'ascenseur. Le retour dans la réalité était rapide. Même pas le temps de prendre ses marques que les voilà déjà projetés dans une nouvelle épreuve. Enfin nouvelle pour Jenna, car pour lui, c'était juste une continuité.

Il la retrouva dans la chambre de Joey, installée sur un énorme pouf, leur fils blottit dans ses bras. Ce dernier avait les yeux fermés, la bouche ouverte.

— Il aura pas mis longtemps à s'endormir, murmura-t-il surpris.

— Il a apprit chez Jacqueline à s'endormir n'importe où. Et n'importe quand aussi d'ailleurs, lui répondit-elle sur le même ton.

— Il est vraiment temps de lui donner une bonne hygiène de vie. J'espère juste que ça ne va pas lui être trop pénible le changement.

— On fera doucement. Ça m'inquiète vraiment pas.

Ou bien elle était vraiment certaine que tout se passerait pour le mieux ou bien alors elle faisait semblant pour ne pas l'inquiéter. Dans tous les cas, elle paraissait confiante et ça suffisait à le rassurer. Joey n'avait pas l'air difficile, peut-être s'habituerait-il rapidement à son nouvel environnement ? Pour l'instant, tout se passait bien, il espérait que le procès ne viendrait pas tout foutre en l'air...

— Il faut que je te parle dès que tu as un moment.

— Je vais le mettre dans son lit, s'il ne se réveille pas, je viens tout de suite, sinon il faudra attendre encore un peu, s'excusa-t-elle en haussant les épaules.

— Prend ton temps, on n'est pas pressés.

Jenna acquiesça et lentement, elle se leva, en faisant très attention à ne pas trop bouger le petit niché dans ses bras. Tout aussi précautionneusement, elle l'installa dans le petit lit, comme seule une mère savait le faire. Le couvrant simplement du drap prévu à cet effet, elle l'embrassa sur le front puis s'éloigna, à pas de loup. Elle se plaça tout prêt de Jimmy et tous les deux couvrirent d'un regard bienveillant, leur enfant semblant dormir d'un sommeil paisible.

— Je suis toute à toi, lui susurra-t-elle tout sourire lorsqu'elle fut sûre que Joey ne se réveillerait pas.

— Oh Jenna, ne me tente pas !

Il lui claqua les fesses d'un air amusé et elle sursauta avant de rapidement s'éloigner de lui en gloussant. Après avoir tirer la porte de la chambre, afin d'atténuer les bruits pour ne pas déranger Joey, il tenta de la rattraper, mais lorsqu'il arriva dans la salle-à-manger, il la retrouva grimpée sur la barre, tête en bas, qui se contorsionnait sensuellement. Il s'approcha d'elle, un sourire en coin.

— C'est ta façon de ne pas "me tenter" ?

— Je t'ai dit que j'étais toute à toi. Je ne plaisantais pas !

Elle lui avait répondu très sérieusement et ce fut l'âme en peine qu'il interrompit le programme pourtant si tentant, qu'elle lui avait prévu.

— Tout à l'heure, si tu veux bien. Il faut qu'on discute de chose on ne peut plus sérieuse.

Alors qu'elle avait toujours la tête en bas, il se pencha et lui déposa un baiser sur ses lèvres.

Jenna fronça les sourcils.

— C'est si grave que ça ?

— Un peu.

Il la porta pour la décrocher de la barre et la mis debout devant lui.

— J'ai eu mon oncle pendant que je promenais la chienne. Le procès reprend dans 2 jours.

— Ah ! Déjà...

— Oui. Que compte tu faire ?

Jenna croisa fébrilement les bras sur sa poitrine, comme si subitement elle avait froid. Jimmy y vit là un signe de nervosité, mêlé à celui de l'angoisse. Bien qu'elle voulait paraître solide, la nouvelle Jenna avait déjà fissuré sa carapace rien qu'en entendant le mot "procès".

— Je te le redis, tu n'ai pas obligé de témoigner. Par contre, rien ne t'empêche d'y assister...

Mais elle resta sur ses positions, malgré une hésitation avant de lui répondre.

— Non, j'y tiens. Je veux témoigner !

— Ok, souffla Jimmy dépité de ne pas avoir réussi à la convaincre. Dans ce cas, Alfred veut te rencontrer pour te préparer au procès.

— D'accord, pas de soucis, dit-elle en se rongeant l'ongle du pouce. Quand ?

— Demain après-midi.

Jenna acquiesça. Puis, sans que Jimmy n'ait le temps de réagir, elle lui sauta au coup et l'entoura de ses jambes.

— Ouch ! Mais qu'est-ce que tu fais ? s'enquit-il surpris tout en la réceptionnant comme il le put.

— On peut reprendre là où on en était ?

— Je te remets sur la barre ? plaisanta-t-il.

— Non, on va s'en passer.

Puis elle s'approcha de son visage pour lui murmurer dans le creux de l'oreille.

— N'oublie pas qu'on n'est pas seuls. Il va falloir être discrets...

— J'aimerais te dire que "Silence" est mon deuxième prénom, mais ce serait mentir...

— Tu veux dormir cette nuit ou bien tu préfère chanter des berceuses jusqu'à pas d'heure ?

— Ni l'un, ni l'autre. Ce que je veux cette nuit c'est toi. Juste toi...

Il l'embrassa pour qu'elle ne poursuive pas la conversation et après s'être assuré qu'elle ne parlerait plus, il la prit par la main, l'entraînant derrière lui en direction de sa chambre pour leur première nuit de leur nouvelle vie ensemble. Une nuit qui se voulait assurément prometteuse...

...

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