CHAP 7

De son bureau, Jimmy appela son père. Il voulait en finir avec cette histoire qui lui accaparait tout son temps au détriment de ses autres affaires en cours. Malgré l'heure matinale, son père décrocha. Jimmy lui expliqua brièvement la situation. Ils convinrent de déjeuner ensemble au bureau pour se pencher sur le problème. Le reste de la matinée, Jimmy pu se consacrer, secondé par Freddy, aux autres tâches en cours, telles que : Programmer sur le planning, des devis ainsi que des lancements de chantiers et contrôles de chantiers déjà en cours.

Freddy eut en charge deux demandes de devis l'après-midi même et Jimmy prit trois contrôles de chantiers en cours, afin de s'assurer du parfait déroulement de ceux-ci et d'anticiper d'éventuels problèmes.

La matinée était passée si vite que Jimmy fut surpris de voir son père arriver dans son bureau.

- Déjà ?

- Je te dirais bien que j'ai lâché tout ce que je faisais pour accourir parce que je t'ai senti en plein désarroi, mais non, il est juste l'heure à laquelle je t'avais dit que j'arriverais. Sinon, bonjour mon fils.

- Salut papa, répondit Jimmy avec un sourire en coin. Merci de t'être dérangé, je ne vois aucune solution, je suis vraiment dans une impasse...

- Je vais regarder, mais je ne suis pas un faiseur de miracle. Si on peut pas, on peut pas !!!

Jimmy lui céda sa place et lui expliqua l'étendue du problème, en insistant tout particulièrement sur le manque d'honneur du client.

- C'est le genre de mec à te foutre dans la merde et à s'en sortir alors que toi... Rien que pour ça, j'ai pas envie de conclure l'affaire. Clairement, peu importe les moyens d'y parvenir, mais sa piscine, il la veut !

- Et bien mon fils, c'est ce que nous allons vérifier tout de suite.

Ils reprirent tout à zéro, refirent calculs et plans intégralement. Arthur se plongea pendant un bon laps de temps dans ce qu'il appelait «sa bible», un livre dans lequel étaient inscrites toutes les lois en vigueur concernant l'architecture du paysage, puis dans les règles locales d'urbanisme et le plan d'occupation des sols. Pour lui, la conclusion était simple et limpide :

- Absolument pas du tout réalisable !!! affirma-t-il en jetant la bible sur les plans. Il est dans une zone classée, la seule piscine qu'il peut espérer avoir un jour est une piscine hors sol et il n'a pas besoin de nous pour ça.

- Je suis content de voir que rien ne m'avait échappé, souffla Jimmy. Je ne suis pas aussi callé que toi sur les lois et compagnies et j'espérais avoir raté quelque chose pour pouvoir accéder à sa demande, mais visiblement, je ne suis pas si mauvais que ça !

Puis, après réflexion, il demanda à son père :

- Pourquoi n'avoir pas vérifié en premier que c'était une zone classée ? Ça nous aurait évité de nous farcir tous les calculs et les plans ???

- C'était juste pour vérifier ton travail. J'ai pas trouvé d'erreur, dit-il en haussant les épaules.

Jimmy voulu relever, mais laissa tomber. Son père avait été plus malin que lui sur ce coup là...

- Il n'y a plus qu'à lui apprendre la mauvaise nouvelle, maintenant. Tu t'en charges, ou je m'en charge ?

- T'en as fait assez papa, merci, je vais le faire. Bon, on se le mange ce morceau ? Tu préfères quoi, chinois, pizzas ou indien ?

- Pizzas, répondit le père sans aucune hésitation. Comme ça je vais pouvoir faire enrager ta mère en lui disant que j'ai dégusté une pizza meilleure que celles qu'elle fait !

- C'est pas possible. Pire que des gosses ces deux là ! se désespéra Jimmy pourtant habitué aux railleries réciproques de ses parents.

- Eh, eh, on ne change pas une équipe qui gagne ! rétorqua son père, très fier de sa trouvaille. On a toujours fonctionné de la sorte ta mère et moi. Je crois même qu'on s'ennuierait sans ça...

- En tout cas, nous, on ne s'ennuie pas avec vous deux, tu peux me croire, attesta Jimmy en riant.

Quand les pizzas arrivèrent, père et fils s'installèrent sur une petite table basse entourée de deux canapés deux places. Elles furent englouties dans un silence religieux, tellement la faim les avait torturé pendant la décortication du problème "Lewis". Puis Jimmy se rappela qu'il avait un petit contentieux à régler avec son père.

- Au fait, tu comptais me le dire quand que tu avais embauché une remplaçante pour mon appart ?

- Dimanche, quand on se serait vu.

- C'est pas un peu tard ? Surtout qu'elle a visité l'appart hier, et que n'étant pas au courant, je ne l'avais pas spécialement préparé pour son arrivée !

- Ça t'apprendra à être désordonné, mon fils ! Et puis, ne me branche pas là-dessus, je l'ai assez en travers de la gorge comme ça !

- Pourquoi ? D'après Rosa, elle peut faire l'affaire...

Arthur interrompit son fils :

- Rosa et ton grand-père se sont ligués contre moi pour l'embaucher.

- Comment ça ? demanda Jimmy, se forçant avec difficulté à réprimer un sourire.

- Cette fille n'a jamais travaillé de sa foutue vie. Elle prétend avoir soigné sa tante malade d'un cancer, si j'ai bien compris. De ce fait, elle n'a pas pu faire d'études, ni travailler. Rien, NADA !!! Mais ton vicelard de grand-père lui, il s'en fout. La seule chose qu'il a vu dans cette fille, c'est qu'elle est jeune et belle ! Qu'elle soit compétente, qu'elle ait des références, de l'expérience, il s'en tape royalement !!!

- Tu n'as pas d'autres renseignements sur elle ? voulut savoir Jimmy qui commençait à s'inquiéter pour son appartement.

- Si, j'en ai un ! affirma son père. Et il est magistral celui-là. Elle pratique la pôle dance, dit-il en appuyant exagérément sur les deux mots. Et sais-tu ce qu'est la pôle dance ? Parce que bien sûr, j'ai fait ma petite enquête !

- Euh non, avoua sincèrement le fils.

- C'est une danse qui se fait avec l'aide d'une barre. Et tu sais qui pratique ce genre euh... d'activité ???

Jimmy se sentit subitement mal à l'aise. Il se gratta le menton avant de répondre :

- Euh, j'en ai une vague idée...

- DES STRIPTEASEUSES !!! le coupa son père. Oui, oui, oui, t'as bien entendu, DES STRIPTEASEUSES !

Sans s'en rendre compte, Jimmy s'enfonça un peu plus dans le fond du canapé. Au vu de sa trop récente expérience, il n'osait dire un mot de peur de se trahir. Il préféra se taire.

- Je te préviens tout de suite, je n'en ai pas parlé à ta mère. J'apprécierais que tu passes sous silence le passage de la barre si elle t'interroge. Manquerait plus que je me la mette à dos aussi celle-là, tiens.

Jimmy qui avait fait un énième plongeon dans la salle secrète, avait décroché de la discussion.

- À dos, la barre ? demanda-t-il perdu.

- Mais pas la barre, TA MERE ! Si elle apprend que j'ai embauché une stripteaseuse... Oh mon dieu, je ne veux même pas y penser. Tu viendras à mon enterrement mon fils, tu promets ?

- Promis ! assura-t-il.

Au visage de son père qui se décomposait, il réalisa l'erreur d'interprétation que celui-ci faisait, il se rattrapa :

- Que je ne dirais rien au sujet de... La barre...

- J'ai eu un bref, mais réel moment de solitude là...

- Bon, faut que je me remette au travail papa. Merci beaucoup de t'être dérangé et de m'avoir aidé. Je vais appeler Lewis tout de suite et je vais ensuite faire un tour sur les chantiers en cours, histoire de vérifier que tout va bien.

- Pas de soucis mon fils, on se voit dimanche à la maison, comme d'habitude.

Père et fils s'embrassèrent et se quittèrent. Jimmy souffla quand il se retrouva seul dans le bureau. Il attrapa le téléphone pour appeler Lewis, puis se ravisa. Il avait surtout envie de se changer les idées. Il prit sa veste et ses clés de voiture et sortit de son bureau. En passant devant la secrétaire, il s'arrêta.

- Marie, téléphonez maintenant à Lewis pour lui dire qu'il nous est impossible de construire sa piscine. Dites-lui qu'il est dans une zone classée et que par conséquent, il se mettrait hors la loi dès lors qu'il touche au sol pour une construction, quelle qu'elle soit.

- Euh, vous ne préféreriez pas le faire vous-même ? Il me fait un peu peur...

- Appelez à son bureau. À cette heure-ci, il ne sera peut-être pas encore revenu de déjeuner et vous pourrez laisser le message à sa secrétaire, lui lança-t-il en lui faisant un clin d'œil.

Il passa la porte, sans lui laisser le temps de répondre et se dirigea vers le parking où était garée sa voiture. Il s'engouffra à l'intérieur et prit la route en direction du premier chantier en cours de sa liste.

Les trois visites se passèrent bien, mis à part quelques légers problèmes que Jimmy régla sur le champ, ils avançaient correctement et devraient être finis dans les temps.

Il arriva à l'entreprise en fin d'après-midi, satisfait des avancées, il espérait que Freddy aurait lui aussi bien progressé en ramenant de nouveaux devis.

Quand il passa les portes coulissantes à ouvertures automatiques de l'entrée de l'entreprise, la secrétaire le regarda avec des gros yeux et lui montra discrètement un post-it sur lequel elle avait inscrit en gros : LEWIS, PAS CONTENT ! Puis, tout aussi discrètement, elle dirigea la tête vers l'étage où se trouvait le bureau de Jimmy.

- Super, maugréa-t-il.

Il lui jeta un regard résigné auquel elle répondit par un "bonne chance" muet, que seule sa bouche formula.

Il grimpa l'escalier quatre à quatre. Point n'était utile de faire patienter ce cher monsieur Lewis plus que nécessaire. Il avait surtout en tête de s'en débarrasser le plus vite possible.

- Monsieur Laroche enfin ! réagit Lewis avant qu'il n'atteigne la dernière marche.

Il s'avança à grand pas en lui tendant la main.

- Il me semble que nous avons eu une petite incompréhension au sujet de ma demande ! continua-t-il en lui serrant la main.

- Je pensais pourtant avoir était très clair, fit mine de s'étonner Jimmy. Par ici, l'invita-t-il à entrer dans son bureau.

- Vous, oui, mais je pense que c'est moi qui n'ai pas été très clair. Quand je vous disais que je voulais une piscine naturelle, j'entendais évidemment par là qu'il n'était pas question que vous vous défiliez pour une question de lois. Je suis moi-même homme de loi, vous ne m'avez donc rien appris, figurez-vous.

Jimmy ne lâcha pas prise.

- Vous êtes alors très bien placé pour comprendre la raison, somme tout évidente, pour laquelle je refuse de construire votre piscine.

Lewis réfléchit un instant avant de reprendre.

- Monsieur Laroche. Je vais vous expliquer comment les affaires dans ce bas monde fonctionnent. L'argent dirige tout, absolument tout ! Je veux une piscine, je vous paye pour la construire, et vous le faites ! C'est finalement très simple, vous ne trouvez pas ?

Jimmy prit une profonde inspiration puis s'assit dans son fauteuil.

- Monsieur Lewis, dit-il sur le même ton que son interlocuteur. Je ne mettrai pas en péril tout ce pourquoi mon grand-père s'est battu. Il a monté cette société à la sueur de son front, tout comme mon père d'ailleurs quand il a pris sa suite. Nous ne trempons pas dans les magouilles pour de l'argent. Chez nous, l'argent ne fait pas tout !

Lewis se gratta le coin de la bouche. La discussion n'allait pas dans le sens escompté. Le jeune Laroche ne pliait pas, peut-être n'avait-il pas sorti les bons arguments. Il tenta une approche beaucoup plus directe, qu'il espérait convaincante. Il s'approcha de son bureau, posa doucement les mains sur le rebord.

- Monsieur Laroche, il vous faut entendre ceci. Accepter ma demande, c'est me faire entrer de la meilleure façon qui soit dans votre vie. Je peux vous ouvrir un nombre inimaginable de portes, et dans des domaines que vous ne soupçonnez même pas. Je peux être votre ange gardien de bien des manières.

Jimmy se rappela la conversation avec Christopher et saisit que dans les domaines insoupçonnés, se glissait très certainement la salle secrète, mais il n'en dit rien, il continua à l'écouter attentivement. Toujours en appui sur ses mains, Lewis se fit plus menaçant et se pencha sur le bureau.

- À l'inverse, siffla-t-il, refuser ma demande revient à me faire entrer de la pire des façons dans votre vie. Dans ce cas, j'aurai plaisir à vous pourrir chacune de vos journées, à vous, mais aussi à chaque membre de votre famille, et croyez bien que je serai d'une efficacité redoutable.

Voyant que Jimmy ne le contredisait plus, il se redressa et ajouta :

- Je vous laisse un peu de temps pour peser le pour et le contre. Mais croyez moi quand je vous dis qu'il est dans votre intérêt de conclure notre affaire !

Il ne prit pas la peine de le saluer. Il tourna les talons et sortit de la pièce de la manière la plus hautaine qu'il ait été donné de voir à Jimmy.

- C'était quoi, ça ? se demanda-t-il à lui-même. Un sketch ? Une caméra cachée ?

Il pressentait que le cas Lewis allait devenir un problème majeur dans les semaines, voir les jours à venir...

L'envie grandissante d'une bière se fit ressentir. Il quitta son bureau, dévala les marches pour s'arrêter devant le bureau de Marie.

- Je m'en vais, je ne reviendrai que demain. Vous ne me transférerez que les appels importants, le reste attendra.

Marie attesta d'un signe de tête.

- C'était si dur que ça ? ne put-elle s'empêcher de lui demander.

- C'est une plaie ce mec, répondit-il écoeuré.

- Je suis d'accord avec vous monsieur Laroche, une plaie purulente. Il est répugnant. Beurk !

Complètement en accord avec elle, il lui sourit avant de la saluer.

- À demain Marie, bonne fin de journée.

- Vous de même, monsieur Laroche.

...

Le premier geste que Jimmy eut en arrivant chez lui, fut de s'ouvrir une bière. Le deuxième, de caresser sa chienne qui lui faisait la fête. Quant au troisième, il contacta son ami Christopher pour une raison bien précise : accepter sa proposition. Après la confrontation emplie de menaces avec Lewis, il avait besoin d'une bonne distraction. Bizarrement, ce fut à la salle secrète qu'il avait pensé instinctivement en quittant son bureau. Après s'être interrogé sur la raison pour laquelle il voulait y retourner, alors qu'il avait catégoriquement refusé la veille, il se rappela de la conversation avec son père, puis de l'échange avec Lewis, qui l'avaient amené à y repenser. Mais s'il était honnête envers lui-même, il devait quand même reconnaître qu'il n'avait besoin de rien pour que ses pensées l'entraînent, encore et toujours dans cet endroit si particulier...

Jimmy but une gorgée de sa bière quand Christopher décrocha.

- Un petit changement dans votre programme de vendredi soir, monsieur Laroche ? gloussa ce dernier.

- Tu es très fort Christo, bravo ! Mais tu te trompes d'une soirée. Je préférerais demain soir, annonça Jimmy, on ne peut plus sérieusement.

- Ah, carrément demain soir. Ok, je vais voir ce que je peux faire. Je me renseigne maintenant et je te rappelle dès que j'en sais plus.

- Merci Christo.

Jimmy raccrocha et s'activa à ranger son appartement en prévision de la première journée de la remplaçante de Rosa, le lendemain après-midi.

...

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