CHAP 71
Jimmy posa son portable sur la table de la chambre d'hôtel. Il venait de passer une demi-heure au téléphone à rassurer sa mère qui s'inquiétait de ne pas le voir revenir. Il s'était voulu prudent quant à son approche avec Jenna, mais surtout il lui avait appris qu'elle était grand-mère pour la deuxième fois, Joey arrivant juste après Jules, le fils de Callie.
Isabelle avait hurlé de joie quand elle avait appris la nouvelle. Elle avait ordonné à son fils de lui ramener son petit fils, et la maman bien sûr, le plus vite possible. Jimmy avait du freiner son enthousiasme, de peur qu'elle ne fut déçue si Jenna décidait de ne pas rentrer avec lui. Il avait préféré lui dire qu'il ne l'avait pas encore lancé sur cette discussion. Que cela était encore trop tôt et qu'il avait jugé Jenna pas tout à fait prête à entendre ce qu'il avait à lui dire. Isabelle fut bien entendu peinée par la tournure que prenait leur retour, mais elle avait confiance en son fils et en ses talents de négociateur pour faire entendre raison à celle qu'elle n'avait jamais cessé de considérer comme sa belle fille. Elle patienterait le temps qu'il faudrait, tant qu'il les lui ramenait. Elle avait ensuite questionné Jimmy sur Joey. Jimmy lui avait fait parvenir par MMS, une photo du petit prise le jour même. Isabelle s'était extasiée devant et avait mit fin à la conversation avec son fils pour montrer la belle petite frimousse de son nouveau petit fils au reste de la famille.
Jimmy souffla en regardant par la fenêtre de sa chambre d'hôtel. Jenna lui manquait alors qu'il ne l'avait quittée seulement une heure auparavant. Il était complètement perturbé par ce qu'il éprouvait depuis qu'il l'avait revue. Qui aurait pu croire que leurs retrouvailles se passeraient si bien ? Jenna parlait même de rentrer avec lui ! Mais il ne voulait pas crier victoire trop vite. Il devait se protéger contre de possibles désillusions.
Il se tourna et vit posé sur le lit, son sac de voyage presque prêt. Il ne restait plus que ses affaires de toilette à ranger une fois qu'il s'en serait servi le lendemain. Il n'avait franchement pas le cœur à les quitter, mais il ne forcerait pas Jenna à le suivre, quitte à en crever. Il avait cette fierté là, qui le maintenait encore debout, mais que se passerait-il si toutefois elle décidait de ne pas le suivre ?
Il se rongeait les sangs à supposer à tort et à travers, quand quelqu'un frappa à la porte de la chambre. N'ayant aucune idée de qui cela pouvait bien être, il alla ouvrir, alors qu'il n'avait vraiment pas envie de voir du monde. Mais lorsqu'il vit qui se trouvait derrière la porte, il ne regretta pas un instant d'avoir ouvert. Elle était là, devant lui, souriante et les yeux brillants de ce qui ressemblait à du bonheur.
— Salut, dit-elle timidement sans se départir de son sourire.
— Salut.
— Je peux entrer ? demanda-t-elle devant son manque de réaction.
— Bien sûr, répondit-il en se poussant pour la laisser passer. Je ne m'attendais pas à te voir là. Rien de grave ?
— Non, rien de grave, le rassura-t-elle.
Elle s'approcha de lui puis le contourna pour fermer la porte restée ouverte.
— J'avais juste envie de te voir...
Jimmy ne put feindre sa surprise. Il ne s'était déjà pas attendu à sa venue, mais encore moins pour le motif qu'elle avançait.
— Enfin je veux dire, je voulais qu'on se voit pour mettre au point notre départ, se rattrapa-t-elle assez maladroitement. Et comme c'est demain matin, il y a un peu urgence. Enfin tu vois ce que je veux dire. Tu comprends ?
Jimmy ne répondit pas, mais à la place, il lui sourit tendrement. Elle le faisait toujours autant craquer que dans ses souvenirs et il n'avait qu'une envie, la prendre dans ses bras, la toucher, la respirer... "Arrête ça tout de suite !" pensa-t-il en fermant brièvement les yeux. Il n'était pas question de la faire fuir avec un comportement déplacé !
— Ça me va très bien ! finit-il par approuver. Je t'en prie, assieds-toi.
Elle s'installa sur la chaise et lui, opta pour le bout du lit, le mobilier de la chambre étant très restreint.
— Je t'aurais bien offert à boire, mais il n'y a pas de room service dans cet hôtel.
Il en était d'ailleurs réellement désolé, et pas que pour Jenna. Le moment était vraiment propice à un tête-à-tête accompagné d'une coupe de champagne, mais ils devraient faire sans, et il en était bien navré.
— Oh ! C'est pas grave.
Elle fouilla dans son sac qu'elle avait laissé sur le sol et en sortit une bouteille qu'elle posa sur la table près du téléphone portable de Jimmy, puis deux coupes qu'elle posa également.
— J'ai pensé qu'un p'tit péteux serait pas de trop.
Elle haussa les épaules comme pour s'excuser d'avoir osé être aussi entreprenante.
— C'est exactement ce qu'il nous manquait, assura Jimmy ravi.
Il se leva et pris la bouteille qu'il examina. Il lu à deux reprises l'appellation, mais il avait beau chercher, il ne connaissait pas.
— Ça vient de chez Jacqueline. Je suis pratiquement sûre que tu ne connais pas. Elle n'achète pas de bouteille dépassant les trois euros...
— Ah ! fit-il d'un coup moins enjoué. On va quand même y goûter, adjugea-t-il en s'attaquant à l'aluminium qui entourait le bouchon, puis au fil de fer qui le maintenait en place.
Le bruit du bouchon qui saute résonna dans la petite pièce et réchauffa tout de suite l'ambiance. Jenna se précipita sur la coupe que Jimmy s'apprêtait à servir :
— C'est pour pas qu'elle tombe, expliqua-t-elle. C'est du plastique...
— On n'est plus à ça, lâcha-t-il blasé.
Après avoir passé quelques heures dans la famille d'accueil de Jenna, il n'était effectivement plus à une contrariété près.
Ils trinquèrent en silence et burent une gorgée. Jenna éclata de rire quand elle vit une grimace de dégoût s'afficher spontanément sur le visage de Jimmy.
— C'est à ce point ? lui demanda-t-elle d'un air moqueur.
— Honnêtement ?
— Tu peux te lâcher, je ne serai pas vexée.
— C'est parfaitement imbuvable !
La mine défaite, il reposa la coupe sur la table, vaincu. Jenna l'observait. Elle prenait conscience du manque que la présence de Jimmy lui avait occasionné. Pendant ses deux ans, elle n'avait pas cherché à refaire sa vie sur le plan sentimentale. Ce n'était pas tant l'arrivée de son fils qui l'en avait empêché, mais tout simplement qu'elle avait été incapable de tourner la page. Elle avait réussi à ne pas y penser continuellement, c'était déjà un exploit en soit, mais toujours Jimmy finissait par réapparaître d'une façon ou d'une autre que ce soit dans ses souvenirs ou bien encore dans ses rêves et cela, bien avant que le procès ne commence.
Il n'avait pas changé. Les expressions de son visage lui rappelaient combien elle l'avait trouvé beau et attirant. À cet instant, elle réalisa que cela non plus n'avait pas changé. Combien de fois l'avait-elle regardé à la dérobée jusqu'à se perdre complètement en lui ?
— Tu m'en veux vraiment pas ? finit-elle par lui demander d'une toute petite voix.
Jimmy mit ses mains dans les poches de son jean puis regarda au travers de la fenêtre. Il paraissait parti loin dans ses pensées et Jenna n'osa pas l'interrompre. Elle se contenta d'attendre, tout en étant suspendue à ses lèvres, tellement elle appréhendait sa réponse qu'elle ne doutait pas pleine de reproches.
— Viens là.
Il lui tendit la main, sans détourner ses yeux de la fenêtre. Jenna se leva et le rejoignit, son cœur s'affolant subitement. Au contact de sa main sur la sienne, elle frissonna de crainte et d'incertitude. Mais elle était subjuguée par des émotions restées trop longtemps en veille. Il la serra contre lui, le dos de Jenna contre son torse, en l'entourant de ses bras, puis il posa sa tête dans le creux de son cou. Il huma son odeur tout en fermant les yeux pour bien s'imprégner de ce moment tant désiré. Jenna aussi appréciait, et ce n'était rien de le dire. À son tour, elle ferma les yeux et se laissa bercer par la respiration de Jimmy. Ils restèrent plusieurs minutes, blottis l'un contre l'autre, profitant de cet instant si inespéré.
— Jimmy ?
Elle chuchota presque tellement elle se trouvait bien dans ce silence rassurant et confortable.
— Chut. Laisse moi profiter encore un peu, s'il te plaît.
Il resserra son emprise sur elle, l'incitant à obtempérer. Ils replongèrent dans un silence emplit d'émotions presque palpables. Jenna posa ses mains sur les bras de Jimmy, puis elle calla sa tête tout contre lui.
— J'ai vraiment cru que cela ne se produirait plus. Je n'ai jamais lâché l'idée que je te retrouverais, mais au fond de moi, j'étais persuadé que jamais je ne te reverrais.
La confession de Jimmy tortura un peu plus Jenna qu'elle ne l'était déjà.
— Je donnerais cher pour revenir en arrière et t'épargner toutes ses souffrances. J'ai fais ça pour lui, pour notre fils...
— Je sais.
Jenna se retourna et fut choquée de voir tant de peine sur le visage de Jimmy.
— Je m'en veux tellement. Je serai revenue si seulement j'avais su...
Elle caressa sa joue tendrement, ne sachant pas quoi lui dire de plus qui pourrait le soulager. Elle voulait aller plus loin dans ses caresses, mais elle n'osait pas prendre l'initiative. Elle avait peur qu'il ne la rejette et elle savait qu'elle ne le supporterait pas. Elle voulut enlever sa main, mais il l'en empêcha :
— Reste. Ne pars pas, lui dit-il d'une voix hésitante.
— Je ne compte pas partir. Je reste là. Tout le temps qu'il faudra.
— Toute la nuit ?
— Oui, toute la nuit, si tu veux bien de moi.
Il la regarda si intensément que des frissons lui parcoururent le dos, remontant jusqu'à sa nuque.
Jimmy la souleva. Leurs visages se trouvèrent au même niveau et naturellement s'approchèrent jusqu'à se toucher. Quand leurs lèvres se frôlèrent, tous les deux eurent un moment d'hésitation que Jimmy passa outre en embrassant franchement Jenna. Il ne pouvait tout simplement plus se contenir. Il la voulait depuis qu'il l'avait vue dans la salle de danse. Tout ce temps passer près d'elle, sans pouvoir la toucher, sans pouvoir partager des moments d'intimité, l'avait malmené plus qu'il ne pouvait le supporter. Il était vraiment urgent de passer à la vitesse supérieure. Il la porta jusque sur le lit où il la déposa doucement. S'allongeant près d'elle, il l'observa avec attention.
— Tu n'as pas changé, dit-il en lui glissant une mèche de cheveux derrière l'oreille. À part que je te trouve plus sereine, plus épanouie.
— C'est l'effet Joey, et aussi le fait que j'arrive à ne plus laisser le passé m'atteindre aussi facilement qu'avant.
— C'est bien. Ça me fait plaisir de l'entendre. Je t'ai vu tellement souffrir...
Jenna baissa les yeux car elle réalisa quelque chose.
— Tu ne m'as jamais vu heureuse. Tu ne me connais pas sous cet angle. Tu ne connais que la partie la plus triste de mon être...
— Je t'ai vu triste, oui c'est vrai. Mais ce n'est pas ce qui ressortait le plus de toi.
Elle releva les yeux, curieuse de savoir comment il l'avait perçue à cette époque.
— C'est le courage dont tu as fait preuve que j'ai admiré chez toi.
— J'ai pourtant pas l'impression d'avoir eu du courage. J'ai passé mon temps à subir la vie qu'on m'imposait. Je vois aucun courage là-dedans.
— Détrompe-toi Jenna. Je n'ai connu personne d'aussi courageux que toi, à par bien sûr les filles, et Rosa. Elle aussi elle n'en n'a pas manqué de courage et jusqu'à la fin.
— Quand est-elle décédée ?
— Ça fait huit mois maintenant...
— Comment l'a vécu Georges ?
— Il a était anéanti parce qu'il n'était pas tout à fait remis de ton départ...
— Mon Dieu...
Les mots moururent sur ses lèvres. Elle pensait avoir pris conscience de l'erreur qu'elle avait commise en s'enfuyant, mais visiblement elle n'avait pas mesuré l'ampleur des dégâts.
— Comment va-t-il maintenant ?
— Il sait que je t'ai retrouvé, il sait aussi qu'il a un troisième arrière petit-fils, alors ça va mieux. On va tous mieux en fait.
— Trois ?
— Oui. Ma sœur a eut un fils, et mon cousin, le fils d'Alfred a eut une fille.
Jenna se blottie contre Jimmy pour cacher ses yeux humides. Elle ne méritait pas un homme aussi bon que lui, pas plus qu'elle ne méritait sa famille. Il lui était revenu alors qu'elle l'avait fuit et lui avait délibérément caché sa grossesse... Puis d'un coup, elle se redressa et d'un geste de la main, retira les larmes qui commençaient à sortir.
— Pourquoi tu ne m'en veux pas ? Pourquoi tu m'acceptes si facilement après tout le mal que je t'ai fait ? Je comprends vraiment pas...
Jimmy se redressa aussi et se mit à sa hauteur. Ce fut dans un mi-sourire qu'il lui répondit :
— Parce que je ne peux pas faire autrement. Pendant ces deux années, je n'ai pas réussi à t'oublier. Tous les matins tu as été le moteur qui me permettait d'aller au bout de la journée, et le soir, je cherchais quoi faire qui pourrait te ramener. J'ai finalement réussi. Tu es revenue.
— Grâce au cabaret, comprit-elle bouleversée.
— Oui, grâce au cabaret. Tu ne serais jamais revenue sans ça, je me trompe ?
Jenna le reconnu, ce qui attrista Jimmy. Quand elle s'en aperçut, elle s'empressa de lui expliquer la raison :
— Surtout ne crois pas que c'était parce que je ne voulais plus te voir que je ne suis pas revenue. Au contraire, j'en crevais d'envie de revenir, de te présenter Joey, parce que tu me manquais trop. Mais je ne savais pas comment faire. J'étais persuadée que tu me détestais et que tu me jetterais si tu me voyais. J'ai choisi de ne pas connaître ta réaction, parce que je n'aurais pas supporté que tu me repousses... J'avais peur du face à face.
— Tu as eu tout faux.
— Je le sais maintenant. Je m'en rends compte...
Elle osa le regarder droit dans les yeux pour qu'il puisse y voir combien elle était navrée.
— Je sais que je ne pourrais jamais réparer le mal que je t'ai fait...
— Si, tu le peux ! la coupa-t-il.
Elle resta la bouche ouverte, attendant qu'il poursuive ce qui pourrait peut-être mettre fin à la torture qu'ils s'imposaient tous les deux en parlant de ces deux dernières années.
— Ne me quitte plus jamais !
Jenna acquiesça vivement de la tête et se jeta dans ses bras.
— Plus jamais ! approuva-t-elle.
Prise d'une soudaine envie de plus, elle plongea sur ses lèvres et l'embrassa avec fougue, comme si la retenue qui l'avait empêchée d'oser jusque là, s'était envolée. Jimmy ne fut pas en reste. Très réactif à l'empressement de Jenna, il l'accompagna sans demander son reste et l'allongea brutalement sur le lit.
Enfin ! Enfin, ils y étaient à ce moment tant désiré. Enfin il pouvait la toucher, la déshabiller, la respirer, la goûter, la regarder réagir à ses caresses et l'entendre gémir de plaisir. Elle était là, juste sous lui. Il la dominait, la dirigeait, il voulait l'emporter "ailleurs qu'ici", exactement là où il l'avait déjà emmené deux ans auparavant, et il comptait bien y parvenir. Il ne relâcherait pas ses efforts tant qu'il ne la sentirait pas quitter terre.
De son côté, Jenna avait fermé les yeux. Elle s'était entièrement mise à l'écoute de son propre corps. Toute en émotion, elle recevait les caresses, les baisers et les assauts de Jimmy. Elle suivait ce qu'il lui imposait avec docilité tant elle s'en voulait de la souffrance qu'elle lui avait fait vivre. Mais elle ne subissait pas pour autant car elle était exactement là où elle voulait être depuis si longtemps. Elle l'entoura de ses jambes, s'agrippant à lui avec force, parce qu'il était celui qui l'avait sauvée de toutes les façons qu'une personne pouvait être sauvée. Il n'existait pas d'équivalent, elle le savait. C'était Lui depuis que leurs regards s'étaient croisés, et rien n'avait pu changer cela, pas même l'agression innommable dont elle avait été victime, ni ces deux années passées loin de lui. Il l'avait recherchée, pendant longtemps. Il avait construit ce dont elle rêvait à l'époque où elle n'était encore qu'une prostituée : un cabaret. En faisant cela, il lui avait prouvé que tout était possible, tout était réalisable, si elle se donnait la peine d'y croire. Ce qu'elle n'avait pas fait. Pas parce qu'elle ne l'avait pas voulu, mais parce qu'elle n'avait pas pu. En prise avec ses démons, elle n'avait tout simplement pas été capable de voir ce qu'il lui proposait. Le traumatisme infligé par l'agression avait été bien trop ancré en elle pour qu'il puisse en être autrement. Son esprit n'analysait plus correctement. Elle s'était mise en mode autoprotection pour sauver, pensait-elle, l'enfant à venir. Mais c'était fini tout ça. Elle voyait clair maintenant. Elle savait où était sa place et celle de son fils, près de Jimmy, elle n'avait plus aucun doute lorsqu'elle quitta terre pour rejoindre celui qui l'emportait toujours si haut, toujours plus loin.
...
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