CHAP 73
Alors que Jenna remplissait les sacs d'affaires qu'elle emportait avec elle, Jimmy discutait avec Jacqueline dans la cuisine. Joey sur ses genoux, il expliquait dans les grandes lignes le passé de Jenna car il estimait qu'elle avait le droit à quelques explications afin qu'elle comprenne à la fois les raisons de sa fuite puis celles de son retour. La pauvre femme était horrifiée par ce qu'elle entendait. Comment pouvait-on enlever, séquestrer, torturer de toutes jeunes filles ?
— Les fils de putes !!! siffla-t-elle abasourdie. Mais dans quel monde vit-on ? Je peux jurer que si je pouvais, je les tuerais de mes propres mains.
Jimmy dirigea dans un premier temps un regard vers son fils qui voulait dire : T'inquiète pas, c'est pas de toi qu'elle parle. Maman n'en n'est plus une. Puis un autre, plutôt convaincu par les propos de Jacqueline. Sans savoir pourquoi, il arrivait sans mal à la croire...
— Pauvre gamine. J'avais bien compris qu'elle en avait chié dans la vie. Fallait voir sa p'tite mine sans vie, son gros ventre et sa valise, quand elle est venue s'installer ici. Elle était complètement paumée...
Elle secoua doucement sa tête de gauche à droite, servit une tasse de café à Jimmy, puis un biberon au petit Joey qui ne quittait pas les genoux de son père, avant de s'asseoir en face de d'eux.
— Qu'est-ce qui les attends dans votre pays, demanda-t-elle d'un air méfiant en désignant Joey.
— Une fois le procès terminé, une vie normale.
— C'est tout le mal que je leur souhaite.
Cindy débarqua dans la cuisine sans se signaler. Jimmy avait un peu de mal à s'habituer à ce va et vient continuel qui commençait dès le matin de bonheur.
— Mémère, tu sais pas la dernière du Dylan ?
La grand-mère, blasée, leva les yeux au ciel.
— C'est un de mes petits-fils, précisa-t-elle à Jimmy. Un de ses cousins, ajouta-t-elle en désignant sa petite-fille. Et quand on parle du Dylan, je m'attends au pire. Vas-y, accouches !
Quand elle réalisa ce qu'elle venait de dire, elle se rattrapa :
— Pas en vrai que t'accouches, ton mioche tu le ponds où tu veux, mais pas chez moi !
— Tu te rappelles de Totoche ?
— Oui. C'est l'hamster de Gwendy, la grande sœur de Dylan, expliqua-t-elle à l'attention de Jimmy.
— Et ben, y'a plus de Totoche. Dylan l'a foutu dans les chiottes et il a tiré la chasse d'eau !
La première réaction de Jacqueline fut d'être choquée, tout comme Jimmy qui se demandait vraiment où il avait atterrit. La deuxième fut d'éclater de rire. Appuyée contre le réfrigérateur, Cindy aussi riait de bon cœur. Seul Jimmy ne les suivait pas car il se demandait quelle partie était risible et il ne trouvait pas...
— Elle a pas finit d'en voir sa mère avec lui. Je lui avais bien dit de s'arrêter à quatre gamins, elle a rien voulut entendre.
Puis elle repartie dans son fou rire quand Cindy imita l'hamster se débattre dans le tourbillon de la chasse d'eau.
— Pauvre bête, dit Jacqueline en riant de plus belle.
Profitant du désordre, Jimmy s'éclipsa de la cuisine, Joey dans ses bras et le biberon dans ceux de Joey. Il monta rejoindre Jenna dans sa chambre. Il la trouva occuper à préparer la valise du petit Joey.
— Je commence par la sienne. Moi, je peux me débrouiller si je ne prends pas tout, mais lui, il me faut tout !
— Jacqueline a dit qu'elle mettrait de côté ce que tu n'emmènes pas. On viendra le chercher plus tard.
— C'est un amour.
Jimmy ne releva pas. Bien qu'il ne remettait absolument pas en doute les sentiments de Jacqueline envers Jenna et Joey, parce qu'il les savait sincères, il n'aurait pas employé le même terme que celui de Jenna la concernant. Sacré personnage, aurait était plus approprié, à son sens...
— Elle nous prête aussi un siège auto. On lui ramènera quand on viendra chercher le reste des affaires.
— Je peux aller en acheter un maintenant...
— Ça lui fait plaisir de nous dépanner, le coupa Jenna. Laisse lui au moins ça !
Elle avait parlé avec douceur. Elle comprenait que Jimmy eut un peu de mal à apprécier franchement sa famille d'accueil, mais tous autant qu'ils étaient, ils l'avaient accepté telle qu'elle était, sans la juger et sans même essayer de la faire parler. Elle n'avait pas le cœur a leur refuser quoi que ce fut.
— C'était une suggestion Jenna, c'est tout, se défendit-il farouchement.
— Tu proposes et je dispose, c'est ça ?
C'était un clin d'œil à leurs rendez-vous passés dans la suite de l'hôtel, lorsque tacitement, il lui suggérait de se revoir à nouveau.
— Tu as bonne mémoire, apprécia-t-il en souriant. Tu en as pour longtemps ?
— Il me reste la salle de bain pour les produits d'hygiène de Joey et faire ma valise. Ça devrait être rapide maintenant.
— Je vais t'aider, il faut qu'on prenne la route.
Jenna acquiesça. Elle n'avait pas mesuré l'impatience que Jimmy avait de rentrer. Elle supposa que les ramener elle et leur fils, l'attisait un tant soi peu. Elle activa la cadence et vingt minutes plus tard, elle était fin prête.
Sur le pas de la porte, Jacqueline se mouchait bruyamment et essuyait de grosses larmes. Jenna fut attristée de la voir si bouleversée par leur départ.
— On se reverra quand je vais revenir chercher le reste de mes affaires, et de toutes façons, je reviendrai vous voir, c'est promis.
— Avec le p'tit !
— Tous les trois. On reviendra vous voir tous les trois.
Michel se joignit à sa femme et à sa petite fille Cindy, qui soutenait sa grand-mère du mieux qu'elle le pouvait. Il attrapa Joey qu'il souleva dans les airs plusieurs fois, le faisant éclater de rire. Jacqueline ne put se retenir de rire aussi en voyant ce si craquant visage d'enfant, rire aux éclats. Il le rendit à son père en n'omettant pas de lui faire un dernier rappel.
— Et on ne dit pas "merci", on dit "j'en veux encore" ! Souviens-t-en mon p'tit bonhomme.
Joey acquiesça énergiquement, signe que la leçon était bien comprise, au grand damne de Jimmy qui réfléchissait à comment bien pouvoir lui faire passer cette manie rapidement et surtout, définitivement.
— Ne t'en fais pas pour la salle, j'irais à la mairie leur expliquer pour ton départ et je leur proposerai ma fille en attendant qu'ils trouvent une remplaçante comme prof de danse et je leur demanderai une remplaçante pour la maison aussi.
— Merci beaucoup Jacqueline.
Jenna embrassa une dernière fois les trois membres de la famille qui étaient là pour leur départ, puis elle se dirigea vers la voiture de Jimmy. Ce dernier avait déjà disposé les affaires dans le coffre et il se battait avec le siège auto qu'il n'arrivait pas à fixer.
— Saloperie de saloperie !!!
En entendant Jimmy jurer de la sorte, Jenna sursauta de surprise et elle ne fut pas la seule. Tous regardèrent médusés cet homme au naturel distingué, qui venait d'employer des mots à la limite du respectable.
— Je suis choquée, murmura Cindy à l'oreille de sa grand-mère alors qu'elle se tenait le ventre comme si elle voulait protéger les oreilles de son enfant à naître.
Jimmy porta le doigt à la bouche. Il venait de se le pincer en essayant de clipser la sangle qui maintenait le siège en place. Jacqueline, en grande experte de l'art de la puériculture, vint à son secours.
— Voilà, il craint plus rien le p'tit, affirma-t-elle satisfaite d'avoir pu aider une dernière fois. Après une dizaine de gamins, ce genre d'engins n'aura plus de secrets pour vous, ajouta-t-elle d'un air moqueur.
Les yeux ronds de Jimmy suffisaient à eux seuls à exprimer ce qu'il avait en tête. Jamais, ô grand jamais, il n'aurait autant d'enfants !
— Bon, tu es prêtes ? demanda-t-il à Jenna afin de détourner l'attention de lui.
Jenna acquiesça d'un signe de la tête et embrassa une dernière fois les membres de sa famille de cœur, puis installa Joey dans le siège auto. À son tour, elle s'installa près de Jimmy qui avait déjà mis le moteur en route, et boucla sa ceinture. Ce fut en regardant son fil qu'elle dit :
— En route pour la maison !
Surpris, Jimmy la regarda attentivement, cherchant une trace de nostalgie ou un peu de tristesse sur son visage. Mais quand il la vit, le sourire éclatant et les yeux brillants de joie, il n'eut plus de doute sur son état d'esprit. Jenna était heureuse en cet instant et cela le rendit heureux lui aussi. Il était venu la trouver dans son refuge pour la voir, et peut-être réussir à lui parler. Il avait eu tellement plus en la ramenant avec lui, elle et bien sûr leur fils.
Jenna glissa sa main dans celle libre de Jimmy. Son sourire avait disparu et elle paraissait subitement pensive.
— Tu appréhendes ton retour ?
— Oui, un peu. Mais je suis contente d'être là, avec toi. De rentrer, tout simplement.
Elle soupira avant d'ajouter :
— Il est temps de remettre les choses en place.
Ils roulèrent pendant une dizaine de minutes avant de passer devant le panneau qui leur indiquait qu'ils quittaient la ville. Jimmy prit la main de Jenna et entremêla les doigts aux siens.
— Tout se passera bien, tu verras, la rassura-t-il, confiant.
Pour toute réponse, Jenna lui sourit, puis elle tourna la tête pour regarder le paysage défilé par la vitre de la voiture.
— Tu es là avec nous, alors oui, tout se passera bien, affirma-t-elle.
Chacun partit dans ses pensées. Chacun imagina ce que pourraient être les retrouvailles. Belles et émouvantes pour Jimmy alors que pour Jenna, et malgré ce qu'elle venait de lui dire, elles les envisageaient catastrophiques. Mais peu lui importait. Elle avait retrouvé Jimmy, le père de son enfant, et ce serait désormais à trois qu'ils avanceraient dans la vie. Rien que pour ça, elle était prête à braver un procès et un face à face avec son passé. Son fils en valait la peine, Jimmy en valait la peine et elle commençait même à se dire qu'elle aussi, elle en valait la peine.
À mesure que la voiture avalait les kilomètres, une nouvelle destinée s'ouvrait à eux.
Qui pourrait dire ce qu'elle leurs réservait ? Personne, bien évidemment ! Mais ils étaient ensemble, tous les trois, et là était l'essentiel.
...
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