CHAP 61


 Jenna focalisait sur le mot de couleur bleu qui était inscrit dans le cadran du test de grossesse.

— Positif !

Assise sur la cuvette des toilettes, cela faisait pas moins d'une bonne vingtaine de fois qu'elle le lisait et le relisait, sans toutefois réagir tellement elle était choquée.

— Madame, vous allez bien ? interrogea l'aide-soignante qui s'inquiétait de l'autre côté de la porte, alors qu'elle toquait à celle-ci.

Jenna ne répondit pas, mais se leva et alla ouvrir.

— Je crois que la prise de sang ne sera pas nécessaire, dit-elle sur un ton neutre.

L'aide-soignante se pencha pour voir le résultat.

— Ah ! Les félicitations sont de rigueur, mais j'ai comme l'impression que vous n'êtes pas aussi enthousiaste que moi, je me trompe ?

Jenna fit quelques pas qui la conduisirent à une fenêtre. Elle regarda au travers, sans voir réellement quoique ce soit.

— C'est beaucoup trop tôt, je ne suis pas prête. On n'est pas prêt...

L'aide-soignante, qui ignorait tout concernant Jenna, n'insista pas.

— Quoiqu'il en soit, je vous recommande vivement la prise de sang. Elle appuiera le résultat du test, mais en plus, elle indiquera depuis combien de temps vous êtes enceinte. C'est beaucoup plus précis que le test.

— Est-il possible que le résultat du test soit faux ?

— Non, je suis désolée, pas dans ce sens là.

— C'est-à-dire ?

— Il peut indiquer que vous n'êtes pas enceinte alors que vous l'êtes, mais s'il indique que vous l'êtes, alors vous l'êtes vraiment...

Jenna encaissa difficilement la nouvelle. Elle parut si perdue que l'aide soignante l'invita à s'asseoir.

— Écoutez, il y a plusieurs options à envisager. Premier cas, vous ne le gardez pas. À ce moment là, on vous orientera vers une I.V.G, autrement dit, une interruption volontaire de grossesse. Ça n'affectera en rien la possibilité de procréer plus tard. Deuxième cas, vous allez au terme de votre grossesse mais là, vous avez deux options : Vous le gardez, ou bien vous pouvez aussi le remettre à l'adoption. Je peux vous poser une question personnelle ?

Jenna, qui l'avait écoutée avec attention, acquiesça d'un signe de la tête.

— Le papa est-il présent dans votre vie ?

Ce fut à ce moment là qu'elle prit réellement conscience de l'état dans lequel elle se trouvait. Je suis enceinte de Jimmy, pensa-t-elle complètement troublée et les larmes aux bords des yeux. Je porte son enfant, son bébé...

— Oui, il est même très présent, concéda-t-elle.

— Alors, si je peux me permettre, où est le problème ? Vous n'êtes pas le premier jeune couple à qui il arrive une heureuse nouvelle !

Comme Jenna ne semblait plus du tout réceptive aux bonnes paroles de l'aide soignante, celle-ci se proposa pour la reconduire auprès du docteur Cruz.

— Mais après la prise de sang, j'insiste, si vous le voulez bien.

Jenna accepta. L'aide-soignante ne perdit pas un instant et fit dans la seconde qui suivit la prise de sang, de peur que sa patiente ne change d'avis, puis elle la raccompagna au service du docteur Cruz mais sans passez par les couloirs détournés. Elles ne reprirent pas le chemin inverse par lequel elles étaient venues et ni l'une, ni l'autre n'y prêtèrent attention. Jenna, car elle avait l'esprit bien trop préoccupé par son nouvel état et l'aide-soignante, car elle était dans l'ignorance la plus totale quant à la condition de Jenna. Alors qu'elles passèrent les doubles portes au-dessus desquelles étaient inscrits en lettres capitales : SERVICE NÉO-NATAL, Jenna n'entendit pas lorsqu'elle fut interpellée par une voix masculine.

— Jenna ! Houhou, JENNA !!!

Christopher eut beau s'époumoner, rien n'y fit. Ni Jenna, ni la personne qui visiblement l'accompagnait, ne l'entendirent et elles disparurent dans l'ascenseur, avant qu'il n'ait eut le temps de les rattraper.

Quand le docteur Cruz les vit arriver par la porte officielle de son bureau, il sermonna l'aide-soignante pour sa négligence.

— Mais enfin, madame Bazin, quand je vous fais passer avec une patiente par la porte de derrière, c'est pour la ramener PAR la porte de derrière. C'est quand même pas difficile à comprendre et à mettre en pratique, non ?

— Toutes mes excuses, docteur Cruz. Cela ne se reproduira plus. Je ferais plus attention la prochaine fois.

— J'espère bien ! Alors, parlez moi du résultat du test de grossesse, voulez-vous ?

Une fois le résumé fait, le médecin se tourna vers sa patiente :

— Que comptez-vous faire ? l'interrogea-t-il, curieux de sa décision.

Jenna prit une inspiration avant de lui répondre :

— Pour l'instant, j'en sais rien du tout...

— Bon, sachez que vous avez jusqu'aux trois mois de votre grossesse pour demander légalement une I.V.G. Si toutefois vous n'arrivez pas à vous décider, je me vois forcer de orienter à nouveau vers la psychologue que je vous ai déjà chaudement recommandée. Elle vous guidera pour prendre une décision en votre âme et conscience, d'accord ?

— D'accord.

— Pour l'instant, rentrez chez vous. Attendez le résultat définitif de la prise de sang que je vous communiquerai demain. En attendant, ne vous tourmentez pas plus que nécessaire. Je suis là si vous avez besoin, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. Il suffit de me passer un coup de fil.

Jenna acquiesça, sans oublier de le remercier avec gratitude. Le docteur Cruz la remit entre les mains du garde du corps et la regarda ainsi s'éloigner sous bonne garde.

— Pauvre enfant, soupira-t-il. Elle est une fois de plus, complètement paumée...

Dans la voiture, Jenna était aux prises avec ses sombres pensées. Elle ne savait pas comment réagir à tout ce chamboulement. Elle mourrait d'envie d'en parler à Jimmy, mais elle doutait réellement de sa réaction. Comment être sûre que cette nouvelle, ou plutôt cette bombe qu'elle avait à lâcher, n'allait pas le déstabiliser plus qu'il ne l'était ? Comment savoir s'il était prêt à envisager l'arrivée d'un petit être au sein de leur foyer si fragile ?

— Putain ! lâcha-t-elle dépitée.

— Vous allez bien, mademoiselle ? s'enquit aussitôt l'homme de main d'Alfred.

Jenna tenta de reprendre contenance :

— Oui, excusez-moi, ça m'a échappé...

— Y'a pas de mal, ne vous en faites pas. Mais si vous n'avez personne à qui parler, je suis une tombe, sachez-le !

Le petit clin d'œil qui lui fit, la fit sourire et sans savoir pourquoi, la rassura. Même si elle savait que jamais elle ne se confierait à un des hommes d'Alfred, savoir qu'il se proposait de l'épauler si le besoin s'en faisait ressentir, la soulageait en lui donnant l'impression de rompre l'isolement dans lequel elle se trouvait engloutie.

— Merci, mais ça va aller. C'est juste une mauvaise passade, ça ira mieux demain.

— Ok. Mais n'hésitez pas si un jour vous avez besoin d'une épaule sur laquelle vous appuyer. Comme je vous l'ai dit, je suis une tombe.

Jenna lui répondit par un sourire entendu et dirigea son regard vers la vitre de la voiture qu'elle laissa se perdre dans le paysage divers et varié qui passait devant elle. Jamais auparavant elle ne s'était trouvée dans une position aussi délicate, bien que des situations délicates, voir catastrophiques, elle en avait vécu plus que son compte. Elle se demanda si un jour, elle pourrait enfin se reposer...

Quand Jimmy rentra, elle fit comme si tout allait bien, comme si elle n'avait pas été perturbée par une nouvelle qui en d'autres circonstances, aurait dû être merveilleuse. Elle réussit à ne pas se trahir, mais cela lui demanda un énorme effort de concentration. Résultat, elle fut épuisée bien avant la fin de la soirée et elle prétexta un mal de tête afin de pouvoir se coucher sans que Jimmy ne soupçonne quelque chose.

Devant le miroir sur pied de la salle de bain de l'étage, elle s'examina attentivement, s'attardant longuement sur son ventre qu'elle caressa d'un geste particulièrement protecteur.

Elle essaya de se projeter quelques mois plus tard, avec un ventre bien arrondi, un futur papa attentif à son bien être, puis encore plus loin dans le temps, berçant dans ses bras l'enfant chéri...

Elle s'y voyait bien vivre de tels moments. Bien que ce n'était que pure imagination, tout lui paraissait réel. Tout serait parfait, si seulement cela n'arrivait pas si vite. Elle soupira et enfila sa tenue de nuit avant de quitter la salle de bain et d'enfin pouvoir se glisser dans le lit. Elle dormait depuis longtemps quand Jimmy vint la rejoindre, évitant ainsi le face à face qu'elle ne voulait pas avoir, de peur de ne pas réussir à garder son secret.

Quand elle se réveilla le lendemain matin, Jimmy n'était déjà plus là. Horrifiée, elle comprit pourquoi en voyant l'heure sur le cadran du radio réveil.

— Mon dieu ! s'écria-t-elle en virant la couette loin d'elle.

Elle se leva précipitamment et descendit en trombe au rez-de-chaussée à la recherche de Jimmy car il n'avait pas pu partir travailler sans la déposer avant chez ses parents, pour rejoindre Georges. Il n'avait pas fait ça !

Elle eut la certitude que son scénario était possible lorsqu'elle vu un post-it posé sur le bar. Elle le prit pour le lire :

" Coucou ma puce, tu dormais tellement bien que j'ai prévenu Georges de ne pas compter sur toi ce matin. Alors profites-en pour te recoucher ou au moins te reposer, ce soir on sort et j'ai besoin de toi en forme !

P.S : Je ne rentre pas ce midi, donc ne m'attend pas et la société qui s'occupe des baies vitrées vient cet après-midi. Tu ne t'en occupes pas, les gars sont habitués à gérer sans moi.

Je t'appelle en fin de matinée, à ce soir.

Jimmy."

Jenna sourit en lisant le mot puis son sourire s'effaça. Il prenait soin d'elle alors qu'elle lui cachait sciemment qu'elle était enceinte. Non, ce n'était plus possible de continuer dans cette voie là, elle s'était promise de ne rien lui cacher, elle honorerait cette promesse, malgré la peur que ce qu'elle lui avouerait, ne finisse par l'éloigner d'elle...

Il devait savoir et elle lui dirait le soir même, après leur sortie, décida-t-elle. Contente de sa décision, elle remonta à l'étage pour se recoucher, comme Jimmy lui avait suggéré sur le mot.

Mais avant, elle mit la sonnerie de son portable au maximum pour ne pas louper l'appel du docteur Cruz.

Elle n'arriva pas à retrouver le sommeil. Son esprit préoccupé la malmenait. Elle attrapa la tablette posée sur la table de nuit de Jimmy et l'alluma, ayant en tête, une idée bien précise.

Durant la semaine passée avec les filles, ces dernières lui avaient vendu du rêve. Enfin plus précisément, un rêve, le sien. Dans la capitale, ville qu'elle savait très loin de la sienne, il existait un concours de pôle dance, organisé une fois par an, avec comme gain pour la gagnante, son entrée pour un an minimum dans un des plus prestigieux cabaret du pays. Et si la gagnante réussissait pendant ce laps de temps, à convaincre la direction du cabaret, elle signerait alors un contrat de danseuse professionnelle pour une durée minimum de cinq ans.

Victoria lui avait même garantie qu'en ne restant qu'un an, cela suffisait pour ouvrir la porte aux contrats avec d'autres très prestigieux cabarets ou même compagnies itinérantes de tous le pays. Autrement dit, cela assurait une bonne partie de son avenir professionnel parce que, toujours d'après Victoria, les danseuses de ses cabarets ou compagnies, sont très, très bien payées !

Elle surfa donc sur le site, allant de photos en photos, de vidéos en vidéos, de témoignages écrits à ceux oraux... Elle rêvait toute éveillée, s'y voyant déjà. Sur le site était inscrit la date du prochain concours qui se situait six mois plus tard, largement suffisant pour s'y préparer, adjugea-t-elle. Mais elle était consciente que dans l'état, elle ne pouvait que rêver à ce concours. À cause de sa situation, elle ne pouvait risquer de se lancer dans une aventure qui certes, devait être palpitante à vivre, mais qui à coup sûr, permettraient à ses poursuivants de la localisée un jour où l'autre, mais aussi et surtout, parce qu'elle était enceinte. Dépitée mais aussi pour arrêter de se faire du mal pour rien, elle éteignit la tablette.

Elle se leva, emportant son téléphone portable avec elle et se dirigea vers la salle de jeux des perroquets. Sans hésitation, elle avança en direction du placard où il y avait le matériel nécessaire pour nettoyer le sol de la salle, elle l'ouvrit, poussa le support où était enroulé le tuyau d'arrosage ainsi qu'une grande plaque en métal qui était apposée contre le mur pour enfin accéder au coffre de Jimmy. Ce dernier le lui avait montré récemment afin qu'elle y mette l'argent qu'elle gagnait en travaillant pour Georges. Son salaire, elle le touchait en liquide, ne pouvant toujours pas avoir de compte en banque et cela dans le seul but de ne laisser de trace d'elle nulle part. Elle fit le code, et ouvrit la lourde porte du coffre qui était devenu "sa banque", nom que lui avait attribué Jimmy. D'ailleurs, cela lui provoquait toujours un sourire quand ce dernier lui demandait innocemment, lors de conversations sommes toutes banales, si elle était "passée à la banque aujourd'hui". Elle prit une enveloppe dans laquelle elle y avait glissé les billets que Georges lui donnait de la main à la main et les compta. Elle en prit une petite liasse qu'elle posa sur le sol et remit précautionneusement le reste à sa place, puis elle referma le coffre et remit tout comme disposé avant.

Elle sortit de la salle de jeux des perroquets et alla tout droit dans le bureau de Jimmy. Elle ouvrit un tiroir pour y prendre une enveloppe dans laquelle elle glissa les billets. Après l'avoir fermée, elle y inscrivit sur le dos le prénom de Mily et la laissa, bien en évidence, sur le bureau de Jimmy. Elle avait convenu avec lui et Alfred, enfin plus exactement, elle avait bataillé, pour que ce soit elle qui assure les frais de pension de la mère de Gaby. Elle était la seule entre les trois filles à gagner un peu d'argent, et elle n'envisageait absolument pas de laisser cette charge financière à d'autres qu'elle. Par respect envers Gaby, il en allait de son devoir d'honorer la promesse faite sur son lit de mort. Elle n'y dérogerait pas, bien que Jimmy avait tout essayé pour la convaincre de le laisser s'en charger. Ce fut grâce à Alfred qu'elle avait gagné cette confrontation assez musclée, car il avait su trouver les mots pour faire comprendre à son neveu l'importance que représentait aux yeux de Jenna la promesse faite à sa défunte amie. Jimmy s'était résigné et avait organisé la transaction avec l'établissement qui accueillait Mily. Toutes les semaines, un homme de son oncle prendrait l'argent que Jenna préparerait et le déposerait au service comptabilité.

Ce fut lors de cette confrontation qu'elle apprit que Jimmy réglait la totalité des frais médicaux de Mily et ce, depuis qu'Alfred l'avait changée d'établissement, c'est-à-dire, très peu de temps après l'agression de Jenna. Mily n'était plus dans la ville. Afin d'être certain qu'il ne lui arrive rien et aussi pour qu'on ne serve pas d'elle pour atteindre les filles, Alfred lui avait trouvé une place dans un centre situé à plus de six cents kilomètres. Les filles ne pouvaient donc plus la voir, mais il leur avait garanti sa sécurité et la qualité des soins qu'elle recevrait sur place.

Ce que Jenna ne savait pas, c'était que le nouveau lieu de vie de Mily était exclusivement réservé aux élites du pays, ou membres de leur famille. Eux seuls pouvaient s'offrir un tel établissement. Il ne fallait pas moins que la participation de Georges, Arthur et Jimmy pour réussir à couvrir tous les frais, tellement il était coûteux. Mais la sécurité de toutes prévalait sur l'aspect financier, à partir du moment où à plusieurs, ils arrivaient à gérer, cela n'était pas une contrainte. Il fallait le faire, il n'y avait pas à discuter !

En ce qui concernait le maigre pécule de Jenna, Jimmy ne s'en servait pas pour ce à quoi il était prévu initialement. Il le gardait précieusement en le remettant dans le coffre, mais dans l'espace réservé à ses affaires personnelles et non dans celui de Jenna. Il lui avait expliqué que cet argent, était réservé pour les envies du moment et qu'il était à disposition. Elle pouvait s'en servir pour ce qu'elle voulait. Et il était entendu, Jenna ne s'en servait jamais ! Mais peu importait à Jimmy, le principal étant que l'argent qu'elle gagnait en travaillant, ne parte pas dans son intégralité pour quelque chose dont lui et sa famille pouvait se charger. Là était pour lui le plus important.

Après avoir fait son devoir envers Mily, Jenna repensa au docteur Cruz, il n'avait toujours pas appelé et elle commençait sérieusement à s'impatienter, bien qu'elle n'attendait pas de réponse négative, l'aide-soignante avait était catégorique sur le fait que le test ne pouvait pas se tromper dès lors qu'il annonçait une grossesse. Mais elle avait besoin d'être sûre pour pouvoir se projeter dans le futur. Elle prit donc son téléphone portable et appela le médecin. Celui-ci ne répondit pas, elle lui laissa alors un message, lui demandant de la rappeler dès qu'il le pouvait. Il ne fallut qu'une demi-heure avant qu'elle puisse lire sur le cadran de son téléphone, le nom tant attendu.

— Allo, répondit-elle avec empressement.

— Bonjour Jenna. Je suis désolé de ne pas vous avoir appelé plus tôt, mais j'ai eu deux urgences coup sur coup, et pas de temps à vous accorder. Veuillez m'en excuser, par ce que je sais très bien que vous êtes impatiente quant au résultat de la prise de sang.

— C'est pas grave, maintenant que je vous ai ! dit-elle soulagée de l'entendre.

— Donc, je vais lever tout de suite le voile du mystère, qui n'en n'est pas un, d'ailleurs. Vous êtes bien enceinte Jenna ! Toutes mes félicitations pour cet heureux évènement.

Le silence se fit subitement. Jenna avait bien entendu ce que le docteur Cruz venait de lui dire, et elle pensait s'être suffisamment préparée pour l'entendre mais le chamboulement qui se passa dans sa tête et dans son corps, lui coupa jusqu'à la respiration. Voilà, elle était enceinte de Jimmy, c'était maintenant très concret !

— Jenna ? Vous allez bien ?

— Euh, oui, ça va, se reprit-elle. C'est juste que maintenant que vous me l'affirmez, ça prend un tout autre sens dans ma tête... Ça me parait à la fois impossible, alors que c'est très réel...

— Je vous le redis Jenna, c'est pour la grande majorité des femmes, une merveilleuse nouvelle. Il n'y a pas de raison pour que vous ne fassiez pas partie de cette majorité, il ne tient qu'à vous de rendre cette nouvelle merveilleuse, vous comprenez ?

— Oui, très bien. J'ai prévu d'en parler à Jimmy dès ce soir. Il doit savoir.

— C'est bien Jenna. Je suis contente du chemin que vous prenez. Monsieur Laroche est tout à fait apte à recevoir cette annonce. Il est bien dans sa tête...

Justement, non, ne put-elle s'empêcher de penser.

— ... Très épris de vous, et je sais que c'est réciproque, tout comme je sais que vous êtes déjà très appréciée de sa famille. Alors ne vous compliquez pas la vie inutilement, en cachant votre état. Vous avez bien raison de lui dire, il saura faire face à la situation, croyez-moi !

Elle aimerait vraiment le croire, mais elle n'était pas certaine de sa réaction car elle était consciente qu'elle ne connaissait pas encore toutes les facettes de Jimmy...

— Je verrais bien ce soir. Je vous tiendrais informé de notre décision dès que nous l'aurons prise.

— Bien, sachez que vous avez le temps pour vous décider, une I.V.G, si toutefois vous décidez d'y avoir recours, doit se pratiquer avant vos trois mois de grossesses. Vous êtes enceinte d'un mois, ça vous laisse une marge approximative d'un mois et demi, alors ne vous précipitez pas, d'accord ?

— D'accord.

Jenna raccrocha après l'avoir encore remercié pour tous ses bons conseils. Il avait croisé sa route par hasard, elle l'avait rencontré alors qu'elle vivait les pires moments de sa vie. Il avait participé activement à sa fuite, sans se poser de questions et était encore à ce jour, présent dans un moment tellement important... Cet homme là était de la même trempe que la famille Laroche. Elle pouvait compter sur lui, et c'était particulièrement rassurant, même si ça ne réglait pas son problème du moment, à savoir, comment annoncer à Jimmy qu'il allait être père...

Après s'être préparée, Jenna téléphona à Georges pour s'excuser de son absence.

— Mais je serais venue si Jimmy m'avait réveillée. Je me serais reposée l'après-midi...

— Parce que t'as besoin de Jimmy pour te réveiller le matin ? l'interrompit le vieil homme surpris. Tu n'as donc pas de réveil ?

— Si, mais comme il se réveille toujours le premier...

— Myrtille, Myrtille, ma p'tite Myrtille la reprit-il, tu as quel âge pour te faire encore réveiller le matin ? Prends-toi en main, il est grand temps que tu sortes de l'enfance !

Elle eut beaucoup de mal à ne pas éclater de rire. Georges lui faisant la réflexion de sortir de l'enfance alors qu'il n'y a pas si longtemps, c'était Rosa qui l'avait sermonné de la sorte, ce n'était pas les complexes qui l'étouffaient...

— Je serai là demain, promis Georges.

— Ne t'en fais pas pour moi, veux-tu ? Je sais parfaitement me débrouiller tout seul. C'est de ta présence dont j'ai besoin. Pour le reste, je m'en arrange, ne t'inquiète pas.

— Je ne vous sers à rien d'autre que cela ? Juste de la compagnie et c'est tout, vous en êtes bien sûr ?

La mauvaise foi du vieil homme ne l'impressionnait plus depuis longtemps. Il préférait faire semblant que tout allait bien, afin de ne pas montrer ses faiblesses. Mais la vieillesse était bien là, il faudrait bien qu'un jour, il finisse par l'accepter. Avoir Jenna près de lui, lui permettait de faire croire à son entourage qu'il n'avait pas besoin d'eux pour boucler une journée. Cela n'était plus vrai depuis quelques temps déjà, mais il était encore loin d'être sénile. Il avait prouvé à sa famille, et ce très récemment, qu'il tenait encore debout, vaille que vaille !

— Bien sûr que j'en suis sûr, pardi !

— Ok, alors je vous dis à demain matin, bonne journée Georges.

— À toi aussi Myrtille.

Mais avant de raccrocher, il ajouta sur un ton ferme :

— Et sois à l'heure demain !

Là encore, elle eut du mal à contenir son rire devant son aplomb.

— Promis, conclut-elle en raccrochant.

Sacré Georges, pensa-t-elle la mine amusée. Gros Pat disait que le monde s'ennuierait sans Tennessie, mais elle, c'est de Georges qu'elle s'ennuierait. Il avait pris une place considérable dans sa vie et dans son cœur et elle lui était tellement reconnaissante de ne pas l'avoir jetée comme une malpropre lorsqu'elle avait été découverte.

Il était une référence pour elle, il était le grand-père qu'elle n'avait pas connu...


...

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