CHAP 6

Dans les murs de l'entreprise familiale, Jimmy étudiait un plan remit par Freddy, l'un de ses employés. Plan qui provenait d'un dossier qui leur posait quelques soucis. N'étant pas vraiment très inspiré, il se leva et se fit un énième café qu'il but l'épaule collée à la fenêtre, le regard perdu dans le vide.

Il n'y avait pas que son regard qui était perdu, son esprit s'égarait souvent ces derniers temps. L'expérience qu'il avait vécu dans la salle secrète l'avait profondément marqué, pourquoi ? Il ne pouvait se l'expliquer. Comparativement, l'échange avait été plus rapide qu'avec n'importe quelle autre de ses aventures d'un soir qui elles, pouvaient durer jusqu'au lendemain matin. L'échange d'une vingtaine de minutes entre lui et Lou, aurait dû passer ce souvenir pour insignifiant, voire inexistant, mais il n'en était rien. Le film passait et repassait en boucle dans sa tête. Dans son esprit embrouillé, la seule chose qui apparaissait claire comme de l'eau de roche était que ces vingt minutes, n'avaient définitivement pas été assez longues !

L'envie d'y retourner la semaine suivante l'avait fortement titillé, mais il avait tenu bon. Il ne voulait pas ressembler à tous ces hommes bien sous tous rapports, avec femme, enfants et un métier honorable, alors qu'en fait, ils étaient pourris jusqu'à la moelle, trempant dans diverses magouilles qui leur permettaient de nourrir tous leurs vices. Ces hommes répugnants, il en croisait régulièrement dans ses affaires. L'entreprise familiale créée par son grand-père, était la seule et unique dans son domaine, l'architecture du paysage, et réunissait tous les notables du coin dans son carnet d'adresse. Alors que sa famille avait fait fortune et avait pu ouvrir des succursales un peu partout dans le pays, elle ne ressemblait pourtant en rien à sa clientèle. Ni dans sa mentalité, ni dans sa façon de vivre et encore moins dans sa façon de dépenser son argent. Il donnait entièrement raison à sa mère quant à sa manière de protéger son mari et lui-même contre des personnes telles que Lydie et sa mère car dans ce milieu, même les femmes étaient gangrenées...

Lydie, il n'en voulait pas comme femme. Par contre, pour un soir, à l'occasion, cela ne lui posait pas de problèmes. Elle, elle voulait plus : Être sa femme ; la mère de ses enfants. Comme il était beau, se pavaner accrochée à son bras la mettait en valeur et elle aimait ça. Il avait de l'argent, sa famille avait de l'argent, il était donc en prime un beau parti... Porter son nom, elle n'aspirait qu'à cela. En plus, elle était folle de son appartement, elle aimait venir s'incruster chez lui alors que lui, s'en passait très bien. Mis à part les quelques fins de soirées ou une compagnie (n'importe laquelle même la sienne) était la bienvenue, le reste du temps, il l'évitait. Comme la dernière fois où avec Christopher, ils avaient décidé de finir leur soirée au restaurant. Ce dernier ayant malencontreusement vendu la mèche, Jimmy dut supporter la présence de Lydie. Leur soirée resto-détente entre potes foutue, il en avait pris son parti, mais avec coincée dans un coin de sa tête, une idée bien précise : Finir la soirée avec elle, et de préférence chez elle, pour ne pas qu'elle se prolonge plus que nécessaire...

Un événement avait pourtant contrarié son projet. En cause, trois filles qui dînaient dans le même restaurant. Trois créatures magnifiques qui visiblement passaient du bon temps à rire aux éclats et à se chamailler entre elles. Il ne leur avait pas spécialement prêté attention, jusqu'au moment où un homme en costume sombre avait fait son apparition à la porte et avait attendu qu'elles le rejoignent. La première impression de Jimmy avait été qu'il était leur chauffeur. Ce qu'avait contredit le barman quand il les avait désigné comme étant "des filles" appartenant à Gwendal... Christopher qui était plus au fait que lui sur le sujet avait cru bon de préciser en haussant les épaules :

- Ce sont des putes quoi.

Le retour dans la chambre secrète avait été direct et brutal. Jimmy avait vidé son verre d'une traite puis il avait prétexté une envie naturelle soudaine pour s'éclipser du restaurant et rentrer chez lui, plantant là ses deux amis...

S'il n'avait pu éviter Christopher indéfiniment, en revanche, il n'avait pas revu Lydie depuis ce soir là et il n'avait pas cherché à la contacter. La sonnerie de son portable sur son bureau interrompit le cours de ses pensées. Le visage de Rosa s'afficha sur l'écran.

- Oui Rosa ?

- Bonjour Jimmy, comment tu vas ?

- Bien merci et toi ?

Même si Rosa en temps normal était sa confidente et sa complice dans beaucoup de domaine, pour cette fois ci, il préféra éluder le sujet. Ce n'était pas exactement un mensonge, physiquement il se portait plutôt bien, c'était seulement que dans sa tête, tout n'était pas forcément bien ordonné. Et puis surtout, ce n'était pas lui qui se battait contre la maladie. Ses petits désordres n'étaient pas une priorité.

- Ça va Jimmy, je te remercie. Je t'appelais pour te dire que tu avais une nouvelle aide ménagère. La personne que ton père a engagé pour ton grand-père a aussi accepté de travailler pour toi.

- Super ! Tu l'as déjà rencontré ? Elle est comment ? Enfin je veux dire, qu'est-ce qu'elle t'inspire ? se rattrapa-t-il de justesse.

- Elle m'a donné l'impression d'être volontaire, mais sur le travail, je ne peux rien te dire, elle n'a aucun antécédent, aucune référence. Ce qui fait enrager ton père, parce que figure-toi qu'il l'avait remercié justement parce qu'elle n'avait pas de C.V. Mais ton grand-père, l'a vu arriver de la fenêtre de sa chambre et il en est tombé amoureux d'un coup qu'il m'a dit, alors pour être sûr qu'elle soit embauchée, il l'a attendu en bas de l'escalier qui mène au bureau de ton père et moi il m'a chargé de récupérer son numéro de téléphone pour pouvoir la joindre une fois qu'il aurait fait abdiquer ton père, parce qu'il pressentait qu'elle ne serait pas prise. Il a dit : "Elle n'est pas assez conventionnelle pour Arthur, c'est sûr qu'il va la jeter ! Et bien, c'est ce qu'on va voir !".

Jimmy écoutait tout en souriant le récit de Rosa. Une fois de plus, Georges n'en avait fait qu'à sa tête, une fois de plus, il s'était montré irraisonnable...

- Mon pauvre père, compatit Jimmy. Mais quand donc va-t-il grandir le grand-père ???

- C'est malheureusement trop tard pour Georges, à son âge, il ne faut plus rien espérer... Donc, elle commence jeudi chez toi !

- D'accord.

Puis, après avoir réfléchi un instant, il ajouta :

- Mais, il faudrait peut-être lui montrer l'appart avant qu'elle commence, non ?

- Déjà fait, j'en sors justement.

Le temps qu'il digère l'information et qu'il se rappelle dans quel état il avait laissé son intérieur, le laissa sans voix un moment. Rosa reprit :

- Oui, elle a vu tes chaussettes et ton caleçon qui traînaient en vrac au pied de ton lit et la vaisselle sale dans l'évier ! Et tu sais quoi ?

- Non, quoi, dit-il un nœud dans la gorge.

- Elle a survécu !!!

- Très drôle Rosa, vraiment très drôle. Tu sais que si vous aviez pris la peine de me prévenir...

- J'ai pas eu le temps, ton père m'a envoyé chez toi avec elle, juste après avoir signée son contrat !

- Bon, maintenant que c'est fait...

- Ne t'inquiète pas, elle ne s'est pas formalisée de si peu.

- Mouais... Et comment s'appelle-t-elle ?

- Myrtille Dessange.

- Myrtille ? Ça existe un tel prénom ? demanda-t-il très étonné.

- Oui, moi aussi je ne connaissais pas. Mais d'après ton grand-père, elle le porte très bien. Va donc savoir pourquoi il dit ça, dit-elle en riant. Je te laisse travailler mon p'tit Jimmy, on se voit dimanche à la résidence ?

- Oui, oui, j'y serai. À dimanche Rosa, bonne fin de journée et merci pour tout !

Il raccrocha son téléphone mais il n'eut pas le temps de le poser que celui de son bureau se mit à sonner.

- Mr Lewis, annonça Marie, la secrétaire de l'entreprise. Il veut savoir si la situation est débloquée.

- Dites lui que nous sommes en ce moment même penchés sur les plans. Je le rappellerai demain pour lui faire un compte rendu. En espérant que pour une fois, il arrive à patienter jusqu'à mon appel...

- Oui, parce que je ne suis pas payée pour me faire insulter tous les jours !

- Je sais, soupira Jimmy, conscient du désagrément que ce client tout particulièrement, occasionnait au sein de l'entreprise. Merci Marie.

Il raccrocha en espérant vraiment que cela contiendrait le client jusqu'au lendemain. Bien forcé et contraint, il replongea son regard dans les plans, sachant d'avance qu'il ne trouverait pas de solution miracle dans le temps imparti...

Il rentra tard ce soir-là, complètement exténué de s'être creusé les méninges sur un problème auquel il ne voyait pas de solution. Il passa la carte dans la fente pour ouvrir la porte d'entrée quand une voix l'interpella :

- Eh, Jimmy, j'ai sorti Shelby !

- Donovan, comment tu vas ?

- Moins fatigué que toi, constata-t-il.

- T'as deux minutes ?

Un sourire radieux s'afficha sur le visage de l'adolescent.

- Même trois ! adjugea-t-il en pénétrant dans l'appartement de Jimmy.

Assis au bar de la cuisine, Jimmy écoutait Donovan lui raconter sa journée au collège. Voisin de palier, il vivait avec sa mère, Dominique, directrice d'une grande chaîne de magasins dans l'ameublement design. De ce fait, trop souvent seul chez lui, Jimmy laissait l'adolescent lui tenir compagnie. Ils s'appréciaient tous les deux, ils discutaient de tout et de rien, jouaient à la console de jeux, regardaient des matchs de rugby ou des films en mangeant des pizzas, promenaient la chienne ensemble. Leur relation s'apparentait à celle que deux frères auraient pu avoir. Jimmy se retrouvait beaucoup en Donovan au même âge et ce dernier se confiait à lui, comme l'aurait fait un petit frère à son aîné.

Quand Donovan en eut fini avec sa journée, Jimmy lui apprit que Rosa ne travaillerait plus chez lui.

- Je savais que ça arriverait, avoua l'adolescent. Sa maladie s'est aggravée, c'est pour ça ?

- C'est le traitement qui la fatigue beaucoup. Il faut qu'elle se repose.

- Je comprends. Tu m'emmèneras la voir de temps en temps ? Histoire qu'elle ne me manque pas trop...

- Evidemment. Sa remplaçante commence jeudi.

- Déjà ? Tu perds pas de temps, dit Donovan en souriant.

- Oui, je trouve aussi que c'est rapide, mais c'est pas plus mal.

- Dommage, je serai en cours. Je vais pas pouvoir faire ma commère en guettant l'arrivée de la nouvelle ! C'est quoi son nom d'ailleurs ?

- Mademoiselle Myrtille Dessange.

À l'énoncé du nom, Donovan partit dans un grand éclat de rire.

- Mais c'est quoi ce nom ? dit-il entre deux respirations saccadées. Faut être tordu pour appeler sa fille comme ça !

Même s'il était de l'avis de l'adolescent, Jimmy ne répondit pas. Il s'en fichait bien du nom, ce qui l'inquiétait plus, était de confier son appartement aux bons soins d'une étrangère...

- Ça ne changera rien de nos habitudes ? demanda subitement Donovan. Je sortirai Shelby tous les midis en rentrant du collège et à chaque fois que je le peux quand je suis en vacances ?

- Ça ne changera rien, le rassura Jimmy. Tu feras comme tu pourras et comme tu voudras.

- Cool !

- Et qui sait, ça se trouve tu t'entendras bien avec elle et t'auras même droit à ton chocolat chaud, comme avec Rosa.

Le sourire radieux de l'adolescent fit à son tour sourire Jimmy.

Donovan parti, Jimmy pu enfin se détendre. Avachi sur le canapé, les jambes allongées sur la table basse, une bière à la main, caressant sa chienne blottie contre lui de l'autre, il regardait sans vraiment la voir, la télévision. Son portable vibra, affichant le visage de Christopher.

- Ouais, grogna-t-il, tout en buvant une gorgée de bière.

- Charmant accueil ! Je peux rappeler plus tard si je t'emmerde tant que ça ? lui balança son ami sans ménagement.

- Mais non, Christo. J'ai eu une sale journée, c'est tout.

- Ah ben justement, ça tombe bien, ce que j'ai à te proposer est justement conseillé après une sale journée. Sauf que ce n'est pas pour ce soir, mais plutôt vendredi soir. Tu vois ce que je veux dire ?

- Ah non ! Je n'y retournerai pas dans ton truc dégueulasse. Ce sera sans moi !

- Ok, j'insiste pas... Mais comme les réservations se font un peu à l'avance... Enfin c'est toi qui voit... Je propose, tu disposes, l'ami.

- Merci Christo, mais j'ai franchement d'autres choses en tête.

- Comme ?

Jimmy lui expliqua comment un client exigeant avait réussi à lui pourrir ses deux dernières journées.

- Il veut une piscine naturelle dans son jardin. Le problème est que son terrain est placé dans une zone classée et là ça devient compliqué. Je ne vais pas t'embrouiller l'esprit avec des termes juridiques, mais pour faire court, il est soumis à des lois très précises. Il ne peut pas faire ce qu'il veut ! Je peux peut-être lui en construire une plus petite, mais c'est même pas sûr. Il tient à conclure l'affaire rapidement et avec moi bien sûr, parce qu'on est la seule entreprise dans le secteur et qu'en faire venir une d'ailleurs va lui revenir trop cher. Je dois me démerder tout seul, quitte à contourner la loi... Enfin ça, il me l'a pas dit, juste fait comprendre...

- C'est qui ce chieur ?

- Il s'appelle Lewis.

- Un gros à lunettes ???

- Oui, c'est ça. Tu le connais ?

- Oui, c'est lui qui avait le bon numéro quand je croyais que c'était moi qui avais gagné ! C'est lui qui m'a piqué Skyler !!!

- Euh, techniquement, il t'a rien piqué du tout, tu sais pas lire, c'est tout !

- Je ne relèverais pas le sarcasme dans ta voix, en tout cas, il a mauvaise réputation au club.

- Comment tu le sais ?

- On me l'a dit...

Jimmy comprit à son ton évasif ce qu'il insinuait.

- Je vois le genre de personne qui a pu te dire ça. Et ELLES t'ont dit quoi au juste ?

- Elles sont pas parties dans le détail, mais apparemment, il a des goûts très particuliers. Elles le fuient comme la peste, enfin quand elles le peuvent...

- Si je pouvais moi aussi m'en débarrasser...

- Parles-en à ton père, il saura sûrement t'orienter.

- Ouais. Je voulais régler ça moi-même, mais je vois vraiment pas comment...

- Bon, je te laisse continuer à te détendre, et si tu changes d'avis, je réserve demain soir pour vendredi soir, ok ?

- Message reçu, mais ce sera sans moi !

Jimmy raccrocha et laissa tomber le téléphone sur le canapé. La main libre, il pu caresser à nouveau sa chienne.

- Tu connais pas ton bonheur toi, lui dit-il en finissant sa bière.

Il tapa d'un coup sec, mais sans lui faire mal, le haut de sa cuisse en ajoutant :

- Allez, au pieu ma vieille. Il est grand temps !

La chienne s'étira de tout son long et bailla bruyamment avant de descendre, mais sans empressement, du canapé pour rejoindre son panier. Jimmy se leva aussi, posa la bouteille vide sur la table, fit une petite caresse sur le haut du crâne de Shelby et se dirigea vers la cage des perroquets.

- Bonne nuit les amoureux.

Il passa ses doigts aux travers des barreaux en direction de chaque oiseau. Comme d'habitude, la femelle accepta la caresse et comme d'habitude, le mâle menaça de son bec le doigt de son propriétaire.

- Tu es vraiment trop bête, se désespéra Jimmy.

Mojito n'aimait pas les hommes. Il n'acceptait les caresses que lorsque qu'elles provenaient des femmes. Le problème étant que les femmes dans l'appartement de Jimmy, n'étaient pas un fait coutumier. Mis à part Rosa, une fois par semaine et Lydie encore moins que ça... Les conquêtes d'un soir, on n'en parlait même pas, elles ne venaient jamais à l'appartement.

Il couvrit la cage avec un épais tissus pour assurer une certaine tranquillité aux oiseaux et il partit lui aussi, se coucher.

...

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